J. A. Johnston Company Limited (Demande-
resse)
c.
Le navire Tindefjell et Sealion Navigation Co.
S.A. et Concordia Line A/S (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Collier—
Montréal, le 30 mai; Vancouver, le 3 juillet
1973.
Droit maritime—Dommages subis par la cargaison dans
des cartons—Cartons dans des conteneurs—Limitation de la
responsabilité—«Colis ou unité»—Règles de La Haye, Art.
IV, Règle 5.
La demanderesse a expédié 316 cartons de chaussures
placés dans deux conteneurs de métal de Barcelone à Mon-
tréal à bord du M.S. Tindefjell en 1969. Selon le connaisse-
ment, la cargaison était constituée de deux conteneurs con-
tenant respectivement 143 et 174 cartons et la valeur n'était
pas déclarée. Lors du déchargement, il s'est avéré que les
conteneurs et leur contenu étaient endommagés. Les pro-
priétaires et affréteurs du navire ont soutenu que leur res-
ponsabilité était limitée par l'Art. IV, Règle 5 des Règles de
La Haye à $500 par «colis ou unité» car la nature et la
valeur des marchandises n'étaient pas spécifiées dans le
connaissement.
Arrêt: la prétention des défendeurs quant à la limitation de
leur responsabilité n'est pas recevable. En acceptant la
description de la cargaison précisant le nombre de cartons,
les défendeurs ont admis de limiter leur responsabilité en
considérant que chaque carton était un colis. Un carton n'est
pas une «unité» au sens de la règle.
Arrêt suivi: The Mormaclynx [1971] Lloyd's Rep. 476;
distinction faite avec les arrêts Royal Typewriter Co. c.
MIV Kulmerland [1972] A.M.C. 1995 et Falconbridge
Nickel Mines Ltd. c. Chimo Shipping Ltd. R.C.S. (non
encore publié).
ACTION.
AVOCATS:
D. F. McEwen pour la demanderesse.
Sean J. Harrington et P. W. Davidson pour
les défendeurs.
PROCUREURS:
Ray, Wolfe, Connell, Lightbody et Rey-
nolds, Vancouver, pour la demanderesse.
McMaster, Meighen, Minnion, Patch, Cor-
deau, Hyndman et Legge, Montréal, pour les
défendeurs.
Brisset, Bishop et Davidson, Montréal, pour
les défendeurs.
LE JUGE COLLIER—La demanderesse était
propriétaire d'une cargaison de chaussures
transportée en janvier 1970 de Bilbao (Espagne)
à Montréal à bord du Tindefjell. Dès le déchar-
gement au port d'arrivée, on a constaté qu'une
partie de la cargaison était endommagée. La
demanderesse a intenté une action contre les
propriétaires et affréteurs du navire qui, d'ail-
leurs, ne cherchent pas à nier leur responsabi-
lité. Personne ne conteste non plus que les
défendeurs sont en droit de limiter le montant
des dommages-intérêts dont ils sont responsa-
bles. La question qui m'est soumise porte essen-
tiellement sur le calcul de cette limitation.
Les parties se sont entendues pour présenter
un mémoire spécial (Règle 475). En voici la
reproduction intégrale:
[TRADUCTION] LES PARTIES AUX PRÉSENTES S'ENTENDENT
POUR EXPOSER LES FAITS ET POINTS SUIVANTS DANS UN
MÉMOIRE SPÉCIAL POUR QU'IL SOIT STATUÉ À CET ÉGARD SANS
AUTRE FORMALITÉ.
1. Pendant toute la période en cause, la demanderesse était
propriétaire de certaines marchandises, savoir, 316 cartons
de chaussures achetées à divers fabricants espagnols en
1969;
2. La demanderesse avait retenu les services de la Fernando
Roque Transportes Internacionales S.A., personne morale
sise à Barcelone (Espagne), pour s'occuper du transport
desdits 316 cartons de chaussures de Barcelone à Montréal
(Québec);
3. La Fernando Roque Transportes Internacionales S.A. a
emballé ou «entassé» 173 cartons dans le conteneur ICSU
267990 et les 148 autres cartons dans le conteneur ICSU
264471;
4. Ces deux conteneurs étaient de type normal, en métal et
mesurant à peu près 8' de haut, 8' de large et 20' de long
(605 cm x 245 cm x 245 cm). A vide, ils pèsent environ
1,518 kilos;
5. L'utilisation de ces conteneurs s'est généralisée, mais ce
genre de conteneur n'était pas utilisé commercialement lors-
que fut promulguée la Loi sur le transport des marchandises
par eau, S.R.C. 1970, C-15, qui met en vigueur les Règles de
La Haye;
6. La Fernando Roque Transportes Internacionales S.A.
avait loué les deux conteneurs à l'Integrated Container
Service, Inc., personne morale dont le siège social est sis à
New York, État de New York (États-Unis);
7. Par charte-partie signée le 15 avril 1967 à Oslo (Norvège),
la défenderesse Sealion Navigation Co. S.A. a donné à fret
le M.S. Tindefjell à A/S Dovrefjell et A/S Rudolf, faisant
affaires sous la raison sociale Concordia Line A/S, personne
morale ayant son siège social à Haugesund (Norvège);
