Vincenzo Prata (Appelant)
c.
Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigra-
tion (Intime)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, le juge
Thurlow et le juge suppléant Sweet —Toronto,
le 26 octobre 1972.
Immigration—Droits civils—Ordonnance d'expulsion—
Requête en annulation présentée à la Commission d'appel de
l'immigration—Certificat déposé fondé sur des rapports de
police criminelle—Question soustraite à la compétence de la
Commission—L'appelant a-t-il été privé de son droit à «l'é-
galité devant la loi»—Loi sur la Commission d'appel de
l'immigration, S.R.C. 1970, c. I-3, art. 15, 21—Déclaration
canadienne des droits, art. lb).
L'appelant a interjeté appel d'une ordonnance d'expulsion
devant la Commission d'appel de l'immigration. Un certifi-
cat portant la signature du ministre de la Main-d'oeuvre et
l'Immigration et du Solliciteur général, conformément à
l'article 21 de la Loi sur la Commission d'appel de l'immi-
gration, S.R.C. 1970, c I-3, a été versé au dossier devant la
Commission. Ils y déclarent qu'à leur avis, fondé sur des
rapports de police criminelle, il serait contraire à l'intérêt
national que la Commission exerce le pouvoir que lui con-
fère l'article 15 pour surseoir à l'exécution de l'ordonnance
d'expulsion ou pour l'annuler. La Commission a rejeté la
requête de l'avocat de l'appelant qui demandait de pouvoir
prendre connaissance des rapports de police criminelle. La
Commission a, en outre, estimé qu'en raison du dépôt du
certificat conformément à l'article 21, elle n'avait plus la
compétence nécessaire pour exercer ses pouvoirs en vertu
de l'article 15.
Arrêt (le juge Thurlow étant dissident): il y a lieu de
rejeter l'appel.
La Cour: La Commission d'appel de l'immigration n'est
pas compétente pour accorder un redressement en vertu de
l'article 15 de la Loi sur la Commission d'appel de l'immi-
gration si un certificat a été déposé conformément à l'article
21.
Le juge en chef Jackett: A la lumière de notre tradition
législative et judiciaire, l'article 21 n'implique pas la possibi-
lité que l'intéressé soit entendu avant le dépôt du certificat.
Le juge en chef Jackett, le juge Thurlow étant dissident,
(le juge suppléant Sweet n'exprimant pas d'opinion): l'appe-
lant n'a pas été privé de son droit à «l'égalité devant la loi»
garanti par l'article 1 b) de la Déclaration canadienne des
droits parce qu'il a été placé dans une catégorie de person-
nes à l'égard de laquelle l'article 21 de la Loi sur la
Contirnission d'appel de l'immigration a retiré à la Commis
sion le droit, conféré par l'article 15, de surseoir à l'exécu-
tion de l'ordonnance d'expulsion ou de l'annuler.
APPEL d'une décision de la Commission
d'appel de l'immigration.
J. A. Hoolihan, c.r. pour l'appelant.
E. A. Bowie et L. R. Olsson pour l'intimé.
LE JUGE EN CHEF JACKETT—Le présent
appel porte sur une décision de la Commission
d'appel de l'immigration rejetant l'appel inter-
jeté d'une ordonnance d'expulsion rendue
contre l'appelant le 29 octobre 1971.
L'appelant n'a pas contesté la validité de l'or-
donnance d'expulsion. L'appel est fondé sur la
prétention que la Commission d'appel de l'im-
migration a commis une erreur de droit en refu-
sant d'exercer son pouvoir discrétionnaire' aux
fins d'annuler l'ordonnance d'expulsion au
motif qu'un certificat déposé devant la Commis
sion porte que deux Ministres de la Couronne
sont d'avis, en raison de rapports de police
criminelle, qu'il serait contraire à l'intérêt natio
nal de le faire.
Les dispositions applicables de la Loi sur la
Commission d'appel de l'immigration sont les
suivantes:
15. (1) Lorsque la Commission rejette un appel d'une
ordonnance d'expulsion ou rend une ordonnance d'expul-
sion en conformité de l'alinéa 14 c), elle doit ordonner que
l'ordonnance soit exécutée le plus tôt possible. Toutefois,
a) dans le cas d'une personne qui était un résident perma
nent à l'époque où a été rendue l'ordonnance d'expulsion,
compte tenu de toutes les circonstances du cas, ou
b) dans le cas d'une personne qui n'était pas un résident
permanent à l'époque où a été rendue l'ordonnance d'ex-
pulsion, compte tenu
(i) de l'existence de motifs raisonnables de croire que,
si l'on procède à l'exécution de l'ordonnance, la per-
sonne intéressée sera punie pour des activités d'un
caractère politique ou soumise à de graves tribulations,
ou
(ii) l'existence de motifs de pitié ou de considérations
d'ordre humanitaire qui, de l'avis de la Commission,
justifient l'octroi d'un redressement spécial,
la Commission peut ordonner de surseoir à l'exécution de
l'ordonnance d'expulsion ou peut annuler l'ordonnance et
ordonner d'accorder à la personne contre qui l'ordon-
nance avait été rendue le droit d'entrée ou de
débarquement.
