John William Robertson (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance. Le juge Cat-
tanach—Ottawa, les 17 et 22 février 1972.
Fonction publique—Fin d'emploi—Pouvoir du sous-minis-
tre de mettre fin à l'emploi d'un fonctionnaire à l'âge de 60
ans—Ultra vires—Loi sur la pension de la Fonction publi-
que, S.R.C. 1970, c. P-36, art. 32(1)y)—Règlement sur la
pension du service public, C.P. 1962-137, modifié par C.P.
1968-1156, art. 20(12).
L'article 20(12) du Règlement sur la pension du service
public qui autorise un sous-ministre à mettre fin à l'emploi
d'un fonctionnaire à l'âge de 60 ans est ultra vires du
pouvoir conféré par l'article 32(1)y) de la Loi sur la pension
de la Fonction publique au gouverneur en conseil de fixer
un âge normal de retraite.
Une fois que le gouverneur en conseil a fixé l'âge normal
de la retraite à 65 ans dans l'article 20(2) du Règlement, le
pouvoir que lui confère l'article 32(1)y) de la Loi est épuisé.
On ne peut interpréter le texte de l'article 32(1)y) comme
autorisant une délégation ultérieure.
ACTION.
M. W. Wright, c.r. et J. L. Shields pour le
demandeur.
C. R. O. Munro, c.r. et I. Whitehall pour la
défenderesse.
LE JUGE CATTANACH—Le demandeur est
fonctionnaire, classé «PM1», au service du
ministère du Revenu national à Belleville (Onta-
rio), depuis le 15 juillet 1968, comme agent des
recouvrements de district.
Le 6 mai 1970, le demandeur a atteint l'âge
de 60 ans.
Par lettre datée du 20 janvier 1971, le sous-
ministre du ministère du Revenu national a
informé le demandeur qu'en raison des rapports
envoyés au Ministre sur la façon dont il rem-
plissait ses fonctions, il était convaincu que vu
son âge, il ne lui était pas possible de remplir de
manière satisfaisante, à l'avenir, les fonctions
qui lui avaient été assignées. En vertu du pou-
voir que lui confère l'article 20(12) du Règle-
ment sur la pension du service public, le sous-
ministre a donc notifié au demandeur qu'il met-
tait à fin son emploi, «pour seule raison d'âge».
Il précisait que l'avis prenait effet le ler février
1971 et la fin de l'emploi du demandeur le 31
juillet 1971.
Le demandeur cherche à faire déclarer que
l'article 20(12) du Règlement sur la pension du
service public C.P. 1962-137, amendé par C.P.
1968-1156, est ultra vires et que par consé-
quent, le sous-ministre n'avait pas le pouvoir de
mettre fin à son emploi en vertu de ce
règlement.
Dès le début du procès, les avocats des par
ties ont convenu qu'il n'y avait pas de contesta-
tion sur les faits, que l'emploi du demandeur
prenait fin en raison de son âge, et que la seule
question à trancher était celle de la validité de
l'article 20(12) du Règlement sur la pension du
service public.
Dans sa requête, le demandeur sollicitait une
injonction interdisant à Sa Majesté de mettre
fin à son emploi, et des dommages-intérêts s'il
était jugé que le fait de mettre fin à l'emploi du
demandeur était illégal.
L'avocat du demandeur a renoncé à deman-
der une injonction et les avocats se sont mis
d'accord sur le quantum des dommages-intérêts
à accorder au demandeur au cas où il serait jugé
que le règlement attaqué est ultra vires.
Les plaidoiries ont fait ressortir clairement
que la question était bien délimitée.
L'article 20(12) du Règlement sur la pension
du service public est une législation déléguée.
Pour qu'une telle législation déléguée soit vala-
ble, elle doit constituer l'exercice d'un pouvoir
autorisé par une loi.
L'avocat de la défenderesse prétend que l'ar-
ticle 32(1)y) de la Loi sur la pension de la
Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-36, con-
fère au gouverneur en conseil le pouvoir d'édic-
ter le règlement énoncé à l'article 20(12), tandis
que l'avocat du demandeur soutient le contraire.
Voici l'article 32(1)y) de la Loi sur la pension
de la Fonction publique:
y) par dérogation à toute autre loi du Parlement du Canada,
mais sous réserve du paragraphe (11), stipulant que, lors-
qu'il atteint l'âge fixé par les règlements, un contributeur
doit cesser d'être employé dans la Fonction publique, à
moins que la continuation de son emploi ne soit autorisée en
conformité de ces règlements, et prescrivant les circonstan-
ces où il peut continuer d'être employé dans la Fonction
publique après avoir atteint cet âge ....