8. Construit en 1953 à Fredrikstad en Norvège, le M.S.
Tindefjell est un cargo à pont-abri ouvrable de type courant
avec demi-gaillard. Il est immatriculé dans le Pirée en Grèce
sous le n° 3008. Pour le voyage en question, le pont-abri du
navire était fermé et, dans ces circonstances, le tonnage brut
du navire était de 6504 tonnes et son tonnage net de 4041
tonnes. Le navire a 5 entreponts et 5 cales desservis par 5
panneaux. Les panneaux des entreponts 1 et 2 sont divisés
en compartiments «supérieur» et «inférieur». Le navire est
propulsé par un moteur diesel de 6 cylindres à deux temps.
Sa puissance est de 4500 c.v.b. et sa vitesse maximum en
mer par beau temps est de 14 noeuds. Le navire a 435' de
long et 58' 2" de large au fort; son tirant d'eau maximum est
de 23' 9".
9. Le navire à moteur Tindefjell assurait le transport régulier
de diverses marchandises entre les ports de la Méditerranée,
les ports atlantiques du Portugal, de l'Espagne et du Maroc
et ceux de l'Est du Canada et les ports des États-Unis et du
Canada situés sur les Grands Lacs;
10. Le 12 décembre 1969 ou vers cette date, la Fernando
Roque Transportes Internacionales S.A. a livré au nom de la
demanderesse les deux conteneurs et leurs contenus à la
Romeu & Cia., S.L., agent maritime à Barcelone (Espagne),
mandataire des défendeurs.
Une traduction des reçus provisoires nous donne les
indications suivantes:
Inscrip- cous
tions et Nombre et
numéros type CONTENU KILOS
N° 267990 1 conteneur 173 cartons
ICSU de chaussures 4.034
poids à vide 1.600
5.694[sic]
No 264471 1 conteneur 148 cartons
ICSU de chaussures 3.684
poids à vide 1.600
5.284
Ces conteneurs furent pris en charge par la Romeu & Cia.,
S.L., qui ajouta sur les deux reçus l'observation manuscrite
suivante: «1 = 605 X 245 X 245, poids et état des marchan-
dises inconnus, conteneurs non scellés». Pour un examen
plus détaillé, on peut se reporter aux reçus provisoires
annexés aux présentes à titre de pièce «A»;
11. Le 21 décembre 1969 ou vers cette date, les conteneurs
ont été chargés à bord du Tindefjell. Les conteneurs sem-
blaient en bon état; ils furent arrimés dans l'entrepont
inférieur n° 2 à l'avant du panneau. Dans ce même entre-
pont, des automobiles, des tracteurs, des caisses d'outillage,
ainsi que diverses marchandises en caisses et en barils
étaient arrimés.
12. Le 21 décembre 1969, les défendeurs ont délivré au
chargeur, la Fernando Roque Transportes Internacionales
S.A., un connaissement n° 58 portant sur les marchandises
suivantes;
DÉTAILS FOURNIS PAR LE CHARGEUR
Inscrip- Nombre et Contenu Poids
tions et type de non véri- déclaré
numéros colis fié Cubage (en livres)
CONTENEUR 143 1 conteneur censé
264471 cartons contenir des
chaussures 4,451'
267990 173 1 conteneur censé
cartons contenir des
chaussures 5,619'
316 10,070'
cartons
Fret payable à
l'arrivée
Poids d'un con-
teneur à vide-
1.518' kilos
Pour un examen plus détaillé, on peut se reporter au con-
naissement annexé aux présentes à titre de pièce «B»;
13. La valeur de la cargaison n'a été ni déclarée ni inscrite
au connaissement;
14. Le fret a été calculé par tonne métrique (1,000 kilos),
unité courante de fret, et ce calcul était le suivant:
Taux Par
10,070 kilos 237.50 tonne $2,391.62
moins 20% de remise
en vertu du contrat — 478.32
1,913.30
frais de manutention
de poids lourd
4,460 kilos 6.00 tonne 26.76
5,620 kilos 7.00 tonne 39.34
surprime d'hiver 10% 191.33
connaissement 1.00
Total $2,171.73
Pour un examen plus détaillé, on peut se reporter au con-
naissement annexé aux présentes à titre de pièce «B»;
15. Le navire Tindefjell a quitté Bilbao (Espagne) le 1"
janvier 1970 ou vers cette date à destination de Québec et
Montréal;
16. Le Tindefjell est arrivé au port de Montréal le 14 janvier
1970 et le capitaine a dressé un rapport de mer et une visite
portuaire et d'autres inspections ont eu lieu. Une copie du
rapport de la visite portuaire est annexée à titre de pièce
«C»;