21. (1) Nonobstant la présente loi, la Commission ne doit
pas
a) dans l'exercice de sa discrétion en vertu de l'article 15
surseoir à l'exécution d'une ordonnance d'expulsion ou,
par la suite, prolonger ou renouveler le sursis, annuler une
ordonnance d'expulsion, ou ordonner que le droit d'entrée
ou de débarquement soit accordé à toute personne, ou
b) rendre une décision, en vertu de l'article 17, portant
qu'une personne dont l'admission est parrainée ainsi que
le répondant de cette personne se conforment aux exigen-
ces mentionnées dans cet article,
s'il est produit auprès de la Commission un certificat signé
par le Ministre et par le solliciteur général où ils déclarent
qu'à leur avis, fondé sur les rapports de sécurité ou de
police criminelle qu'ils ont reçus et étudiés, il serait, pour la
Commission, contraire à l'intérêt national de prendre cette
mesure.
(2) Tout certificat présenté comme revêtu de la signature
du Ministre et du solliciteur général en conformité du para-
graphe (1) est réputé revêtu de leur signature et la Commis
sion doit l'admettre sans preuve des signatures ou du carac-
tère officiel des personnes qui semblent l'avoir signé, à
moins que le Ministre ou le solliciteur général ne le contes-
tent. Ce certificat constitue une preuve péremptoire des
énonciations qu'il renferme.
Ces dispositions faisaient partie du texte ini
tial de la Loi sur la Commission d'appel de
l'immigration, soit le chapitre 90 des statuts de
1966-1967. Je le rappelle pour faire observer
que la portée de l'article 15 a donc toujours été
restreinte par l'article 21.
Lors de l'audition devant la Commission
d'appel de l'immigration, le président de la
Commission a déclaré à l'ouverture de l'au-
dience que la Commission avait reçu, conformé-
ment à l'article 21, signification d'un certificat
rédigé dans les termes suivants:
[TRADUCTION] CERTIFICAT
(ARTICLE 21, LOI SUR LA COMMISSION D'APPEL
DE L'IMMIGRATION)
Nous, soussignés, certifions par les présentes que nous
sommes d'avis, en raison des rapports de police crimi-
nelle que nous avons reçus et examinés, qu'il serait
contraire à l'intérêt national que la Commission d'appel
de l'immigration exerce le pouvoir discrétionnaire que
lui confère l'article 15 de la Loi sur la Commission
d'appel de l'immigration et qu'elle prenne la décision
énoncée à l'article 21(1)a) de ladite loi relativement
à l'ordonnance d'expulsion rendue contre
VINCENZO PRATA
le 29 octobre 1971 London (Ontario).
Solliciteur général Ministre de la Main-d'oeuvre
et de l'Immigration
par intérim
(Signature) J. P. Goyer (Signature) J. Marchand
Ottawa (Ontario), Ottawa (Ontario),
le 30 novembre 1971. le 30 novembre 1971.
Ayant ainsi été informé du dépôt d'un certificat
en vertu de l'article 21, l'avocat de l'appelant a
demandé à la Commission par voie de requête
des copies des rapports que mentionne ce certi-
ficat pour qu'il puisse préparer une défense. La
Commission a rejeté la requête au motif que la
loi édicte que le certificat constitue une preuve
péremptoire des énonciations qu'il renferme, et
qu'elle lui donne un caractère incontestable.
La Commission a entendu l'appel et l'a
ensuite rejeté. Dans ses motifs, après avoir
énoncé les raisons pour lesquelles l'appel inter-
jeté de l'ordonnance d'expulsion devait être
rejeté, la Commission a déclaré:
[TRADUCTION] En ce qui concerne le pouvoir discrétion-
naire que l'article 15 confère à la Commission, la Commis
sion décide qu'en raison du dépôt d'un certificat en vertu de
l'article 21 de la Loi sur la Commission d'appel de l'immi-
gration, elle n'a pas le pouvoir de prendre l'appel de l'appe-
lant en considération aux termes de l'article 15, et, par suite,
elle ordonne que l'ordonnance soit exécutée le plus tôt
possible.
Je vais maintenant résumer ce que je retiens
des arguments de l'appelant contre la validité de
cette décision de la Commission d'appel de l'im-
migration, tels qu'ils ont été formulés dans son
«exposé des faits et du droit» et dans la plaidoi-
rie de son avocat:
1. Le fait qu'on n'ait pas autorisé l'appelant à
prendre connaissance des rapports de police
criminelle sur lesquels est fondé le certificat
prévu à l'article 21 «constitue un déni de
justice naturelle». Il soutient que ces rapports
pourraient contenir des erreurs ou des rensei-
gnements préjudiciables à l'appelant, qui
aurait pu les corriger, et qu'on aurait dû lui
fournir l'occasion de corriger. Cela revient à
dire que l'appelant a été privé du droit qu'il a
d'être entendu conformément aux principes
de la justice naturelle.
