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Harold Armstrong Harcourt, Jeanne Katherine Harcourt (Demandeurs)
c.
L'honorable Donald C. Jamieson, l'honorable Jean Marchand, Jan Lewandowski et Lewmar Air Toronto Limited (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Pratte — Toronto, le 12 octobre; Ottawa, le 13 novembre 1973.
Aéronautique—Nuisance—Les avions utilisant l'aéroport constituent-ils une nuisance pour les propriétés avoisinan- tes—Y a-t-il violation du droit de propriété?
En 1965, les demandeurs achetèrent une ferme située à proximité d'un aéroport auquel fut délivré, la même année, son premier permis d'exploitation. Les demandeurs se plai- gnirent de ce qu'en 1970, plusieurs avions décollant de l'aéroport ou y atterrissant avaient commencé à survoler leur propriété à faible altitude; malgré leurs plaintes répé- tées, le ministère des Transports ne prit aucune mesure préventive. Les demandeurs intentèrent une action contre l'actuel ministre des Transports, son prédécesseur, le pro- priétaire de l'aéroport et l'exploitant d'une école de pilotage. Ils demandaient un bref de mandamus enjoignant le ministre des Transports de faire respecter les dispositions de la Loi sur l'aéronautique et d'empêcher que les avions utilisant l'aéroport survolent leur propriété, ainsi que des dommages- intérêts et une injonction à l'encontre des autres défendeurs, alléguant une violation du droit de propriété et une nuisance.
Arrêt: l'action est rejetée.
1. La preuve ne permet pas de conclure que le ministre des Transports et les fonctionnaires du ministère ont omis de s'acquitter de leur devoir de faire respecter le Règlement de l'Air. Arrêt discuté: Regina c. Commissioner of Police of the Metropolis, Ex parte Blackburn [1968] 2 Q.B. 118.
2. Le survol de la propriété d'un autre n'est pas en soi une violation du droit de propriété. Arrêt mentionné: Lacroix c. La Reine [1954] R.C.É. 69.
3. La preuve établit que la plupart des avions décollant de l'aéroport et y atterrissant ne survolent pas la propriété des demandeurs et ne constituent pas une nuisance.
ACTION. AVOCATS:
J. D. Crane pour les demandeurs.
B. F. Kennerly pour Jan Lewandowski et la Lewmar Air Toronto Ltd.
L. R. Olsson, c.r., et H. Erlichman pour l'honorable Donald C. Jamieson et l'honorable Jean Marchand.
PROCUREURS:
Carrick, O'Connor, Coutts et Crane, Toronto, pour les demandeurs.
B. F. Kennerly, Toronto, pour Jan Lewan- dowski et la Lewmar Air Toronto Ltd.
Le sous-procureur général du Canada pour l'honorable Donald C. Jamieson et l'honorable Jean Marchand.
LE JUGE PRATTE—Les demandeurs et leurs enfants habitent une ferme située près d'un petit aéroport, l'aéroport de Markham, la défende- resse, la Lewmar Air Toronto Limited, exploite une école de pilotage. Le défendeur Jan Lewan- dowski est propriétaire de cet aéroport; il est aussi président et actionnaire principal de la Lewmar Air Toronto Limited. Les demandeurs se plaignent de ce que de petits avions apparte- nant à la Lewmar Air Toronto Limited, et d'au- tres, utilisant les installations de l'aéroport, sur- volent constamment à faible altitude leur maison, leur propriété et les alentours. Ils sou- tiennent que la Lewmar Air Toronto Limited viole leur droit de propriété en survolant leur terrain et affirment aussi que les activités de cette dernière et de Jan Lewandowski consti tuent une nuisance. Ils prétendent enfin que cette situation n'existerait pas si le ministre des Transports s'était acquitté de son devoir de faire respecter les dispositions de la Loi sur l'aéro- nautique et les Règlements d'application. Les demandeurs déclarent donc qu'ils ont droit aux redressements suivants:
a) à l'encontre du ministre des Transports:
un bref de mandamus l'enjoignant de s'ac- quitter de ses obligations et, en particulier, de faire respecter les dispositions de la Loi sur l'aéronautique de sorte que les avions décollant ou atterrissant à l'aéroport de Markham ne survolent plus la résidence et la grange des Harcourt;'
b) à l'encontre du défendeur Jan Lewan- dowski:
des dommages-intérêts pour avoir pris part ou ne pas avoir empêché la violation des droits de propriété des demandeurs et la nuisance résultant du survol de la propriété, ainsi que [TRADUCTION] «une ordonnance l'enjoignant de ne plus prendre part au
survol de la propriété des Harcourt ou des alentours ainsi que de ne plus demander ou ordonner aux pilotes de le faire»;
c) à l'encontre de la défenderesse, la Lewmar Air Toronto Limited:
des dommages-intérêts pour violation de propriété et nuisance, ainsi qu'une ordon- nance l'enjoignant de ne pas faire survoler la résidence et la propriété des Harcourt ou les alentours par des avions.