17. Les défendeurs reconnaissent que les deux conteneurs
et leur contenu étaient endommagés quand ils ont été
déchargés du navire Tindefjell. Ils reconnaissent leur respon-
sabilité pour la perte en résultant, qui se chiffre à plus de
$10,000 canadiens. La demanderesse a toutefois accepté de
limiter sa réclamation à $10,000 canadiens;
18. Les quittances émises au port de Montréal indiquent que
l'étendue des dommages devait être fixée suite à une exper
tise autorisée par la Montreal Shipping Company Limited
(mandataire des défendeurs). Pour un examen plus détaillé,
on peut se reporter aux quittances de livraison du Conseil
des ports nationaux n°s 174563, 187069, 174561, 174231,
174235, 174234, annexées aux présentes à titre de pièce
«D»;
19. Les droits et obligations des parties sont régis par le
connaissement n° 58 qui prévoit notamment à la clause n° 1
que, sauf pour un transport ayant pour point d'origine ou de
destination un port des États-Unis, le connaissement sera
interprété et les droits des parties seront déterminés selon le
droit anglais à moins d'être soumis à un texte obligatoire-
ment applicable mettant en vigueur les Règles de La Haye
contenues dans la Convention internationale pour l'unifica-
tion de certaines règles en matière de connaissement, signée
à Bruxelles le 25 août 1924;
20. Les parties reconnaissent qu'aux fins de la présente
action, le connaissement sera interprété et les droits et
obligations des parties aux termes de ce connaissement
seront déterminés conformément au droit canadien, plus
précisément selon la Loi sur le transport des marchandises
par eau, S.R.C. 1970, C-15;
21. La Règle 5 de l'article IV de l'annexe à la Loi sur le
transport des marchandises par eau dispose que:
5. Le transporteur comme le navire ne seront tenus en
aucun cas des pertes ou dommages causés aux marchandi-
ses ou les concernant, pour une somme dépassant cinq
cents dollars, par colis ou unité, ou l'équivalent de cette
somme en une autre monnaie, à moins que la nature et la
valeur de ces marchandises n'aient été déclarées par le
chargeur avant leur embarquement et que cette déclara-
tion ait été insérée au connaissement.
Cette déclaration ainsi insérée dans le connaissement
constituera une présomption, sauf preuve contraire, mais
elle ne liera pas le transporteur qui pourra la contester.
Par convention entre le transporteur, capitaine ou agent
du transporteur et le chargeur, une somme maximum
différente de celle inscrite dans ce paragraphe peut être
déterminée, pourvu que ce maximum conventionnel ne
soit pas inférieur au chiffre ci-dessus fixé.
Ni le transporteur ni le navire ne seront en aucun cas
responsables pour perte ou dommage causé aux marchan-
dises ou les concernant, si dans le connaissement le
chargeur a fait sciemment une déclaration fausse de leur
nature ou de leur valeur.
22. Aucun des 316 cartons de chaussures n'avait une valeur
dépassant $500.00;
23. La question soumise à la Cour est la suivante: «Les
défendeurs peuvent-ils se prévaloir d'une limitation par colis
ou unité réduisant à moins de $10,000.00 leur responsabilité
vis-à-vis de la demanderesse? Dans l'affirmative, à quelle
somme se limite leur responsabilité?
24. Les défendeurs ont déjà versé à la demanderesse la
somme de $1,000.00 canadiens le 2 avril 1973; cette somme
sera considérée comme ayant été consignée à la Cour.
A l'audience les avocats se sont entendus sur
deux points supplémentaires:
(1) Aux seules fins de cette action, les pro-
priétaires défendeurs et les affréteurs défen-
deurs sont conjointement et solidairement
responsables et le jugement formel dans cette
affaire devra être rédigé en conséquence.
(2) Le mémoire spécial précise que les chaus-
sures étaient emballées dans des cartons
avant que ces derniers soient placés dans les
deux conteneurs. Les parties reconnaissent
que chaque paire de chaussures se trouvait
dans une boîte. Les défendeurs, si je ne
m'abuse, n'ont pas attaché grande importance
à ce fait.