L'article 20(12) du Règlement sur la pension
du service public (précité) est placé sous le titre
«Fin d'emploi» et se lit comme suit:
(12) Nonobstant toute disposition du présent article, un
sous-ministre peut, d'accord avec la Commission du service
civil, mettre fin n'importe quand, pour seule raison d'âge, à
l'emploi d'un contributeur qui a atteint l'âge de soixante ans
mais n'a pas atteint l'âge de soixante-quatre ans et six mois,
si le sous-ministre donne au contributeur au moins six mois
de préavis de cessation d'emploi.
Le décret C.P. 1968-1156 édicte à nouveau
l'article 20(12) en supprimant les termes «d'ac-
cord avec la Commission du service civil». Cet
amendement a pour effet de laisser à l'entière
discrétion du sous-ministre la décision de
mettre fin à l'emploi d'un contributeur qui a
atteint l'âge de 60 ans.
Les plus hautes autorités affirment le droit
d'examiner les antécédents législatifs d'une loi
dans le but d'écarter tout doute quant à son
sens, et reconnaissent que ce droit constitue
généralement une méthode appropriée permet-
tant de préciser la volonté véritable du
législateur.
Les avocats de chacune des parties m'ont
amené à passer en revue de manière détaillée la
législation antérieure à l'appui de leurs préten-
tions contraires.
L'avocat du demandeur s'est reporté à la
promulgation par le Parlement, en 1967, de la
Loi sur l'emploi dans la Fonction publique
(S.R.C. 1970, c. P-32). Comme l'indique son
titre complet «Loi concernant l'emploi dans la
Fonction publique du Canada», cette loi régit
fondamentalement la sélection et la nomination
de personnes qui sont déjà membres de la Fonc-
tion publique ou n'en font pas encore partie, la
durée des fonctions, la durée du stage, la mise
en disponibilité et le renvoi des employés pour
incompétence et incapacité.
L'article 24 prévoit qu'un employé occupe sa
charge durant le bon plaisir de Sa Majesté, sous
réserve des autres dispositions de la Loi et de
toute autre loi ainsi que des règlements établis
sous son régime.
En vertu de l'article 31, le renvoi d'un
employé pour incompétence et incapacité ou la
rétrogradation à un poste inférieur relève de
l'initiative du sous-ministre, qui fait une recom-
mandation à la Commission de la Fonction
publique. L'employé touché par cette mesure a
un droit d'appel. Ceci est différent de l'article
20(12) du Règlement sur la pension du service
public, qui confère au sous-ministre l'entière
discrétion de mettre fin à l'emploi d'un contri-
buteur pour seule raison d'âge.
En 1967, l'article 5(1)e) de la Loi sur l'admi-
nistration financière (S.R.C. 1970, c. F-10) a été
de nouveau modifié pour préciser que le conseil
du Trésor peut agir relativement à toute ques
tion concernant la fixation des conditions d'em-
ploi des personnes dans la fonction publique.
En vertu de l'article 7 de cette Loi et des
règlements adoptés sous son régime, le conseil
du Trésor est compétent pour traiter des ques
tions de discipline ou d'inconduite et peut pres-
crire des sanctions pécuniaires et autres, y corn-
pris la suspension et le congédiement. L'article
106, C.P. 1967-1968 du Règlement sur les con
ditions d'emploi dans la Fonction publique, pro-
mulgué en vertu de l'article 7 de la Loi sur
l'administration financière, prévoit que ' sous
réserve de tout édit du conseil du Trésor, les
questions de discipline sont déléguées au sous-
ministre, sous la réserve expresse que le congé-
diement d'un employé pour des raisons discipli-
naires doit recevoir l'approbation du conseil du
Trésor.
Par ailleurs, la Loi sur la pension de la Fonc-
tion publique a pour but général, comme l'impli-
que son titre, de verser une pension ou d'autres
prestations à tout fonctionnaire qui contribue au
plan. Elle contient des dispositions détaillées
quant aux droits et obligations des contributeurs
et de leurs personnes à charge et aux droits et
obligations de l'employeur. L'avocat de la
défenderesse a donné à entendre que l'âge de la
retraite est nécessairement accessoire au but
général du versement d'une pension. A titre
d'exemple, il a retracé l'évolution de la législa-
tion antérieure.
