Nathan Bernstein (Appelant)
c.
Le ministre du Revenu national (Intime)
Division de première instance, le juge Walsh—
Montréal, le 26 novembre; Ottawa, le 17 décem-
bre 1973.
Impôt sur le revenu—Compagnies—Prestations accordées
aux employés sous forme d'option d'achat d'actions—Choix
de la façon d'établir l'impôt—S'agit-il d'un plan d'appropria-
tion des bénéfices non distribués—Loi de l'impôt sur le
revenu, art. 8(1)c), 81, 85A et 137(2).
En établissant la nouvelle cotisation de l'appelant, prési-
dent d'une compagnie, le Ministre lui a refusé le droit
d'appliquer les dispositions de l'article 85A de la Loi de
l'impôt sur le revenu en ce qui concerne des prestations en
actions qu'on lui avait accordées en sa qualité d'employé de
la compagnie. Le montant de $99,800 fut donc ajouté au
revenu de l'appelant pour l'année d'imposition 1964.
Arrêt: la décision du Ministre est confirmée. Le but visé
par l'article 85A était de permettre à une compagnie d'accor-
der à ses employés une possibilité d'acquérir à des condi
tions favorables des actions de la compagnie ou de sa filiale
de façon à récompenser leurs services et à maintenir leur
intérêt dans le développement de la compagnie sans avoir à
payer l'impôt aux taux réguliers sur le montant de la presta-
tion. Le but visé n'était pas son utilisation comme moyen de
compenser la longue insuffisance des salaires des employés
en leur accordant une prestation dans une année d'imposi-
tion à des conditions fiscales très avantageuses, alors que
s'ils avaient reçu le salaire auquel ils estiment avoir droit, ils
auraient dû payer chaque année l'impôt sur ce salaire au
taux régulier. Le but visé ne peut pas non plus avoir été de
l'utiliser pour transférer à ce taux d'imposition favorable
tout le surplus d'exploitation de la compagnie aux actionnai-
res qui, entre eux, possèdent ou contrôlent toutes les actions
de la compagnie, alors que s'ils l'avaient reçu à titre d'aug-
mentation de salaire, de boni, de dividende ordinaire ou
même en utilisant l'article 105 (impôt sur le revenu non
distribué, option de la compagnie), les impôts à payer
auraient été considérablement plus élevés.
APPEL de l'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
Bruce Verchère et André Primeau pour
l'appelant.
André P. Gauthier pour l'intimé.
PROCUREURS:
Verchère et Primeau, Montréal, pour
l'appelant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
LE JUGE WALSH—Dans la présente affaire,
l'appelant a essayé de se prévaloir de l'article
85A de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C.
1952, c. 148, tel qu'il existait dans l'année d'im-
position 1964 avant la nouvelle modification par
l'article 9 des Statuts 1966-67, c. 47. Ledit
article fut édicté en tant qu'article 75A par l'arti-
cle 28 des Statuts 1952-53, c. 40 et remplacé
par l'article 25 des Statuts 1955, c. 54, le para-
graphe (7) ayant été ajouté par l'article 21(2)
des Statuts 1953-54, c. 57. Sans citer l'article en
question en entier, on peut dire qu'en 1964
l'alinéa (1)a) de cette disposition prévoyait que:
85A. (1) Lorsqu'une corporation a convenu de vendre ou
d'émettre de ses actions, ou des actions d'une corporation
avec laquelle elle ne traite pas à distance, à un de ses
employés ou à un employé d'une corporation avec laquelle
elle ne traite pas à distance,
a) si l'employé a acquis des actions en vertu de la conven
tion, une prestation égale au montant par lequel la valeur
des actions au moment où il les a acquises excède la
somme payée ou à payer par lui à la corporation en
l'espèce, est censée avoir été reçue par l'employé en
raison de son emploi dans l'année d'imposition où il a
acquis les actions;
les alinéas (2)a) et b) prévoient en fait que
l'employé qui est censé avoir reçu une telle
prestation en raison de son emploi au cours
d'une année d'imposition peut choisir de payer
l'impôt qu'il paierait normalement pour l'année
sur ses autres revenus, à l'exclusion de cette
prestation, plus un montant auquel on arrive en
appliquant à la prestation un taux établi en
faisant le rapport de l'impôt payé pour les trois
années précédentes et le revenu durant cette
même période et en soustrayant du résultat
obtenu 20% du montant de la prestation. En ce
qui concerne le contribuable en cause, le calcul
de l'impôt sur les $99,800 que valaient les
actions qu'il a reçues, s'est fait en additionnant
son revenu net de $10,970.71 en 1961, son
revenu net de $13,643.56 en 1962 et celui de
$18,550.18 en 1963, ce qui fait un total de
$43,164.45. L'impôt a été de $1,997.75 en
1961, $2,925.90 en 1962 et $4,967.83 en 1963,
soit $9,891.48 au total, c'est-à-dire une propor
tion de 22.91% de son revenu net pour les trois
années. Si l'on applique ce taux d'imposition au
montant de $99,800, l'impôt s'élève alors à
$22,864.18. De ce chiffre, l'on déduit 20% du
montant de la prestation de $99,800, soit
$19,960, ce qui laisse $2,904.18 comme ajuste-
ment d'impôt à payer au titre de ladite presta-
tion, en plus de l'impôt sur son revenu ordinaire
de l'année.
L'histoire des opérations commerciales qui
ont conduit à l'obtention de la prestation s'est
déroulée de la façon suivante. En janvier 1956,
l'appelant et un certain Hyman Kamichik ont
constitué en corporation la Highland Knitting
Mills Inc. (appelée ci-après la «Highland») pour
fabriquer et distribuer des vêtements de tricot et
ont transféré à la nouvelle compagnie le com
merce semblable qu'ils exploitaient antérieure-
ment ensemble en société. Ils ont été les princi-
paux actionnaires, les dirigeants et les employés
les plus importants de la compagnie de sa cons
titution en corporation au décès de Kamichik en
1969. Les affaires de la compagnie ont été très
prospères, comme en témoigne l'augmentation
de ses ventes: de $350,000 en 1956, à $1,100,-
000 en 1964 et à $2,500,000 en 1968. Au mois
de septembre 1964, ils ont acquis la charte
d'une compagnie, la Salbron Investments Limi
ted, qui avait été incorporée en vertu d'une
charte québécoise le 2 décembre 1963, mais qui
n'avait pas jamais fait d'affaires. Son capital
social était constitué à cette époque de 9,900
actions privilégiées, non cumulatives, portant
intérêt à 5%, remboursables, sans droit de vote
et ayant une valeur au pair de $10 chacune. Par
lettres patentes supplémentaires du 11 septem-
bre 1964, le capital fut augmenté par la création
de 11,000 actions privilégiées non cumulatives,
portant intérêt à 5%, remboursables, sans droit
de vote, d'une valeur au pair de $10 chacune et
le nom de la compagnie fut changé à Berkam
Investments Limited (ci-après appelée «la
Berkam»). La Highland, à une assemblée tenue
le 28 octobre 1964, s'engagea à souscrire 94
actions ordinaires et 20,000 desdites actions
privilégiées de la Berkam, ainsi que les actions
qui avaient été accordées et émises aux trois
actionnaires d'origine qui avaient demandé la
constitution. La compagnie emprunta à la
banque pour payer ces actions, la Highland
ayant émis un chèque de $201,000 en faveur de
la Berkam. Le chèque était daté du 26 octobre
1964, mais la banque n'y a apposé son tampon
que le 4 décembre 1964.