La défense se base sur un double argument:
(1) Un conteneur est un «colis» ou «unité» au
sens de ces termes à la Règle 5 de l'Article IV
de l'annexe à la Loi sur le transport des
marchandises par eau, S.R.C. 1970, c. C-15.
Leur responsabilité se limite donc à $500.00
par conteneur, soit au total à $1,000.00.
(2) Subsidiairement, si le contrat de transport
avait pour effet d'augmenter la responsabilité
des défendeurs à plus de $500.00 par conte-
neur, elle se limiterait alors à une somme
calculée d'après l'unité courante de fret. Les
deux conteneurs remplis de cartons à chaus-
sures pesaient 10,070 kilos ou 10.07 tonnes
métriques. En partant du calcul de la Règle 5
qui retient la somme de $500.00 par «unité»,
on avance que la limitation devrait être fixée
à une somme entre $5,000.00 et $5,500.00.
La demanderesse prétend qu'aux fins du
calcul, il y a autant de «colis» que de cartons de
chaussures, soit 316. En utilisant le calcul de la
Règle 5, la limitation totale n'est plus de 2 x
$500 mais de 316 x $500. Puisque les parties
ont convenu que la perte de la demanderesse se
monte à $10,000.00, cette dernière prétend que
cette somme représente le montant que les
défendeurs sont tenus de verser. Si la demande-
resse a raison, la clause limitative de responsa-
bilité n'aurait aucun effet pécuniaire vu les faits
de la présente affaire.
J'en viens maintenant au premier argument
des défendeurs. L'utilisation de conteneurs est,
dans le domaine des transports maritimes, une
chose relativement nouvelle. Quand les rédac-
teurs des Règles de La Haye utilisèrent le mot
«colis», ils n'avaient pas pensé aux conteneurs
et à leur utilisation dans le transport des mar-
chandises. Les observations du juge en chef
Friendly dans l'arrêt Leather's Best Inc. c. Le
«Mormaclynx» s'appliquent en l'espèce:
[TRADUCTION] Comme dans l'autre affaire, la difficulté de
la présente espèce réside dans le fait que
il n'y avait, en 1936, que très peu de personnes qui
pouvaient prévoir les changements que les progrès techni
ques de l'industrie du transport ont fait subir à la taille
optimale des unités de transport.
Les tribunaux ne peuvent pas vraiment apporter de solution
à ce problème, car il faut le régler à l'échelle internationale.
Des pourparlers diplomatiques ont été engagés à cette fin.
Voir Schmeltzer & Peavey, Prospects and Problems of the
Container Revolution, 1 J. Maritime L & Commerce 203,
aux pp. 223-225 (1970). En attendant, les tribunaux sont
aux prises avec des textes législatifs qui ne sont plus adaptés
aux conditions actuelles.
Les défendeurs prétendent que, d'après la loi
canadienne, un conteneur est un colis; il est tout
à fait superflu de savoir combien de colis le
conteneur contient; la demanderesse aux pré-
sentes avait loué les deux conteneurs auprès
d'un tiers, les avait remplis avec ses marchandi-
ses et avait livré pour transport deux conteneurs
ou colis. A mon sens, les arguments avancés
sont de nature trop générale. Dans une large
mesure, il faut se reporter aux faits de chaque
espèce et, tout aussi important, il faut s'assurer
de l'intention des parties quant au contrat de
transport. Je pense qu'il convient, dans une
affaire telle que celle-ci, de déterminer si le
propriétaire de la cargaison et le transporteur
ont considéré qu'aux fins de la limitation de
responsabilité, le conteneur est un seul colis ou
si le critère était le nombre de colis placés dans
le conteneur.
Il semble n'y avoir aucune décision cana-
dienne ou anglaise portant sur cet aspect du
problème des conteneurs. J'ai pu, cependant,
m'inspirer de décisions d'autres tribunaux que
l'on m'a citées. Je n'ai pas l'intention de me
référer à toutes ces affaires. La décision faisant
autorité est l'arrêt The Mormaclynx (que j'ai
déjà cité), décision de la Cour d'appel des États-
Unis. Le demandeur avait expédié du cuir d'Al-
lemagne aux États-Unis. Le cuir se trouvait
dans 99 boîtes de carton ou «balles». Les pro-
priétaires du navire transporteur avaient fourni
un conteneur qui avait été chargé de cartons par
quelqu'un mandaté par le demandeur, mais en
présence d'un représentant des propriétaires du
navire défendeur. Le conteneur fut scellé puis
chargé à bord du navire. Au connaissement,
délivré au nom des défendeurs, sous le titre
«nombre et type de colis; description des mar-
chandises», on trouve la mention suivante:
[TRADUCTION] «Un conteneur censé contenir 99
balles de cuir». En outre, sur le connaissement,
la mention suivante est apposée: [TRADUCTION]
«Le chargeur accepte par les présentes de voir
limiter à $500 la responsabilité du transporteur
quant au contenu de chaque conteneur ...» A
l'arrivée du navire aux États-Unis, le conteneur
fut déchargé dans un grand entrepôt. Le conte-
neur a ensuite disparu et le demandeur a intenté
une action contre les propriétaires du navire et
l'entreprise de manutention. L'article applicable
de la loi américaine (COGSA) était le suivant:
[TRADUCTION] Le transporteur comme le navire ne seront
tenus en aucun cas responsables des pertes ou dommages
causés aux marchandises ou les concernant, pour une
somme dépassant $500 par colis, en monnaie ayant cours
légal aux États-Unis, ou, si les marchandises ne sont pas
expédiées sous forme de colis, par unité courante de fret, à
moins que la nature et la valeur de ces marchandises n'aient
été déclarées par le chargeur avant leur embarquement et
que cette déclaration ait été insérée au connaissement... .
