Le ministre du Revenu national (Appelant)
c.
Furnasman Ltd. (Intimée)
et
Le ministre du Revenu national (Appelant)
c.
Furnasman (Metal) Ltd. (Intimée)
Division de première instance, le juge Addy —
Vancouver, le 8 novembre; Ottawa, le 4 décem-
bre 1973.
Impôt sur le revenu—Trois compagnies—Auparavant trois
services de la même personne morale—Motifs de la création
de compagnies distinctes—Sont-elles des compagnies asso-
ciées—Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, art.
138A.
Preuve—Demandes de crédit et notes de services—Admis-
sibilité—Loi sur la preuve au Canada, S.R.C. 1970, c. E-10,
art. 30(12).
Trois services de la même personne morale ont été consti-
tués en corporations distinctes, chacune s'occupant d'activi-
tés différentes. On a soutenu que les raisons de cette sépara-
tion étaient essentiellement l'efficacité de l'exploitation, la
séparation des contrôles, la motivation, les ventes à d'autres
entreprises, qui auraient été des concurrentes s'il n'y avait
eu qu'une seule compagnie, et une meilleure gestion du
partrimoine familial.
Arrêt: la décision de la Commission d'appel de l'impôt,
portant que, vu la preuve, les compagnies n'étaient pas
«associées», est confirmée. Le critère applicable pour déter-
miner si les compagnies sont «associées» consiste à dire
que, si l'intention principale n'est pas d'épargner de l'impôt,
elles ne sont pas «associées».
Arrêts suivis: C.P. Loewen Enterprises Ltd. c. M.R.N.
[1972] C.F. 773; La Reine c. Bobbie Brooks (Canada)
Ltd. 73 DTC 5357.
Il fut aussi décidé que, bien que la définition du mot
«pièce» dans la Loi sur la preuve au Canada, S.R.C. 1970,
c. E-10, art. 30(12), soit suffisamment large pour inclure ce
genre de demande de crédit ou de note de service circulant
entre les services d'une même institution financière, l'opi-
nion d'un témoin contenue dans une note de service ne peut
être admise en preuve puisqu'une telle affirmation ne serait
pas admissible à titre de preuve orale déposée sous serment.
APPEL.
AVOCATS:
S. Hynes pour l'appelant.
L. M. Little et I. Pitfield pour les intimées.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
l'appelant.
Thorsteinsson, Mitchell et Little, Vancou-
ver, pour les intimées.
LE JUGE ADDY—Par les présentes, le ministre
du Revenu national interjette appel d'une déci-
sion de la Commission d'appel de l'impôt qui
déclarait que, pour l'année d'imposition 1964, la
Furnasman Ltd. (ci-après appelée la «Fumas-
man») et la Furnasman (Metal) Ltd. (ci-après
appelée la «F (Metal») n'étaient pas des compa-
gnies associées au sens de l'article 138A de la
Loi de l'impôt sur le revenu.
Avant la constitution de la F(Metal) en corpo
ration, la Furnasman, qui était à l'origine une
entreprise sans personnalité morale, appelée la
Furnasman Manufacturing, et a été, par la suite,
constituée en corporation sous la raison sociale
Furnasman Manufacturing Limited, exploitait
une entreprise de fabrication de chargeurs auto-
matiques de charbon et de divers types de chau-
dières à gaz et à mazout, ainsi que la fabrication
de canalisations en tôle et de garnitures et s'oc-
cupait de la vente, de l'installation et de l'entre-
tien d'appareils de chauffage.
En 1955, la Furnasman et la Furnasman
Stoker Western Limited, qui est maintenant sa
filiale en propriété exclusive, s'occupaient aussi
de commerce en gros. En 1959, il fut décidé de
constituer deux nouvelles compagnies en corpo
ration: la F (Metal) susmentionnée et la Fumas-
man (Furnace) Limited (ci-après appelée la «F
(Furnace)»). La Furnasman vendit à la F
(Metal) l'équipement, les fournitures et les actifs
nécessaires à la fabrication de canalisations et
cette nouvelle compagnie reprit toutes les activi-
tés qu'exerçait auparavant la Furnasman dans
ce domaine. De même, celle-ci vendit à la F
(Furnace) l'équipement et le stock nécessaire à
la fabrication de chaudières à gaz et à mazout.
Les actifs ont été vendus à leur valeur comp-
table, la clientèle a été cédée sans contrepartie
et les actifs ont été payés sous forme de compte
ouvert.
