Le procureur général du Canada (Requérant)
c.
Brian O. Paulsen, Paul Woodrow, Orysia L. Pro-
kopiw et A. Virginia Wilson (Opposants)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges
suppléants Sheppard et Bastin —Calgary, le 13
mars et le 12 avril; Vancouver, le 13 avril;
Winnipeg, le 18 avril 1973.
Assurance-chômage—Annulation de la décision du juge-
arbitre—Chargés de cours avec un contrat à terme à l'Uni-
versité de Calgary—L'intervalle entre les périodes d'enseigne-
ment est-il un «arrêt de rémunération»—Loi sur l'assurance-
chômage, art. 58h), r); règlement, art. 158.
Les opposants étaient employés à titre de chargés de
cours avec contrat à terme par l'Université de Calgary pour
les années universitaires allant du 1e" septembre 1971 au 30
avril 1972 et du 1" septembre 1972 au 30 avril 1973.
Arrêt: ils répondaient aux conditions d'admissibilité aux
prestations d'assurance-chômage en vertu de la Loi sur
l'assurance-chômage. Il y a eu un «arrêt de rémunération»
au sens de l'article 2(1)n) de la loi au 30 avril de chaque
année.
L'article 158 des règlements qui aurait reporté l'«arrêt de
rémunération» au 1" septembre de chaque année et privé les
opposants de leur droit aux prestations, n'était ni valable ni
applicable. Il n'était pas valable car le pouvoir conféré à la
Commission, en vertu de l'article 58h) de la loi, de restrein-
dre le montant ou la période de service des prestations
dépend d'une constatation officielle selon laquelle il existait
une période chaque année durant laquelle les opposants
n'exécutaient aucun travail; or la Commission n'a fait
aucune constatation de la sorte. En outre, l'article 158 des
règlements ne s'appliquait pas dans les circonstances; l'arti-
cle 58h) de la loi n'autorise pas l'adoption d'un tel règle-
ment. Enfin, les termes de l'article 58r) ne sont pas suffi-
samment généraux pour justifier la validité de l'article 158,
c'est-à-dire de faire des modifications arbitraires aux règles
précisées par la loi elle-même quant au droit de recevoir des
prestations.
EXAMEN judiciaire.
AVOCATS:
Barry D. Collins pour le requérant.
N. R. Hess pour les opposants.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
le requérant.
Barron, McBain, Green et Park, Calgary,
pour les opposants.
LE JUGE EN CHEF JACKETT—La présente
demande, présentée en vertu de l'article 28 de la
Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970, c. 10 (2 e
Supp.), vise à obtenir l'annulation d'une déci-
sion d'un juge-arbitre nommé en vertu de la Loi
de 1971 sur l'assurance-chômage, (S.C. 1970-
71-72, c. 48).
La seule question que pose cette demande
consiste à savoir si, dans le cas des requérants
qui étaient employés à titre de professeurs d'u-
niversité en vertu de contrats à terme pour la
période du ler septembre 1971 au 30 avril 1972,
il y a eu «arrêt de rémunération» provenant d'un
emploi immédiatement après le 30 avril 1972,
de sorte qu'ils répondaient à partir de cette date
à l'une des conditions d'admissibilité aux presta-
tions d'assurance-chômage, conditions prévues
par l'article 17(2) de la Loi de 1971 sur
l'assurance-chômage.'
L'expression «arrêt de rémunération» est
ainsi définie à l'article 2(1) de la Loi de 1971 sur
l'assurance-chômage:
n) «arrêt de rémunération» désigne l'arrêt de la rémunéra-
tion d'un assuré lorsque celui-ci cesse d'être à l'emploi
d'un employeur par suite de mise à pied ou pour toute
autre raison;
Chacun des requérants a été engagé pour
enseigner à l'Université de Calgary du 1er sep-
tembre 1971 au 30 avril 1972 et a cessé d'être
employé ou d'avoir droit de recevoir un traite-
ment après le 30 avril 1973; et les parties recon-
naissent qu'à l'époque il y aurait eu «arrêt de
rémunération» provenant de leur emploi, n'était
l'article 158 des règlements, qui se lit ainsi:
158. (1) Aux fins du présent article,
a) «période de travail annuelle» désigne l'année scolaire
ou la période d'enseignement donné à l'université, à l'é-
cole ou à toute autre institution où la personne est
employée, et
b) «période de congé annuelle» d'une personne désigne la
période annuelle au cours de laquelle cette personne n'en-
seigne ordinairement pas à l'université, à l'école ou à toute
autre institution où elle est employée.
