Les Moulins Maple Leaf Limitée (Demanderesse)
c.
Le navire Baffin Bay, son fret et la Global Navi
gation Limited (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Walsh—
Montréal, le 20 septembre; Ottawa, le 26 sep-
tembre 1973.
Pratique—Droit maritime—Saisie avant jugement—La
Règle 5 l'autorise-t-elle?
En 1973, la demanderesse affréta le Baffin Bay à Mont-
réal pour un voyage vers Haïti. Le navire subit des avaries
en mer et ses propriétaires abandonnèrent le voyage à
Halifax. La demanderesse déchargea la cargaison à Halifax
et intenta des poursuites contre le navire et ses propriétai-
res, réclamant $700,000 à titre de dommages-intérêts. Sur
consignation d'une caution de $239,000, la saisie du navire
fut levée. Les assureurs allaient verser aux propriétaires
l'indemnité couvrant la perte et fixée à $750,000 quand la
demanderesse obtint l'ordonnance ex parte aux termes de
laquelle le montant de l'indemnité des assurances était saisi
chez les assureurs au Québec.
Arrêt: il convient d'annuler la saisie-arrêt. Bien que la
Règle 5 prévoie que la Cour fédérale puisse adopter des
pratiques suivies dans les tribunaux provinciaux correspon-
dants dans certaines circonstances, on ne doit pas accorder
de saisie-arrêt avant jugement (qui est autorisée au Québec
et en Nouvelle-Écosse) pour satisfaire aux exigences d'un
cas particulier.
REQUÊTE.
AVOCATS:
J. E. Gould pour la demanderesse.
D. A. Kerr pour les défendeurs.
PROCUREURS:
McInnes, Cooper et Robertson, Halifax,
pour la demanderesse.
Stewart, MacKeen et Covert, Halifax, pour
les défendeurs.
LE JUGE WALSH—Cette question m'a été sou-
mise à Montréal le 20 septembre 1973 sur
requête de la défenderesse, la Global Navigation
Limited, en vue d'obtenir la délivrance d'une
ordonnance annulant, en vertu de la Règle 330,
l'ordonnance de saisie-arrêt que j'avais délivrée
à Montréal le 10 septembre 1973, des domma-
ges-intérêts et les dépens. Avant de traiter les
questions de droit qui ont, lors de l'audience du
20 septembre, fait l'objet de plaidoiries écrites
et orales des avocats des parties, il convient de
faire un rapide examen des faits qui ont entraîné
la délivrance de l'ordonnance ex parte du 10
septembre. Par charte-partie datée du 5 mai
1973 à Montréal, la demanderesse avait affrété
le navire Baffin Bay pour transporter jusqu'à
Haïti une cargaison de 9,000 tonnes fortes de
blé. La charte-partie stipulait un minimum de
trois voyages à partir des ports du fleuve Saint-
Laurent, l'affréteur ayant la faculté d'entrepren-
dre encore trois voyages et une seconde option
portant sur trois autres voyages. L'affréteur
avait donc la faculté d'entreprendre neuf voya
ges aller et retour consécutifs jusqu'à Haïti.
Ayant quitté Montréal le 13 juin 1973, le navire
a dû faire face à divers problèmes dont des
ennuis mécaniques tels que des pannes de chau-
dière, des pannes de machine et la rupture du
mécanisme de gouverne. Il a évité de peu l'abor-
dage avec un pétrolier, mais il a heurté une
porte d'écluse à Canso, abordé un remorqueur
au large du port d'Halifax et souffert d'autres
accidents. Enfin, le 24 juin 1973, il a fait relâ-
che à Halifax (Nouvelle-Écosse). Dans ce port,
le navire a rencontré encore d'autres difficultés.
