Oryx Realty Corporation (Appelante)
c.
Le ministre du Revenu national (Intimé)
et
Shofar Investment Corporation (Appelante)
c.
Le ministre du Revenu national (Intimé)
Division de première instance. Le juge Heald—
Montréal, le 24 novembre 1971; Ottawa, le 4
janvier 1972.
Impôt sur le revenu—Compagnie immobilière—Achat de
terrains aux termes de transactions non conclues à distan-
ce—Prix payable en dix ans—Loi de l'impôt sur le revenu
(1960) art. 12(3)—Ce coût est-il une «somme autrement
déductible, déboursée ou dépensée»—Vente ultérieure de ter-
rains—S'agissait-il d'une vente à distance?
En 1959, la compagnie O, agent immobilier, achète à la
compagnie L une parcelle de terrain aux termes d'une
transaction non conclue à distance; les actions de chacune
des compagnies sont détenues par les mêmes actionnaires.
Le prix d'achat est payable en un premier versement de
$1,000 comptant et le solde, soit $173,000, en huit verse-
ments annuels. Le 21 juillet 1960, toutes les actions de la
compagnie O sont vendues pour $151,000 à une autre
compagnie qui garantit le paiement des $173,000 dus sur
l'achat du terrain. Le même jour, la compagnie O vend le
terrain à la compagnie S pour la somme de $373,000,
payable en un premier versement de $38,000 en 1960, le
solde étant réparti sur huit années. Pour son année d'imposi-
tion 1960, la compagnie O a inclus dans son revenu le prix
de vente du terrain, soit $373,000, et s'est vue accorder, en
vertu de l'article 85s, une réserve de $172,726 de profit non
réalisé. La compagnie O a également voulu déduire le solde
non-payé du terrain, soit $173,000, mais le Ministre a refusé
de déduire, de cette somme, le montant de $155,500 en
vertu de l'article 12(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu qui,
tel qu'énoncé en 1960, interdisait la déduction d'«une
somme autrement déductible, déboursée ou dépensée et
payable par le contribuable à une personne avec laquelle il
ne traitait pas à distance, si le montant n'en n'a pas été
versé avant le jour survenant un an après la fin de l'année
d'imposition».
Arrêt: la cotisation est confirmée.
1. Le Ministre a rejeté à bon droit la déduction des
$155,500, en vertu de l'article 12(3). Le coût du terrain
vendu est normalement déductible dans le calcul du revenu
de la compagnie O pour l'année de la vente; c'était par
conséquent une «somme déboursée ou dépensée autrement
déductible» au sens de l'article 12(3).
2. L'article 12(3) continuait à s'appliquer malgré la vente
des actions de la compagnie O à une autre compagnie, le 21
juillet 1960. Considérées dans leur ensemble, à la lumière
des circonstances, les transactions en question n'étaient pas
des transactions à distance.
APPEL de l'impôt sur le revenu.
P. F. Vineberg, c.r. pour l'appelante.
G. Drolet et Roger Roy pour l'intimé.
LE JUGE HEALD—L'appel est à l'encontre
des cotisations établies par l'intimé à l'égard des
compagnies appelantes. Les avocats ont con-
venu que les deux affaires devaient être enten-
dues lors de la même audience car il s'agissait
de questions étroitement reliées.
L'appel de la compagnie Oryx Realty (ci-
après désignée Oryx) porte sur la cotisation que
l'intimé a établie pour l'année d'imposition
1960. L'appel de la compagnie Shofar Invest
ment (ci-après désignée Shofar) porte sur les
cotisations que l'intimé a établies pour les
années d'imposition 1960, 1961 et 1962.
Les deux appelantes ont interjeté appel desdi-
tes cotisations devant la Commission d'appel de
l'impôt qui, dans chacun des cas, a rejeté l'ap-
pel. Lesdites cotisations sont portées aujour-
d'hui devant cette Cour, en appel de la décision
de la Commission d'appel de l'impôt. J'étudierai
tout d'abord l'appel de la compagnie Oryx.
Voici les principaux faits:
1. Oryx a été constituée en corporation en
vertu des lois de la province de Québec, le 7
mai 1958.
2. Le 20 avril 1959, la compagnie Oryx ache-
tait une parcelle de terrain à la compagnie
Lanber Investment (ci-après désignée
Lanber). Ladite parcelle de terrain, d'une
superficie de 299,851 pieds carrés, faisait
partie du lot 95, situé rue Côté, paroisse de
Montréal. Son prix d'achat, s'élevant à $174,-
000, était payable comme suit: a) $1,000
comptant; b) le solde, soit $173,000 en neuf
versements de $17,500 chacun, le l er septem-
bre de chacune des années allant de 1961 à
1969 incluse, et un versement final de
$15,500 payable le ler septembre 1970. Ce
solde non payé n'était pas grevé d'intérêt.
3. L'avocat de l'appelante admet que le 20
avril 1959, date de l'achat, Oryx ne transi-
geait pas à distance avec Lanber.
Au 20 avril 1959, la propriété de Lanber
était répartie comme suit:
a) La famille Berman -68%
b) La famille Miller-25%
c) La famille Zukierman-7%
Il n'y a aucune parenté entre ces trois
familles. Au 20 avril 1959, la propriété de la
compagnie Oryx était répartie entre les
mêmes personnes et selon la même propor
tion que la compagnie Lanber, c'est-à-dire
que 68% de la compagnie appartenait à la
famille Berman, 25% la famille Miller et 7%
à la famille Zukierman.