Les textes applicables disposaient également
que toute clause tendant à diminuer la responsa-
bilité énoncée plus haut était nulle et non
avenue.
La Cour a décidé que le conteneur ne consti-
tuait pas un «colis», que la limitation de la
responsabilité devrait être calculée sur la base
de 99 «colis» et que la clause visant à limiter la
responsabilité à la somme de $500 par conte-
neur était invalide. L'essence de la décision sur
ce point se trouve aux pages 485 et 486:
[TRADUCTION] Les défendeurs se fondent principalement
sur la décision rendue à la majorité dans l'affaire Standard
Electrica, dont nous avons cité un extrait, selon lequel, alors
que le chargeur avait constitué neuf palettes, chacune conte-
nant six boîtes en carton remplies de minuteries pour télévi-
seurs, c'était la palette plutôt que les boîtes en carton qui
constituait le «colis». Mais plusieurs facteurs distinguent
l'affaire Standard Electrica de la présente. La dimension des
palettes n'a rien à voir avec celle du conteneur; ces palettes
avaient été constituées par le chargeur; et
... le reçu provisoire, le connaissement et la lettre de
réclamation du demandeur indiquent tous que les parties
avaient considéré chaque palette comme un colis.» [375
F. 2d à la p. 946].
En effet, il semble bien que les documents de transport ne
comportaient, dans ce cas, aucune précision quant au
nombre de boîtes en carton.
Nous admettons que cette distinction n'est pas pleinement
satisfaisante; elle ne règle pas la question qui se serait posée
si, par exemple, Freudenberg avait chargé les balles dans un
conteneur se trouvant dans ses locaux ou si le connaisse-
ment n'avait pas précisé qu'il s'agissait de balles. Le juge
Hays a cependant avancé un argument de poids dans sa
dissidence dans l'affaire Encyclopaedia Britannica, voir fn.
16, «considérer le conteneur comme un colis, c'est assurer
une certaine uniformité et une certaine certitude», du moins
dans les cas où il contient des marchandises appartenant à
un seul chargeur. Il est aussi vrai que l'argument classique
relatif à la position économique forte du transporteur et à la
faiblesse de celle du chargeur ne correspond peut-être plus à
la réalité, du moins dans les cas où il s'agit du transport de
conteneurs complètement remplis par le chargeur. Le char-
geur s'assure pour toute valeur dépassant la limitation de
responsabilité (éventuellement pour la valeur totale) et pour
autant qu'on sache, en décidant que chaque balle constitue
un «colis», on fait faire une aubaine à l'assureur de la
cargaison, qui est en fait le demandeur en l'espèce, s'il avait
calculé ses primes en se fondant sur le fait que la responsa-
bilité de la Mooremac était limitée à $500. Nous ne pouvons
cependant pas éluder le fait que l'article 4(5) du COGSA
avait pour but de fixer la responsabilité du transporteur à un
chiffre raisonnable en dessous duquel il ne pouvait pas
descendre et que le mot «colis» se rapporte plus logique-
ment à l'unité dans laquelle le chargeur avait emballé les
marchandises ainsi qu'il l'indique qu'aux grands objets de
métal dans lequel le transporteur les a fait emballer et qui,
par leurs fonctions, font plutôt partie du navire. Vu les
circonstances de cette affaire, nous décidons donc que la
mention figurant au coin inférieur gauche du connaissement
était une limitation invalide de la responsabilité prévue à la
COGSA.