Il s'est fait poursuivre et infliger une amende
pour avoir répandu du mazout dans le port et,
après qu'on ait essayé d'effectuer des répara-
tions à Halifax, le navire a en vain tenté de
quitter ce port. Le 5 juillet, il devait prendre
feu, l'incendie, dit-on, s'étant déclaré dans la
chambre des chaudières alors que le navire était
amarré le long du quai de la raffinerie Texaco à
Eastern Passage (Halifax). L'incendie a pu être
maîtrisé, mais il a fallu avoir recours à plusieurs
remorqueurs appartenant à la Eastern Canada
Towing Limited ainsi qu'à d'autres compagnies
pour remorquer le navire dans le port. A la suite
de ces opérations, la compagnie de remorquage
a réclamé ses frais de sauvetage et, pour éviter
la saisie de la cargaison, la demanderesse s'est
engagée à verser aux compagnies de remor-
quage la somme de $30,000. Le voyage s'est
terminé à Halifax par la volonté de la défende-
resse propriétaire qui a refusé de décharger ou
de transborder la cargaison, ce qui a obligé la
demanderesse à effectuer ces opérations à ses
frais, mais sous toute réserve et sans préjudice
de ses droits de recouvrer ces frais des défen-
deurs. Le navire fut remorqué jusqu'à un poste
de chargement de céréales où on l'a déchargé à
l'aide de grues du port et d'autres engins appar-
tenant au Conseil des ports nationaux car, entre-
temps, on s'était assuré qu'une grande partie de
la cargaison pouvait être sauvée. Quelque 6,000
boisseaux avariés sont restés à bord. La deman-
deresse réclame à peu près $700,000 à titre de
dommages-intérêts dont une partie est encore
incertaine, étant donné qu'on peut s'attendre à
des réclamations au titre des obligations con-
tractuelles de la demanderesse envers le consi-
gnataire et à des dommages-intérêts pour la
perte des affrètements futurs. Pour les assu-
reurs maritimes, le navire est une perte jugée
totale et l'on affirme qu'ils se sont engagés à
verser à la défenderesse, la Global Navigation
Limited, la somme de $750,000, soit la valeur
assurée. Par ailleurs, les propriétaires ont
accepté de vendre le navire pour récupération
pour la somme de ÉU$239,000. La demande-
resse a intenté des procédures contre la défen-
deresse, la Global Navigation Limited et, à la
suite de cette action in rem, le juge Heald a
rendu un jugement qui fixait à $239,000 le
cautionnement pour obtenir mainlevée de la
saisie du navire, soit sa valeur de récupération.
Les défendeurs ont également consigné $9,000
pour couvrir une garantie bancaire dans l'intérêt
des membres de l'équipage qui avaient déposé
une opposition pour protéger leurs salaires et
indemnités, créances ayant priorité sur les récla-
mations de la demanderesse. Les sauveteurs,
qui avaient également des droits sur le caution-
nement de $239,000 consigné par les défen-
deurs, ayant eux aussi intenté une action, dans
la meilleure hypothèse la demanderesse ne rece-
vrait pas le total de ce cautionnement. On a
soutenu que, le 10 septembre, date de l'audition
devant moi de la demande ex parte, la défende-
resse, la Global Navigation Limited, dont le
siège social est à Nassau, et qui est réputée ne
posséder aucun avoir au Canada si ce n'est le
navire pour lequel elle a consigné ledit caution-
nement, allait, ce jour même, recevoir à Mont-
réal le montant de son assurance maritime et
que, si l'on ne saisissait pas ce montant avant
jugement, l'argent sortirait de la juridiction de la
Cour ce qui, dans l'hypothèse où la demande-
resse aurait gain de cause, laisserait sans garan-
tie sa créance de près de $500,000.
Comme les Règles de la Cour fédérale ne
prévoient pas de procédure pour la saisie avant
jugement, l'avocat de la demanderesse a excipé
de la Règle 5, règle relative à la «lacune», qui
est ainsi rédigée:
Règle 5. Dans toute procédure devant la Cour, lorsque se
pose une question non autrement visée par une disposition
d'une loi du Parlement du Canada ni par une règle ou
ordonnance générale de la Cour (hormis la présente règle), la
Cour déterminera (soit sur requête préliminaire sollicitant
des instructions, soit après la survenance de l'événement si
aucune requête de ce genre n'a été formulée) la pratique et
la procédure à suivre pour cette question par analogie
a) avec les autres dispositions des présentes Règles, ou
b) avec la pratique et la procédure en vigueur pour des
procédures semblables devant les tribunaux de la province
à laquelle se rapporte plus particulièrement l'objet des
procédures.
selon ce qui, de l'avis de la Cour, convient le mieux en
l'espèce.