Le 23 novembre 1964, la Highland conféra à
Bernstein et Kamichik le droit de lui acheter
chacun 10,000 desdites actions privilégiées pour
$200 et tous les deux exercèrent ce droit par
écrit en date du 11 décembre 1964. Le même
jour, une assemblée de la Berkam approuva le
transfert des actions de la Highland aux ache-
teurs. Le 14 décembre 1964, la Berkam adopta
une résolution prévoyant le rachat et l'annula-
tion de 20,000 desdites actions privilégiées.
Cette résolution fut dûment approuvée à une
assemblée générale spéciale à la même date et,
le 16 décembre 1964, on obtint des lettres
patentes supplémentaires confirmant la réduc-
tion du capital de la Berkam par l'annulation
desdites actions de sorte que le capital n'était
plus constitué que de 900 actions privilégiées et
100 actions ordinaires d'une valeur au pair de
$10 chacune. A toutes les assemblées des deux
compagnies, à partir du moment où la Highland
acquit les actions de la Berkam, Kamichik et
Bernstein étaient présents et constituaient le
quorum des administrateurs ou des actionnaires
selon le cas.
A la suite de cette série d'opérations, l'appe-
lant reçut la somme de $100,000 pour le rachat
des actions privilégiées qu'il avait payées $200,
soit un bénéfice de $99,800. L'appelant invoque
les termes de la convention (une convention
identique fut conclue d'autre part avec Kami-
chik) qui lui conférait le droit d'acheter les
actions de la Highland pour $200 et lui précisait
qu'il est un employé de la compagnie et que
[TRADUCTION] «cette dernière souhaite lui con-
férer un avantage à l'égard de son emploi et en
vertu dudit emploi». Au paragraphe suivant, il
est stipulé que:
[TRADUCTION] ... en considération dudit emploi, la compa-
gnie accorde à Bernstein, par les présentes, le droit exclusif
d'acheter à la compagnie 10,000 actions privilégiées non
cumulatives, portant intérêt à 5%, remboursables, sans droit
de vote, d'une valeur au pair de $10 chacune du capital-
actions de la BERKAM INVESTMENTS LIMITED pour la somme
de $200, durant la période et sous réserve des conditions
ci-après spécifiées, à savoir:
1. Bernstein peut en vertu des présentes exercer ses droits
de la manière y prescrite dans les deux (2) années à compter
de la date des présentes pourvu qu'au moment où il exerce
lesdits droits, Bernstein soit employé par la compagnie.
La cotisation primitive, datée du 28 juin
1965, fixait l'impôt de l'appelant au montant
que ce dernier avait calculé en se fondant sur
son choix en vertu de l'article 85A, mais une
nouvelle cotisation, dont l'avis date du 25 juin
1969, lui refusa le droit de se prévaloir des
dispositions de l'article 85A, en conséquence de
quoi on ajouta la somme de $99,800 à son
revenu pour l'année d'imposition 1964. Il s'op-
posa à la nouvelle cotisation qui fut confirmée
et, par la suite, institua le présent appel.
L'intimé soutient que l'appelant et Kamichik
n'ont pas reçu la prestation à titre d'employés,
mais plutôt à titre d'actionnaires de la Highland,
qu'il s'agissait d'une manoeuvre permettant aux
actionnaires de s'approprier les fonds de la
Highland ou à la Highland de distribuer à ses
actionnaires la plus grande partie de ses surplus
accumulés qui, le l er janvier 1964, se chiffraient
à $209,022.94, dans le seul but de diminuer le
montant d'impôt à payer. L'intimé se fonde sur
le paragraphe (7) de l'article 85A de la loi, qui se
lit comme suit:
85A. (7) Le présent article ne s'applique pas lorsque la
prestation accordée par la convention n'a pas été reçue à
l'égard, au cours ou en vertu de l'emploi.
et sur l'article 8(1)c):
8. (1) Lorsque, dans une année d'imposition,
c) un bénéfice ou un avantage a été attribué à un action-
naire par une corporation,
autrement
(i) qu'à l'occasion de la réduction de capital, du rachat
d'actions, ou de la liquidation, cessation ou réorganisa-
tion de son entreprise,
(ii) qu'en payant un dividende sous forme d'actions, ou
(iii) qu'en conférant à tous les détenteurs d'actions
ordinaires du capital de la corporation un droit d'y
acheter des actions ordinaires additionnelles,
le montant ou valeur en l'espèce est inclus dans le calcul du
revenu de l'actionnaire pour l'année.
Subsidiairement, l'intimé soutient que le béné-
fice a été accordé à l'appelant en sa qualité
d'actionnaire à titre, à compte ou au lieu de
paiement ou en acquittement de dividendes, au
sens de l'article 6(1)a)(i) de la loi, qui se lit
comme suit:
6. (1) Sans restreindre la généralité de l'article 3, doivent
être inclus dans le calcul du revenu d'un contribuable pour
une année d'imposition
a) les montants reçus dans l'année à titre, à compte ou au
lieu de paiement ou en acquittement
(i) de dividendes,
L'intimé soutient de plus qu'à la suite d'opé-
rations interdépendantes et intimement liées, la
Highland ou la Berkam, ou les deux, a accordé à
l'appelant un bénéfice de $99,800 que les dispo
sitions du paragraphe (2) de l'article 137 de la
Loi de l'impôt sur le revenu l'obligeaient à
inclure dans le calcul de son revenu. L'article
137(2) se lit comme suit:
137. (2) Lorsqu'une ou plusieurs ventes, échanges, décla-
rations de fiducie ou autres opérations de quelque nature
que ce soit ont pour résultat qu'une personne confère un
avantage à un contribuable, cette personne est censée avoir
fait au contribuable, un paiement égal au montant de l'avan-
tage conféré, nonobstant la forme ou l'effet juridique des
opérations ou le fait qu'une ou plusieurs autres personnes y
aient été également parties; et, qu'il y ait eu ou non une
intention d'éviter ou d'éluder des impôts prévus par la
présente loi, le paiement doit, selon les circonstances, être
a) inclus dans le calcul du revenu du contribuable pour
l'application de la Partie I,
b) censé constituer un paiement à une personne non
résidante à qui s'applique la Partie III, ou
c) censé constituer une disposition à titre de don à
laquelle s'applique la Partie IV.