Lanber possédait, depuis 1955, une partie
du lot 95, situé sur la rue Côté, paroisse de
Montréal, d'une superficie de 1,109,860 pieds
carrés. En 1959, cette propriété a été subdivi-
sée en six parcelles distinctes dont cinq
furent vendues en 1959 cinq compagnies
différentes, l'une d'elles étant la compagnie
Oryx. Aucun des acheteurs n'avait traité à
distance avec le vendeur Lanber, lors de la
vente en 1959. En fait, ces compagnies
étaient possédées par les mêmes personnes et
selon la même proportion que la compagnie
Lanber—c'est-à-dire 68% par la famille
Berman; 25% par la famille Miller; et 7% par
la famille Zukierman. Il est certain qu'il s'a-
gissait là d'opérations intéressantes pour les
acheteurs car ils achetaient en fait une pro-
priété d'une valeur de $544,000 contre des
paiements comptants ne totalisant que
$4,000, le paiement du solde étant échelonné
sur dix ans, sans intérêt.
4. Jusqu'au 21 juillet 1960, rien n'a été fait
pour modifier les portefeuilles d'actions, soit
de la compagnie Oryx soit de la compagnie
Lanber.
Au matin du 21 juillet 1960, les familles
Berman, Miller et Zukierman ont vendu
toutes les actions, qu'elles détenaient dans la
compagnie Oryx, à une compagnie québé-
coise connue et décrite comme étant la
Golden Woolstock Co. Ltd. (ci-après dési-
gnée Golden Woolstock). A tous les moments
pertinents, cette compagnie appartenait pour
moitié à Benny Zukierman et pour moitié à
son père, Zelman Zukierman. L'accord pré-
cise que l'obligation de la compagnie Oryx ne
portait que sur le solde de $173,000 dû sur
l'achat du terrain, solde en souffrance que
garantissait l'acheteur, la compagnie Golden
Woolstock. L'accord prévoit aussi que le prix
d'achat de l'ensemble des actions Oryx sera
de $151,000 payable comme suit:
a) un versement comptant de $16,000;
b) le solde de $135,000 payable en trois
versements annuels de $43,750 chacun, les
21 juillet 1961, 21 juillet 1962 et 21 juillet
1963;
c) ce solde devant porter intérêt au taux
annuel de 6%.
Il est clair, désormais, que le prix de vente
des actions Oryx, le 21 juillet 1960, s'élevait
en réalité à $324,000 car non seulement la
somme de $151,000 était payable aux action-
naires mais celle de $173,000, solde dû sur
l'achat du terrain, était garantie par l'acheteur
des actions. Ainsi, il est évident que pour
déterminer la valeur des actions Oryx, on a
tenu compte du projet de vente du terrain, le
même jour, pour $373,000. La preuve
démontre que les deux ventes du 21 juillet
1960, c'est-à-dire la vente des actions, le
matin, et la vente du terrain, l'après-midi,
étaient très étroitement liées.
5. L'après-midi du 21 juillet 1960, l'appe-
lante Oryx (dont la famille Zukierman est
aujourd'hui l'unique propriétaire de par la
possession de la Golden Woolstock) a vendu
la parcelle de terrain en question à une autre
compagnie québécoise appelée la Sweet Real-
ties Limited (ci-après désignée Sweet) pour la
somme de $373,000 payable comme suit:
a) $3,000 comptant;
b) $35,000 payable le 31 décembre 1960;
c) $300,000 payable en huit versements
annuels égaux et consécutifs de $37,500, le
premier étant dû et payable le 29 décembre
1961; et
d) le solde de $35,000 dû et payable le 29
décembre 1969.
Une autre clause de l'acte de vente stipulait
que le solde non payé du prix d'achat ne
porterait pas d'intérêt.
A tous les moments pertinents, les actions
de la compagnie Sweet appartenaient pour
moitié à M. Benny Zukierman et pour moitié
à l'un de ses associés, un certain M. Morris
McDowell, sans aucun lien avec les Zukier-
man, les Berman, ou les Miller.
En remplissant sa déclaration d'impôt sur le
revenu de 1960, la compagnie Oryx a reconnu
faire du commerce et être assujettie à l'impôt
sur les transactions, en ce qui concerne la vente
du terrain ci-dessus mentionné. Elle prétend,
toutefois, avoir le droit de déduire du revenu de
1960, le solde non payé du prix dudit terrain,
soit $173,000. L'intimé s'oppose à ladite déduc-
tion en vertu de l'article 12(3) de la Loi de
l'impôt sur le revenu. Ledit article s'appliquait à
l'impôt sur le revenu de l'année 1960 mais a été
abrogé depuis et repris, avec quelques modifica
tions, dans l'actuel article 18. Voici quel était
l'énoncé de l'article 12(3):
Dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une
année d'imposition, il n'est opéré aucune déduction l'égard
d'une somme, autrement déductible, déboursée ou dépensée
et payable par le contribuable à une personne avec laquelle
il ne traitait pas à distance, si le montant n'en a pas été
versé avant le jour survenant un an après la fin de l'année
d'imposition; mais, si un montant qui n'était pas déductible
dans le calcul du revenu d'une année d'imposition en vertu
du présent paragraphe a été payé subséquemment, il peut s.
être déduit dans le calcul du revenu du contribuable pour
l'année d'imposition où il a été payé.
L'intimé déclare qu'en vertu dudit article
12(3), il avait le droit de rejeter, pour 1960, la
somme de $155,500 sur les $174,000 représen-
tant le coût total du terrain: Voici comment il
arrive au chiffre de $155,500:
Prix total $ 174,000
Moins $1,000 payé en 1960 18,500
Moins $17,500 payé en 1961
Solde $ 155,500
D'autre part, l'avocat de la compagnie Oryx
soutient que l'article 12(3) ne s'applique absolu-
ment pas à cette cotisation et pour deux
raisons:
(1) le coût de l'élément d'inventaire (terrain),
en l'espèce, n'est pas «une somme autrement
déductible, déboursée ou dépensée» au sens
de l'article 12(3); et
(2) la transaction en question est une transac
tion à distance, par conséquent l'article 12(3)
ne s'applique pas.