A l'époque de la constitution des deux nou-
velles compagnies et depuis déjà quelques
années, la pratique de ces entreprises était de
verser un salaire restreint aux employés-clef
mais de répartir annuellement entre eux environ
25% des bénéfices bruts sous forme de prime
de manière à les inciter à augmenter la producti-
vité et les bénéfices. A l'époque de la constitu
tion, les actions des trois compagnies étaient
divisées de sorte que chacun des employés-clef
avait ses actions réparties également entre les
trois compagnies, sauf pour ce qui est du fonda-
teur de ces entreprises, Charles Helyar, dont
toutes les actions étaient dans la Furnasman,
tandis que toutes celles de son épouse étaient
dans la F (Metal) par l'intermédiaire d'une com-
pagnie de portefeuille et que toutes celles de son
père étaient dans la F (Furnace).
Après ces constitutions, et il semble que ce
soit encore la pratique maintenant, les
employés-clef de chaque compagnie acquéraient
autant d'actions que possible dans leur propre
compagnie plutôt que dans les deux autres. Ils
achetaient volontairement ces actions en utili-
sant leurs primes annuelles.
Les témoins suivants ont déposé pour les
contribuables: le propriétaire de l'entreprise ini-
tiale, Charles Helyar, le directeur d'usine de la F
(Furnace), le président et directeur général de la
F (Metal) et le vice-président et directeur géné-
ral de la Furnasman.
Dans leurs dépositions, ils ont tous déclaré
que ces trois entreprises étaient tout à fait indé-
pendantes et de nature différente: elles
emploient des agents commerciaux différents,
des ouvriers spécialisés différents, des
employés-clef différents et leur organisation est
différente. Ils ont déclaré que la Furnasman,
étant une entreprise de vente et d'entretien,
employait des vendeurs, des agents distribu-
teurs, des installateurs et des préposés à l'entre-
tien, que la F (Metal) employait des ouvriers
spécialisés dans le travail du métal, que la F
(Furnace) utilisait des monteurs, des ouvriers
mécaniciens, des peintres etc. Ils ont aussi
déclaré que ces deux dernières compagnies
n'avaient rien en commun pour ce qui est de la
fabrication et ceci semble être un fait avéré.
A l'origine, ces trois types d'activités n'étaient
que des services de la même personne morale,
mais les témoins ont tous déclaré qu'il avait été
décidé qu'il serait préférable de séparer ces trois
entreprises pour qu'elles soient contrôlées par
leurs propres employés-clef possédant les con-
naissances nécessaires et aussi pour que cela
constitue une motivation à leur égard. De cette
manière, ces derniers étaient seuls responsables
des succès ou des échecs de leur entreprise et
ne dépendaient aucunement des autres et ne
pouvaient ainsi subir les conséquences d'une
mauvaise décision ou d'un manque de compé-
tence de la part d'un service tout à fait distinct
sur lequel les employés-clef des autres services
n'avaient aucun contrôle. De plus, ils n'avaient
pas ainsi à partager avec un autre organisme les
primes qu'ils prélevaient sur les bénéfices qu'ils
avaient accumulés par leur travail personnel.
De plus, on a déposé que, l'aspect fabrication
étant tout à fait distinct de la vente en gros ou
au détail et de l'aspect distribution de ce com
merce, la compagnie fabriquant les chaudières
pouvait en produire, ce qu'elle a d'ailleurs fait,
sous sa marque de fabrique pour le compte
d'autres entreprises de vente et de distribution,
qui auraient évidemment hésité à faire affaire
avec une compagnie avec laquelle elles étaient
en concurrence directe dans le domaine de la
vente et de la distribution.
En plus des témoignages d'après lesquels les
principales raisons pour l'existence de trois
compagnies étaient l'efficacité de l'exploitation,
la motivation, le contrôle et les ventes à d'autres
entreprises, qui auraient été des concurrentes
s'il n'y avait eu qu'une seule compagnie, Helyar
a déclaré qu'il était très avantageux du point de
vue de la gestion des patrimoines et de la sécu-
rité financière des familles concernées de ne pas
avoir tous leurs capitaux de spéculation dans
une seule entreprise. Ces dernières raisons
n'étaient cependant pas les raisons principales.