(2) Dans le cas d'une personne employée dans l'enseigne-
ment et qui accomplirait normalement toutes les tâches
prévues dans son contrat de travail et recevrait la rémunéra-
tion payable aux termes dudit contrat au cours d'une période
de travail annuelle de moins de cinquante-deux semaines, un
arrêt de rémunération se produit lorsqu'il existe, entre le
nombre de semaines écoulées à la suite de son licenciement
ou de sa cessation d'emploi et le nombre de semaines que
comprend sa période de congé annuelle, le même rapport
que le rapport
a) entre le nombre de semaines où elle a été employée au
cours de la période de travail annuelle et le nombre total
de semaines que comprend la période de travail annuelle,
ou
b) entre le montant de la rémunération effectivement
payé ou payable à l'égard de son emploi au cours de la
période de travail annuelle et le montant de la rémunéra-
tion qui serait payable aux termes de son contrat de
travail, si elle était employée pour toute la durée de la
période de travail annuelle,
en prenant le plus élevé des deux rapports.
Le président de l'Université de Calgary décrit
ainsi les fonctions des professeurs permanents
de l'Université:
[TRADUCTION] Professeur permanent
1. Les professeurs permanents sont nommés pour douze
mois, dont un mois de congé. Les professeurs permanents
qui préfèrent ne pas prendre de congé ne recoivent aucun
traitement supplémentaire.
2. A moins d'arrangements particuliers, les professeurs per
manents sont présents à l'université pendant toute l'année
universitaire, c'est-à-dire du début septembre jusqu'à la
séance de remise des diplômes du printemps. Les profes-
seurs doivent s'entendre avec le directeur du département
lorsqu'ils doivent s'absenter pendant cette période. Le reste
de l'année, les professeurs perfectionnent leurs connaissan-
ces et développent leur personnalité pour enrichir leur con
tribution à l'Université.
3. Les professeurs doivent faire connaître au directeur du
département leur programme d'été et fixer avec lui l'époque
de leur congé.
4. L'Université fonctionne en permanence toute l'année. La
vie universitaire se poursuit au cours de la période du 1"
mai au 1" septembre, appelée à tort «période de congé». Les
professeurs permanents assurent la tutelle des étudiants
diplômés, effectuent des projets de recherche, préparent
leurs cours et participent au travail des comités. Tel qu'indi-
qué au paragraphe B. 1, ci-dessus, les professeurs perma
nents sont au service de l'Université onze mois par an. Il
s'agit là d'une obligation contractuelle.
Il décrit ainsi la fonction des «chargés de cours
annuels» :
Chargés de cours annuels
1. Ils sont normalement nommés pour huit mois, du 1 e1
septembre au 30 avril.
2. L'Université n'est pas tenu de prolonger leur nomination
au-delà de la date d'expiration du contrat.
3. Les obligations du chargé de cours annuel commencent à
la date de la nomination et cessent à la date, d'expiration du
contrat.
4. Le traitement du chargé de cours annuel n'est pas un
traitement annuel réparti sur la période contractuelle de huit
mois. Le traitement représente environ 70% du traitement
annuel d'un professeur permanent.
5. Les chargés de cours annuels ne bénéficient pas des
avantages marginaux des professeurs permanents et ne peu-
vent être membre à part entière de l'Association of Academ
ic Staff of the University of Alberta (AASUA).
Les fonctions des chargés de cours annuels sont
également décrites dans une lettre d'un respon-
sable de l'université, datée du 10 octobre 1972.