2. La Commission d'appel de l'immigration a
commis une erreur en ce qu'elle n'a pas inter-
prété et appliqué les articles 15 et 21 de la
Loi sur la Commission d'appel de l'immigra-
tion de manière à ne pas supprimer, restrein-
dre ou enfreindre ou de manière à ne pas
autoriser la suppression, diminution ou trans
gression de certains des droits et libertés
reconnus ou énoncés dans la Déclaration
canadienne des droits. Il s'est appuyé, en
particulier, sur les articles 1 a) et b) et sur les
articles 2a) et e) de la Déclaration canadienne
des droits.
Dans la mesure où l'appel est fondé sur le
motif que l'appelant a été privé du droit de se
faire entendre, du fait qu'il n'a pas eu l'occasion
de répondre aux allégations contenues dans les
rapports sur lesquels est fondé le certificat
prévu à l'article 21, il me semble que si l'appe-
lant a été privé d'un tel droit, il ne saurait s'agir.
que du droit d'être entendu avant que les Minis-
tres ne signent le certificat. Puisque, si l'appe-
lant avait effectivement ce droit, il en a mani-
festement été privé, il était donc " fondé à
soutenir devant la Commission d'appel de l'im-
migration que le certificat ne pouvait pas lui
être opposé et que la Commission ne devait pas
en tenir compte. C'est ainsi que l'avocat de
l'appelant a présenté son argument au cours des
débats.
En ce qui concerne l'argument fondé sur la
justice naturelle et celui fondé sur la Déclara-
tion canadienne des droits, je crois qu'il est
important d'étudier ici les effets respectifs des
articles 15 et 21, quant au fond plutôt qu'à la
forme.
En premier lieu, et abstraction faite, pour
simplifier l'analyse, du cas d'un résident perma
nent, l'article 15, compte tenu de l'article 21,
donne aux personnes qui peuvent légalement
être expulsées, mais qui ne présentent pas, aux
points de vue de la sécurité et de la police
criminelle, un risque tel qu'il serait contraire à
l'intérêt national de leur permettre de demeurer
au Canada, le droit de demander d'être exemp-
tées, pour des motifs de pitié ou des considéra-
tions d'ordre humanitaire, des dispositions de la
Loi sur l'immigration, S.R.C. 1970, c. I-2, aux
termes desquelles il leur est légalement interdit
de demeurer au Canada.
En second lieu, la tâche de choisir les person-
nes susceptibles d'expulsion auxquelles il y a
lieu d'accorder cette exemption est confiée à un
tribunal impartial, la Commission d'appel de
l'immigration, qui exerce ce pouvoir à la
lumière d'éléments de preuve recueillis de
manière judiciaire.
Enfin, la tâche de choisir, dans la catégorie
des personnes susceptibles d'expulsion qui peu-
vent demander de bénéficier de cette exemp
tion, celles qui, pour des motifs de sécurité ou
parce qu'elles sont soupçonnées d'avoir une
activité criminelle ou d'être rattachées à une
activité criminelle, doivent être expulsées dans
l'intérêt national, à la lumière de rapports de
«police criminelle», est confiée à des Ministres
désignés, probablement pour les raisons qui
conduisent ordinairement à attribuer ce genre
de pouvoirs à des ministres responsables,
notamment,
a) parce que ces décisions sont fondées sur
des renseignements d'une nature telle que
leur exactitude ne peut être établie par les
moyens de preuve normalement admis par les
tribunaux judiciaires, et
b) parce que les personnes qui fournissent
ces renseignements cesseront de collaborer si
leur anonymat n'est pas protégé.
A mon avis, ces trois observations résument
assez bien le fond des articles 15 et 21 considé-
rés en regard l'un de l'autre; il est alors sans
importance que les rédacteurs aient choisi d'ar-
river au but visé en donnant un pouvoir à une
commission et en interdisant à cette commis
sion d'exercer ce pouvoir lorsque certains
ministres signent un certificat d'une teneur par-
ticulière. A mon avis, les rédacteurs auraient pu
obtenir le même résultat en rédigeant des dispo
sitions prévoyant
a) qu'une personne visée par une ordonnance
d'expulsion valide, sauf une personne qui pré-
sente, aux points de vue de la sécurité ou de
la police criminelle, un risque tel qu'il serait
contraire à l'intérêt national de lui permettre
de demeurer au Canada, peut être exemptée
des dispositions de la Loi sur l'immigration
aux termes desquelles il lui est légalement
interdit de demeurer au Canada, compte tenu
(i) de l'existence de motifs raisonnables de
croire que, si l'on procède à l'exécution de
l'ordonnance, la personne intéressée sera
punie pour des activités d'un caractère poli-
tique ou soumise à de graves tribulations.
ou
(ii) de l'existence de motifs de pitié ou de
considérations d'ordre humanitaire qui jus-
tifient cette exemption;
b) que la question de savoir si une personne
susceptible d'expulsion présente, aux points
de vue de la sécurité ou de la police crimi-
nelle, un risque tel qu'il serait contraire à
l'intérêt national de lui permettre de demeurer
au Canada sera tranchée par le Ministre et le
Solliciteur général sur la base des rapports de
sécurité ou de police criminelle qu'ils auront
reçus et pris en considération; et
c) que le pouvoir d'accorder une exemption
aux termes du paragraphe a) est conféré à un
tribunal impartial, la Commission d'appel de
l'immigration.