J'étudierai tout d'abord la signification des
termes «une somme autrement déductible,
déboursée ou dépensée» tels qu'ils apparaissent
à l'article 12(3).
A l'appui de son argumentation, voulant que
le coût du terrain ne soit pas «une somme
autrement déductible, déboursée ou dépensée»
selon l'article 12(3), la compagnie Oryx invoque
l'exemple d'une compagnie réalisant au cours
d'une année $100,000 de bénéfice net et qui, le
dernier jour de l'année, s'engage dans une nou-
velle entreprise et débourse $100,000 pour de
nouveaux éléments d'inventaire, dont aucun ne
sera vendu cette année-là. La compagnie Oryx
soutient que si le coût de l'inventaire, soit
$100,000, constituait «une dépense» et était par
conséquent déductible, le revenu imposable de
la compagnie serait nul. Oryx déclare que le
ministère du Revenu national ne tarderait pas à
rejeter une telle dépense. Oryx soutient aussi
que l'article 14 concerne un élément d'inven-
taire et que, d'après l'interprétation de l'intimé,
l'article 12(3) n'est pas conciliable avec l'article
14'.
En toute déférence, je ne peux souscrire à
cette opinion. L'article 14 ne traite que d'un
élément d'inventaire non vendu alors que l'arti-
cle 12(3) concerne seulement des biens vendus
qui constituent par là même une somme
«déboursée» ou «dépensée» «autrement déduc-
tible». Les faits relatés dans l'exemple précé-
dent ne sont pas les mêmes que les nôtres. Dans
l'exemple cité, les biens n'avaient pas été
vendus à la fin de l'année et étaient, par consé-
quent, des éléments d'inventaire. Dans notre
affaire, les biens (terrains) ont été vendus au
cours de l'année d'imposition 1960 et le litige
porte sur le solde du prix des biens vendus. Je
pense que la plupart des comptables seraient
d'accord pour dire que le coût d'un bien ne peut
être déduit du revenu tant que le bien n'a pas
été revendu au cours d'une opération commer-
ciale ordinaire.
Comme le bien en question, c'est-à-dire la
parcelle de terrain, a été revendue au cours de
l'année d'imposition, elle est sûrement «autre-
ment déductible».
Pour étayer son argumentation, l'avocat de la
compagnie Oryx a présenté plusieurs définitions
du coût d'un élément d'inventaire qui, pour lui,
n'est pas «une somme dépensée ou déboursée».
Malheureusement, la plupart de ses définitions
concernent des «frais d'exploitation» qui, à mon
avis, excluent les coûts d'inventaire. Cependant,
l'article 12(3) ne mentionne pas le terme
«exploitation», qui est très certainement, en lui-
même, restrictif et limitatif. Le Shorter Oxford
English Dictionary définit le mot «outlay»
(débours) comme [TRADUCTION] «l'acte ou le
fait de disposer ou de dépenser; dépense (d'ar-
gent pour quelque chose)». Le même diction-
naire définit aussi le terme «dépense»: «argent
ou somme dépensée».
Le coût d'un élément d'inventaire est sûre-
ment inclus dans le terme «dépense (d'argent
pour quelque chose)». Il est sûrement inclus
aussi dans le terme «somme dépensée».
Il est aisé de conclure que le coût de l'inven-
taire, en l'espèce, tombe dans la définition ordi-
naire des termes «somme déboursée ou
dépensée».
La compagnie Oryx a soumis à l'instruction le
témoignage de M. Stanley Hitzig, comptable
agréé d'expérience, associé au cabinet de comp-
tables au service de la compagnie Oryx en qua-
lité de vérificateur, qui précise qu'en matière de
vérification, la pratique ordinaire veut que la
consommation d'un élément d'inventaire ne soit
pas considéré comme une dépense. J'ai retenu
de son témoignage que la pratique a tendance à
considérer les dépenses comme des frais d'ex-
ploitation, ce qui excluerait le coût de l'inven-
taire. On a demandé à M. Hitzig de dire, en sa
qualité de comptable, si le coût de l'élément
d'inventaire était déductible comme somme
déboursée ou dépensée dans le calcul du
revenu.
Dans sa réponse, il a préalablement fait l'ob-
servation suivante: «Eh bien, je dirais tout d'a-
bord que le terme «débours» n'est pas un terme
fréquemment utilisé en comptabilité». Il a
ensuite donné son opinion de comptable, sans la
moindre hésitation, et déclaré que l'acquisition
d'un élément d'inventaire n'était pas un débours
déductible dans le calcul du revenu. Cependant,
je suis convaincu qu'en donnant aux termes de
l'article 12(3) leur sens ordinaire, ils sont suffi-
samment larges pour inclure le coût d'un élé-
ment d'inventaire.
L'intimé a également demandé à un compta-
ble agréé, M. Ernest J. Guignard, l'un de ses
répartiteurs en chef ayant une bonne connais-
sance de ces questions, de venir témoigner. Il a
répondu de façon catégorique que les coûts
d'inventaire, en l'espèce, devaient normalement
être considérés comme «une somme autrement
déductible, dépensée ou déboursée». Il a cité un
extrait de la revue Canadian Accounting Prac
tice de 1956, page 218, où MM. Leonard et
Beard ont écrit: [TRADUCTION] «La vente de
biens est considérée comme un revenu gagné.