La décision rendue dans l'affaire The Morma-
clynx s'accorde avec deux décisions européen-
nes 2 qui furent toutes les deux citées par le juge
Judd, juge de première instance dans l'affaire
The Mormaclynx, et dont les conclusions ont été
confirmées par la Cour d'appel. A mon avis,
c'est dans l'intention des parties qu'il faut cher-
cher l'explication de ces décisions. Quand le
chargeur sait que ses marchandises vont être
transportées en conteneurs, qu'il précise dans le
contrat (en utilisant en général un connaisse-
ment) le type de marchandises et le nombre de
boîtes transportées dans le conteneur, et que le
transporteur accepte cette description et ce
comptage, alors, à mon sens, l'intention des
parties était que le nombre de colis aux fins de
la limitation de responsabilité soit le nombre de
boîtes spécifié. Je m'empresse d'ajouter que
pour découvrir l'intention des parties, on doit
tenir compte de tous les faits et pas seulement
de la rédaction du connaissement: le type de
conteneur, qui l'a fourni, qui l'a scellé s'il était
scellé à sa livraison au transporteur, savoir si le
transporteur a pu vérifier le compte, les négo-
ciations antérieures; afin de déterminer l'inten-
tion des parties dans un contrat donné, il peut
être nécessaire d'étudier toutes ces questions et
beaucoup d'autres encore que je n'ai pas
mentionnées.
Dans la présente affaire, la demanderesse
n'avait aucune raison de déclarer dans le con-
naissement une valeur supérieure à celle de
$500 par colis prévue dans les Règles de La
Haye. La valeur de chaque carton de chaussures
ne dépassait pas $500. Il me semble en découler
logiquement que la demanderesse voulait béné-
ficier de la responsabilité pécuniaire minimum
énoncée par les règles en portant à la connais-
sance du transporteur le nombre de colis trans
portés, bien que, par souci de commodité et
pour d'autres raisons, on les ait réunis dans un
grand cadre. Le transporteur aurait pu refuser
de délivrer un connaissement portant une telle
description, et il aurait pu exiger un dénombre-
ment'. De toute façon, il a toujours la faculté
d'ajuster ses tarifs en conséquence.
En l'espèce, les défendeurs ont accepté la
description et le compte des cartons. A mon
sens, ils ont accepté que chaque carton soit
considéré comme un «colis» aux fins de la
limitation.
D'après moi, il convient de distinguer ce cas
des décisions américaines portant sur les conte-
neurs et où l'on a décidé que le conteneur était
un colis. Dans l'affaire Royal Typewriter Co. c.
MIV Kulmerland [1972] A.M.C. 1995 le con-
naissement indiquait [TRADUCTION] «1 conte-
neur censé contenir de l'outillage.» On n'y trou-
vait aucune indication relative au nombre de
cartons ou signalant l'intention du chargeur de
contracter sur cette base. Dans l'affaire Rosen-
bruch c. American Isbrandtsen Lines Inc.
(1973) 357 F. Supp. 982, le connaissement com-
portait une description tout aussi vague, sans
énumération.
En me basant sur les faits figurant au
mémoire spécial, je décide que les conteneurs
n'étaient pas des «colis» aux fins du calcul de la
limitation pécuniaire.
Les défendeurs font également valoir que si
les conteneurs ne sont pas des «colis», ce sont
des «unités» et la limitation est quand même de
$1000. Ils se fondent sur une décision récente
de la Cour suprême du Canada: Falconbridge
Nickel Mines Ltd. et autres c. Chimo Shipping
Limited (arrêt non publié—les motifs ont été
rendus le 7 mai 1973). Dans cette affaire, un
tracteur et un générateur ont été transportés à
bord d'un navire de Montréal à la baie Décep-
tion (Québec). Les machines ont été transbor-
dées sur un chaland appartenant au propriétaire
du navire, puis perdues pendant qu'elles se trou-
vaient à bord du chaland. La décision porte que
la perte était imputable à la négligence des pré-
posés et agents des propriétaires du navire. La
question de la limitation de responsabilité s'est
notamment posée. Le juge Ritchie a ainsi défini
le problème:
Le connaissement, daté à Montréal du 10 septembre
1966, stipule que le P.M. Crosbie est le navire transporteur,
et il est assujetti [TRADUCTION] «aux dispositions des Règles
applicables en vertu de la Loi du transport des marchandises
par eau 1936 (Canada)» (maintenant la Loi sur le transport
des marchandises par eau, S.R.C. 1970, C-15). Concluant
que ces Règles s'appliquaient au contrat de transport en
cause, le savant juge de première instance a appliqué les
dispositions de la Règle 5 de l'article IV, qui limitent la
responsabilité du transporteur ou du navire, en considérant
que le tracteur et l'ensemble générateur devaient être vus
comme deux unités d'expédition à l'égard de chacune des-
quelles la responsabilité de l'intimée ne devrait pas dépasser
$500. L'adjudication de dommages-intérêts aux appelantes
fut donc limitée à $1,000. C'est à l'encontre de cette der-
nière conclusion que les appelantes interjettent maintenant
appel, alléguant que la Loi sur le transport des marchandises
par eau et les Règles annexes (ci-après appelées les
«Règles») ne s'appliquaient pas à la cargaison après qu'elle
eut été transbordée du P.M. Crosbie au chaland C-242-A et
que, de toute manière, les Règles ne s'appliquaient pas à la
cargaison en pontée et finalement que même si la Règle 5 de
l'article IV s'appliquait, la responsabilité des intimées ne
devrait pas être limitée en considérant le tracteur et l'ensem-
ble générateur comme deux unités d'expédition mais devrait
plutôt se calculer conformément au nombre d'unités de fret
dont se composait chaque élément de cargaison.