D'après les témoignages, les avantages fis-
caux ont aussi joué, mais, compte tenu des
motifs importants qui sont à l'origine de la créa-
tion de ces trois compagnies distinctes, ce der-
nier motif était de peu d'importance et ne cons-
tituait certainement pas un des motifs
principaux de la répartition des activités entre
des compagnies distinctes.
La Couronne a cité comme témoin un certain
Guppy qui avait été le gérant de la succursale de
la banque de la compagnie d'origine et qui con-
naissait bien les activités de cette dernière. Il a
déclaré que, lorsque la banque consentait un
crédit, elle exigeait naturellement, pour se proté-
ger totalement, que la Furnasman, qui était en
voie de transférer une partie très importante de
ses actifs aux nouvelles compagnies, garantisse
tout crédit consenti à ces dernières. De fait, la
banque a toujours exigé que les compagnies se
garantissent mutuellement pour tout crédit con-
senti à l'une d'entre elles. Le témoin Guppy a
toutefois confirmé dans une grande mesure les
déclarations des témoins cités par les contribua-
bles intimées d'après lesquelles les avantages
fiscaux n'étaient pas la raison principale de la
constitution de compagnies distinctes. Il a
déclaré qu'on ne lui avait jamais dit que c'était
une des raisons principales.
Au cours du procès, la Couronne a tenté de
faire admettre en preuve une partie des dos
siers, de la correspondance et des notes de
service de la banque pour démontrer l'intention
contraire de la part des intimées et, en particu-
lier, de la part d'Helyar qui contrôlait la Fumas-
man au moment de la constitution de la F
(Metal) et de la F (Furnace).
La plupart de ces documents nécessaires ont
été admis à titre de déclarations faites par les
intimées ou en leur nom et aucun problème ne
s'est posé concernant leur admissibilité. Toute-
fois l'avocat de la Couronne a cherché à faire
admettre en preuve deux documents faisant
partie des dossiers de la banque, conformément
aux articles 29 et 30 de la Loi sur la preuve au
Canada, S.R.C. 1970, c. E-10. On trouve le
premier document dans un exemplaire d'une
demande de crédit transmise par la succursale
au siège social de la banque dans le but d'obte-
nir l'autorisation d'augmenter les crédits accor
dés à la F (Metal). Ledit document faisait partie
d'un rapport joint à un formulaire bancaire ordi-
naire et avait été transmis par le gérant de la
succursale de cette époque dans le cours ordi-
naire des affaires de la banque. Le gérant qui a
signé ce rapport est maintenant décédé. L'ex-
trait en question porte uniquement sur des faits
concernant les comptes et opérations de l'entre-
prise et un extrait de son état financier. J'estime
qu'on doit l'admettre en preuve en vertu de
l'article 30 puisqu'on aurait pu rapporter la
preuve de ces questions et puisqu'il s'agit d'un
document établi dans le cours ordinaire des
affaires de la banque. J'ai donc admis ce docu
ment en preuve à titre de pièce 14.
Un extrait d'un autre document portant sur
une demande de crédit transmise dans le cours
ordinaire des affaires par le même gérant au
siège social, le 7 octobre 1966, soulève un pro-
blème plus délicat. Il contient le passage suivant
que la Couronne souhaite faire admettre en
preuve, ce à quoi les intimées s'opposent
vivement:
[TRADUCTION] Pour réduire les impôts sur le revenu au cours
des prochaines années, de même que pour donner des
responsabilités supplémentaires aux dirigeants régionaux sur
l'ensemble des opérations, y compris la diminution des
stocks, la nécessité d'accélérer le paiement des créances, le
Conseil d'administration a décidé de créer deux entreprises
distinctes pour les activités en Colombie-Britannique et
celles poursuivies dans la région de Calgary. Deux compa-
gnies ont été constituées et exercent leurs activités dans ce
but à l'heure actuelle. Un autre facteur important a influé
sur cette décision, savoir, le fait qu'en cas de problèmes de
relation de travail, ces trois unités distinctes ne seront pas
toutes touchées au même moment.
(J'ai moi-même souligné.)
Il ne fait aucun doute que le passage souligné
est de première importance puisqu'il indique
que l'épargne de l'impôt constituait une des
raisons principales, sinon la raison principale,
pour séparer les services de cette compagnie.