Harcourt est depuis plusieurs années direc- teur du service des comptes d'une entreprise de vente de matériaux de construction. En outre, Harcourt s'occupait d'une exploitation agricole. Apparemment, la famille Harcourt a toujours vécu à la campagne, dans les environs de Toronto. En 1965, Harcourt se rendit compte que le district ils vivaient à l'époque allait devenir un secteur suburbain et décida de démé- nager dans un secteur plus rural. En mars 1965, il acheta une petite ferme à Markham il habite depuis avec sa famille? M. et Mme Har- court sont tous les deux très actifs. Bien que la profession de Harcourt l'oblige à s'absenter sou- vent de chez lui, ils se sont occupés d'élevage et ont cultivé, en plus de leurs propres terres, des champs loués à des voisins. En décembre 1967, Harcourt eut l'infortune de perdre un bras.. Le fait qu'en dépit de son handicap, il ait gardé son exploitation agricole et son travail de directeur du service des comptes révèle sa fermeté de caractère.
Excepté un incident sans importance en 1967, les Harcourt n'ont pas été gênés par les avions avant l'automne 1970. Cela ne veut pas dire que l'aéroport n'existait pas avant cette époque. Un permis fut délivré à l'aéroport en 1965 et la Lewmar Air Toronto Limited fut autorisée à exploiter une école de pilotage en 1966. Cepen- dant, l'emplacement de l'aéroport est tel que, pendant toutes ces années, il avait pu fonction- ner sans déranger aucunement les Harcourt. La ferme des demandeurs se trouve à l'est de la route du 9e rang, au coin de la 18e Avenue. L'aéroport se trouve à environ 2000 pieds à l'ouest de la route du 9e rang et à approximative- ment 600 pieds au nord de la propriété des Harcourt. La piste étant à peu près perpendicu- laire à la route du 9e rang et à 2000 pieds à
l'ouest de celle-ci, les avions décollant vers l'est ou atterrissant vers l'ouest n'avaient pas à sur- voler la propriété des Harcourt. Ils traversaient la route du 9 e rang à un endroit situé à approxi- mativement 600 pieds vers le nord de la limite nord de la propriété des Harcourt.
Harcourt déclara qu'au cours de l'automne 1970, il remarqua pour la première fois que plusieurs avions s'apprêtant à atterrir vers l'ouest et décollant vers l'est survolaient sa pro- priété à très faible altitude ainsi que celle de son voisin, au nord, David Coutts. Cela ennuyait et intriguait Harcourt. Ces vols à faible altitude l'irritaient. Il se demandait pourquoi ces avions avaient soudainement commencé à survoler sa propriété et les alentours, au lieu de voler plus au nord. Il attendit quelques mois. En mars 1971 la situation ne s'était pas améliorée. Il écrivit alors une lettre au ministère des Trans ports à Toronto et, quelques jours plus tard, reçut la réponse suivante:
[TRADUCTION] 5151-322 (OCAR)
C. P. 7,
Toronto Dominion Centre,
Rue King ouest,
Toronto 111 (Ontario).
Le 19 mars 1971.