Je rejette la prétention selon laquelle l'appe-
lant pouvait exiger qu'on lui fournisse l'occa-
sion de répondre aux allégations contenues dans
les rapports sur lesquels est fondé le certificat
prévu à l'article 21. A mon avis, considérant le
fond et la forme de l'article 21, il est clair que le
législateur vise un certificat dans lequel les
Ministres font état d'une opinion fondée exclu-
sivement sur des «rapports de sécurité ou de
police criminelle qu'ils reçoivent et prennent en
considération». A mon avis, lorsque les articles
15 et 21 sont lus en regard l'un de l'autre, il est
clair que les dispositions de ces articles reflè-
tent les considérations suivantes, savoir, que
bien que le privilège de demeurer au Canada
puisse exceptionnellement être accordé à certai-
nes personnes susceptibles d'expulsion, compte
tenu d'éventuelles sanctions d'un caractère poli-
tique, d'un risque de graves tribulations ou de
motifs de pitié ou de considérations d'ordre
humanitaire, et bien que la tâche de choisir,
parmi les personnes susceptibles d'expulsion,
celles auxquelles ce privilège sera accordé
puisse être confiée à un tribunal impartial qui
prendra une décision à la lumière d'éléments de
preuve recueillis de manière judiciaire, ce privi-
lège ne peut pas être accordé aux personnes qui
peuvent mettre l'intérêt national en péril, eu
égard à certains rapports de sécurité ou au fait
qu'une certaine activité criminelle ou qu'une
participation à une telle activité leur est attri-
buée, et la tâche de décider quelles personnes
doivent être incluses dans cette dernière catégo-
rie de personnes, c'est-à-dire celles à qui le
privilège ne peut être accordé en raison de
l'intérêt national, doit être confiée aux membres
du pouvoir exécutif de l'État, pour des raisons
qui s'inscrivent dans la tradition, par exemple:
a) parce que la nature des renseignements
d'après lesquels ces décisions sont prises ne
permet pas d'en établir l'exactitude au moyen
de preuves telles que peut normalement en
entendre un tribunal judiciaire, et
b) parce que les personnes qui fournissent
ces renseignements cesseront de collaborer si
leur anonymat n'est pas protégé.
Il n'appartient pas à cette Cour d'exprimer une
opinion sur la nécessité, dans les circonstances
actuelles, de faire état de ces considérations
dans la loi. A mon avis, d'après les termes de la
loi, il est clair que notre tradition judiciaire et
législative quant à la sécurité et à la police
criminelle a été traduite dans l'article 21 et que
les dispositions de cet article doivent être inter-
prétées en conséquence. Il s'ensuit que l'article
21 vise un certificat produit sans que la per-
sonne qui en fait l'objet ait eu l'occasion de se
faire entendre sur son contenu.
Je vais maintenant étudier les arguments qui
découlent de la Déclaration canadienne des
droits, 1960, c. 44 (voir Annexe III aux S.R.C.
1970).
Les dispositions de la Déclaration canadienne
des droits que l'on a invoquées sont les
suivantes:
1. Il est par les présentes reconnu et déclaré que les
droits de l'homme et les libertés fondamentales ci-après
énoncés ont existé et continueront à exister pour tout indi-
vidu au Canada quels que soient sa race, son origine natio-
nale, sa couleur, sa religion ou son sexe:
a) le droit de l'individu à la vie, à la liberté, à la sécurité
de la personne ainsi qu'à la jouissance de ses biens, et le
droit de ne s'en voir privé que par l'application régulière
de la loi;
b) le droit de l'individu à l'égalité devant la loi et à la
protection de la loi;
2. Toute loi du Canada, à moins qu'une loi du Parlement
du Canada ne déclare expressément qu'elle s'appliquera
nonobstant la Déclaration canadienne des droits, doit s'in-
terpréter et s'appliquer de manière à ne pas supprimer,
restreindre ou enfreindre l'un quelconque des droits ou des
libertés reconnus et déclarés aux présentes, ni à en autoriser
la suppression, la diminution ou la transgression, et en
particulier, nulle loi du Canada ne doit s'interpréter ni
s'appliquer comme
a) autorisant ou prononçant la détention, l'emprisonne-
ment ou l'exil arbitraires de qui que ce soit;
e) privant une personne du droit à une audition impartiale
de sa cause, selon les principes de justice fondamentale,
pour la définition de ses droits et obligations;
Dans l'étude des arguments de l'appelant
fondés sur la Déclaration canadienne des droits,
il est important de garder présent à l'esprit que
tout ce que l'appelant attribue à une injustice,
dans la présente affaire, est le résultat direct de
l'ordonnance d'expulsion. Toutefois, il ne con-
teste pas la validité de l'ordonnance d'expulsion
et il ne prétend pas que l'ordonnance n'ait pas
été rendue conformément à la procédure prévue
par la Loi sur l'immigration et ses règlements
d'application. Il ne prétend pas non plus que la
procédure n'ait pas été une «application régu-
lière de la loi», aux termes de l'article 1 a) de la
Déclaration canadienne des droits, ou qu'elle
n'ait pas été conforme «aux principes de justice
fondamentale», aux termes de l'article 2e) de la
Déclaration canadienne des droits. Par consé-
quent, dans la mesure où l'on peut dire que
l'ordonnance d'expulsion a porté atteinte à son
droit «à la vie, à la liberté, à la sécurité de la
personne ainsi qu'à la jouissance de ses biens»
ou qu'elle a modifié ses «droits» et «obliga-
tions», il n'y a eu aucune violation de l'article 2
de la Déclaration canadienne des droits, par
rapport aux articles 1 a) ou 2e) de celle-ci.