Le premier Parlement du Canada a passé un
«Acte pour mieux assurer l'efficacité du service
civil du Canada, en pourvoyant à la retraite, en
certains cas particuliers, des personnes qui y
sont employées.» (S.C. 1870-71, c. 4.)
Donner un préambule à une loi est chose rare
à l'époque moderne mais, lorsqu'il en existe un,
il peut être utile de le considérer comme un
guide destiné à préciser l'objet, la portée et le
but de la loi sous réserve que, lorsque le texte
est clair et sans ambiguïté, on ne peut recourir
au préambule pour l'orienter, le tronquer ou le
restreindre et, lorsque le texte est ambigu, on
peut recourir au préambule pour l'expliquer.
La première Loi sur le fonds de retraite du
service civil comportait un préambule et pour
les raisons déjà données, il est utile de citer ce
préambule.
CONSIDÉRANT que dans le but de mieux assurer l'effica-
cité et l'économie dans le service civil du Canada, il est
expédient de pourvoir à la retraite, à des conditions équita-
bles, des personnes y employées qui, par la suite de leur âge
ou de leurs infirmités, ne peuvent pas convenablement
remplir les devoirs qui leur sont assignés.
En vertu de l'article 1 de cette Loi, le gouver-
neur en conseil pouvait accorder une allocation
de fonds de retraite à un employé qui avait
atteint l'âge de 60 ans. En vertu de l'article 5, la
retraite était obligatoire à la suite de l'offre
d'une allocation de fonds de retraite. Il semble
donc que la retraite à l'âge de 60 ans était
obligatoire si l'allocation de fonds de retraite
était offerte, mais que le gouverneur en conseil
pouvait prolonger l'emploi d'une personne après
l'âge de 60 ans en usant du simple subterfuge
qui consistait à ne pas lui offrir une allocation
de fonds de retraite. L'allocation de fonds de
retraite pouvait également être offerte à une
personne ayant moins de 60 ans, mais cette
personne, si elle était en bonne santé physique
et mentale, pouvait être rappelée au service. Il
semble que le but général de la Loi ait été que
l'âge normal de la retraite fût de 60 ans et
qu'avant ou après 60 ans, la retraite fût discré-
tionnaire, et dépendît entièrement de l'offre
d'une allocation de fonds de retraite, à la discré-
tion du gouverneur en conseil.
Aucun changement n'a été apporté à l'âge
normal de la retraite jusqu'en 1924.
La Loi de la pension du service civil de 1924
(S.C. 1924, c. 69) précisait à l'article 10(2) que
personne n'est retenu dans le service civil lors-
qu'il est âgé de plus de 70 ans et à l'article 5
a)(i) que la pension peut être accordée à une
personne qui a atteint l'âge de 65 ans.
L'âge normal de la retraite était fixé à 65 ans
et l'âge obligatoire de la retraite à 70 ans.
Telle était la situation jusqu'en 1947. En
vertu du chapitre 54 des Statuts du Canada de
1947, des modifications ont été apportées à la
Loi de la pension du service civil, fixant l'âge
normal de la retraite à 60 ans et obligeant les
personnes à prendre leur retraite à l'âge de 65
ans, sous réserve de la continuation de leur
emploi, après cet âge, sous certaines conditions
qui étaient précisées. Telle a été la situation
jusqu'à l'adoption de la Loi sur la pension du
service public en 1952-53 (S.C. 1952-53, c. 47).
Cette Loi et ses modifications se trouvent dans
la refonte de 1970 sous le titre Loi sur la
pension de la Fonction publique (S.R.C. 1970, c.
P-3 6).
Cette Loi ne fixe pas l'âge normal de la
retraite des contributeurs, comme le faisaient
les lois précédentes, mais le Parlement a choisi
de laisser aux règlements le soin de trancher la
question.
Il ressort de l'étude précédente de la législa-
tion antérieure que la question de la durée des
fonctions d'un employé relève de la Loi sur
l'emploi dans la Fonction publique. Le renvoi
d'un employé pour incompétence ou incapacité
est également régi par cette Loi et assorti du
droit d'appel qu'elle prévoit. En vertu de la Loi
sur l'administration financière et des règlements
adoptés sous son régime, le pouvoir de congé-
dier un employé pour des raisons disciplinaires
est conféré au conseil du Trésor, qui a délégué
cette autorité au sous-ministre, mais toute déci-
sion que prend ce dernier à cet égard est sou-
mise à l'approbation du conseil du Trésor. Il est
possible de s'opposer à une action disciplinaire
par la procédure du grief prévue dans la Loi sur
les relations de travail dans la Fonction publi-
que (S.R.C. 1970, c. P-35).