M. H. A. Harcourt,
R. R. 1,
Stouffville (Ontario). Monsieur,
Nous accusons réception de votre lettre du 15 mars 1971. Vous déclarez que depuis vos premières lettres, il y a presque quatre ans, vous n'avez pas eu à vous plaindre d'avions volant à faible altitude, avant ces trois ou quatre derniers mois. Il semble, d'après votre lettre, que vous soyez maintenant considérablement importuné par des avions volant à faible altitude, atterrissant apparemment à l'aéro- port de Markham, ou en décollant.
Puisque vous ne spécifiez ni date ni heure ni identifica tion d'avions, le ministère ne peut pas vraiment engager de poursuites pour infraction au Règlement de l'Air.
Nous avons signalé à la direction de l'aéroport qu'il y avait eu des plaintes et l'avons informée de la nature de ces plaintes. De toute façon, il serait utile, dans toute correspon- dance future à ce sujet, de nous donner des détails plus précis concernant ces prétendues violations, comme nous l'avons suggéré plus haut.
Nous nous rendons compte de l'importance de cette affaire pour vous et nous nous efforcerons d'examiner chaque incident aussi soigneusement que possible afin d'as- surer que vous n'êtes pas exposé à un quelconque danger ou même gêné par suite du survol de votre propriété par des avions.
Sincèrement vôtre, (signature) A. G. Carswell pour le surintendant régional, Règlement de l'Air, en Ontario.
AGC:eb
Au cours des mois suivants, jusqu'à l'intro- duction de l'action en octobre 1972, Harcourt rencontra plusieurs fonctionnaires du ministère des Transports et leur écrivit près de 25 lettres. Dans ces lettres, Harcourt soutenait que le ministère avait l'obligation d'empêcher les avions de survoler sa propriété ou les alentours; il expliqua que sa propriété était située de telle manière qu'un avion décollant ou atterrissant à l'aéroport n'était pas obligé de voler au-dessus ou à proximité; il insista sur le fait que ces survols à faible altitude portaient atteinte à sa sécurité et à celle de sa famille; il soutint que ces survols résultaient d'un changement de cir cuit; il suggéra que ce changement pouvait résulter d'une erreur de la carte de l'aéroport publiée dans le Canada Air Pilot; il suggéra aussi que ce changement pouvait être imputable au fait que le propriétaire de l'aéroport était personnellement intéressé au terrain situé immé- diatement à l'est de l'aéroport; il prétendit aussi que le but délibéré de ces survols étaient de l'importuner. Dans plusieurs de ses lettres, Har- court décrivit en détail des exemples précis de survols dangereux ou à faible altitude de sa propriété ou des alentours.
Harcourt écrivit aussi de nombreuses lettres à un membre du Parlement, Barnett J. Danson, et à Allan Baker, adjoint spécial au ministre des Transports. Au cours de l'automne 1971, Har- court consulta un avocat, qui se trouvait être un de ses vieux amis, Donald R. Nielson. Après avoir rencontré des fonctionnaires du ministère des Transports à Toronto, Me Nielson essaya de résoudre le problème d'Harcourt en se mettant en contact avec des fonctionnaires d'un niveau supérieur. Il entra en contact avec Danson et, par son intermédiaire, obtint un rendez-vous pour Harcourt et lui-même avec Baker. Après
cette rencontre qui eut lieu au début de mars 1972, Harcourt commença à adresser à Danson et Baker des lettres très semblables à celles qu'il avait envoyées aux fonctionnaires du ministère à Toronto.
Pendant cette période qui précéda l'introduc- tion de cette action, Harcourt a vraisemblable- ment consacré beaucoup de temps et d'énergie à rassembler des preuves à l'appui de ses plaintes. Pendant certaines périodes, Harcourt tint un journal dans lequel, lui-même et d'autres mem- bres de sa famille notaient les cas un avion survolait la propriété ou les alentours à faible altitude ou de manière dangereuse. Dans ce but, il avait commodément placé un bloc de papier dans la cuisine ou la salle à manger afin que les membres de sa famille puissent rapidement noter tout incident méritant d'être retenu. Cer- tains extraits de ces journaux furent communi- qués à Danson et aux fonctionnaires du minis- tère des Transports à Toronto. A partir d'octobre 1971, Harcourt ne se contenta plus d'observer les avions de sa propriété. Il prit l'habitude de se poster sur la route du 9 e rang à un endroit situé dans le prolongement de la piste à environ 600 pieds au nord de sa propriété. De là, il observait les différents circuits de vol. Il remarqua que lorsqu'il se tenait à cet endroit, tous les avions semblaient éviter sa propriété et empruntaient un circuit convenable; cependant dès qu'il quittait son poste d'observation et ren- trait chez lui, les avions recommençaient à sur- voler sa propriété. Harcourt acheta aussi une caméra afin de prendre des films.