Enfin, l'intimé soutient que les opérations en
question faisaient partie d'une réorganisation de
l'entreprise de la Highland, en vertu de laquelle
les biens de la Highland étaient distribués à
l'appelant ou autrement affectés à son avantage,
alors que la Highland avait en main des revenus
non distribués qui doivent donc être inclus dans
le revenu de l'appelant en vertu de l'article 81(1)
de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui se lit
comme suit:
81. (1) Lorsque, au moment où la corporation avait en
main un revenu non distribué, des fonds ou des biens d'une
corporation ont, de quelque façon, été distribués à un ou
plusieurs de ses actionnaires, ou autrement affectés à leur
avantage, lors de la liquidation, de la cessation ou de la
réorganisation de son entreprise, chaque actionnaire est
censé avoir reçu à cette époque une dividende égal au
moindre
a) du montant des fonds ou de la valeur des biens ainsi
distribués ou à lui affectés, ou
b) de sa portion du revenu non distribué alors en main.
Après plusieurs discussions entre la Cour et
les avocats, les parties, pour éviter une preuve
longue et redondante, ont conclu l'accord
suivant:
[TRADUCTION] Les parties, par l'intermédiaire de leurs
avocats, conviennent par les présentes que Nathan Bern-
stein, Emilien Tanguay, Marcel Leduc et Françoise
Paquette, tous employés de Highland Knitting Mills, établi-
raient, s'ils étaient entendus, les faits suivants:
a) la présente convention ne s'applique qu'au présent
appel et ne peut servir dans d'autres occasions contre
l'une ou l'autre des parties, ni être invoquée par toute
autre partie; et
b) les parties se réservent leur droit de s'opposer, pour
des motifs de pertinence, à tous faits admis par les
présentes.
1. MM. Kamichik et Bernstein étaient véritablement des
employés de la Highland Knitting Mills Inc. (Highland)
durant la période de 1956 à 1969; durant la même période
ils étaient les dirigeants, administrateurs et seuls actionnai-
res de la compagnie.
2. Jusqu'à ce jour, M. Bernstein est resté véritablement un
employé de la Highland.
3. De 1956 à 1969, MM. Kamichik et Bernstein, à titre de
dirigeants, employés, administrateurs et actionnaires de la
Highland, se sont acquittés de leurs charges de façon excep-
tionnelle. Notamment, leurs journées de travail étaient
exceptionnellement longues, à savoir, dans le cas M. Kami-
chik, environ 10 heures par jour, six jours par semaine,
cinquante semaines par année et, dans celui de M. Bern-
stein, environ quinze heures par jour, six jours par semaine,
cinquante semaines par année.
4. MM. Kamichik et Bernstein travaillaient pendant un
nombre d'heures notablement plus élevé que les autres
employés «clef» de la Highland.
5. L'apport de MM. Kamichik et Bernstein tel que décrit
ci-dessus a été beaucoup plus considérable que l'apport des
autres employés «clef».
6. Les fonctions remplies par MM. Kamichik et Bernstein,
telles que décrites ci-dessus ont une influence capitale sur le
bon fonctionnement et la prospérité des affaires de la
Highland.
Grâce à l'entente, nous n'avons entendu qu'un
seul témoin, Stanley Rosen, C.A., vérificateur
de la Highland depuis 1960. Il a déposé que le
travail de Kamichik portait surtout sur l'aspect
financier de l'entreprise alors que Bernstein
s'occupait des aspects vente, mode et produc
tion. Ils ont tous les deux beaucoup travaillé
pour mettre l'entreprise sur pied et, selon lui, les
salaires qu'ils touchaient étaient tout à fait
insuffisants. L'entreprise s'est développée très
rapidement, les ventes passant de $403,245 en
1960, à $1,538,785 en 1965 et les profits bruts
de $70,881 en 1960 et $388,087 en 1965, alors
que le profit net avant déduction de l'impôt sur
le revenu augmentait de $13,651 en 1960 à
$197,978 en 1965. L'entreprise continua à se
développer de cette façon jusqu'en 1969, où
Kamichik et Bernstein en cédèrent le contrôle à
la Kambern Diversified Industries Limited, en
conséquence de quoi les dettes de la Highland
envers Bernstein et la succession de Kamichik,
d'un montant de $71,676.28 et $73,481.85 res-
pectivement, ont été acquittées au mois d'octo-
bre 1969. Bernstein est demeuré employé de la
compagnie comme président et a continué à
consacrer tout son temps et son attention à
l'entreprise dont les ventes ont atteint $2,387,-
328 en 1969, le profit brut $744,441 et le profit
net avant déduction de l'impôt $424,624. Cette
période n'est pas en relation directe avec l'af-
faire présente, si ce n'est dans la mesure où elle
montre la croissance continue de l'entreprise
après 1964. D'après Rosen, durant la période de
1956 à 1962, leur salaire n'avait été que de
l'ordre de $8,000 à $10,000 chacun. Bernstein
cependant a reçu un salaire de $17,450 en 1963
et de $35,000 en 1964, année où le salaire de
Kamichik s'élevait à $18,000. Bien que la com-
pagnie eût 123 employés en 1964, dont trois
employés de longue date qui travaillaient là
depuis la fin des années1940, avant son incor
poration, Rosen estimait que toute la réussite de
la compagnie était due au travail acharné et à la
gestion éclairée de Bernstein et Kamichik et
lorsqu'en 1962 et en 1963, il devint évident que
les profits nets augmentaient rapidement, il les a
poussés à en tirer plus d'argent, ceci devant
comprendre, d'après lui, une compensation pour
leurs services passés. En 1965, on a établi pour
Kamichik et Bernstein seulement un régime de
retraite et on a versé des sommes considérables
à l'égard de leurs services passés. Il a admis en
contre-interrogatoire que, compte tenu à la fois
des impôts de la compagnie et de l'impôt per
sonnel de Bernstein et Kamichik, le fardeau
fiscal serait moins onéreux si l'on utilisait le
plan d'option d'achat d'actions qui fut adopté,
que si l'on augmentait leurs salaires ou si on leur
payait des dividendes plus considérables. Rosen
n'estime pas que faire subir à la compagnie une
perte de $199,600 en 1964 en leur vendant $400
des actions de la Berkam que la compagnie avait
payées $200,000 constituait de la mauvaise ges-
tion de leur part, bien que cette perte eût fait
diminuer le compte des surplus d'exploitation
qui s'élevait à $148,817.49 le ler janvier 1964, à
$9,422.94 le 31 décembre 1964, alors que le
profit net pour 1964 s'élevait de $60,205.45. Il
estime que la prestation se justifiait pour les
motiver à continuer à faire prospérer la compa-
gnie et la prospérité de la compagnie dans les
années subséquentes a démontré sa capacité
d'absorber facilement cette perte.