Voici certains passages de cette lettre:
[TRADUCTION] ... la durée précise de la période d'enseigne-
ment pour l'année 1971-72 était la suivante: les cours ont
commencé le 7 septembre pour tous les cours du premier
cycle et se sont terminés le 8 avril dans toutes les facultés
sauf celle de médecine. J'insiste sur le fait que ces dates
visent uniquement la période d'enseignement proprement
dit, et que le corps enseignant a d'autres obligations en
dehors de ces dates. Puisque l'affaire en appel concerne un
chargé de cours annuel, il serait peut-être utile de donner
quelques exemples du travail que nous attendons des char-
gés de cours annuels. Voici trois exemples:
1. On peut engager un chargé de cours pour la période du
1" septembre au 30 avril. On s'attend à ce qu'il commence
la préparation de ses cours à partir du 1" septembre, qu'il
enseigne jusqu'au 8 avril et qu'il passe le reste du mois
d'avril à noter les examens, à inscrire et à vérifier les notes,
etc. Il serait alors payé pour la période de huit mois et non
pour douze mois.
2. On peut aussi engager un chargé de cours pour 12 mois,
par exemple du 1 e septembre au 30 août. On s'attend à ce
qu'il enseigne pendant la période d'enseignement indiquée
plus haut et qu'au cours de l'été, il exerce d'autres fonctions
se rapportant normalement à la recherche dans sa faculté ou
au travail des étudiants diplômés. Il serait payé sur une base
annuelle.
3. Certains chargés de cours peuvent être engagés pour un
trimestre universitaire seulement, de sorte que la durée du
contrat peut être du 1e" septembre au 31 décembre par
exemple. Dans ce cas, cette personne aura une charge de
cours pendant cette période et sera payée pour quatre mois
seulement.
Comme vous pouvez vous en rendre compte d'après ce qui
précède, les conditions d'engagement des chargés de cours
sont très variables. D'après nous, la définition de «l'année
universitaire» n'est pas un facteur aussi important que la
durée de leur contrat de services. S'ils sont engagés pour
quatre mois, ils ont payés pour quatre mois seulement et
ainsi de suite.
En résumé, le professeur permanent est
engagé pour douze mois par an et payé sur cette
base. Il a un mois de congé, il enseigne pendant
les huit mois de l'année universitaire et exerce
d'autres fonctions pendant les trois autres mois.
Les opposants, en qualité de chargés de cours,
étaient employés pour une année universitaire
de huit mois, au cours de laquelle ils avaient
charge d'enseignement, et n'avaient aucune
autre relation, du moins sur le plan juridique,
avec l'Université jusqu'à ce qu'ils obtiennent
quatre mois plus tard un contrat semblable pour
l'année suivante.
Bien que ces chargés de cours n'aient aucune
relation juridique avec l'Université et n'aient
aucun droit à être réengagés pour des périodes
d'enseignement consécutives, je pense que l'on
peut raisonnablement déduire des documents
soumis au juge-arbitre 2 qu'une certaine propor
tion (probablement environ 10%) du corps
enseignant de l'Université est constituée de
chargés de cours et d'autres employés non-per
manents qui n'ont juridiquement aucune sécu-
rité d'emploi d'une année universitaire à l'autre,
mais qui peuvent en pratique s'attendre à conti-
nuer d'occuper leur poste, à moins que des
circonstances n'amènent l'une ou l'autre des
parties à désirer un changement. Les requérants
faisaient partie de cette catégorie.
J'estime, dans ces circonstances, que l'article
158 des règlements, en le supposant valide et
applicable à l'enseignement à l'Université de
Calgary, a pour effet de reporter l'«arrêt de
rémunération» dans le cas de l'un de ces char-
gés de cours d'un certain nombre de semaines
déterminé conformément à cet article, ce qui
donne en l'espèce une période d'environ quatre
mois.
Je pense qu'il est évident qu'à partir du
moment où cette personne a conclu son premier
contrat de huit mois,
a) elle était une «personne ... employée dans
l'enseignement»,
b) sa période de travail annuelle allait du 1"
septembre au 30 avril, ceci étant l'«année
scolaire ou la période d'enseignement» pour
l'Université de Calgary, qui l'avait engagée, et
c) elle accomplissait normalement toutes les
tâches prévues par son contrat de travail et
recevait la rémunération payable aux termes
dudit contrat au cours de cette période de
travail annuelle,
tant qu'elle restait partie à un tel contrat ou
qu'elle pouvait s'attendre à obtenir un tel con-
trat pour l'année universitaire suivante. J'arrive
à cette conclusion en supposant que l'article 158
vise des situations dans leur durée et non à un
moment particulier. Selon cette interprétation,
une personne donnée est «une personne
employée dans l'enseignement» à l'Université
de Calgary pendant un certain nombre d'années,
même si chaque année l'employeur et l'employé
n'ont aucun rapport juridique pendant un inter-
valle de quatre mois.