La Couronne a soutenu qu'il devait être admis
à la fois en vertu de l'article 29 et en vertu de
l'article 30. Pour plus de commodité, je cite les
parties pertinentes de ces deux articles:
29. (1) Sous réserve du présent article, une copie de toute
inscription dans un livre ou registre tenu dans une institution
financière est admise dans toutes procédures judiciaires
comme preuve prima facie de cette inscription, ainsi que des
affaires, opérations et comptes y inscrits.
(2) Une copie d'une inscription dans ce livre ou registre
n'est pas admise en preuve sous le régime du présent article,
à moins qu'il n'ait préalablement été établi que le livre ou
registre était, lors de l'inscription, l'un des livres ou registres
ordinaires de l'institution financière, que l'inscription a été
effectuée dans le cours ordinaire des affaires, que le livre ou
registre est sous la garde ou la surveillance de l'institution
financière, et que cette copie en est une copie conforme.
Cette preuve peut être fournie par le gérant ou par le
comptable de l'institution financière et peut être donnée de
vive voix ou par affidavit devant un commissaire ou une
autre personne autorisée à recevoir les affidavits.
30. (1) Lorsqu'une preuve orale concernant une chose
serait admissible dans une procédure judiciaire, une pièce
établie dans le cours ordinaire des affaires et qui contient
des renseignements sur cette chose est, en vertu du présent
article, admissible en preuve dans la procédure judiciaire sur
production de la pièce.
(12) Au présent article
«pièce» comprend l'ensemble ou tout fragment d'un livre,
d'un document, d'un écrit, d'une fiche, d'une carte, d'un
ruban ou d'une autre chose sur ou dans lesquels des
renseignements sont écrits, enregistrés, conservés ou
reproduits, et, sauf aux fins des paragraphes (3) et (4),
toute copie ou transcription reçue en preuve en vertu du
présent article en conformité du paragraphe (3) ou (4);
A l'article 29(1), le mot «inscription» dans
l'expression «inscription dans un livre ou regis-
tre» signifie une inscription comptable ordi-
naire, c'est-à-dire les chiffres et les explications
nécessaires s'y rapportant figurant dans un
grand livre, livre de comptabilité, système méca-
nographique ou système à cartes perforées. J'es-
time qu'il vise essentiellement les renseigne-
ments comptables ou, en d'autres termes,
l'inscription du débit, du crédit, ou du solde
accompagné d'explications visant à identifier ou
à éclaircir l'inscription comptable. J'estime qu'il
ne comprend pas les notes de service ou les
rapports écrits que s'échangent les succursales
d'un organisme du genre dont il est question en
l'espèce.
Le paragraphe (2) susmentionné tend à con-
firmer cette interprétation. Il faut souligner que,
dans cet article, l'inscription elle-même est qua-
lifiée d'admissible et il faut en outre souligner
que le mot «registre» n'a pas le sens très large
qu'on attribue au mot «pièce» à l'article 30*.
J'en conclus donc que le passage susmentionné
tiré de la demande de crédit n'est pas admissible
en vertu de l'article 29(1).
Pour ce qui est de l'article 30, compte tenu de
la définition très large que l'on y donne au mot
«pièce» qui comprend «un document» ou «un
écrit», il me semble avoir une portée suffisam-
ment large pour inclure le genre de demande de
crédit transmise entre des services d'une institu
tion financière ou des notes de service, etc.,
pourvu que les autres conditions stipulées par
cet article soient remplies, à savoir la pièce doit
être établie dans le cours ordinaire des affaires
et la déclaration doit être telle qu'elle serait
admissible de la part d'un témoin déposant sous
serment.
Dans la présente affaire, le rapport ne men-
tionne aucunement que l'une des parties ou
quelqu'un agissant en leur nom ait avisé le
gérant de cette intention. Ce rapport renferme
une conclusion concernant une attitude ou une
motivation, ce qui n'est pas susceptible d'être
observé directement comme un fait par un
témoin. Il n'y a que deux autres possibilités qui
expliquent ce rapport: celui qui l'a rédigé a reçu
les renseignements d'une tierce personne et,
dans ce cas, il ne pourrait être admis en preuve
puisqu'il s'agit d'ouï-dire, ou bien il découle
d'une simple déduction ou d'une opinion du
témoin et, puisqu'un témoin ne peut donner son
opinion sur l'existence ou l'inexistence d'une
intention, si ce n'est, peut-être, dans certains cas
limites où l'on peut admettre l'opinion d'un psy-
chiatre sur un tel point, le témoignage du gérant
de banque donnant son opinion sur cette ques
tion n'est pas admissible à titre de preuve orale.