Bernstein et Kamichik avaient placé chacun
$40,000 dans le capital-actions de la compagnie,
$25,000 en actions privilégiées d'une valeur au
pair de $1 chacune et $15,000 en actions ordi-
naires d'une valeur au pair de $1 chacune. Les
actions privilégiées portaient intérêt à 5% et
étaient non cumulatives. Ces dividendes n'ont
été payés qu'une fois, en 1962, en même temps
qu'un dividende de 25¢ par action ordinaire, ce
qui fait un paiement total au titre des dividendes
cette année-là de $2,500 pour les actions privilé-
giées et de $7,500 pour les actions ordinaires,
montant qu'ils ont partagé également. La
Berkam, bien que constituée comme compagnie
de placements, n'a jamais fait d'affaires. Rosen
a en outre témoigné que l'acquisition par la
Highland des actions de la Berkam n'était pas la
conséquence d'un prêt «éclair» qu'il a défini
comme un emprunt qui est contracté et rem-
boursé le même jour. La marge de crédit de la
Highland était excellente et, en 1964, elle pou-
vait emprunter jusqu'à $250,000 de sa banque.
Après son emprunt pour l'achat des actions de
la Berkam, la Highland ne devait que $213,000
à la banque puisque sa dette était normalement
minime en décembre, mois où la plupart des
revenus rentrent. Bien que son chèque de $201,-
000 au nom de la Berkam pour payer les actions
souscrites soit daté du 26 octobre 1964, la
banque n'y a apposé son tampon que le 4
décembre 1964; cela n'a pas grande importance
sinon que l'intérêt sur l'augmentation de son
emprunt bancaire ne commencerait à courir qu'à
cette date. L'emprunt a été remboursé à la
banque le 8 janvier 1965, jour où Kamichik et
Bernstein ont prêté $200,000 à la compagnie
contre des billets à ordre de $100,000 chacun.
Bien que ces billets portassent intérêt à 6%,
Rosen a déclaré dans son témoignage que
Bernstein et Kamichik y ont renoncé.
En insistant fortement sur la valeur des servi
ces rendus à la Highland par Kamichik et Bern-
stein, par rapport à la rémunération qu'ils en
avaient reçue dans les années antérieures à
1964, l'appelant soutient que la prestation qui
leur a été accordée a été «reçue à l'égard, au
cours ou en vertu de l'emploi» et que, par
conséquent, l'exclusion prévue à l'article 85A(7)
(précité) ne s'applique pas. S'il concède que la
méthode employée a eu pour effet de distribuer
à Bernstein et Kamichik la majeure partie du
surplus accumulé par la Highland à la fin de
l'année 1964, on a invoqué le principe bien
établi en droit fiscal selon lequel un contribua-
ble n'est pas tenu d'organiser ses affaires de
façon à devoir payer le plus d'impôt possible et
que, s'il peut honnêtement se situer dans le
champ d'application des dispositions de la loi et
des règlements fiscaux qui lui réduisent sa
charge fiscale, il a le droit de le faire. On a en
outre soutenu que l'article 137(2) qui traite de
l'évasion fiscale ne peut avoir l'effet de faire
échec aux dispositions de quelque autre article
de la loi dont un contribuable peut se prévaloir,
même si l'impôt ainsi exigible est réduit.
Bien que certains des arrêts qui m'ont été
signalés par les avocats des deux parties m'aient
été utiles, il ne semble pas y avoir de jurispru
dence qui porte directement sur la question en
litige. L'avocat de l'appelant s'est fondé sur le
paragraphe 8 du Bulletin d'interprétation en
matière d'impôt, IT 23, du 6 août 1971, publié
par le ministère du Revenu national, interpréta-
tion non contraignante pour la Cour, pour
avérer le principe que l'article 85A donne un
choix à une personne qui est à la fois employé
et actionnaire. Je l'aurais adoptée en l'espèce en
tout état de cause puisque l'article 139(1)1a) de
la loi affirme:
139. (1) Dans la présente loi,
la) «employé» comprend un fonctionnaire;
et bien qu'un fonctionnaire (dirigeant) ne soit
pas nécessairement un administrateur et, par-
tant, un actionnaire, il l'est ordinairement. Je ne
crois pas que l'intimé prétende que l'article 85A
ne s'applique qu'aux employés qui ne possèdent
aucune action dans la compagnie mais plutôt
que la prestation doive leur avoir été accordée
«à l'égard, au cours ou en vertu de l'emploi» et
non en leur qualité d'actionnaire de la compa-
gnie. La difficulté en l'espèce provient de ce
que Bernstein et Kamichik n'étaient pas seule-
ment des actionnaires minoritaires de la High
land, mais qu'entre eux, ils détenaient la pro-
priété ou le contrôle de toutes les actions de la
compagnie et pouvaient l'administrer comme ils
l'entendaient. Je n'ignore pas que la compagnie
a une existence séparée et distincte de celle de
ses actionnaires et que, dans la présente affaire,
la Highland, au moins, était une compagnie en
pleine exploitation et non un subterfuge ou un
simulacre. Je n'ignore pas non plus les arrêts qui
ont décidé qu'une corporation ne peut être con-
sidérée l'agent de ses actionnaires ni les action-
naires propriétaires des biens de la compagnie'.
Toutefois, en ce qui concerne la Berkam, bien
qu'elle ait préparé ses déclarations annuelles et
qu'elle ait continué à le faire après 1964. Bern-
stein et Kamichik en avaient fait manifestement
l'acquisition dans le but évident de réaliser ce
projet qui a eu pour effet de réduire énormé-
ment leurs impôts à payer pour l'année en
cause. Cette compagnie n'a jamais servi à autre
chose et n'a jamais exploité d'entreprise, quelle
qu'elle soit. Cependant, c'est la Highland et non
la Berkam qui leur a accordé la prestation, soit
le droit d'acheter des actions de la Berkam
valant $200,000 pour la somme de $400. La
Berkam n'a été que le canal par lequel on leur a
finalement transmis, en espèces, les profits de
l'opération.