De plus, puisque la validité de l'ordonnance
d'expulsion et la façon dont elle a été rendue ne
sont pas contestées, il ne peut être question de
détention, d'emprisonnement ou d'exil «arbitrai-
res» de l'appelant aux termes de l'article 2a) de
la Déclaration canadienne des droits.
Par conséquent, je considère que la seule
question litigieuse est celle de savoir si l'appli-
cation de l'article 21 de la Loi sur la Commis
sion d'appel de l'immigration a «privé» l'appe-
lant de son «droit à l'égalité devant la loi» de
sorte que le jeu de l'article 1 b) et de l'article 2
de la Déclaration canadienne des droits rende
les dispositions de l'article 21 inopérantes.
Il n'est pas possible de prétendre qu'il y a eu
«discrimination fondée sur la race, l'origine
nationale, la couleur, la religion ou le sexe».
L'argument tiré de l'article 1 b) de la Déclara-
tion canadienne des droits ne peut donc consis-
ter qu'à dire que l'article 21 de la Loi sur la
Commission d'appel de l'immigration, en
excluant la catégorie de personnes dont l'appe-
lant fait partie de la catégorie de personnes
susceptibles d'expulsion auxquelles un privilège
relatif au fond même de leur droit peut être
accordé aux termes de l'article 15, viole dans le
cas de l'appelant le droit des particuliers à «l'é-
galité devant la loi».
Comme l'a laissé entendre le juge Laskin
dans l'arrêt Curr c. La Reine [1972] R.C.S. 889,
il est possible que l'article lb) «doive s'interpré-
ter comme étant entièrement conjonctif, la
déclaration relative à la protection de la loi
renforçant la garantie de l'égalité devant la loi».
L'expression «l'égalité devant la loi» m'a tou-
jours semblé signifier que les différentes per-
sonnes à qui la loi s'applique devaient être
traitées de la même façon. Il ne m'est jamais
venu à l'esprit que le principe de «l'égalité
devant la loi» interdise au Parlement d'adopter,
pour des raisons dictées par une saine politique
législative, des lois qui s'appliquent à une caté-
gorie de personnes à l'exclusion d'une autre. Il
me semble qu'il est de la nature même de la
fonction législative de viser à créer des disposi
tions applicables à des catégories de personnes
et dans des circonstances définies de façon à
favoriser la réalisation des objectifs nationaux,
d'ordre économique, social ou autre, fixés par le
Parlement. Le fait qu'une règle de fond s'appli-
que à une catégorie de personnes et non à une
autre ne peut pas, à mon sens, constituer en
lui-même une discrimination inacceptable aux
termes de l'article 1 b) de la Déclaration cana-
dienne des droits. Cela n'empêche pas qu'une loi
ne puisse être discriminatoire à d'autres points
de vue, de la même manière qu'une loi peut être
discriminatoire «quant à la race, l'origine natio-
nale, la couleur, la religion ou quant au sexe».
Dans un tel cas, j'estime que la loi correspon-
drait, dans la mesure où elle présenterait ce
caractère discriminatoire, à des objectifs législa-
tifs inacceptables 2 et contraires à l'article 1 b) de
la Déclaration canadienne des droits. Mais on
me permettra de reprendre, à l'égard de cet
argument d'incompatibilité avec l'article 1 b), les
observations du juge Laskin, dans l'affaire
Curr, sur les termes de l'article 1 a) et de les
appliquer aux termes de l'article 1 b): «c'est
avec une extrême prudence que j'aborde les
termes très généraux de l'article 1a) ... lors-
qu'on me demande de les appliquer pour annu-
ler des dispositions législatives de fond valide-
ment adoptées par un Parlement dans lequel les
représentants élus par le peuple jouent un rôle
primordial».