Dans cette affaire, l'appelante, propriétaire de
la cargaison, a fait valoir qu'il convient de calcu-
ler la limitation sur la base du taux unitaire de
fret applicable au transport des machines en se
fondant sur la rédaction de la clause contenue
dans la législation américaine (précitée). Elle a
soutenu que les termes utilisés au COGSA [TRA-
DUCTION] «ou si les marchandises ne sont pas
expédiées sous forme de colis, par unité cou-
rante de fret» clarifiaient le sens du mot «unité»
utilisé aux Règles de La Haye et dans la loi
canadienne, et que par le mot «unité», on
entend une unité de fret. La Cour suprême du
Canada a rejeté cette prétention. Elle a décidé
qu'il existe une très nette différence de rédac-
tion entre les règles canadienne et anglaise et la
règle américaine. La Cour a décidé qu'au
Canada, le mot «unité» signifie unité de mar-
chandise ou un «élément de cargaison» et non
unité de fret. Il fut par conséquent décidé que le
tracteur non emballé et le générateur étaient
deux «unités» et on limita la responsabilité à
$1000.
Je ne pense pas que l'arrêt Falconbridge règle
les questions en cause ici. La difficulté dans
cette affaire réside dans le fait que ces grosses
machines n'étaient pas «emballées» au sens
ordinaire. Dans la présente affaire, la cargaison
de chaussures a été placée dans des cartons ou
colis au sens ordinaire et classique de ce mot. Je
n'ai aucun doute que, si les boîtes en carton
n'avaient pas été réunies en un seul grand cadre,
les parties auraient reconnu que le transporteur
avait accepté d'être juridiquement responsable
des 316 colis. Dans les cas où, comme dans
l'affaire Falconbridge, la cargaison ne peut pas
être «emballée», il me semble que c'est le mot
«unité» qu'il convient d'utiliser pour caractéri-
ser une machine ou un appareil complet.
Comme on l'a souvent dit, si le propriétaire de
la cargaison veut éviter la limitation de la res-
ponsabilité, il n'a qu'à donner une description de
la nature des marchandises et leur valeur mar-
chande. Dans ce cas, il devra probablement
payer un tarif plus élevé.
Compte tenu de la description des marchandi-
ses insérée au connaissement, j'estime qu'en
l'espèce, les conteneurs n'étaient pas «une unité
de marchandises» ou un «élément de cargaison»
(expressions utilisées par la Cour suprême pour
caractériser les machines dans l'arrêt Falcon-
bridge). Ici, les conteneurs sont tout simplement
une méthode moderne de transporter des colis.
Je vais maintenant étudier l'argument subsi-
diaire avancé par les défendeurs. A mon sens,
ils prétendent faire appliquer la clause 17 du
connaissement. La clause est rédigée ainsi:
[TRADUCTION] 17. En cas de perte ou d'avarie relatifs à des
marchandises dont la valeur réelle dépasse par colis la
somme de $500 É.-U. si la clause lb) de ce connaissement
s'applique et 100 livres sterling si la clause 1c) du connaisse-
ment s'applique ou dans le cas de marchandises qui ne sont
pas expédiées sous forme de colis, par unité courante de
fret, la valeur des marchandises sera censée être $500 ou
£100 par colis ou par unité, selon le cas, et c'est sur cette
base que le fret est fixé et la responsabilité éventuelle du
transporteur sera déterminée sur la base d'une valeur de
$500 ou £100 par colis ou par unité courante de fret, selon
le cas, ou au prorata dans le cas de perte ou d'avarie
partielles, à moins qu'à la livraison des marchandises au
transporteur, le chargeur ait fait une déclaration écrite fai-
sant état de la nature des marchandises et d'une valeur
supérieure à $500 ou £100, selon le cas, et qu'il l'ait fait
inscrire au connaissement et qu'il ait payé un supplément de
fret si besoin est. Dans ce cas, si la valeur réelle des
marchandises par colis ou par unité courante de fret dépasse
la valeur déclarée, la valeur n'en sera pas moins censée être
la valeur déclarée et la responsabilité éventuelle du transpor-
teur ne dépassera pas la valeur déclarée et toute perte ou
avarie partielles sera déterminée au prorata sur la base de la
valeur déclarée.