L'appelant invoque l'arrêt La succession
Crosbie c. M.R.N. [1967] 1 R.C.É. 297, dont le
point déterminant n'était pas l'interprétation de
l'article 85A de la Loi de l'impôt sur le revenu,
mais qui portait sur l'impôt successoral. Dans
cette cause, une compagnie contrôlée par le de
cujus avait accordé à deux de ses employés,
dont un était uni par les lieux du sang au de
cujus, le droit d'acheter des actions de son capi-
tal-actions à un prix considérablement réduit en
reconnaissance de «longs et fidèles services
... et en encouragement à continuer à rendre
de tels services». Le de cujus étant décédé dans
les trois années, le Ministre a ajouté le montant
de la prestation à la masse successorale comme
étant une donation ou une disposition dont la
contrepartie n'avait été que partielle. Le tribunal
a jugé que la prestation avait été accordée au
parent à titre d'employé de la compagnie pour
des motifs d'affaires valables et non à titre de
parent par le sang du de cujus. Le président
Jackett, tel était alors son titre, s'est rapporté
dans son jugement à l'article 85A, alors qu'il
déclarait à la page 304:
[TRADUCTION] Il nous faut éclaircir un autre point en plus
de la question à trancher dans cet appel. Il me semble que
l'opération en cause tombe dans une catégorie assez cou-
rante de transactions commerciales, celle des paiements
faits dans le cours normal de l'entreprise, sans obligation
juridique. On exploite une entreprise pour faire des bénéfi-
ces. Aucun débours n'est véritablement commercial s'il ne
tend pas directement ou indirectement à cette fin. En géné-
ral, les paiements commerciaux sont faits conformément à
des contrats, en vertu desquels l'homme d'affaires reçoit
une contrepartie pour ce paiement—par ex. des contrats de
service, des contrats d'achat, des contrats de construction,
etc. Cependant, selon les circonstances, une pratique com-
merciale judicieuse rendra nécessaires des débours supé-
rieurs au montant juridiquement payable en contrepartie de
ce que l'homme d'affaires a reçu ou doit recevoir. Un
paiement spécial à un bon entrepreneur en raison de difficul-
tés imprévues, afin qu'il soit disposé à effectuer un autre
travail à l'avenir, est un exemple de ces situations. Des
primes versées à des employés en sus des stipulations de
contrats d'engagement, pour conserver leur bonne volonté et
maintenir leur moral, en est un autre. On peut en citer un
autre encore, c'est celui du type même d'avantages conférés
à des cadres supérieurs, dont il est question dans cet appel.
La clause spéciale de l'article 85A de la Loi de l'impôt sur le
revenu, relative à leur traitement pour fins d'impôt, démon-
tre qu'il s'agit là d'un type très courant d'avantages consen-
tis aux cadres supérieurs.
Cependant, l'alinéa précédant ce passage fait
état d'une conclusion sur les faits qui fonde
cette déclaration:
[TRADUCTION] On n'a pas prétendu que la transaction
n'était qu'un simple subterfuge pour accorder une gratifica
tion à Andrew C. Crosbie en qualité de parent du défunt, ni
qu'une partie du montant de la gratification n'ait eu d'autre
but que de satisfaire aux raisons commerciales légitimes
pour lesquelles il était de l'intérêt commercial de la compa-
gnie de l'accorder à cet employé. Cet aspect de l'affaire est
souligné par le fait, par ailleurs insignifiant, qu'on avait
prévu un arrangement du même type pour un collègue de
l'employé, dans des conditions semblables et à la même
époque.
Les faits de l'arrêt cité diffèrent considérable-
ment de ceux de la présente espèce car, en dépit
de l'importance attachée par l'avocat de l'appe-
lant à l'argument qu'une compagnie a avantage à
accorder des prestations sous forme d'option
d'achat d'actions au lieu d'augmentations de
salaire à ses cadres chevronnés pour retenir
leurs services et éviter qu'ils quittent leur
emploi pour s'engager chez un concurrent, il est
bien évident que ni Bernstein ni Kamichik
n'avaient jamais rien envisagé de tel. L'entre-
prise, en réalité, leur appartenait. Ils l'avaient
fondée bien avant de la constituer en corpora
tion, et à toute fin pratique, ils en étaient les
seuls actionnaires. On peut peut-être prétendre
qu'on leur a accordé la prestation sous forme
d'option d'achat d'actions comme récompense
de leurs services passés, mais cette gratification
n'était sûrement pas nécessaire pour les encou-
rager à rester bien disposés envers la compagnie
et à prodiguer leurs efforts à son service. On ne
peut sous ce rapport comparer la prestation
dont il est question ici avec les régimes de
prestations sous forme d'option d'achat d'ac-
tions qu'on accorde dans les grandes compa-
gnies aux cadres supérieurs à titre d'encourage-
ment et pour retenir leurs services. Il n'est pas
sans conséquence de constater que trois autres
employés, qui travaillent dans l'entreprise
depuis la fin des années 40, bien qu'ils n'eussent
manifestement pas la même importance pour la
Highland que Bernstein et Kamichik, ne rece-
vaient que des salaires de $7,000 à $8,000 en
1964; on ne leur avait aucunement donné la
possibilité de participer, même de façon minime,
à ladite prestation sous forme d'option d'achat
d'actions, ni inclus dans le plan de pension
établi par la compagnie en 1965. Il est égale-
ment significatif qu'en 1964, l'année même où
l'appelant a reçu la prestation (et Kamichik
aussi, mais la présente affaire ne le concerne
pas), le salaire de l'appelant a été porté à
$35,000, alors qu'il n'était que de $17,450 en
1963 et de $8,000 en 1962. II est donc difficile
de prétendre que ladite prestation était néces-
saire «pour des raisons commerciales légitimes»
afin de le récompenser pour son zèle et son
talent exceptionnel et d'assurer qu'il demeure
aussi empressé au service de la compagnie.
L'appelant s'est aussi référé au jugement de
la Commission d'appel de l'impôt dans l'affaire
Gordon G. Smith c. M.R.N. 69 DTC 192, qui a
admis l'application de l'article 85A à une presta-
tion sous forme d'option d'achat d'actions
accordée à l'appelant par une compagnie que lui
et son épouse contrôlaient. Toutefois, il semble
que la décision dans cette affaire se soit fondée
sur le fait qu'il n'était pas nécessaire qu'il y eut
un accord écrit entre l'appelant et la compagnie
au sujet de l'émission des actions en son nom,
mais qu'un simple accord verbal suffisait. On ne
semble pas avoir envisagé la possibilité d'appli-
quer l'article 85A(7) et le Ministre n'a pas invo-
qué les dispositions de l'article 137(2).
L'appelant a cité aussi l'arrêt Marsland c.