En outre, ce témoignage ne saurait être admis
puisque l'on demanderait alors au témoin d'ex-
primer une opinion ou de trancher la question
même qui est soumise à la Cour.
On peut aussi expliquer ce rapport d'une
autre façon. Il peut s'agir uniquement d'un argu
ment préparé par le gérant de la succursale pour
convaincre le siège social d'augmenter le crédit
de son client. Le témoin Guppy, cité au nom de
la Couronne, a mentionné ce point et a déclaré
qu'il était courant qu'un bon gérant de banque
utilise des arguments qui lui semblaient raison-
nables, lorsqu'il écrivait au nom d'une personne
qui constituait un bon risque financier, pour
convaincre le siège social d'augmenter le crédit,
et que la possibilité d'épargner de l'impôt consti-
tuait de toute évidence un bon argument pour
des dirigeants de banque. Pour ces motifs, ce
rapport ne saurait être admis. Il en aurait été
autrement si feu le gérant de la banque avait
déclaré qu'il avait appris d'Helyar ou de quicon-
que agissant au nom des intimées la véritable
raison de la division de l'entreprise.
Il est constant que les trois compagnies ont
utilisé les mêmes services de comptabilité et,
d'après les témoignages, c'était uniquement
pour faire des économies, car aucune d'elles
n'aurait pu s'offrir le même genre de services de
comptabilité, compte tenu de son chiffre d'affai-
res. Toujours pour des motifs d'économie, elles
ont aussi utilisé les mêmes services téléphoni-
ques et, pendant quelques années, les pages
jaunes de l'annuaire téléphonique ne permet-
taient pas de les distinguer clairement. Pour ce
qui est de la publicité et des annonces, bien
qu'en de rares occasions, l'une ou l'autre com-
pagnie ait utilisé le nom «Furnasman» ou «Fur-
nasman Ltd.» au lieu de sa raison sociale au
complet, compte tenu du fait que «Furnasman»
figurent dans leurs trois noms, il y a eu à mon
avis très peu de cas où l'une ou l'autre en a fait
un emploi abusif.
Je suis convaincu que chaque compagnie
tenait jalousement à conserver sa propre iden-
tité, même si naturellement elle souhaitait
ardemment profiter de la vaste clientèle atta-
chée au mot «Furnasman».
Dans l'arrêt Levitt-Safety (Eastern) Ltd. c.
M.R.N. 73 DTC 5374, mon collègue, le juge
Urie, ayant établi que de nombreuses opérations
dont l'achat, l'entreposage, les catalogues, la
facturation et la comptabilité étaient centrali
sées, a conclu que les modifications apportées
aux compagnies ainsi que la création de nouvel-
les compagnies n'étaient «qu'un maquillage» et
que, d'après les faits qu'on lui avait soumis,
l'une des raisons principales était l'évasion
fiscale.
J'ai aussi examiné les arrêts suivants qui
m'ont été cités, dans lesquels la Cour a conclu
que l'intention principale n'était pas d'épargner
de l'impôt et les compagnies n'ont pas été décla-
rées associées: La Reine c. Bobbie Brooks
(Canada) Limited 73 DTC 5357; C.P. Loewen
Enterprises Ltd. c. M.R.N. [1972] C.F. 773 à la
p. 794 et Jordans Rugs Ltd. c. M.R.N. 69 DTC
5290. J'ai aussi examiné les arrêts suivants qui
vont en sens contraire: Debruth Investments
Limited c. M.R.N. 73 DTC 5233; Pay -Less
Meat Market Ltd., New-West Meat Market Lim
ited et Save-On Meat Market Ltd. c. M.R.N. 73
DTC 5102; Classic's Little Books Inc. c. Sa
Majesté La Reine 73 DTC 5096; Dominion
Freehold Limited c. M.R.N. 71 DTC 5261; Holt
Metal Sales of Manitoba Limited et Industrial
Metals Processing Limited c. M.R.N. 70 DTC
6108; M.R.N. c. Howson & Howson Limited et
Howson & Howson Company (Cargill) Limited
70 DTC 6055; Alpine Furniture Company Lim
ited et Monte Carlos Furniture Company Lim
ited c. M.R.N. 68 DTC 5338; et Doris Trucking
Company Limited c. M.R.N. [19681 2 R.C.É.
501.