Les films pris par M. et M me Harcourt furent projetés au cours du procès. A mon avis, ils n'établissent pas les allégations des demandeurs, savoir la violation du droit de propriété, la nui sance ou la violation du Règlement de l'Air. On peut dire la même chose des nombreuses photo- graphies déposées à l'audience.
Harcourt était mécontent de l'attitude des fonctionnaires du ministère des Transports. Il ne pouvait cependant les accuser d'avoir com- plètement négligé son problème. Ils se sont rendus sur la propriété des Harcourt; ils sont souvent entrés en contact avec Lewandowski (apparemment désireux de coopérer) qui, sur leurs conseils, afficha un avis à l'aéroport indi-
quant aux pilotes d'éviter de survoler la pro- priété des demandeurs; ils ont observé, du sol et en avion, le circuit de l'aéroport de Markham et conclurent qu'il était normal et ne présentait aucun danger. En outre, dans la plupart des cas Harcourt avait signalé ce qui semblait être une violation du règlement par un avion identi- fié, ils ont écrit au propriétaire de l'avion et au pilote; toutefois, dans tous ces cas, l'affaire a été abandonnée après que le pilote a nié avoir commis une faute. Enfin toutes les lettres d'Harcourt ont reçu une réponse, mais toujours dans le même sens, affirmant chaque fois qu'on n'avait pas décelé de violation du Règlement de l'Air et que, si la prétendue nuisance persistait en dépit de leurs efforts, il devrait examiner l'opportunité d'engager des procédures devant les tribunaux civils.
M. et Mme Harcourt ont finalement tenu compte de ce conseil et ont introduit la présente action en octobre 1972.
La demande de bref de mandamus à l'encon- tre du Ministre soulève des problèmes qui sont étrangers aux réclamations visant les deux autres défendeurs. Avant d'examiner les autres réclamations, je vais d'abord donner mon opi nion sur ces problèmes.
1. Demande de bref de mandamus à l'encontre du ministre des Transports.
On peut résumer les prétentions de l'avocat des demandeurs de la façon suivante:
a) En vertu de l'article 3a) de la Loi sur l'aéronautique', il incombe au ministre des Transports de faire respecter les diverses dis positions de la loi et de ses règlements d'application.
b) En s'acquittant de ses fonctions, le Minis- tre agit en tant que mandataire du législateur et non en tant que préposé de la Couronne. Pour cette raison, le cas échéant, il peut lui être enjoint par bref de mandamus de s'en acquitter.
c) La preuve démontre que le Ministre ne s'est pas acquitté de son devoir de faire res- pecter le Règlement de l'Air car, si l'on avait examiné plus à fond les diverses plaintes de Harcourt, on aurait décelé les violations du
Règlement de l'Air et on aurait pu effectuer les condamnations.
d) Les demandeurs ont un intérêt réel à s'as- surer que le Ministre s'acquitte de son devoir de faire respecter le Règlement de l'Air à l'aéroport de Markham.
Je conclus qu'il est inutile d'examiner toutes ces prétentions. La preuve ne permet pas de conclure que le ministre des Transports et les fonctionnaires sous ses ordres ont omis de s'ac- quitter de leur devoir de faire respecter le Règlement de l'Air.