M.R.N. [1970] Tax A.B.C. 49. Dans cette
affaire, on avait imposé les appelants, mari et
femme, à l'égard d'une donation par suite d'une
émission d'actions à prix réduit au profit de leur
fils; il s'agissait d'actions d'une compagnie dont
ils possédaient 47 des 50 actions émises et leur
fils le reste. On a conclu qu'il s'agissait manifes-
tement d'une prestation accordée à un employé
en vertu des dispositions de l'article 85A(1)a), si
bien qu'on devait calculer l'impôt conformé-
ment à l'article 85A(2) et que l'article 137(2) ne
s'appliquait pas. Selon les motifs du jugement,
puisqu'aux termes de l'article 85A, on considère
un tel paiement comme un revenu et qu'en vertu
de l'article 137(2), on peut soit l'inclure dans le
calcul du revenu du contribuable selon l'alinéa
a), soit le considérer une donation selon l'alinéa
c) et puisque le fils, bénéficiaire, était prêt à
payer l'impôt prévu dans ce cas par l'article
85A(2), on ne devait pas traiter la prestation
comme une donation. Dans cet arrêt, l'article
85A(7) n'a pas été discuté et, comme on l'a déjà
souligné, il ne s'agissait pas d'impôt sur le
revenu mais d'impôt sur les donations, ce qui
n'est pas le cas dans la présente espèce. De
plus, le fils des appelants n'était qu'un action-
naire minoritaire de la compagnie bien que,
depuis un certain temps, il en ait été l'employé
le plus important, son père ayant pris sa retraite
quelque temps auparavant. Cette affaire se dis-
tingue donc clairement de la présente espèce.
L'appelant se fonde aussi sur l'arrêt M.R.N.
c. Pillsbury Holdings Limited [1965] 1 R.C.É.
676. Dans cette affaire, la compagnie intimée
avait emprunté une importante somme d'argent
à deux de ses filiales qui avaient par la suite
renoncé à l'intérêt sur ce prêt. On a allégué que
les filiales avaient de cette manière accordé une
prestation à la compagnie-mère qui en était
actionnaire. Refusant d'appliquer l'article 8(1)c)
de la loi (précité), le juge Cattanach, dans son
jugement, décide que le bénéfice ou avantage
n'a pas été accordé à la compagnie-mère à titre
d'actionnaire et déclare en conséquence à la
page 687:
[TRADUCTION] Le Ministre n'allègue pas qu'il a présumé, en
établissant la cotisation que le fait de renoncer à l'intérêt
constituait une manoeuvre de la part de la compagnie pour
accorder à l'intimée un bénéfice ou avantage à titre d'action-
naire. L'intimée n'était pas tenue de réfuter ce fait, néces-
saire pour que la renonciation à l'intérêt soit imposable, à
moins que le Ministre n'ait présumé ledit fait en établissant
la cotisation. Il se peut que ce motif suffise à justifier le
rejet de l'appel du Ministre.
Dans la présente espèce, l'intimé invoque claire-
ment les dispositions de l'article 8(1)c) et
137(2). L'importance de ce fait est soulignée par
la déclaration du juge Cattanach à la page 688:
[TRADUCTION] J'ai quelques difficultés, en ce qui concerne
la première série de renonciations, à accepter que le prêteur,
suite à la déclaration du débiteur relativement à ces difficul-
tés financières, aurait tout simplement renoncé à l'intérêt
plutôt que de lui accorder un délai supplémentaire, si ce
n'était que le débiteur détenait la presque totalité des actions
de la compagnie prêteuse. Cependant, on n'a pas soutenu
que la renonciation était autre chose que ce qu'elle préten-
dait être, c'est-à-dire une aide accordée par un prêteur à un
débiteur en difficultés financières. Si l'on avait mis en cause
ces opérations dans l'avis d'appel et au procès en alléguant
qu'elles étaient des manoeuvres pour accorder un bénéfice à
l'intimée à titre d'actionnaire, il lui aurait peut-être été
difficile d'y faire échec. Cependant, on n'a pas mis en cause
les opérations et, par conséquent, on ne peut maintenir les
cotisations.
J'estime qu'on peut facilement régler deux
des prétentions de l'intimé. L'intimé se fonde
sur l'arrêt Hill c. Permanent Trustee Company
of New South Wales, Limited [1930] A.C. 720
pour soutenir qu'on devrait traiter la prestation
comme un dividende et lui appliquer les disposi
tions de l'article 6(1)a)(1) de la loi (précité).
Dans cet arrêt, on déclare ce qui suit à la page
731:
[TRADUCTION] Une compagnie à responsabilité limitée qui
n'est pas en liquidation, ne peut faire aucun paiement en
remboursement de capital à ses actionnaires sauf lorsqu'il
s'agit d'une réduction autorisée de son capital. Tout autre
versement effectué au profit de ses actionnaires ne peut et
ne doit seulement se faire qu'au moyen d'une division des
profits. Que l'on nomme ce paiement «dividende» ou «boni»
ou n'importe quoi d'autres, il ne peut s'agir que d'un paie-
ment par division de profits.
La Cour de l'Échiquier s'est référée à cet arrêt
dans l'affaire Northern Securities Company c.
Le Roi [1935] R.C.É. 156. Le président
Maclean, après avoir cité ce passage, déclare
aux pages 160 et 161:
[TRADUCTION] Ceci veut dire que, sauf s'il s'agit d'une
réduction de capital, toute distribution de fonds qui a pour
effet de transférer des actifs aux actionnaires, ne peut être
qu'une distribution des profits, quelle que soit la méthode
qu'on emploie pour l'effectuer.
L'arrêt McConkey c. M.R.N. [1937] R.C.É. 209
en arrive à la même conclusion. Aucun de ces
arrêts, cependant, ne peut s'appliquer à l'espèce
présente, à moins qu'on en vienne à la conclu
sion que Bernstein et Kamichik ont reçu la
prestation à titre d'actionnaires et non à titre
d'employés car, autrement, l'article 85A, qui
n'était évidemment pas en cause dans l'arrêt
Hill (précité) en Angleterre et qui n'existait pas
à l'époque des deux jugements canadiens, pré-
voit effectivement une autre façon de distribu
tion des surplus, savoir sous forme de participa
tion. En tous cas, même si l'on concluait qu'il
s'agissait d'une prestation accordée à Bernstein
et Kamichik à titre d'actionnaires, j'estime
qu'on devrait lui appliquer l'article 8(1)c) plutôt
que l'article 6(1)a)(i). L'article 6(1)a)(i) n'utilise
que le mot «dividende» et ce mot est défini
comme suit à l'article 139(1)k):
139. (1) Dans la présente loi,
k) «dividende» ne comprend pas un dividende sous forme
d'actions;
Aucun dividende n'a été déclaré au cours d'une
réunion des administrateurs et on ne peut vrai-
ment pas considérer le plan compliqué qu'on a
adopté pour tirer des fonds en espèces du sur
plus de la compagnie et les remettre à Bernstein
et Kamichik comme le paiement d'un dividende.