Je l'ai déjà signalé, la portée de l'article 15 de
la Loi sur la Commission d'appel de l'immigra-
tion me semble restreinte par l'article 21. L'un
et l'autre ont été promulgués simultanément et
l'article 21 s'applique «nonobstant la présente
loi». Par conséquent, la loi exclut de la catégo-
rie des personnes dont la Commission d'appel
de l'immigration a rejeté l'appel mais à l'égard
desquelles la Commission peut surseoir à l'exé-
cution de l'ordonnance d'expulsion ou annuler
cette dernière, la catégorie des personnes à l'é-
gard desquelles, suivant la décision des minis-
tres responsables de la Couronne, prise à la
lumière de rapports de sécurité ou de police
criminelle, «il serait contraire, à l'intérêt natio
nal que la Commission exerce ce pouvoir». A
mon avis, les personnes qui relèvent de cette
catégorie ne sont pas plus privées du droit à
l'égalité devant la loi, du fait que l'article 15 ne
leur est pas applicable, que ne l'est une per-
sonne d'une catégorie interdite qui, se trouvant
à l'extérieur du Canada, demande un visa d'im-
migrant. Cette dernière personne invoque les
lois canadiennes pour obtenir le privilège de
demeurer au Canada mais elle ne peut pas se
prévaloir de l'article 15 de la Loi sur la Com
mission d'appel de l'immigration, comme est
admis à le faire celui qui, étant d'abord venu au
Canada comme non-immigrant et ayant pro
longé son séjour au-delà de la période permise,
a fait l'objet d'une ordonnance d'expulsion.
Il y a manifestement des raisons valables
d'interdire l'application de l'article 15, d'abord
aux personnes qui sont à l'extérieur du Canada,
et ensuite aux personnes qui présentent un
risque du point de vue de la sécurité ou de la
police criminelle. En limitant ainsi la portée
d'une règle de fond, on ne prive pas, à mon
avis, l'individu que la règle ne vise pas de son
droit, à «l'égalité devant la loi».
A mon avis, pour les raisons que j'ai indi-
quées, il n'y a pas lieu, si on interprète correcte-
ment les articles 15 et 21 de la Loi sur la
Commission d'appel de l'immigration, d'en élar-
gir ou d'en limiter la portée de façon à ne pas
supprimer, restreindre ou enfreindre, directe-
ment ou indirectement, les droits et libertés
reconnus et énoncés par les alinéas a) et b) de
l'article 1 de la Déclaration canadienne des
droits; et par ailleurs, les articles 15 et 21 ne
sont pas contraires aux prohibitions des alinéas
a) et e) de l'article 2.
Je suis donc d'avis que l'appel doit être
rejeté.
* * *
LE JUGE THURLOW (dissident)—La principale
question soulevée par le présent appel est celle
de savoir si les droits de l'appelant à «l'égalité
devant la loi et à la protection de la loi» et à
«une audition impartiale de sa cause, selon les
principes de justice fondamentale», aux termes
de la Déclaration canadienne des droits, ont été
violés du fait du dépôt devant la Commission
d'appel de l'immigration d'un certificat con-
forme à l'article 21 de la Loi sur la Commission
d'appel de l'immigration, empêchant la Commis
sion de prendre en considération la demande de
redressement présentée par l'appelant en vertu
de l'article 15 de cette loi, ou du fait qu'on a
refusé de porter à la connaissance de l'appelant
les documents sur lesquels est fondé ce
certificat.
D'une manière générale, le droit d'un étranger
d'entrer ou de demeurer au Canada est régi par
la Loi sur l'immigration. Cette loi dispose par
ailleurs que dans certaines conditions, les étran-
gers peuvent être détenus et expulsés et prévoit
la procédure à suivre à cette fin. Une autre loi,
la Loi sur la Commission d'appel de l'immigra-
tion, crée un tribunal d'appel ayant compétence
exclusive pour déterminer en appel les droits
des étrangers à la lumière de la Loi sur l'immi-
gration. L'article 15 de la Loi sur la Commis
sion d'appel de l'immigration confère en outre à
ce même tribunal une faculté, jusque-là exercée
par le pouvoir exécutif fédéral, d'apporter, pour
des considérations d'ordre humanitaire propres
à chaque cas, certains tempéraments aux ordon-
nances d'expulsion régulièrement rendues aux
termes de la Loi sur l'immigration. Ce pouvoir
discrétionnaire doit être exercé d'une manière
judiciaire. Voir l'arrêt Boulis c. M.R.N.'
Toutefois, l'article 21(1) de la loi limite ce
pouvoir, ainsi que certains autres pouvoirs de la
Commission qui ne sont pas en cause dans le
présent appel. Cet article se lit comme suit:
21. (1) Nonobstant la présente loi, la Commission ne doit
pas
a) dans l'exercice de sa discrétion en vertu de l'article 15
surseoir à l'exécution d'une ordonnance d'expulsion ou,
par la suite, prolonger ou renouveler le sursis, annuler une
ordonnance d'expulsion, ou ordonner que le droit d'entrée
ou de débarquement soit accordé à toute personne, ou
b) rendre une décision, en vertu de l'article 17, portant
qu'une personne dont l'admission est parrainée ainsi que
le répondant de cette personne se conforment aux exigen-
ces mentionnées dans cet article,
s'il est produit auprès de la Commission un certificat signé
par le Ministre et par le solliciteur général où ils déclarent
qu'à leur avis, fondé sur les rapports de sécurité ou de
police criminelle qu'ils ont reçus et étudiés, il serait, pour la
Commission, contraire à l'intérêt national de prendre cette
mesure.