Le texte législatif ne décrit pas de quelle manière le Ministre doit «diriger toutes les affai- res se rattachant à l'aéronautique». Il n'impose pas au Ministre de procéder à une enquête com- plète pour toutes les violations du Règlement de l'Air qui lui sont signalées. J'estime qu'il découle indubitablement du texte législatif que le Ministre et les fonctionnaires sous ses ordres ont un certain pouvoir discrétionnaire dans l'exercice de leurs fonctions. Les infractions au Règlement de l'Air n'ont pas toutes le même degré de gravité; ceux qui signalent une préten- due violation ne sont pas tous également dignes de foi. A mon avis, les tribunaux ne devraient pas s'immiscer dans ce pouvoir discrétionnaire. Comme le disait le maître des rôles dans l'arrêt Regina c. Commissioner of Police of the Me tropolis, Ex parte Blackburn ([1968] 2 Q.B. 118, à la page 136):
[TRADUCTION] Bien que les officiers supérieurs de police soient responsables en droit, ils ont, dans bien des domaines, un pouvoir discrétionnaire dans lequel on ne peut intervenir. Par exemple, il appartient au commissaire de police de la région métropolitaine ou au chef des opérations de police, selon le cas, de décider s'il y a lieu de continuer une enquête, ou de procéder à une arrestation ou encore d'enga- ger des poursuites dans un cas donné. C'est à lui de décider de la répartition des forces de police, savoir, sur quel crime ou dans quel secteur en particulier il doit concentrer ses ressources. Aucun tribunal ne peut ni ne doit lui donner d'instructions à ce sujet. Il peut aussi prendre des directives générales et les faire appliquer. Par exemple, on s'abstient souvent d'intenter des poursuites dans le cas des tentatives de suicide. Mais il y a certaines mesures au sujet desquelles, à mon avis, les tribunaux peuvent, si nécessaire, intervenir. Supposons qu'un chef des opérations de police donne à ses hommes l'ordre de ne pas poursuivre une personne pour vol si la valeur des marchandises volées est inférieure à £100. J'estime que la cour pourrait l'annuler, ledit chef ayant failli à ses obligations, savoir, faire respecter la loi.
Dans l'affaire présente, il n'y a pas eu, comme dans l'affaire Blackburn, de décision de ne pas faire respecter la loi et le Règlement. Dès qu'ils ont pris connaissance des plaintes de Harcourt, les fonctionnaires du ministère des Transports ont fait procéder aux enquêtes qu'ils estimaient appropriées dans les circonstances. Si plus tard ils n'ont porté aucune accusation ni pris de mesures disciplinaires à l'encontre de ceux qui sont censés avoir dérogé au Règlement, c'est parce qu'ils estimaient honnêtement que les vio lations en question n'avaient jamais eu lieu ou ne pouvaient être prouvées. En agissant ainsi, le ministre des Transports et les fonctionnaires du ministère se sont acquittés de leurs devoirs au sens des textes législatifs.
Pour ces motifs, la requête des demandeurs, visant à obtenir un bref de mandamus à l'encon- tre du ministre des Transports doit, à mon avis, être rejetée.
2. Les réclamations des demandeurs à l'encon- tre de Lewmar Air Toronto Limited et de Jan Lewandowski.
L'action des demandeurs contre les deux défendeurs est fondée sur la violation du droit de propriété et la nuisance.
Dans la mesure cette action se fonde sur une violation du droit de propriété, je suis d'avis qu'elle n'est pas recevable. A mon avis, le survol à faible altitude de la propriété d'un autre ne suffit pas pour constituer une violation du droit de propriété. (Voir: Lacroix c. La Reine, [1954] R.C.É. 69; ainsi que Salmond on Torts, 15e éd. 1969, aux pp. 54 et suivantes; Fleming, The Law of Torts, 4e éd. 1971, aux pp. 44 et suivantes.) En l'espèce, la preuve ne démontre pas que les avions utilisant l'aéroport de Mark- ham faisaient autre chose que survoler à faible altitude la propriété des demandeurs et les alen- tours. Dans ces circonstances, le seul moyen de droit à la disposition des demandeurs est la nuisance.
Si, pour statuer sur cette affaire, la seule preuve pertinente était celle des demandeurs, il est fort probable que je doive juger que le survol à faible altitude de la propriété des demandeurs ou des alentours par de petits
avions bruyants constitue effectivement une nuisance donnant un droit d'action.