Le coût d'acquisition des biens vendus et le
coût des services et fournitures accessoires sont
des dépenses faites dans le but de gagner un
revenu». A l'appui de son opinion, le témoin a
aussi cité deux autres textes faisant autorité en
matière de comptabilité: (1) Accounting—A
programmed Text -1967, vol. 2, p. 167, de
MM. Edwards, Hermanson et Salmonson. [TRA-
DUCTION] «Le coût d'un élément d'inventaire,
comme de tout autre bien, inclut tous les
débours nécessaires à l'acquisition du bien.»; et
(2) Accounting in Business Decisions de MM.
Black, Champion et Brown, 2 e éd., 1967, où le
mot terrain est ainsi défini à la page 185: [TRA-
DUCTION] «constituent le coût du terrain, toutes
les dépenses nécessaires à l'obtention du titre
juridique et à la préparation du terrain pour son
utilisation comme emplacement de l'entre-
prise».
M. Guignard a déclaré, comme l'a fait M.
Hitzig, qu'on emploie deux méthodes principa-
les pour remplir les déclarations d'impôt sur le
revenu, celle de la comptabilité de caisse et
celle de la comptabilité d'exercice. S'il utilise la
comptabilité de caisse, le contribuable est tenu
de déclarer tous les revenus qu'il a perçus et ne
peut déduire que les dépenses véritablement
payées au cours de l'année d'imposition.
S'il utilise la comptabilité d'exercice, le
revenu est reporté à l'année où il a été gagné et
des dépenses peuvent être déduites pour l'année
au cours de laquelle elles ont été engagées mais
pas nécessairement payées.
Pour une opération de ce genre, c'est la
comptabilité d'exercice qui est utilisée. Cepen-
dant, M. Guignard déclare que l'article 12(3) est
une dérogation légale à la pratique générale
dans la mesure où il oblige le contribuable à
utiliser la méthode de caisse pour l'achat de ce
terrain. M. Guignard déclare, en outre, que l'ar-
ticle 85B oblige également le contribuable, en
pareilles circonstances, à utiliser la méthode de
caisse pour calculer le profit. Dans cette cotisa-
tion, Oryx a été autorisée, en vertu de l'article
85B, à différer le profit. La cotisation montre
que la compagnie Oryx s'est vue accorder, en
déduction du prix de vente du terrain, la somme
de $172,726 comme réserve de revenus différés
conformément à l'article 85B de la Loi de l'im-
pôt sur le revenu.
Voici quels étaient les extraits pertinents de
l'article 85B(1) applicables à l'année d'imposi-
tion 1960:
85B. (1) Dans le calcul du revenu d'un contribuable pour
une année d'imposition,
b) tout montant recevable à l'égard de biens vendus ou de
services rendus dans le cours de l'entreprise pendant
l'année doit être inclus, nonobstant le fait que le montant
n'est pas recevable avant une année subséquente, à moins
que la méthode adoptée par le contribuable pour le calcul
du revenu provenant de l'entreprise et acceptée aux fins
de la présente Partie ne l'astreigne pas à inclure, dans le
calcul de son revenu pour une année d'imposition, un
montant recevable, sauf s'il a été reçu dans l'année;
d) lorsqu'un montant a été inclus dans le calcul du revenu
du contribuable, provenant de l'entreprise, pour l'année
ou une année antérieure, à l'égard de biens vendus dans le
cours de l'entreprise et que le montant n'est pas recevable
en totalité ou en partie avant un jour
(i) plus de deux ans postérieur à la date où le bien a été
vendu, et
(ii) après la fin de l'année d'imposition,
il peut être déduit un montant raisonnable comme réserve
à l'égard de la partie du montant ainsi inclus dans le calcul
du revenu qui peut raisonnablement être considéré
comme une fraction du profit provenant de la vente; et
(2) Les alinéas a) et b) du paragraphe (1) sont édictés
pour plus de certitude et ne doivent pas s'interpréter comme
portant qu'un montant qui n'y est pas mentionné ne doit pas
être inclus dans le calcul du revenu provenant d'une entre-
prise pour une année d'imposition, qu'il soit reçu ou receva-
ble dans l'année ou non.
Ainsi, en vertu de l'alinéa b) du paragraphe
(1), le prix total de vente desdites propriétés,
c'est-à-dire $373,000, doit être inclus dans le
revenu de la compagnie Oryx pour 1960, année
de la vente, à moins que la compagnie Oryx
n'utilise la méthode de caisse. Comme nous
l'avons déclaré précédemment, il n'y a aucune
contestation à ce sujet. La compagnie Oryx
reconnaît qu'elle doit utiliser la méthode d'exer-
cice, et en fait qu'elle a suivi cette méthode et
inclus le prix total de vente s'élevant à $373,-
000 dans le revenu porté sur sa déclaration.
Cependant, l'alinéa d) du paragraphe (1) pré-
voit que le contribuable peut déduire un mon-
tant raisonnable comme réserve, à l'égard de la
partie du montant ainsi incluse, dans le calcul
du revenu, qui peut raisonnablement être consi-
dérée comme une fraction du profit provenant
de la vente (j'ai ajouté les italiques). En remplis-
sant sa déclaration d'impôt pour 1960, la com-
pagnie Oryx a tiré parti de cette disposition et
soustrait, du revenu de cette année-là, la somme
de $172,726 comme l'y autorisait l'intimé, en
déduction de sa cotisation.
Mode de calcul de cette somme:
Vente du terrain $ 373,000
Moins coût du terrain vendu 180,650
Profit brut sur la vente
(51.56%) $ 192,350
Revenu différé:
51.56% de $335,000 (Fraction
différée du prix de vente) $ 172,726
Le litige naît lorsque la compagnie Oryx cher-
che à déduire également le coût du terrain, soit
$173,000, ce à quoi s'oppose l'intimé en vertu
de l'article 12(3) de la Loi.