Un tel certificat a été déposé devant la Corn-
mission d'appel de l'immigration dans la pré-
sente affaire et, en fait, il a empêché la Corn-
mission de considérer, à la lumière des éléments
de preuve dont elle disposait, s'il y avait lieu
d'accorder un redressement aux termes de l'ar-
ticle 15. La Commission a déclaré à ce propos
dans ses motifs:
[TRADUCTION] En ce qui concerne le pouvoir discrétion-
naire que l'article 15 confère à la Commission, la Commis
sion décide qu'en raison du dépôt d'un certificat en vertu de
l'article 21 de la Loi sur la Commission d'appel de l'immi-
gration, elle n'a pas le pouvoir de prendre l'appel de l'appe-
lant en considération aux termes de l'article 15, et, par suite,
elle ordonne que l'ordonnance soit exécutée le plus tôt
possible.
Le certificat se lit comme suit:
[TRADUCTION] CERTIFICAT
(ARTICLE 21, LOI SUR LA COMMISSION D'APPEL
DE L'IMMIGRATION)
Nous, soussignés, certifions par les présentes que nous
sommes d'avis, en raison des rapports de police crimi-
nelle que nous avons reçus et examinés, qu'il serait
contraire à l'intérêt national que la Commission d'appel
de l'immigration exerce le pouvoir discrétionnaire que
lui confère l'article 15 de la Loi sur la Commission
d'appel de l'immigration et qu'elle prenne la décision
énoncée à l'article 21(1)a) de ladite loi relativement
à l'ordonnance d'expulsion rendue contre
VINCENZO PRATA
le 29 octobre 1971 London (Ontario).
Solliciteur général Ministre de la Main-d'oeuvre
et de l'Immigration
par intérim
(Signature) J. P. Goyer (Signature) J. Marchand
Ottawa (Ontario), Ottawa (Ontario),
le 30 novembre 1971. le 30 novembre 1971.
Au cours de l'audience devant la Commis
sion, l'appelant a demandé à celle-ci d'ordonner
la production des rapports mentionnés dans le
certificat, mais cette demande a été rejetée.
J'ai eu l'occasion de lire les motifs du juge en
chef et je ne conteste pas son interprétation de
l'article 21 de la Loi sur la Commission d'appel
de l'immigration, selon laquelle ce texte définit
les cas dans lesquels on a voulu refuser à la
Commission d'appel de l'immigration le pouvoir
d'annuler l'effet d'une ordonnance d'expulsion.
Je crois que l'article 21 indique clairement que
la Commission ne doit pas accorder les redres-
sements dont il y est fait mention lorsqu'on
dépose devant elle un certificat en conformité
de cet article; cette analyse me paraît confirmée
par l'emploi des termes «Nonobstant la pré-
sente loi», qui signifient, à mon avis, nonobstant
la création par la loi d'un tribunal d'appel com-
pétent à entendre les appels en matière d'immi-
gration et la reconnaissance du droit des étran-
gers et de certaines autres personnes
d'interjeter appel devant ce tribunal, et nonobs-
tant aussi les pouvoirs que la Commission peut
exercer en statuant sur un appel interjeté
devant elle.
Je ne mets pas davantage en doute le droit du
Parlement de voter de telles dispositions ou
l'utilité, l'opportunité, voire la nécessité, de
prendre des mesures législatives efficaces en
vue de sauvegarder l'intérêt national en veillant
à ce que les étrangers qui sont des ennemis de
l'État ou des criminels soient expulsés du
Canada ou ne soient pas admis à venir au
Canada, en courant même le risque, pour des
raisons d'efficacité, d'expulser du Canada ou de
refuser d'y admettre des étrangers qui ne
seraient pas réellement des ennemis de l'État ou
des criminels.