Si l'on devait les considérer comme un divi-
dende, ce qui n'est pas ma conclusion, ce serait
plutôt comme un dividende sous forme d'ac-
tions dont il est question à l'article 8(1)c)(ii).
Cependant, il y eut une contrepartie pécuniaire,
si minime fut-elle, à la prestation sous forme
d'actions, ce qui ne se produirait jamais dans le
cas d'un dividende normal sous forme d'actions.
De plus, ce ne sont pas des actions de la High
land qui leur ont été distribuées, mais des
actions de la Berkam qu'on leur a vendues à
prix réduit. Si l'on en vient à la conclusion que
l'opération a accordé un bénéfice ou un avan-
tage à un actionnaire à titre d'actionnaire au
sens de l'article 8(1)c) de la loi, les exceptions
prévues aux sous-alinéas (i), (ii) et (iii) de l'ali-
néa c) ne s'appliquent pas puisqu'il ne s'agit pas
d'un bénéfice ou avantage attribué à un action-
naire «à l'occasion de la réduction de capital, du
rachat d'actions, ou de la liquidation, cessation
ou réorganisation de l'entreprise», ni du «paie-
ment d'un dividende sous forme d'actions», ni
d'un bénéfice attribué «en conférant à tous les
détenteurs d'actions ordinaires du capital de la
corporation un droit d'y acheter des actions
ordinaires additionnelles», puisqu'on n'a pas
conféré à Bernstein et Kamichik le droit d'ache-
ter des actions additionnelles de la Highland,
mais des actions de la Berkam dont la Highland
était détentrice. Le montant ou la valeur du
bénéfice doit donc être inclus dans le calcul du
revenu de l'appelant pour l'année.
J'estime également qu'on ne peut admettre la
prétention de l'intimé selon laquelle on devrait
imposer le bénéfice en vertu des dispositions de
l'article 81(1) de la loi puisque cet article ne
s'applique que «lors de la liquidation, la cessa
tion ou la réorganisation» de l'entreprise de la
compagnie et qu'il n'y a pas eu de réorganisa-
tion quelle qu'elle soit de la structure financière
ni de l'entreprise de la Highland, la Berkam
ayant fait l'objet de la réorganisation. Comme
j'ai déjà décidé que le bénéfice a été attribué
non par la Berkam mais par la Highland, cet
article ne peut s'appliquer.
Ceci nous amène à la principale question en
litige, à savoir si la prestation a été accordée «à
l'égard, au cours ou en vertu de l'emploi», au
sens de l'article 85A(7), auquel cas l'article 85A
ne peut s'appliquer.
L'appelant soutient que l'article 85A(1) vise
une opération comme celle qui est en question
en l'espèce parce que la Highland a vendu des
actions de la Berkam, compagnie avec laquelle
elle ne traitait pas à distance, l'appelant et
Kamichik étant des employés de la Highland, et
qu'on doit considérer qu'ils ont reçu la presta-
tion en raison de leur emploi au sens de l'article
85A(1)a) et, partant, appliquer l'article 85A(2)
pour calculer leur impôt. Il signale que l'article
n'exige pas que la même prestation soit accor-
dée à tous les employés et qu'il n'en limite
aucunement le montant. Certains indices, toute-
fois, font ressortir que la prestation ne leur a
pas été accordée en raison de leur emploi. Bien
qu'ils n'aient pas travaillé pendant le même
nombre d'heures au cours de leur emploi et
qu'en fait en 1963 et 1964, le salaire de Bern-
stein ait été considérablement supérieur à celui
de Kamichik, chacun d'eux détenait 50% des
actions et avait la même mise de fonds dans la
compagnie et la compagnie leur a accordé à tous
deux une prestation égale. On ne leur accordait
pas une prestation relativement minime, mais
une somme qui absorbait pratiquement tout le
surplus du revenu gagné par la compagnie jus-
qu'à la fin de 1964. On ne l'a offerte à aucun
autre employé, même pas à ces trois employés
qui avaient de longs états de service. La presta-
tion n'a pas profité à la compagnie d'un point de
vue fiscal, mais au contraire, lui a nui, en ce
sens que si elle avait été accordée sous forme de
boni ou d'augmentation de salaire, la compagnie
aurait pu s'en prévaloir à titre de dépense
déductible de son revenu. En somme, ceci reve-
nait à distribuer les profits de la Highland; or les
profits ne sont normalement distribués qu'aux
actionnaires et non aux employés, à moins qu'il
n'existe un plan de participation aux bénéfices.
Enfin, tout de suite après le rachat des actions,
l'appelant et Kamichik ont prêté les montants
reçus à la Highland. Il serait surprenant que de
simples employés reprêtent immédiatement à la
compagnie le montant d'un bénéfice qu'elle
vient de leur accorder. Si l'on recherche le but
visé par l'article 85A, il apparaît qu'on a voulu
permettre aux compagnies d'accorder à leurs
employés (ou à leurs cadres supérieurs, si elles
veulent limiter leur offre) une possibilité d'ac-
quérir à des conditions favorables des actions
de la compagnie même ou de filiales de façon à
récompenser leurs services et à maintenir leur
intérêt dans le développement de la compagnie,
sans avoir à payer l'impôt aux taux réguliers sur
le montant de la prestation. On ne peut vraiment
pas prétendre que le but visé était son utilisation
comme moyen de compenser la longue insuffi-
sance des salaires d'un ou plusieurs employés,
en leur accordant ultérieurement une prestation,
à ces conditions fiscales très favorables, d'un
montant assez important pour les dédommager
du salaire insuffisant des années antérieures
alors que, s'ils avaient reçu le salaire auquel ils
estiment avoir eu droit au cours de ces années,
ils auraient dû payer chaque année l'impôt sur
ce salaire au taux régulier. On ne peut non plus
avoir voulu qu'il soit utilisé pour transférer
presque tout le surplus d'exploitation de la com-
pagnie à des actionnaires qui, entre eux, possè-
dent ou contrôlent toutes les actions de la com-
pagnie à ce taux d'imposition favorable, alors
que s'ils l'avaient reçu à titre d'augmentation de
salaire, de boni, de dividende ordinaire (qui
aurait été sujet au crédit d'impôt pour dividen-
des) ou même en utilisant l'article 105, les
impôts à payer auraient été considérablement
plus élevés 2 .