Il invoque plus précisément l'alinéa b) car, selon
lui, dans les deux provinces concernées par
«l'objet des procédures», à savoir la Nouvelle-
Écosse et le Québec, il existe une procédure de
saisie-arrêt avant jugement. Cette demande était
appuyée par les affidavits de James E. Gould,
avocat et procureur à Halifax, représentant la
demanderesse, et de Carol Caswell, gérant de la
compagnie demanderesse qui confirmait les
faits pertinents relatés plus haut. Copies des
Règles de procédure civile de la Cour suprême
de la Nouvelle-Écosse en matière d'ordonnan-
ces de saisie-arrêt sont jointes à l'affidavit de
Me Gould. Ce dernier a déclaré que l'objet des
procédures se rapportait plus particulièrement à
la Nouvelle-Écosse puisque c'est là que la perte
a eu lieu, bien que l'on puisse prétendre que
l'objet des procédures peut également se rap-
porter aux lois de la province de Québec étant
donné qu'une part importante des réclamations
de la demanderesse porterait sur la violation de
la charte-partie quant aux voyages à venir et
que c'est à Montréal que cette charte-partie
avait été signée. De toute manière, vu que la
procédure de saisie-arrêt avant jugement n'est
pas incompatible avec les lois de cette province
mais qu'au contraire, elle est prévue par son
Code de procédure civile, le problème de savoir
quelle loi provinciale il convient d'appliquer est
moins important que si la charte-partie avait été
élaborée, par exemple, en Ontario, où, me
dit-on, il n'existe aucune procédure de saisie-
arrêt avant jugement. Vu ce raisonnement, on a
suivi les règles de la saisie-arrêt applicables en
Nouvelle-Écosse et la saisie fut enfin effectuée
chez les assureurs au Québec. Étant donné que
la défenderesse avait déjà consigné un caution-
nement de $239,000, l'ordonnance n'a autorisé
la saisie-arrêt que de $500,000. Ceci avait pour
effet de conserver l'indemnité versée par la
compagnie d'assurance, ou, du moins, la partie
de cette somme qui n'avait pas encore été
versée, pour éviter qu'on l'apporte hors du
Canada. La règle de la Nouvelle-Écosse auto-
rise le juge, dans le cas d'une saisie-arrêt de ce
genre, à exempter le demandeur de consigner en
garantie une fois un quart la somme saisie et, au
vu des renseignements appuyés par des affida
vits qui attestaient les avoirs très considérables
de la demanderesse au Canada, je l'ai dispensée
de consigner une pareille garantie.
Comme l'y autorise la Règle 330, la défende-
resse, la Global Navigation Limited, conteste
cette saisie-arrêt qui, par mesure d'urgence, a
été autorisée ex parte. Elle soutient qu'elle a une
défense valable à opposer à l'action de la
demanderesse et que, de toute manière, le total
des dommages vérifiables sera inférieur au cau-
tionnement fourni pour le navire. Elle affirme
en outre que la Cour n'a pas compétence pour
délivrer une pareille ordonnance car la règle de
la lacune ne vise pas ce type de situation et
qu'en tout cas, la saisie-arrêt aurait dû être
effectuée en vertu des lois de la province de
Québec.
Devant moi, à l'audience du 20 septembre,
l'avocat de la demanderesse a fourni des détails
supplémentaires sur les dommages qu'elle disait
avoir subis. A cette date, ils s'élevaient à $245,-
000 et ce chiffre pourrait atteindre $332,000 si,
comme cela semble probable, la cargaison n'est
pas déplacée avant le mois de février 1974. La
demanderesse ajoute certains autres éléments
tels que les frais d'obtention d'une cargaison de
rechange pour livraison immédiate moins la
valeur de récupération de la cargaison originale;
ceci augmente les dommages à quelque $780,-
000, chiffre qui ne comprend pas la réclamation
pour dommages éventuels résultant de la viola
tion du contrat quant aux huit affrètements à
venir. Je conviens que l'on ne pourrait pas
admettre à bon droit tous les éléments de la
réclamation, mais il me semble cependant que,
dans l'hypothèse où la demanderesse aurait gain
de cause, les dommages qu'elle a subis dépasse-
raient de loin les $239,000 du cautionnement
déposé pour obtenir la mainlevée de la saisie du
navire, dont il faut également déduire les récla-
mations des sauveteurs. Je conviens, en revan-
che, qu'il pourrait être difficile à la demande-
resse de récupérer le solde de ses créances si
l'argent de l'assurance quittait la juridiction de
la Cour car la défenderesse, la Global Naviga
tion Limited, ne détient aucun autre avoir dans
le pays. Et pourtant, si souhaitable que ladite
saisie avant jugement puisse paraître du point
de vue pratique, cela ne justifie pas en soi une
pareille procédure à moins qu'on puisse l'autori-
ser et l'exécuter dans le cadre des Règles de
cette Cour. Il s'agit donc de décider si l'on a
délibérément omis d'inclure cette règle dans les
Règles de la Cour et si, en ce cas, il est possible
de pallier son absence vu les circonstances par-
ticulières et en faisant application de la Règle 5.