Je souscris à l'avis de M. Guignard lorsqu'il
déclare que le résultat est juste pour le contri-
buable dans la mesure où la dérogation à la
méthode d'exercice de l'article 12(3) est com-
pensée par la possibilité offerte au contribuable,
d'après l'article 85B, de reporter un crédit qui
peut également être considéré comme une déro-
gation à la méthode d'exercice.
L'avocat de la compagnie Oryx soutient éga-
lement que l'article 12(3) n'existe que pour cou-
vrir les abus qui pourraient surgir lorsque des
contribuables, ne traitant pas à distance, suivent
des systèmes différents pour reporter leur reve-
nu—c'est-à-dire que l'un des contribuables qui
ne traitent pas à distance utilise la méthode de
caisse et l'autre, la méthode d'exercice; ce
serait, par exemple, le cas de l'accord conclu
par un contribuable utilisant la méthode d'exer-
cice, de verser un salaire à un contribuable
utilisant la méthode de caisse et de ne pas le lui
verser au cours d'une année donnée. Le contri-
buable utilisant la méthode d'exercice pourrait
réclamer la déduction du salaire qui est payable
durant l'année d'imposition mais le contribuable
utilisant la méthode de caisse, n'ayant pas reçu
l'argent comptant au cours de l'année d'imposi-
tion, n'aurait pas à l'indiquer comme un revenu.
Ainsi, en reportant indéfiniment, d'année en
année, un paiement à un contribuable utilisant
la méthode de caisse, on crée une dépense
déductible sans revenu imposable correspon-
dant.
L'avocat de la compagnie Oryx admet que le
ministère du Revenu national puisse se préva-
loir de l'article 12(3), nécessaire pour prévenir
certains abus semblables à ceux que nous
venons de décrire. Cependant, l'avocat déclare
que l'article 12(3) n'est pas nécessaire pour
couvrir un cas semblable au nôtre, où deux
contribuables utilisent la méthode d'exercice et
que, lorsque le vendeur et l'acheteur utilisent
tous deux la méthode d'exercice, il n'y a pas
grand mal à réparer et, par conséquent, aucune
obligation d'appliquer l'article 12(3).
Je ne pense pas que l'article 12(3) ne soit
applicable que lorsque des contribuables ne trai-
tant pas à distance suivent des méthodes diffé-
rentes de calcul du revenu. Même lorsque le
vendeur et l'acheteur utilisent tous deux la
méthode d'exercice, comme c'est le cas en l'es-
pèce, le vendeur pourrait toujours bénéficier de
l'article 85B alors que l'acheteur pourrait
déduire le prix d'achat total non payé de la
propriété, si l'article 12(3) ou son équivalent
n'était pas prévu dans la Loi.
Dans l'affaire Gatineau Westgate Inc. c.
M.R.N. [1966] DTC 560, décision de la Com
mission d'appel de l'impôt, il avait été décidé
que l'article 12(3) s'appliquait à l'achat d'une
propriété immobilière. Dans ce cas-là, l'appe-
lante, une compagnie immobilière, achetait des
propriétés à ses administrateurs aux termes de
transactions non à distance. D'après l'acte de
vente, le prix d'achat était payable sur une
période de trente ans avec possibilité de paie-
ment anticipé. En 1962, la somme de $37,-
935.34 était payée et le Ministre en a autorisé la
déduction tout en refusant, pour cette même
année, la déduction du solde non payé de $40,-
343.61, en vertu de l'article 12(3). M. Boisvert a
déclaré au nom de la Commission que les dispo
sitions de l'article 12(3) n'autorisaient pas la
déduction du solde non payé durant l'année
d'imposition 1962.
La compagnie Oryx déclare alors que le mode
de cotisation de l'intimé pourrait aboutir à une
imposition dont le taux s'élèverait à près de
200% ce qui, naturellement, serait excessif et
déraisonnable. Je ne peux admettre que l'appli-
cation, par l'intimé, de l'article 12(3) à cette
cotisation aurait de telles conséquences.
Si l'on étudie ces transactions dans leurs
grandes lignes, la compagnie Oryx a acheté une
parcelle de terrain en 1959 pour $174,000 et l'a
vendue en 1960 pour $373,000. Si, pour établir
ses déclarations d'impôt, Oryx avait utilisé la
méthode de caisse, et s'il s'agissait d'une opéra-
tion de caisse, elle aurait payé un impôt sur le
bénéfice net de $199,000, sur une année.
Or, Oryx doit utiliser et utilise en fait la
méthode d'exercice. C'est pourquoi l'intimé a
adopté la méthode de cotisation suivante:
1960 — Vente du terrain $ 373,000
Moins—Réserve de revenus diffé-
rés—Voir art. 85B
51.56% (pourcentage des bé-
néfices) de $335,000 (solde
dû, d'après l'acte de vente, à
la fin de 1960) $ 172,726
$ 200,274
Moins coût du terrain véritable-
ment payé en 1960 et 1961,
d'après l'article 12(3), soit $ 18,500
Bénéfice net $ 181,774
REMARQUE: Le chiffre de $181,774 est
plus élevé que le montant de la cotisation réelle
à cause d'autres frais autorisés, omis en l'es-
pèce dans un but de simplification.
1961—
Revenu gagné-51.56% (pourcen-
tage des bénéfices) de $37,500
(dû par la Sweet à la compagnie
Oryx en 1961, d'après l'acte de
vente) $ 19,335
Moins le coût du terrain payé en
1962, d'après l'article 12(3) $ 17,500 r=c
;r•
Bénéfice net . $ 1,835
La cotisation est la même pour les années
1962, 1963, 1964, 1965, 1966, 1967 et 1968
car, pour chacune de ces années, la Sweet est
obligée de payer à la compagnie Oryx $37,500
et cette dernière est obligée de verser $17,500
en vertu du contrat passé avec la Lanber.