Il en résulte que même si, le 30 avril de
chaque année, date à laquelle le contrat d'enga-
gement d'un professeur expire, il y a cessation
d'emploi et par conséquent un arrêt de rémuné-
ration au sens de l'article 2(1)n) de la Loi de
1971 sur l'assurance-chômage, en fait, en sup-
posant l'article 158 des règlements valide et
applicable à la présente situation, il n'y a pas
cessation d'emploi avant le ler septembre; le
règlement aurait pour effet de retirer un droit
objectif à des prestations pendant une période
de quatre mois, droit qui subsisterait en l'ab-
sence de ce texte. La question se pose alors, et
on nous a assuré qu'elle avait été soulevée
devant le juge-arbitre, de savoir si l'article 158
des règlements, qui modifie d'une manière si
radicale le droit aux prestations conféré par la
loi, est valide et s'applique par conséquent aux
circonstances de l'espèce.
La seule disposition d'habilitation que l'on ait
invoqué à l'appui de l'article 158 est cette partie
de l'article 58 de la loi dont la version française
se lit ainsi:
58. La Commission peut, avec l'approbation du gouver-
neur en conseil, établir des règlements
h) imposant des modalités supplémentaires en matière de
service et de bénéfice des prestations et restreignant le
montant ou la période de service des prestations, pour les
personnes
(i) qui travaillent ou ont travaillé pendant une fraction
quelconque d'une année dans le cadre d'une industrie
ou d'une occupation au sujet de laquelle la Commission
constate qu'il y a chaque année, d'après un usage ou un
contrat de travail pertinent, une période durant laquelle
aucun travail n'est exécuté, ou
(ii) qui, selon l'usage en vigueur dans leur occupation,
branche d'activité ou industrie ou conformément à la
convention intervenue entre elles et un employeur, sont
payées en tout ou partie aux pièces ou en fonction d'un
autre critère que le temps;
r) précisant dans quels cas et à quel moment se produit un
arrêt de rémunération;
et dont voici la version anglaise:
58. The Commission may, with the approval of the Gov
ernor in Council, make regulations
(h) imposing additional conditions and terms with respect
to the payment and receipt of benefit and restricting the
amount or period of benefit, in relation to persons
(i) who work or have worked for any part of a year in
an industry or occupation in which the Commission
determines that there is by custom or pursuant to a
relevant contract of employment a repetitive annual
period during which no work is performed in that
industry or occupation, or
(ii) who by custom of their occupation, trade or indus
try or pursuant to their agreement with an employer are
paid in whole or in part by the piece or on a basis other
than time;
(r) defining and determining when an interruption of earn
ings occurs;
En vertu de l'alinéa h) de l'article 58, la
Commission peut, avec l'approbation du gouver-
neur en conseil, établir des règlements restrei-
gnant «le montant ou la période de service des
prestations», mais uniquement pour les person-
nes qui travaillent ou ont travaillé pendant une
fraction quelconque d'une année dans le cadre
d'une industrie ou d'une occupation «au sujet de
laquelle la Commission constate qu'il y a chaque
année une période durant laquelle aucun travail
n'est exécuté» . 3 L'avocat du procureur général
du Canada nous a informés du fait que la Com
mission n'avait procédé à aucune constatation
de ce genre dans le cadre d'une industrie ou
d'une occupation visée par l'article 158. Compte
tenu du fait que l'article 58h) permet d'adopter
des règlements modifiant le système des presta-
tions tel qu'il est fixé par la loi, j'estime qu'in-
terprétés correctement, les mots «au sujet de
laquelle la Commission constate qu'il y a chaque
année une période durant laquelle aucun travail
n'est exécuté» exigent de la Commission une
constatation officielle de cet état de choses
avant qu'elle ne puisse exercer son pouvoir
réglementaire. Par conséquent, j'incline à penser
qu'en l'absence d'une telle constatation, l'article
58h) ne peut justifier l'article 158 des
règlements.