Un tribunal ne peut édicter des règles que dans
le cadre de la loi qui le régit et nous devons
donc nous reporter à la Loi sur la Cour fédérale.
L'article 56(1) de la Loi sur la Cour fédérale
dispose que:
56. (1) En sus de tous brefs d'exécution ou autres que les
Règles prescrivent pour l'exécution des jugements ou ordon-
nances de la Cour, celle-ci peut décerner des brefs visant la
personne ou les biens d'une partie et ayant la même teneur
et le même effet que ceux qui peuvent être décernés par
l'une quelconque des cours supérieures de la province dans
laquelle un jugement ou une ordonnance doivent être exécu-
tés; et lorsque le droit de cette province exige, pour l'émis-
sion d'un bref, une ordonnance d'un juge, un juge de la Cour
peut rendre une ordonnance semblable en ce qui concerne
un tel bref lorsque la Cour doit en décerner un.
La défenderesse, la Global Navigation Limited,
souligne que la Cour ne peut décerner de bref
que «pour l'exécution des jugements ou ordon-
nances» de la Cour et soutient qu'en l'espèce, il
n'y a pas eu de jugement ou d'ordonnance préa-
lable et que l'ordonnance autorisant la déli-
vrance du bref de saisie-arrêt ne peut pas cons-
tituer une telle ordonnance. Par contre, la
dernière clause de cet article précisant que
«lorsque le droit de cette province exige, pour
l'émission d'un bref, une ordonnance d'un juge,
un juge de la Cour peut rendre une ordonnance
semblable en ce qui concerne un tel bref lorsque
la Cour doit en décerner un», ne semble pas
interdire la saisie-arrêt avant jugement, ce qui,
selon le droit de la province de la Nouvelle-
Écosse et de la province de Québec, nécessite
une ordonnance d'un juge. Dans ce contexte, le
mot «bref» est à mon avis synonyme du mot
«procédure», si l'on peut en juger d'après l'arti-
cle 55(1) qui commence par les mots «Les brefs
de la Cour sont exécutoires dans tout le
Canada». Je n'en conclus donc pas, d'autant que
ce n'est pas nécessaire dans la présente affaire,
que la Cour fédérale n'aurait pas pu, à son gré,
inclure dans ses Règles une procédure de saisie-
arrêt avant jugement si elle l'avait jugé
souhaitable.
J'ai cependant de la peine à croire que la Cour
ait omis par mégarde d'inclure une règle ou un
ensemble de règles de cette importance. A mon
avis, le juge présidant l'audience ne devrait pas
se fonder sur les termes de la Règle 5, savoir,
«lorsque se pose une question non autrement
visée par une disposition d'une loi du Parlement
du Canada ni par une règle ou ordonnance géné-
rale de la Cour» pour établir une règle applica
ble aux circonstances particulières d'une espèce
si, de propos délibéré, on n'a pas inclus une
règle générale de ce genre dans les Règles de la
Cour. Le pouvoir d'établir les règles de la Cour
se trouve inscrit à l'article 46 de la Loi sur la
Cour fédérale qui donne aux juges, sous réserve
de l'approbation du gouverneur en conseil, le
pouvoir d'établir des règles générales. Ces
règles, ordonnances et modifications sont
publiées dans la Gazette du Canada et doivent
être déposées devant les deux Chambres du
Parlement. C'est donc de manière restrictive
qu'il convient de faire application de la Règle 5,
en l'utilisant seulement pour suppléer à des
règles ou ordonnances générales afin de résou-
dre un problème d'application qui n'avait pas
été prévu ou qui était imprévisible au moment
de la rédaction des règles générales. J'ai exa-
miné de près les arrêts que l'on m'a cités et dans
lesquels il était fait application de ce qu'on
appelle la règle de la «lacune» et c'est le sens
général de leurs conclusions. Que la saisie avant
jugement constitue une simple mesure de procé-
dure ou, comme le prétend la défenderesse, la
Global Navigation Limited, la création d'un
nouveau droit fondamental en faveur de la
demanderesse, il est certain que le résultat serait
l'introduction dans les Règles d'une nouvelle et
importante procédure dont l'absence pourrait
dans certains cas, tel que la présente affaire,
causer un grave préjudice à la demanderesse,
mais dont l'existence pourrait également causer
un grave préjudice à la défenderesse contre qui
on l'invoque. Par conséquent, je ne pense pas
qu'il s'agisse tout simplement de créer une pro-
cédure pour l'application d'une mesure déjà
prévue par la loi ou par les Règles. Après mûre
réflexion, après avoir entendu les arguments
présentés par les avocats des deux parties et
examiné la jurisprudence se rapportant à notre
affaire, je suis contraint de conclure qu'une telle
procédure, si souhaitable soit-elle, doit être, le
cas échéant, consacrée par une règle générale et
non par une ordonnance faisant jurisprudence et
rendue par un juge pour s'adapter aux circon-
stances d'un cas particulier. Pour cette simple
raison, j'estime qu'il convient d'annuler l'ordon-
nance rendue le 10 septembre 1973.