Chaque fois que la valeur des marchandises est inférieure
à $500 ou £100 par colis ou autre unité de fret, selon le cas,
et afin d'éviter toute incertitude ou difficulté dans une
réclamation mettant en cause la responsabilité du transpor-
teur, la valeur aux fins du calcul de l'indemnité, indépen-
damment de toute autre valeur qui pourrait être supérieure
ou inférieure, sera censée être la valeur facturée, plus le fret
et l'assurance payés et non remboursables.
Tout article de marchandise, autre que les marchandises
transportées en vrac, qui ne se trouve pas dans une caisse,
dans une boîte ou dans un autre emballage, sera considéré
comme un colis séparé aux termes de ce connaissement et
conformément à l'article 4(5) du United States Carriage of
Goods by Sea Act ou des dispositions correspondantes
contenues dans toute autre loi sur le transport des marchan-
dises par eau qui pourrait être applicable.
La clause lb), à laquelle on renvoie, traite des
transports ayant comme destination ou comme
point d'origine un port des États-Unis et, par
conséquent, cette clause ne s'applique pas ici.
La clause 1c) prévoit que, dans les cas où la
clause lb) n'est pas applicable, le connaisse-
ment sera interprété et les droits des parties
seront déterminés selon le droit anglais et le
litige sera tranché par les tribunaux anglais. La
clause dispose d'autre part que c'est le British
Carriage of Goods by Sea Act qui s'applique. A
mon sens, c'est le droit canadien qui doit s'ap-
pliquer à cette affaire.
Il me semble que la clause 17 du connaisse-
ment a été rédigée en tenant compte de la rédac-
tion de la loi américaine (COGSA), qui prévoit
que la limitation peut être calculée [TRADUC-
TION] «par unité courante de fret». D'après la
décision de la Cour suprême dans l'affaire Fai-
conbridge, telle que je la comprends, le concept
de l'«unité courante de fret» n'existe pas dans la
législation canadienne; le droit canadien ne
reconnaît pas cette façon de calculer la limita
tion de responsabilité. A mon sens, les défen-
deurs tentent, par ces arguments, d'importer la
solution américaine. Pour les motifs que j'ai
exposés, on ne peut pas le faire.
En tout cas, la formule «par unité courante de
fret» qui figure à la clause 17 ne peut jouer
(selon mon interprétation) que dans les cas où
les marchandises ne sont pas expédiées par
colis. Dans la présente affaire, les marchandises
ont été expédiées par «colis» et, pour les raisons
que j'ai exposées, les «colis» n'étaient pas les
deux conteneurs mais les 316 boîtes en carton.
En conséquence, la Cour accorde donc à la
demanderesse la somme de $10,000, plus inté-
rêts pour la période du 14 janvier 1970 au 30
mai 1973. La demanderesse a droit à ses
dépens.
1 [1971] 2 Lloyd's Rep. 476 à la p. 485. Voir également
une observation semblable dans l'arrêt Lucchese c. Malabe
Shipping Co. Inc. (1972) 351 F. Supp. 588 à la p. 595.
2 Sté Navale Caennaise c. Gastin (1965) D.M.F. 18; The
Cunard S.S. Co. Ltd. c. Dept. of Customs (1960) D.M.F. 46.
(Il est possible qu'on puisse distinguer ce deuxième arrêt de
la présente affaire). Voir également Perregaux c. Lignes
Franco-Marocaines (1958) D.M.F. 52. Les décisions améri-
caines rendues ultérieurement dans des affaires semblables
ont offert des solutions différentes de celle de l'affaire
Perregaux—on a considéré une remorque contenant des
boîtes de carton comme étant un colis en l'absence d'un avis
indiquant au transporteur le nombre de boîtes en carton,
spécialement dans le cas où le tarif était calculé d'après un
taux forfaitaire par remorque: United Purveyors Inc. c. MIV
New Yorker [1966] A.M.C. 321; Lucchese c. Malabe Ship
ping Co. Inc. (1972) 351 F. Supp. 588; contra: Inter -Ameri-
can Foods, Inc. c. Coordinated Caribbean Transport, Inc.
[1970] A.M.C. 1303.
Je ne peux accepter la thèse selon laquelle, vu les
dépenses en temps et en argent que devra supporter le
transporteur voulant faire le décompte des boîtes dans
chaque cas, on doit décider qu'un conteneur est un colis. Le
transporteur peut toujours augmenter les tarifs.
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