A la différence du renvoi d'un employé pour
incompétence et incapacité et du congédiement
pour des raisons disciplinaires, le contributeur
qui se plaint que le sous-ministre a mis fin à son
emploi, pour seule raison d'âge, en vertu de
l'article 20(12) du Règlement sur la pension du
service public, n'a pas de recours.
Il est clair que la durée des fonctions d'un
employé, son renvoi pour incompétence et inca-
pacité ou son congédiement pour des raisons
disciplinaires ne sont pas l'objet de la Loi sur la
pension de la Fonction publique. L'objet de la
Loi sur la pension de la Fonction publique est
de pourvoir à la retraite des fonctionnaires au
moyen d'une pension lorsqu'ils atteignent un
certain âge. Le droit à une pension et la cessa
tion d'emploi qui ouvre le droit à cette pension
sont intimement liés et sous cet angle, la cessa
tion d'emploi, lorsqu'on a atteint un certain âge,
est l'objet de cette législation.
L'évolution de la législation indique que le
but que le Parlement a poursuivi jusqu'à la
promulgation de l'actuelle Loi sur la pension de
la Fonction publique était de fixer un âge
normal de retraite ainsi qu'un âge plus tardif où
la retraite devient obligatoire, sous réserve de la
continuation d'emploi après cet âge lorsqu'il
existe des conditions particulières.
On peut résumer le but appliqué dans le
Règlement sur la pension du service public.
A l'article 20(2) de celui-ci, il est prévu que,
sous réserve de cet article, un contributeur
cesse d'être employé lorsqu'il atteint l'âge de 65
ans. Cet âge est, à mon sens, l'âge normal de la
retraite pour tous les fonctionnaires.
En vertu de l'article 20(4), (5) et (6), un
contributeur peut continuer d'être employé jus-
qu'à ce qu'il atteigne l'âge de 70 ans, sur appro
bation du sous-ministre avec l'autorisation par-
ticulière ou générale du ministre compétent si le
traitement du contributeur est inférieur à
$13,500. Si le traitement du contributeur est
égal ou supérieur à $13,500, celui-ci, peut alors
continuer d'être employé jusqu'à ce qu'il ait
atteint l'âge de 70 ans si, le sous-ministre l'a
recommandé et si cette recommandation est
approuvée par le conseil du Trésor. La conti-
nuation de l'emploi après l'âge de 65 jusqu'à
l'âge de 70 ans est autorisée d'année en année.
L'article 20(8) prévoit la continuation d'em-
ploi après l'âge de 70 ans.
Ceci est conforme à l'objectif que le Parle-
ment a adopté dans la législation antérieure sur
la pension et qui est inscrit dans les lois mêmes.
Jusqu'ici, les règlements prévoient que l'âge
normal de la retraite est 65 ans et contiennent
des dispositions portant sur la continuation de
l'emploi du contributeur après 65 ans.
Toutefois, en vertu de l'article 20(12) (en
vertu duquel le sous-ministre a agi pour mettre
fin à l'emploi du demandeur en l'espèce), le
sous-ministre a mis fin de sa propre initiative à
l'emploi d'un contributeur parce que celui-ci
avait atteint l'âge de 60 ans, et il peut mettre fin
à tout moment à l'emploi d'un contributeur qui
a atteint l'âge de 60 ans mais n'a pas atteint
l'âge de 64 ans et 6 mois sans l'accord ni
l'approbation de toute autre autorité; dans ce
dernier cas, il n'y a aucun recours contre la
décision du sous-ministre.
L'article 11 de la Loi sur la pension de la
Fonction publique donne au contributeur le
choix de recevoir une pension ou d'exercer des
options lorsqu'il a moins de 5 ans de service
ouvrant droit à pension.
Voir l'article 11(1)a):
a) s'il cesse d'être employé dans la Fonction publique
après avoir atteint l'âge de soixante ans, pour toute raison
autre que l'inconduite, ou s'il cesse d'être employé dans la
Fonction publique parce qu'il est devenu invalide ... .
Le droit du contributeur de recevoir une pen
sion ou le remboursement des contributions
sont ensuite précisés.
De même, l'article 12 de la Loi sur la pension
de la Fonction publique énonce les droits d'un
contributeur ayant au moins 5 ans de service
ouvrant droit à pension.