Toutefois, il existe en l'espèce un motif plus
précis qui peut justifier ma conclusion et par
conséquent c'est ce motif que je retiendrai. J'es-
time que l'article 158 des règlements, même s'il
se peut qu'il ait une certaine portée dans d'au-
tres domaines, ne peut s'appliquer à l'enseigne-
ment à l'Université de Calgary.
Le raisonnement qui me permet de conclure
que l'article 158 des règlements ne s'applique
pas en l'espèce est le suivant: en supposant,
sans trancher cette question, que l'on puisse
déduire, dans une situation appropriée, de l'a-
doption par la Commission d'un règlement en
vertu de l'article 58h) qu'elle a fait la constata-
tion préalable nécessaire à l'exercice de son
pouvoir réglementaire, cette déduction est
impossible en l'espèce. D'abord parce que l'arti-
cle 158 n'est ni un règlement «imposant des
modalités supplémentaires» en matière de ser
vice et de bénéfice des prestations, ni un règle-
ment «restreignant le montant ou la période de
service des prestations»: c'est un règlement qui
déplace arbitrairement le moment où survient
un «arrêt de rémunération» par rapport au
moment où cet arrêt se produit en réalité. En
second lieu, que la Cour utilise les faits qui ont
été soumis au juge-arbitre ou les faits dont elle
peut prendre connaissance d'office, il ne semble
ni probable ni possible que la Commission
puisse constater que l'Université de Calgary ou
que l'enseignement universitaire est une «indus-
trie ou une occupation» dans laquelle il y a
«chaque année une période durant laquelle
aucun travail n'est exécuté». Enfin, l'article 158
des règlements n'indique pas qu'il a été adopté
en vertu de l'article 58h).
J'en conclus donc qu'il est impossible de se
fonder sur l'article 58h) pour attribuer à l'article
158 des règlements un effet quelconque à l'é-
gard du personnel enseignant de l'Université de
Calgary. J'examinerai donc maintenant l'article
58r).
L'alinéa r) de l'article 58 permet d'adopter
des règlements «précisant» dans quel cas et à
quel moment se produit un arrêt de rémunéra-
tion. Compte tenu du fait qu'un «arrêt de rému-
nération» est défini à l'article 2(1)n) de la loi
comme l'arrêt de la rémunération d'un assuré
lorsque celui-ci cesse d'être à l'emploi d'un
employeur, il n'est pas très facile de déterminer
la portée du pouvoir de préciser «dans quel cas
et à quel moment» se produit un arrêt de rému-
nération. L'une des interprétations possibles
consiste à dire qu'un règlement «précisant»
«dans quel cas et à quel moment se produit un
arrêt de rémunération», est un règlement qui
permet de préciser le moment de l'arrêt de
rémunération, dans des situations où le moment
de l'arrêt n'est pas clair' ou lorsqu'il est difficile
de déterminer le moment où cet arrêt s'est en
fait produit. Une autre interprétation possible
consiste à dire que l'article 58r) confère un
pouvoir arbitraire de préciser le moment de
«l'arrêt de rémunération» et de fixer un moment
autre que celui où l'arrêt de rémunération, tel
que le décrit l'article 2(1)n), s'est produit en fait.
D'après cette dernière interprétation, l'article
58r) confère notamment de façon implicite le
pouvoir de retarder le moment où un assuré
remplit les conditions requises pour recevoir les
prestations et de lui retirer ainsi une partie de
son droit aux prestations, de la même manière
que l'article 58h) confère expressément le pou-
voir de restreindre «le montant ou la période de
service des prestations».
Les termes de l'article 58r) ne sont pas suffi-
samment généraux pour justifier l'adoption de
l'article 158 des règlements, à moins qu'on ne
les interprète comme s'ils accordaient implicite-
ment le pouvoir d'adopter un règlement ayant
pour effet d'empêcher une personne de remplir
les conditions requises pour recevoir des presta-
tions pendant une période où, en l'absence d'un
tel texte, elle remplirait les conditions requises
pour recevoir ces prestations.