M. et M me Harcourt ont longuement témoigné. Ils ont présenté leurs journaux et raconté en détail des cas innombrables des avions utili- sant les installations de l'aéroport de Markham avaient survolé à faible altitude leur propriété et les alentours. Ils ont déclaré que la présence de ces avions bruyants avait complètement boule- versé leur vie. Pendant les fins de semaine, il ne leur était plus possible de se reposer pendant la journée. Très souvent le bruit de ces avions les réveillait tôt le matin. Il leur était devenu impos sible de vaquer normalement à leurs occupa tions. Harcourt est tellement gêné par le bruit et la vue de ces avions qu'il a abandonné ses activités agricoles. Mme Harcourt, qui aimait les travaux de jardinage, la lecture et le tricot, ne peut plus s'y adonner. Tous les membres de la famille qui avait l'habitude de vivre autant que possible en plein air, doivent maintenant se can- tonner dans la maison. Et même là, le bruit des avions volant à faible altitude est tel qu'il est souvent impossible d'avoir une conversation normale.
Deux des enfants Harcourt, Norma et Harold fils, ont aussi témoigné. Tous les deux ont raconté les cas ils avaient vu des avions survolant la propriété à faible altitude. Norma déclara que parfois les vols continuaient jusqu'à 22h30 et que les avions faisaient un bruit tel qu'elle ne pouvait ni dormir ni travailler. Elle confirma une observation de son père et déclara que lorsqu'elle quittait la maison et se dirigeait vers le nord sur la route du 9 e rang, les avions approchant de l'aéroport semblaient la suivre et voler plus au nord. Harold fils affirma que le bruit des avions le réveillait souvent les samedis et dimanches. Il les entendait aussi après la tombée de la nuit. Tout comme son père et sa soeur, il a remarqué que lorsqu'il se dirigeait vers le nord, sur la route du 9 e rang, en venant de la propriété, les avions approchant de l'aéro- port semblaient le suivre. Il déclara que lorsqu'il se postait avec son père sur la route du 9 e rang, directement dans l'axe de la piste, les avions semblaient voler directement au-dessus d'eux.
En plus de ces membres de la famille Har- court, voici les témoins principaux cités par les
demandeurs: Donald Roy Nielson, David Coutts, Susanne Coutts et Alfred Lightstone.
Nielson est l'avocat qu'Harcourt avait d'abord consulté à l'automne 1971. Il parla de ses différentes démarches pour convaincre les autorités du ministère des Transports d'essayer de mettre fin à la nuisance dont Harcourt se plaignait. Il déclara avoir rendu visite aux Har- court et avoir remarqué que parfois le bruit des avions gênait la conversation. Il confirma aussi l'observation d'Harcourt selon laquelle les avions ne semblaient pas survoler la propriété lorsqu'il se postait plus au nord, sur la route, dans l'axe de la piste.
David Coutts est le voisin des Harcourt. Sa propriété se trouve immédiatement au nord de la leur. Il habite à cet endroit depuis 1966. Dès son installation il remarqua des avions près de sa propriété. Maintenant les avions semblaient voler plus près de sa résidence. Coutts affirma qu'à plusieurs reprises, des avions avaient sur- volé sa maison à moins de 100 ou 125 pieds. Il estime que ces survols à faible altitude sont dangereux et cette situation l'inquiète. Cepen- dant, a-t-il déclaré, la plupart des avions volent à une beaucoup plus grande altitude.
Susanne Coutts est la belle-fille de David Coutts. Pendant les 4 dernières années, elle a habité avec son mari et son enfant, dans le sous-sol de la maison des Coutts. Elle affirme avoir souvent vu des avions survoler leur rési- dence et la propriété des Harcourt. Le nombre de ces survols semble avoir augmenté au cours des 2 dernières années. Lorsqu'elle est dans son appartement, au sous-sol, elle n'est pas déran- gée par le bruit des avions; à l'étage cependant on entend les avions qui parfois gênent la con versation. Elle n'a jamais été réveillée par le bruit des avions. Elle craint, comme son beau- père, que ces survols à faible altitude soient dangereux.