Voir l'article 12(1)a):
a) s'il cesse d'être employé dans la Fonction publique
après avoir atteint l'âge de soixante ans, pour toute raison
autre que l'inconduite, il a droit de recevoir une pension à
jouissance immédiate.....
Aucune preuve n'a été apportée, sur le
nombre d'années de service ouvrant droit à
pension du demandeur, qui permette de déter-
miner s'il relevait de l'article 11 ou de l'article
12, mais ceci est sans rapport avec la question
qui m'est posée.
Les articles 11 et 12 qui viennent d'être cités
signifient qu'un contributeur, s'il cesse d'être
employé dans la Fonction publique, a le droit de
recevoir une pension à l'âge de 60 ans.
S'il est mis fin à l'emploi du contributeur pour
raison d'inconduite, ce qui est fait en vertu des
dispositions de la Loi sur l'administration finan-
cière et des règlements pris sous son régime,
cette éventualité est expressément prévue aux
articles 11 et 12 de la Loi sur la pension de la
Fonction publique.
L'emploi du contributeur pourrait également
cesser pour raison d'incompétence ou d'incapa-
cité. Ceci peut être fait en vertu des dispositions
de la Loi sur l'emploi dans la Fonction
publique.
Il est également possible qu'on puisse mettre
fin à l'emploi du contributeur en exerçant le bon
plaisir de Sa Majesté, également en vertu de la
Loi sur l'emploi dans la Fonction publique.
Le seul autre cas où il pourrait être mis fin à
l'emploi d'un contributeur lorsqu'il atteint l'âge
de 60 ans (à l'exclusion de l'article 20(12) du
Règlement sur la pension du service public)
serait celui où le contributeur ayant atteint cet
âge, démissionne volontairement; c'est-à-dire de
son plein gré. Toutefois, je ne peux interpréter
les articles 11 et 12 comme indiquant qu'il est
automatiquement mis fin à l'emploi d'un contri-
buteur parce qu'il a atteint l'âge de 60 ans. A
mon sens, le but de ces articles est de donner au
contributeur le droit à une pension à cet âge s'il
désire la prendre en mettant fin de sa propre
initiative à son emploi, en démissionnant. Il me
semble que le choix du contributeur de démis-
sionner et de bénéficier de sa pension à l'âge de
60 ans est laissé à sa discrétion. Le contributeur
pourrait choisir de ne pas démissionner lorsqu'il
atteint l'âge de 60 ans. Il pourrait très bien
reporter sa décision jusqu'à une date située ses
60 et ses 65 ans. J'en suis d'autant plus con-
vaincu que l'article 20(2) du Règlement sur la
pension du service public prévoit qu'un contri-
buteur cesse d'être employé lorsqu'il atteint
l'âge de 65 ans. Il s'agit là de l'âge normal de la
retraite prévu pour tous les contributeurs lors-
que l'emploi cesse automatiquement, mais peut
se poursuivre à des conditions qui sont préci-
sées. Je n'ai trouvé aucune autre disposition
semblable dans quelque loi ni règlement, et on
n'a porté à mon attention aucun texte selon
lequel la continuation d'emploi après l'âge de 60
ans est soumise à des conditions, comme cela
est le cas lorsque l'on atteint l'âge de 65 ans.
La seule autre éventualité est celle où un
contributeur pourrait cesser d'être employé à
l'âge de 60 ans ou entre 60 ans et 64 ans et 6
mois, lorsque le sous-ministre a mis fin à son
emploi pour raison d'âge en vertu de l'article
20(12) du Règlement sur la pension du service
public qui est, naturellement, le règlement
même que cette action cherche à attaquer.
La question de savoir si l'article 20(12) du
règlement relève de l'autorité déléguée au gou-
verneur en conseil doit être tranchée tout d'a-
bord en se reportant à l'article de la Loi sur la
pension de la Fonction publique qui s'y
rattache.
Il est bien établi que c'est l'article 32(1)y) de
la Loi sur la pension de la Fonction publique qui
délègue au gouverneur en conseil le pouvoir de
fixer l'âge de la retraite d'un contributeur.
Le règlement prévoit en effet à l'article 20(2)
qu'un contributeur cesse d'être employé lors-
qu'il atteint l'âge de 65 ans. Les paragraphes
suivants prévoient des exceptions permettant de
continuer cet emploi jusqu'à l'âge de 70 ans et
même plus tard.