J'estime qu'il ne faut pas voir dans l'attribu-
tion de pouvoir réglementaire opérée par l'arti-
cle 58 une possibilité de modifier les règles
précisées par la loi elle-même quant au droit de
recevoir des prestations, sauf lorsque ces modi
fications peuvent s'autoriser de termes exprès
ou apparaître comme des conséquences logi-
ques, même si la disposition habilitante semble à
première vue le permettre. Ne serait-ce que
pour cet unique motif, l'article 158 des règle-
ments ne me paraît pas visé par le pouvoir
conféré par l'article 58r) de la loi.
Dans tous les cas, j'estime que la rédaction de
l'article 58r) n'est pas assez large pour permet-
tre d'apporter par voie de règlement des modifi
cations arbitraires aux règles législatives appli-
quées par la loi elle-même au versement des
prestations. La version anglaise de l'article auto-
rise à établir un règlement «defining» ou «deter-
mining» le moment où se produit un arrêt de
rémunération. Dans ce contexte, «define» veut
dire, d'après le Concise Oxford Dictionary:
«Settle limits of; make clear, esp. in outline .. .
Set forth essence of, declare exact meaning of
... »; et «determine», dans ce contexte, veut
dire «limit in scope, define;». La version fran-
çaise de l'article 58r), autorise l'établissement
d'un règlement «précisant» dans quel cas et à
quel moment se produit un arrêt de rémunéra-
tion. D'après le Petit Robert, le premier sens de
«préciser» est «Exprimer, présenter de façon
précise, plus précise», et le second est «Rendre
plus net, plus sûr». J'estime que l'article 58r)
autorise l'établissement de règlements contenant
des critères pour déterminer le moment exact où
se produit un arrêt de rémunération aux fins de
l'article 17(2), dans la mesure où l'objet de ces
règles est d'établir «à quel moment» se produit
un «arrêt de rémunération», tel que le définit
l'article 2(1)n). J'estime d'autre part que l'article
58r) ne permet pas d'établir un règlement dont
l'objet apparent est de formuler une règle pour
déterminer la date qui doit être considérée
comme celle de l'«arrêt de rémunération»,
même si cette date paraît très éloignée de celle
où l'arrêt de rémunération s'est véritablement
produit.' L'article 158 des règlements appartient
à cette dernière catégorie, et j'estime par consé-
quent que l'établissement n'en peut être autorisé
par l'article 58r) de la loi.
Je conclus donc au rejet de la demande pré-
sentée par le procureur général en vertu de
l'article 28.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT SHEPPARD—Je souscris.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT BASTIN—Je souscris.
' 17. (1) Les prestations d'assurance-chômage sont paya-
bles ainsi que le prévoit la présente Partie à un assuré qui
remplit les conditions requises pour recevoir ces prestations.
(2) Un assuré remplit les conditions requises pour rece-
voir des prestations en vertu de la présente loi
a) s'il a exercé un emploi assurable pendant huit semaines
ou plus au cours de sa période de référence, et
b) s'il y a eu arrêt de la rémunération provenant de son
emploi.
z Dans la présente espèce, les parties ont convenu que la
question de l'existence d'une erreur de droit au sens de
l'article 28(1) de la Loi sur la Cour fédérale doit être
tranchée à la lumière des faits non contestés qui ressortent
des documents soumis au juge-arbitre, que le juge-arbitre en
ait ou non fait état dans les motifs de son jugement.
Une autre situation est visée à l'alinéa h)(ii), mais cette
situation ne se retrouve pas dans la présente espèce.
° Par exemple lorsque le salaire est payé avec deux semai-
nes ou un mois de retard. Dans une telle situation, on
pourrait se demander si la rémunération cesse lorsque l'as-
suré cesse de travailler ou lorsqu'il reçoit sa dernière paye.
Les juristes de notre pays sont si habitués à l'usage
malheureux que suivent les rédacteurs de lois d'utiliser des
pseudo-définitions pour donner à certaines expressions un
sens tout à fait arbitraire, très éloigné du sens véritable du
mot utilisé, qu'ils ont tendance à croire que ces «définitions»
servent vraiment à «définir». A la réflexion, et avec l'aide
du dictionnaire, il m'apparaît que ce recours à un article
consacré aux «définitions» ne sert pas du tout à «définir».
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.