Il y a cependant un autre problème. En
demandant qu'il soit fait application de la Règle
5b) et en en faisant application afin de pouvoir
se prévaloir de la règle de la Nouvelle-Écosse,
la demanderesse s'est fondée sur «l'objet» des
procédures se rapportant le plus étroitement à la
Nouvelle-Écosse (bien que, de toute évidence,
une partie de cette affaire se rapporte également
à la province de Québec). Par contre, on peut
peut-être puiser à l'article 56 de la loi la compé-
tence nécessaire pour utiliser la Règle 5. L'arti-
cle 56(1) (précité) vise la délivrance de brefs
«ayant la même teneur et le même effet que
ceux qui peuvent être décernés par l'une quel-
conque des cours supérieures de la province
dans laquelle un jugement ou une ordonnance
doivent être exécutés» (les italiques sont de moi)
et l'article 56(3) souligne cet aspect dans les
termes suivants:
56. (3) Tous les brefs d'exécution ou autres brefs visant
des biens, que ces brefs soient prescrits par les Règles ou
qu'ils soient ci-dessus autorisés, sont, sauf disposition con-
traire des Règles, quant aux catégories de biens saisissables
et au mode de saisie et de vente, exécutés autant que
possible de la manière que le droit de la province où sont
situés les biens à saisir exige que soient exécutés les brefs
semblables décernés par les cours supérieures de cette pro
vince, et ils ont les mêmes effets que ces derniers, quant aux
biens en question et aux droits de leurs acquéreurs en vertu
de ces brefs.
Il semble donc qu'un bref devrait être décerné
en la forme utilisée dans la province où il doit
être exécuté, mais l'autorisation de le délivrer, si
l'on applique la Règle 5, exige qu'il le soit selon
la pratique et la procédure en vigueur pour les
procédures semblables devant le tribunal de la
province à laquelle se rapporte plus particulière-
ment l'objet des procédures. Ceci semble abou-
tir à une contradiction dans la mesure où,
comme nous l'avons déjà vu, bien que la saisie
avant jugement ne soit pas incompatible avec le
droit québécois, cette procédure est dans cette
province assez différente de la procédure de la
Nouvelle-Écosse. L'article 733 du Code de la
procédure civile du Québec prévoit que:
733. Le demandeur peut, avec l'autorisation d'un juge,
faire saisir avant jugement les biens du défendeur, lorsqu'il
est à craindre que sans cette mesure le recouvrement de sa
créance ne soit mis en péril.
et l'article 735 dispose que:
735. La saisie avant jugement se fait en vertu d'un bref,
délivré par le protonotaire sur réquisition écrite; celle-ci doit
être appuyée d'un affidavit qui affirme l'existence de la
créance et des faits qui donnent ouverture à la saisie, et
indique les sources d'information du déclarant, le cas
échéant.
Dans le cas de l'article 733, l'autorisation du juge doit
apparaître sur la réquisition elle-même.
Dans la présente affaire, aucun bref n'avait été
délivré par le protonotaire sur réquisition écrite
bien que l'on ait présenté les affidavits nécessai-
res et obtenu l'autorisation d'un juge. D'autres
articles du Code de procédure civile du Québec
obligent le défendeur à qui l'on doit signifier
l'affidavit écrit, à comparaître pour répondre à
la demande formée contre lui et pour entendre
déclarer la saisie valable. Il peut, dans un délai
de cinq jours, demander l'annulation de la saisie
en raison de l'insuffisance ou de la fausseté de
l'affidavit sur la foi duquel le bref a été délivré.