Mais il me paraît impossible de dire que l'on
traite un étranger comme égal devant la loi ou,
pour m'exprimer autrement, je ne crois pas que
l'on respecte le droit d'un étranger «à l'égalité
devant la loi et à la protection de la loi» au sens
de l'article 1 b) de la Déclaration canadienne des
droits lorsqu'on lui dénie le droit, que l'on
reconnaît aux autres étrangers, d'exiger que le
tribunal canadien compétent considère la
demande de redressement qu'il veut former,
ainsi que les preuves pertinentes qu'il veut pro-
duire à l'appui, et cela pour le seul motif que,
dans son cas, on a produit au tribunal le certifi-
cat signé par deux ministres de la Couronne
dont parle l'article 21. En pareil cas, il est selon
moi défavorisé par rapport aux autres étrangers
et fait l'objet de mesures d'une sévérité particu-
lière, non pas en vertu de l'application aux
circonstances de l'espèce d'une règle de droit
précise dont l'effet explicite est de le soustraire
à la règle normale, mais parce qu'une règle de
droit lui est devenue applicable du fait que deux
ministres de la Couronne ont déposé un certifi-
cat dans lequel ils font état d'une opinion qu'ils
se sont formée après avoir examiné certaines
questions qui le concernent, d'une manière qui
exclut l'application de la règle audi alteram
partem. Je veux bien admettre qu'il soit néces-
saire de résoudre de cette façon les problèmes
de sécurité, mais je ne crois pas que l'on res-
pecte ainsi le droit de l'individu à l'égalité
devant la loi et à la protection de la loi; pour ne
pas enfreindre la Déclaration canadienne des
droits, les dispositions créant ce mécanisme doi-
vent déclarer expressément qu'elles s'appli-
quent nonobstant la Déclaration canadienne des
droits, ainsi que l'exige l'article 2 de la
Déclaration.
Il me semble qu'il serait également possible
d'interpréter différemment l'article 21: l'objet
en serait alors de créer par voie législative un
nouveau genre de preuves, incontestables aussi
bien par les moyens classiques que par tout
autre moyen, et censées établir de façon con-
cluante qu'en l'espèce, les considérations d'or-
dre humanitaire ne justifient pas l'intervention
du tribunal en vertu de l'article 15. A mon avis,
toutefois, une telle disposition prive la personne
en cause de son droit d'être entendue conformé-
ment aux principes fondamentaux de la justice,
et il serait nécessaire, pour qu'on lui donne
effet, que la loi déclare qu'elle s'applique
nonobstant la Déclaration canadienne des
droits.
Je ferais droit à l'appel et je renverrais le
dossier à la Commission d'appel de l'immigra-
tion pour qu'elle statue sur le cas en considérant
que l'article 21 et le certificat déposé aux
termes de celui-ci ne privent pas l'appelant de
son droit d'être entendu sur le fond et, le cas
échéant, de son droit à un redressement aux
termes de l'article 15 de la Loi sur la Commis
sion d'appel de l'immigration.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT SWEET—Les étrangers
n'ont aucun droit absolu, naturel ou fondamen-
tal de venir au Canada. Il appartient au Parle-
ment de décider si l'autorisation de le faire peut
leur être accordée et, si elle leur est accordée, à
quelles conditions. Une longue série de lois ont
été successivement votées à ces fins, en vue
d'accorder cette autorisation et d'énoncer les
conditions, restrictions et limitations qu'elle
comporte.
Par suite, les lois relatives à l'immigration,
c'est-à-dire la Loi sur l'immigration et la Loi sur
la Commission d'appel de l'immigration, qui
accordent cette autorisation, confèrent des pri-
vilèges limités plutôt que des droits.
En cette matière, les lois ne peuvent manquer
d'influer, et souvent d'agir très profondément,
sur la vie des individus et les relations humai-
nes. Une application stricte et rigoureuse des
règles relatives à l'autorisation d'immigrer peut,
en certains cas, mettre les personnes concer-
nées dans une situation difficile, voire pénible.
On pouvait quelquefois éviter de donner nais-
sance à ces situations sans compromettre l'inté-
rêt national, en assouplissant ces restrictions et
ces limitations. Pour tenir compte de cette pos-
sibilité, et être en mesure d'accorder un redres-
sement lorsqu'il paraissait opportun de le faire,
le pouvoir exécutif pouvait, en vertu de ses
pouvoirs discrétionnaires, permettre à certains
individus d'entrer au Canada et d'y demeurer,
même s'ils ne pouvaient pas se conformer aux
règles relatives à l'immigration.
Le Parlement a investi la Commission d'appel
de l'immigration d'une partie, et d'une partie
seulement, de ce pouvoir discrétionnaire, jus-
que-là exercé exclusivement par le cabinet. Les
limites du pouvoir ainsi conféré à la Commis
sion ressortent des articles 15 et 21 de la Loi
sur la Commission d'appel de l'immigration, qui
doivent être lus l'un en regard de l'autre.
A mon avis, si l'on interprète correctement
ces deux articles, la Commission d'appel de
l'immigration n'a jamais eu, et n'a donc actuel-
lement ni compétence ni pouvoir discrétionnaire
sur les situations que vise l'article 15, dès l'ins-
tant où un certificat conforme à l'article 21 est
déposé devant elle. Or, en l'espèce, on a déposé
un tel certificat.
Je rejetterais l'appel.
LE JUGE EN CHEF JACKETT:
1 (en vertu de l'article 15 de la Loi sur la Commission
d'appel de l'immigration, S.R. 1970, c. I-3)
2 Par rapport à la Déclaration canadienne des droits, et à
moins, bien sûr, qu'on n'y déclare qu'elle s'applique
«nonobstant la Déclaration canadienne des droits».
LE JUGE THURLOW:
1 Décision de la Cour suprême du Canada rendue le 30
mars 1972, non encore publiée.
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