En 1969, la Sweet verse à la compagnie Oryx
la somme de $35,000 alors qu'en 1970 cette
dernière verse à la Lanber $15,500, déductibles
pour l'année d'imposition 1969 en vertu de l'ar-
ticle 12(3). Voici donc comment l'intimé a cal-
culé la cotisation de la compagnie Oryx au
cours de ces différentes années:
Bénéfice net 1960 $ 181,774.
Bénéfice net 1961-1968 inclus
8 x $1,835 $ 14,680
Bénéfice net 1969 $ 2,546
Bénéfice total net cotisé $ 199,000
D'après ces calculs, je suis convaincu que la
cotisation de l'intimé n'est absolument pas
injuste.
Si, dans ces circonstances, l'intimé n'était pas
autorisé à faire application de l'article 12(3), la
compagnie Oryx pourrait déduire le coût total
du terrain en 1960 ($173,000), et pourrait tou-
jours bénéficier de l'article 85B alors que la
Sweet pourrait déduire, dans ses déclarations
d'impôt, le prix d'achat total de la propriété.
Voici ce que donnerait le calcul de l'impôt
payable, d'après la méthode proposée par la
compagnie Oryx:
Bénéfice net 1960 $ 26,274
Bénéfice net 1961-1968 inclus
8 années @ $19,335
par an $ 154,680
Bénéfice net 1969 $ 18,046
Total $ 199,000
En comparant les deux méthodes, on s'aper-
cevra que si celle de la compagnie Oryx était
adoptée, l'incidence de l'impôt serait amortie
sur dix années au lieu de porter presqu'entière-
ment sur une année, comme d'après la méthode
de l'intimé.
Ainsi, ressort la raison d'être de l'application
de l'article 12(3) aux transactions foncières
lorsque les parties ne traitent pas à distance. Si
la compagnie Oryx ne s'est pas trompée dans le
mode de cotisation qu'elle a proposé, il serait
possible à des contribuables, ne traitant pas à
distance, d'amortir le paiement de l'impôt sur
des périodes, disons 20, 30 ou 50 ans, même
plus longues, tout simplement en prolongeant
d'une assez longue période le délai de paiement
porté sur les actes. Ainsi, l'article 12(3) protège
le ministère du Revenu national des retards de
paiement d'impôt sur un revenu provenant
d'une transaction.
La compagnie Oryx a réalisé un bénéfice net
de $199,000 sur cette unique transaction fon-
cière. Il ne serait certainement pas raisonnable
ou juste de l'autoriser à amortir ce bénéfice sur
une période de 50 ans, même si cela était possi
ble et permis d'après l'interprétation qu'Oryx
donne de l'article 12(3).
L'avocat de la compagnie Oryx a cité un
certain nombre de textes faisant autorité en
matière d'interprétation des lois. Il a cité de M.
Beal, Cardinal •Rule of Legal Interpretation et
de M. Maxwell, Interpretation of Statutes. D'a-
près ces auteurs, lorsqu'une loi peut avoir deux
interprétations possibles, le tribunal doit donner
aux termes en cause l'interprétation qui lui
semble la plus appropriée, la plus raisonnable,
la plus juste et la plus conforme aux principes
juridiques.
En décidant que l'intimé avait le droit d'appli-
quer les dispositions de l'article 12(3) à la coti-
sation en question, je crois suivre ces règles
d'interprétation.
Juger en sens contraire serait méconnaître les
dispositions de la Loi, permettrait aux contri-
buables de la tourner ou du moins de retarder
de manière déraisonnable le paiement de l'impôt
sur le revenu.
Dans l'affaire Oryx, le deuxième argument de
l'appelante voulait que, même si l'article 12(3)
était applicable au prix du terrain dans ces
circonstances, il n'aurait pas dû être appliqué
aux faits de l'espèce car, dès que la propriété
des actions d'Oryx a changé de mains, en vertu
de l'acte de vente signé au matin du 21 juillet
1960, la compagnie Oryx traitait en fait à dis
tance avec son vendeur, la compagnie Lanber.
On a admis que le 20 avril 1959, lorsque Oryx a
acheté le terrain de la Lanber, les deux compa-
gnies ne traitaient pas à distance, elles apparte-
naient en effet, selon la même proportion, aux
mêmes personnes, 68% aux Berman, 25% aux
Miller et 7% au Zukierman. Ce partage de la
propriété est resté inchangé jusqu'au matin du
21 juillet 1960. Ce matin-là, les Zukierman ont
acheté les parts des Berman et des Miller de
sorte que l'après-midi du 21 juillet 1960, la
compagnie Oryx était possédée uniquement par
les Zukierman, la compagnie Lanber continuant
à être la propriété pour 68% des Berman, pour
25% des Miller et pour 7% des Zukierman.
L'appelante soutient que le coût du terrain
n'est déductible que lorsqu'il cesse d'être un
élément d'inventaire, que par conséquent il
n'est déductible qu'à la date de sa vente par la
compagnie Oryx, soit l'après-midi du 21 juillet
1960, et qu'à partir de ce moment-là, et sans
interruption ensuite, Lanber et Oryx transi-
geaient à distance. Notons que, d'après l'argu-
mentation de l'appelante, il importe peu de
savoir quelle était la situation avant la date de la
vente ou date de la déductibilité.