Si la déclaration n'est pas signifiée au défendeur
avec le bref de saisie, le demandeur doit la
produire dans un délai de cinq jours et «la
demande est contestée de la manière ordinaire»
(article 740 du Code de procédure civile du
Québec). Il est évident que la saisie est effec-
tuée au moyen d'un bref qui- est lui-même intro-
ductif d'instance et non simplement l'accessoire
d'une procédure déjà engagée et au cours de
laquelle il est délivré. En Nouvelle-Écosse, par
contre, une ordonnance délivrée conformément
aux Règles de cette province donne ordre au
shérif (ou à l'huissier) de [TRADUCTION] «saisir,
recevoir en tant qu'administrateur judiciaire,
détenir et disposer de» la propriété saisie,
qu'elle se trouve en la possession du défendeur
ou de toute autre personne si la loi ne la protège
pas de la saisie, à concurrence de la réclamation
de la demanderesse, soit $500,000, y compris
les frais probables. Il semble que les biens res-
tent sous saisie jusqu'à ce que l'affaire soit
jugée au fond. La Règle 49.01(3) dispose que:
[TRADUCTION] 49.01. (3) Lorsqu'une procédure est engagée
pour le recouvrement d'une dette ou l'exécution d'une obli
gation qui n'est pas encore exigible, il peut être rendu une
ordonnance de saisie dans tous les cas mentionnés au para-
graphe (1), mais il ne pourra pas être prononcé de jugement
contre un défendeur avant la date d'échéance de la dette ou
du billet.
La Règle 49.12c) dispose que:
[TRADUCTION] 49.12. Lorsque la cour a délivré une ordon-
nance de saisie, elle peut, sur avis,
c) si elle considère que l'ordonnance de saisie n'est pas
nécessaire à la garantie des droits d'un demandeur, ou si
le demandeur n'a pas fait diligence pour poursuivre son
action et obtenir une décision, ou s'il y a eu désistement
ou rejet à l'encontre du défendeur, ou si la réclamation du
demandeur a été complètement satisfaite, ou pour quel-
qu'autre juste motif, annuler en tout ou en partie l'ordon-
nance de saisie et toute saisie effectuée en vertu de cette
ordonnance;
Aucune procédure préliminaire n'ordonne au
défendeur de comparaître pour répondre à la
demande formée contre lui et pour entendre
déclarer la saisie valable puisqu'il ne s'agit pas
nécessairement d'une procédure introductive
d'instance comme c'est le cas dans la province
de Québec. Il me semble donc que l'exécution
dans la province de Québec de procédures pré-
vues par la province de la Nouvelle-Écosse
pourrait causer un sérieux préjudice au
défendeur.
Il ne fait aucun doute que la demanderesse
subira un préjudice du fait de l'annulation de
cette saisie, mais il n'est pas du tout rare de voir
un demandeur obtenir un jugement à l'encontre
d'un défendeur non-résident qui ne possède
dans le pays, à l'époque du jugement, aucun
avoir permettant l'exécution de la décision.
C'est tout à fait par hasard qu'au moment de la
saisie, les assurances allaient rembourser la
défenderesse dans ce pays ce qui a permis à la
demanderesse de tenter d'utiliser cette procé-
dure. D'après la preuve, il appert que les tentati-
ves de la demanderesse pour saisir avant juge-
ment les sommes qu'allait recevoir la
défenderesse non-résidente ne sont cependant
ni futiles ni malveillantes. J'annule l'ordonnance
initiale en vertu de la Règle 330 qui est rédigée
de la manière suivante:
Règle 330. La Cour pourra annuler toute ordonnance rendue
ex parte, mais une telle annulation n'affecte ni la validité ni
la nature d'une action ou omission antérieure à l'ordonnance
d'annulation.
La défenderesse, la Global Navigation Limited,
aura le droit de recouvrer les frais que lui a
occasionnés la requête visant l'annulation de
ladite ordonnance. Ainsi, je délivre une ordon-
nance annulant l'ordonnance de saisie du 10
septembre 1973 et enjoignant la demanderesse
d'aviser immédiatement toutes les personnes à
qui on avait signifié ladite ordonnance de saisie
que celle-ci est annulée, le tout avec dépens aux
défendeurs.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.