Alfred Lightstone est ingénieur, spécialisé en acoustique. Quelques mois avant le procès, il se rendit chez les Harcourt. Avec un équipement spécial, il enregistra sur bande magnétique tous les sons qui pouvaient être entendus, un diman- che après-midi, près de la maison des Harcourt. Une partie de cette bande fut jouée à l'audience
au cours du procès. A mon avis les sons que j'ai entendus ne constituent pas une nuisance.
Voilà donc, en résumé, la preuve présentée par les demandeurs.
Cette preuve fut contestée par plusieurs témoins des défendeurs.
Six personnes, résidant plus près de l'aéroport que les Harcourt, à des endroits susceptibles d'être survolés par les avions décollant de l'aé- roport ou y atterrissant, témoignèrent qu'ils n'étaient aucunement gênés ni dérangés par la vue ou le bruit des avions qui survolaient cons- tamment leurs maisons à faible altitude. M. et Mme Roy Harvey, qui habitent à l'ouest de l'aé- roport, à environ 600 pieds de l'extrémité ouest de la piste, ont témoigné en ce sens; il en est de même du témoignage de M. et Mme Herbert Hoover, qui vivent à l'est de l'aéroport sur la route du 9e rang, à un endroit situé exactement dans le prolongement de la piste, de ceux de David Adams et de M. et Mme Donald R. Long, dont la résidence donne sur la route du 9e rang, au nord de la propriété des Adams. Tous ces témoins affirmèrent que les avions décollant de l'aéroport et y atterrissant survolaient constam- ment leurs maisons qui sont plus proches de la piste que celle des Harcourt. Ils ont tous déclaré que, la plupart du temps, ces petits avions sont peu bruyants.
Je dois souligner que Lewandowski a demandé aux pilotes de l'aéroport et aux élèves- pilotes d'éviter de survoler la propriété des Harcourt.
L'avocat des demandeurs a avancé qu'il ne faut attacher aucune importance aux témoigna- ges des personnes résidant dans le voisinage. A son avis, ces témoignages établissent seulement qu'il y a peu de bruit à l'endroit ces témoins habitent. Cet argument est à mon avis sans fondement. Selon la preuve, la plupart des avions décollant à l'aéroport de Markham et y atterrissant ne survolent pas la propriété des demandeurs, mais volent plus au nord dans le prolongement de la piste. Je dois tenir compte du fait que, normalement, les avions survolent probablement plus souvent la résidence de ces témoins que la maison des demandeurs; je dois
tenir compte aussi du témoignage de ces témoins selon lesquels la plupart des avions survolaient effectivement leur résidence et les alentours.
Selon Harcourt lui-même, la plupart des avions approchant ou quittant l'aéroport ne sur- volent pas sa propriété, mais la propriété et la résidence de Coutts. En dépit de cela, dans son témoignage, Coutts ne dit rien qui puisse nous permettre de déduire que ces avions créent une nuisance.
J'estime que la preuve présentée par les défendeurs l'emporte sur celle des demandeurs. A mon avis, on ne peut se fier à la preuve présentée par les membres de la famille Har- court. Non parce que ces personnes ne sont pas honnêtes, mais parce qu'ils sont obsédés à tel point par la présence des avions survolant leur propriété qu'ils exagèrent la gêne mineure qui en résulte. Si les demandeurs et leur famille n'étaient pas hypersensibles, ils ne seraient ni gênés ni dérangés, à mon avis, par ce qu'ils considèrent maintenant comme une nuisance.
Pour ces motifs, l'action des demandeurs est rejetée avec dépens.
1 Dans leur déclaration, les demandeurs réclamaient aussi des dommages-intérêts au ministre des Transports. A l'ou- verture de l'audience, cependant, l'avocat des demandeurs déclara que cette demande était abandonnée. A la fin du procès, l'avocat demanda l'autorisation de «reprendre» cette action en dommages-intérêts. La demande fut rejetée.
2 En 1971, Harcourt céda à son épouse la moitié des droits sur sa propriété.
S.R.C. 1970, c. A-3, l'art. 3a) se lit comme suit: 3.11 incombe au Ministre
a) de diriger toutes les affaires se rattachant à l'aéronautique;
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