Mon collègue, le juge Cattanach, a discuté de
façon détaillée dans l'affaire M.R.N. c. Merritt
Estate [1969] C.T.C. 207, le concept de «tran-
saction à distance» tel que l'emploient la Loi de
l'impôt sur le revenu et la Loi sur les succes
sions. Il déclare aux pages 216-217:
Dans l'affaire M.R.N. c. Sheldon's Engineering Limited,
[1955] R.C.S. 637; [1955] C.T.C. 174, le juge Locke en
rendant le jugement de la Cour suprême du Canada, a eu
l'occasion de commenter l'expression «traitant à distance»
qui se trouve dans une disposition de la Loi de l'impôt sur le
revenu. A la page 643 [page 179] il s'exprimait dans les
termes suivants:
L'expression est habituellement employée dans le cas
de transactions intervenues entre un fiduciaire et un béné-
ficiaire de la fiducie, un tuteur et son pupille, un mandat
et son mandataire, ou un avocat et son client. Les raisons
pour lesquelles on peut attaquer les transactions entre des
personnes ayant de telles relations sont mises en lumière
dans les jugements du Lord Chancellier et de Lord Black-
burn dans l'affaire McPherson c. Watts (1877), 3 App.
Cas. 254.
Il a continué, toutefois, en disant: «Ces considérations»—
c'est-à-dire les raisons pour lesquelles on peut attaquer les
transactions entre personnes ayant entre elles des relations
telles que fiduciaire et bénéficiaire d'une fiducie, «ne s'ap-
pliquent pas quand on veut déterminer le sens à donner à
l'expression contenue à l'article 20(2)».
Ayant ainsi mis de côté les principes qui y avaient été
développés, en ce qui concerne les transactions entre per-
sonnes ayant entre elles des relations de fiduciaire et de
bénéficiaire de la fiducie et d'autres relations donnant lieu à
des influences anormales, le juge Locke continuait en reje-
tant l'argument suivant lequel la disposition contenue dans
la Loi de l'impôt sur le revenu de cette époque, aux termes
de laquelle certaines catégories déterminées de personnes
étaient censées ne pas traiter à distance, constituait une
énumération exhaustive de ces personnes et que toutes les
autres catégories de personnes étaient donc censées traiter
entre elles à distance, aux fins de la Loi. Il déclarait:
Je pense que la rédaction de l'article 127(5) [aujour-
d'hui 139(5)], bien qu'obscure à certains égards, a pour
but d'indiquer que, dans les cas de transactions entre
compagnies, le sens qui doit être donné ailleurs dans la
Loi à l'expression ne se limite pas à celui exprimé dans
cet article.
Voilà donc pourquoi le juge Locke, bien que les faits de
l'affaire Sheldon's Engineering (précitée) ne tombassent
dans aucune des catégories spécialement énumérées de cas
où des personnes étaient censées ne pas traiter à distance, a
conclu qu'il était néanmoins nécessaire de déterminer si, en
pratique, les circonstances particulières de l'affaire tom-
baient sous le sens de l'expression «ne pas traiter à dis
tance» au sens général de cette expression, mise à part une
disposition établissant une présomption particulière.
Dans le présent appel, il s'agit de déterminer si les cir-
constances sont telles que les parties deviennent des per-
sonnes «traitant à distance», au sens de l'article 29(1) de la
Loi de l'impôt sur les biens transmis par décès. A mon avis,
ces termes de la Loi de l'impôt sur les biens transmis par
décès ont le même sens que ceux de la disposition de la Loi
de l'impôt sur le revenu dont traitait le juge Locke dans
l'affaire Sheldon's Engineering où ils ont été interprétés,
comme le juge Locke devait le faire, indépendamment de
toutes dispositions établissant une «présomption».
Il devient donc important de déterminer à quel point
l'affaire Sheldon's Engineering pourra nous aider à interpré-
ter les mots «personnes traitant à distance», pris en eux-
même. Le passage de ce jugement qui, à mon avis, pourra
nous aider en ce domaine, est rédigé comme suit:
Lorsqu'une même personne contrôle des compagnies
directement ou indirectement, que cette personne soit un
individu ou une compagnie, les compagnies contrôlées
sont, aux termes de cet article, censées ne pas traiter
entre elles à distance. Les dispositions de cet article mises
à part, dans le cas d'une vente d'éléments d'actif dépré-
ciables par un contribuable à une entité qu'il contrôle ou
par une compagnie contrôlée par le contribuable à une
autre compagnie également contrôlée par lui, le contribua-
ble dictant à titre d'actionnaire majoritaire les conditions
de la transaction, on ne peut à mon avis prétendre sérieu-
sement que les parties traitaient entre elles à distance et
que l'article 20(2) ne s'appliquait pas.
Selon moi, le principe fondamental sur lequel se fonde la
présente analyse est le suivant: lorsque les négociations
menées au nom de chacune des deux parties au contrat sont
en fait dirigées par le même «cerveau», on ne peut dire que
les parties traitent à distance. En d'autres termes, lorsque la
preuve révèle que la même personne «dictait» les «condi-
tions de la transaction» au nom de chacune des deux parties,
on ne peut dire que les parties traitaient à distance.
M. le juge Cattanach a décidé que lorsque le
«cerveau» menant les négociations au nom de
l'une des parties à un contrat est le même
«cerveau» que celui menant les négociations
(les italiques sont de moi) au nom de l'autre
partie, on ne peut dire que les parties traitaient
à distance.
D'après le raisonnement suivi dans l'affaire
Dworkin (M.R.N. c. Dworkin Furs [1967]
C.T.C. 50) et l'affaire Buckerfield (Buckerfield's
Ltd. c. M.R.N. [1964] C.T.C. 504 à la p. 507), la
famille Berman était le «cerveau» menant les
négociations au nom de la venderesse Lanber.