Mais l'article 20(12) prévoit que nonobstant
l'âge normal de la retraite qui est fixé, à l'article
20(2), à 65 ans, le sous-ministre peut mettre fin
à l'emploi d'un contributeur, sur avis donné à
l'employé, à tout âge se situant entre 60 ans et
64 ans et 6 mois.
L'article 20 et ses paragraphes sont placés
sous l'intitulé «Fin d'emploi». A l'article 20(2),
les termes importants sont qu'un contributeur
«cesse d'être employé» lorsqu'il atteint l'âge de
65 ans. A l'article 32(1)y) de la Loi sur la
pension de la Fonction publique, il est prévu
que «lorsqu'il atteint l'âge fixé par les règle-
ments, un contributeur doit cesser d'être
employé», sauf continuation de son emploi.
L'emploi des termes «cesse d'être employé»
dans les contextes où ils se trouvent, implique
le fait que l'emploi cesse automatiquement lors-
qu'un certain âge est atteint. Aucun acte positif
n'est requis de personne. Le résultat découle de
l'expiration du terme. D'autre part, les termes
de l'article 20(12) font que le sous-ministre
«peut mettre fin à l'emploi» d'un contributeur
qui a atteint l'âge de 60 ans, pour cette seule
raison. Il est certain que s'il est «mis fin» à
l'emploi d'un contributeur, cet emploi «cesse»
également, mais le terme «mettre fin», employé
dans ce contexte, implique un acte positif et pas
simplement l'expiration du terme, comme l'indi-
quent implicitement les termes «cesse d'être
employé» dans le contexte correspondant,
c'est-à-dire que la cessation d'emploi suit inexo-
rablement et automatiquement l'expiration du
terme.
Le pouvoir prévu à l'article 32(1)y) est, à mon
sens, que le gouverneur en conseil doit fixer un
âge normal de retraite pour tous les contribu-
teurs avec des exceptions prévoyant la conti
nuation de l'emploi après cet âge. Cet article de
la Loi précise «lorsqu'il atteint l'âge fixé par les
règlements», âge qui a été fixé à 65 ans par
l'article 20(2) du règlement, et déclare ensuite
que l'emploi peut être continué après cet âge.
Cette continuation d'emploi est prévue dans le
règlement.
Mais l'article 20(12) du règlement prévoit
que, nonobstant le fait que l'âge normal de la
retraite est fixé par l'article 20(2) à 65 ans, le
sous-ministre peut néanmoins mettre fin à l'em-
ploi du contributeur à l'âge de 60 ans. Cette
mesure outrepasse, à mon sens, le pouvoir que
prévoit l'article 32(1)y) de la Loi.
Il me semble que lorsque le gouverneur en
conseil a fixé l'âge normal de la retraite à 65 ans
à l'article 20(2) du règlement, il a épuisé le
pouvoir que lui conférait l'article 32(1)y) de la
Loi.
Je conclus donc que l'article 20(12) du règle-
ment est ultra vires. -
Mon opinion s'appuie en outre sur le fait que
l'article 32(1)y) prévoit, à mon sens, que le
gouverneur en conseil exerce le pouvoir ainsi
conféré, et la délégation au sous-ministre de ce
pouvoir pour mettre fin à l'emploi du contribu-
teur à un âge antérieur à celui fixé par le gou-
verneur en conseil contrevient à la règle conte-
nue dans la maxime «Delegatus non potest
delegare». Rien, à mon avis, ne permet d'inter-
préter l'article 32(1)y) comme autorisant une
sous-délégation de pouvoir. Si telle était l'inten-
tion du Parlement, elle devrait être exprimée en
termes exprès et non équivoques. Je ne peux
pas non plus interpréter l'article 20(12) du
règlement comme une simple directive du gou-
verneur en conseil au sous-ministre sur la façon
de s'acquitter de cette charge car je n'ai trouvé
aucun texte conférant cette responsabilité au
sous-ministre, et aucun des avocats ne m'a
soumis de législation à cet effet.
En conséquence, il sera déclaré a) que l'arti-
cle 20(12) du Règlement sur la pension du ser
vice public, C.P. 1962-137 modifié par le décret
en conseil, C.P. 1968-1156 est ultra vires; et b)
que le sous-ministre du Revenu national n'avait
pas le pouvoir de mettre fin à l'emploi du
demandeur en vertu du pouvoir qu'il prétend
tirer de l'article 20(12) du règlement.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.