Tous ces arrêts ont été rendus d'après leurs
faits propres et ne sont, par conséquent, que
d'une faible utilité. La question de savoir si l'un
des principaux motifs de la constitution de deux
ou plusieurs compagnies ou de leur existence
est de diminuer le montant d'impôt qui serait
autrement payable en vertu de la loi n'est
qu'une question de fait. Déterminer l'intention
ou la motivation est subjectif; il ne saurait en
être autrement car rien ne dépend plus de la
crédibilité ou n'est plus subjectif que l'intention
ou la motivation puisqu'il s'agit d'une attitude
d'esprit. Il s'agit là du genre de question qu'il
serait tout à fait souhaitable de faire trancher
par un jury. Dans le cas d'une compagnie, il
s'agit de déterminer quelle était l'intention com
mune de ses administrateurs ou de ses action-
naires à l'époque en cause.
Chaque fois que la question de l'intention est
capitale, ce qui est très rare dans les affaires
d'impôt, la crédibilité prend une importance
considérable. Lorsque les témoignages concer-
nant l'intention émanent de la partie principale
responsable de l'existence distincte de deux
compagnies, et qu'ils indiquent que la question
de l'impôt sur le revenu épargné n'a pas consti-
tué l'un des principaux motifs de l'existence
d'une compagnie distincte, et lorsque, compte
tenu de tous les autres témoignages et des cir-
constances de l'espèce, la Cour est prête à ajou-
ter foi à ces témoignages, le contribuable s'est
déchargé du fardeau de la preuve qui lui incom-
bait et la Cour doit alors conclure que les com-
pagnies doivent être réputées ne pas avoir été
associées au sens de l'article 138A.
Le juge Dumoulin a énoncé à l'arrêt Doris
Trucking Company Limited c. M.R.N., (précité)
un critère très utile pour décider si l'article
138A(3)b)(ii) s'applique. Mon collègue, le juge
Cattanach, a énoncé ce critère comme suit dans
l'arrêt précité Loewen Enterprises Ltd. c.
M.R.N. à la page 794:
[Critère à appliquer]
Le critère à appliquer dans l'interprétation de l'article
138A(3)b)(ii) est énoncé dans l'affaire Doris Trucking Co. c.
M.R.N. [1968] 2 R.C.É. 501, où le juge Dumoulin déclare, à
la page 505:
[TRADUCTION] ... «le critère à appliquer est ... de savoir
si des corporations distinctes seraient chargées de ces
domaines d'activité donnés, si toutes les corporations
étaient assujetties à un taux d'imposition uniforme de
50%, comme l'a recommandé la Commission royale d'en-
quête sur la fiscalité».
C'est le critère qu'a appliqué le juge suppléant Sheppard
dans l'affaire Jordans Rugs Ltd. c. M.R.N. [1969] C.T.C.
445.
En résumé, le critère est le suivant: à défaut de tout
avantage sur le plan fiscal, aurait-on quand même adopté le
plan?
Dans l'affaire I.R.C. c. Brebner [1967] 1 All E.R. 779,
Lord Pearce a déclaré à la page 781 que la question de
savoir si l'un des principaux objectifs était de tirer de
l'opération un avantage sur le plan fiscal est une question
d'intention subjective.
Je suis aussi d'avis que le critère mentionné
dans ces arrêts est bien celui que le juge du fait
doit appliquer lorsqu'il examine ses conclusions
en vertu de l'article 138A.
Compte tenu du fait que j'accorde foi aux
dépositions d'Helyar et des autres témoins cités
par le contribuable quant à la question de l'in-
tention principale ou des motifs principaux qui
sont à l'origine de la constitution de ces compa-
gnies et de leur maintien, et compte tenu du fait
que ces témoignages n'ont pas été contredits
mais qu'ils ont été fortement confirmés par le
témoignage de l'unique témoin appelé par le
ministre du Revenu national, à savoir, le témoi-
gnage du gérant de la banque, Guppy, il ne m'est
pas difficile d'en arriver à la conclusion que,
même s'il n'y avait eu aucun avantage sur le
plan fiscal, les compagnies distinctes auraient
été constituées et maintenues en existence; ainsi
les intimées se sont acquittées du fardeau de la
preuve qui leur incombait.
La décision de la Commission d'appel de l'im-
pôt est par conséquent confirmée et les présents
appels rejetés avec dépens. Jugement sera donc
prononcé en ce sens.
N. du T. Registre et pièce traduisent tous deux le mot
«record».
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.