La famille Berman était également le «cerveau»
menant les négociations au nom de l'acheteuse
Oryx. Le coût du terrain est devenu payable en
vertu d'un contrat d'achat signé le 20 avril
1959. Les choses n'ont pas changé jusqu'au
matin du 21 juillet 1960 lorsque les compagnies
Oryx et Lanber sont vraisemblablement deve-
nues des compagnies traitant à distance. Toutes
les discussions, toutes les négociations et tout le
marchandage se sont déroulés alors que ven-
deur et acheteur ne traitaient pas à distance.
Pour donner suite à la thèse de la compagnie
Oryx, je devrais négliger tout ce qui s'est passé
avant l'après-midi du 21 juillet 1960; ignorer le
fait qu'il existe un lien direct entre le prix de
vente du terrain et le prix de vente des actions;
ignorer le plan conçu pour permettre à la
Lanber d'amortir 50 fois les bénéfices qu'elle a
réalisés sur les ventes de terrain en vendant le
terrain à cinq compagnies différentes ne traitant
pas à distance et en leur accordant des paie-
ments échelonnés sur dix années; ignorer les
clauses peu réalistes des actes de vente du
terrain (propriété évaluée à $544,000 et vendue
pour $4,000 seulement de paiement initial, le
solde étant réparti sur dix ans sans intérêt).
Dans l'affaire Swiss Bank c. M.R.N. [1971]
C.T.C. 427, le juge Thurlow a étudié le moment
précis à partir duquel des négociations pou-
vaient être considérées comme ayant eu lieu à
distance. Il déclarait à la page 438:
... Il me semble également que, comme les transactions que
l'on met en cause étaient des paiements d'intérêt et que les
époques auxquelles ces paiements ont été faits sont celles
où l'on doit considérer le pouvoir qu'une partie avait d'in-
fluencer ou de contrôler une autre partie, on peut aussi tenir
compte, pour déterminer si les parties traitaient à distance
auxdites époques, du fait qu'une certaine situation a débuté
et a existé avant les époques en question et a continué
d'exister pendant et après ces époques.
Ceci signifie que, même en acceptant l'argu-
mentation de la compagnie Oryx selon laquelle
la date pertinente et cette seule date, est celle
du contrat de vente conclu entre la compagnie
Oryx et la compagnie Sweet, le 21 juillet 1960,
la Cour a un droit de regard sur ce qui s'est
passé antérieurement.
Je souscris à cette opinion m'autorisant à
considérer ces transactions comme un tout et,
ceci fait, je suis convaincu qu'il ne s'agit pas de
transactions à distance.
Ayant décidé que la Cour a le droit de consi-
dérer les transactions comme un tout, il n'est
plus nécessaire d'étudier l'argumentation de l'a-
vocat de la compagnie Oryx selon laquelle la
seule «date» importante est la «date» de la
déductibilité.
Cependant, sans trancher l'affaire, je déclare
que si la Cour devait s'en tenir à une «date»
précise pour déterminer s'il s'agissait de tran
sactions à distance, je concluerais que la «date»
pertinente, aux fins de l'article 12(3), se situe-
rait à la «date» où le débours ou la dépense sont
devenus «exigibles». L'article 12(3) utilise les
termes «sommes déboursées ou dépensées et
payables par le contribuable à une personne
avec laquelle il ne traitait pas à distance». Je
pense trouver là un très bon argument pour
décider que la date capitale se situe à la nais-
sance de l'obligation de paiement, c'est-à-dire le
20 avril 1959, date du contrat de vente passé
entre les deux compagnies Lanber, en qualité de
venderesse, et Oryx, en qualité d'acheteuse.
J'en décide ainsi car l'article 12(3) précise
«payable» et non «dû et payable». Par consé-
quent, tous les versements sont devenus «paya-
bles» lorsque l'acte de vente a été signé le 20
avril 1959 même s'ils n'étaient exigibles que
plus tard. L'obligation juridique de paiement est
née le 20 avril 1959 et s'il existe dans le temps
un moment capital, celui-ci se situe, d'après les
faits de l'espèce, le 20 avril 1959, date à
laquelle on admet que l'acheteuse Oryx ne trai-
tait pas à distance avec la venderesse Lanber.
Par conséquent, je conclus que l'intimé a
correctement appliqué les dispositions de l'arti-
cle 12(3) la cotisation de la compagnie Oryx
pour l'année d'imposition 1960. Il s'ensuit que
l'appel de la compagnie Oryx est rejeté avec
dépens.
En ce qui concerne l'appel de la compagnie
Shofar, l'avocat de l'appelante a admis que les
transactions, dans l'affaire Shofar, n'étaient pas
des transactions à distance, ce qui ne lui laisse
qu'un argument, savoir le premier argument
avancé dans l'affaire Oryx, que le coût de l'élé-
ment d'inventaire (terrain) n'est pas «une
somme dépensée ou déboursée autrement
déductible» au sens de l'article 12(3).
Pour les mêmes motifs que ceux exposés
dans l'affaire Oryx, j'estime que l'intimé a cor-
rectement appliqué les dispositions de l'article
12(3) en cotisant la compagnie Shofar pour les
années d'imposition précédemment mention-
nées.
L'appel de la compagnie Shofar est par con-
séquent rejeté avec dépens.
1 14. (2) Aux fins du calcul du revenu, les biens décrits
dans un inventaire doivent être évalués à leur prix coûtant
pour le contribuable ou à leur juste valeur marchande, selon
le moindre des deux, ou de telle autre manière que les
règlements peuvent autoriser.
(3) Nonobstant le paragraphe (2), aux fins du calcul du
revenu pour une année d'imposition, les biens décrits dans
un inventaire au commencement de l'année doivent être
évalués au même montant que celui auquel ils l'ont été à
l'expiration de l'année précédente, aux fins du calcul du
revenu pour cette année précédente.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.