Dans l'arrêt Smythe c. M.R.N. [1968] 2
R.C.É. 189, le juge Gibson a étudié en détail la
possibilité d'appliquer l'article 137(2) dans le
cas de la transaction complexe dont il était
question dans cette affaire. Il conclut en disant
qu'il n'y avait aucune raison commerciale qui
justifiait la conclusion des diverses opérations
et que, finalement, suite à cette série d'opéra-
tions, la compagnie se trouvait à conférer un
bénéfice aux appelants, à titre d'actionnaires,
bénéfice qui, vu l'article 137(2), est présumé
être un paiement qui doit être inclus dans le
calcul du revenu du contribuable. Le répartiteur
l'avait considéré comme un dividende au sens
de l'article 81(2) de la loi, mais le juge Gibson
en vient à la conclusion, comme moi-même
d'ailleurs en l'espèce, qu'il n'y avait ni liquida
tion, ni cessation, ni réorganisation de l'entre-
prise et qu'en conséquence, il aurait imposé la
prestation comme étant du revenu reçu par l'ap-
pelant au sens de l'article 8(1) de la loi. Ce
jugement a été confirmé par la Cour suprême du
Canada ([1970] R.C.S. 64), mais cette Cour était
d'avis que l'article 81(1) de la loi englobait tota-
lement la question et qu'il n'était donc pas
nécessaire de se prononcer sur la question du
champ d'application de l'article 137(2).
Dans l'affaire Craddock c. M.R.N. [1969] 1
R.C.É. 23, le juge Gibson a précisé davantage
quelle application, selon lui, devrait recevoir
l'article 137(2) de la loi en ce qui concerne une
opération visant à éliminer les surplus, ne ser
vant aucune fin commerciale légitime et confé-
rant un bénéfice aux appelants. Rendant juge-
ment, il déclare à la page 31:
[TRADUCTION] Quand les circonstances qui entourent plu-
sieurs transactions toutes reliées entre elles sont telles, qu'il
est approprié d'inclure un tel «avantage» «dans le calcul du
revenu du contribuable selon la Partie I», à ce moment-là,
cet avantage au complet est inclus dans le revenu d'un tel
contribuable comme l'une de ses sources de revenu au sens
de l'article 3 de la loi tout comme si l'article 137(2) faisait
partie de la série d'articles de la Partie I, tel que les articles
6, 8(1), 16(1) et 81(1). Mais l'efficacité de l'article 137(2) de
la loi dans un cas semblable n'est aucunement subordonnée
ni reliée à un quelconque article de la Partie I, tels que les
articles 6, 8(1), 16(1), et 81(1) et, par conséquent, aucun
desdits textes ne sont pertinents pour juger une cause où
l'article 137(2) s'applique.
Vu cette conclusion, pour appliquer l'article
137(2), il n'est peut-être pas même indispensa
ble de le relier à un autre article de la loi, mais
étant donné que dans la présente affaire, j'en
suis déjà venu à la conclusion que la prestation
est couverte par les dispositions de l'article
8(1)c), il n'est pas nécessaire de conclure que la
transaction est imposable en vertu du seul arti
cle 137(2). Sur la base des faits qui ont été
exposés devant moi, je suis convaincu que le
but de la série d'opérations commençant par
l'acquisition de la Berkam par la Highland, la
réorganisation de la structure de son capital-
actions de manière à créer des actions privilé-
giées supplémentaires, l'achat de ces actions à
leur valeur au pair par la Highland, la vente
ultérieure de ces actions à un prix nominal par
la Highland à l'appelant et Kamichik, l'adoption
subséquente de lettres patentes supplémentaires
pour la Berkam qui ont donné lieu à l'annulation
et au rachat de ses actions privilégiées puis au
paiement de leur valeur au pair à l'appelant et à
Kamichik et le prêt immédiat des montants ainsi
reçus accordé par ces derniers à la Highland
afin d'aider cette dernière à rembourser à la
banque les sommes qu'elle avait empruntées
pour acheter ces actions à l'origine, a été de
conférer un avantage à l'appelant et Kamichik
au sens de l'article 137(2) de la loi, tout en ayant
l'intention de diminuer leurs impôts payables en
vertu de ladite loi. Par conséquent, ledit avan-
tage reçu doit être inclus dans le calcul du
revenu du contribuable aux fins de la Partie I.
L'article 8(1)c) de la Partie I s'applique étant
donné que le bénéfice ou avantage leur a été
conféré à titre d'actionnaires de la Highland.
Cette conclusion repose exclusivement sur les
faits de la présente affaire et l'on ne doit pas
l'interpréter comme voulant dire que l'article
85A ne peut s'appliquer à bon droit à un
employé qui est en même temps actionnaire; ma
conclusion se fonde sur le fait qu'en l'espèce,
l'appelant et Kamichik étaient les seuls action-
naires en même temps que les seuls employés
véritables de la compagnie; en leur qualité de
seuls actionnaires de la Highland, ils l'ont
amenée à leur conférer une prestation que,
malgré les déclarations portant qu'il s'agissait
d'une prestation conférée en raison de leur
emploi, ils ont effectivement reçue parce qu'ils
étaient les seuls actionnaires de la compagnie et
qu'ils la contrôlaient de façon à pouvoir confé-
rer une telle prestation. En conséquence, ils ne
l'ont pas reçue en vertu de leur emploi au sens
de l'article 85A(7), mais plutôt en conséquence
du fait qu'ils sont actionnaires de la compagnie;
il s'ensuit que l'article 85A ne peut être invoqué
par l'appelant pour éviter l'application des arti
cles 137(2) et 8(1)c) de la loi. L'appel est par
conséquent rejeté avec dépens.
' Voir par exemple Salomon c. Salomon [1897] A.C. 22;
The Gramophone and Typewriter, Limited c. Stanley [1908]
2 K.B. 89; Army and Navy Department Store Limited c.
M.R.N. [1953] 2 R.C.S. 496, Denison Mines Limited c.
M.R.N. [1971] C.F. 295 à la p. 320 et Sazio c. M.R.N.
[1969] 1 R.C.É. 373.
2 La modification de l'article 85A(2)b) aux Statuts de
1966-67, c. 47, art. 9(1) me confirme dans cette opinion.
D'après la modification, l'impôt, au lieu d'être fondé sur la
différence entre la proportion de la prestation que l'on cal-
cule suivant l'article 85A(2)b)(i) et 20% de la prestation
reçue, se calcule maintenant en se fondant sur la différence
entre la proportion de la prestation calculée de la même
façon et le moindre de 20% de la prestation reçue ou de
$200. Si la disposition prévoyant le montant de $200 avait
été en vigueur en 1964, l'impôt qu'aurait dû payer l'appelant
aurait été beaucoup plus élevé et la prestation aurait été
moins avantageuse sur le plan fiscal.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.