John Victor Decore (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Maho-
ney—Edmonton, le 10 décembre; Ottawa, le 18
décembre 1973.
Impôt sur le revenu—Dividende non déclaré—Pénalité
pour déclaration d'un revenu moindre—Faute lourde du
comptable professionnel employé par le contribuable—Res-
ponsabilité du contribuable—La modification de 1971 est-
elle applicable—Charge d'établir les faits justifiant l'imposi-
tion de la pénalité incombant à la défenderesse—Loi de
l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, art. 56(2), S.C.
1970-71-72, c. 63, art. 1, «163(3)»—Loi de l'impôt sur le
revenu de l'Alberta, S.R.A. 1970, c. 181, art. 19.
Un avis d'appel fut déposé devant la Commission de
révision de l'impôt le 23 décembre 1971, par suite de
l'imposition d'une pénalité en vertu de l'article 56(2) de la
Loi de l'impôt sur le revenu et d'une pénalité correspondante
en vertu de l'article 19 de la Loi de l'impôt sur le revenu de
l'Alberta. Le même jour, la modification à la Loi de l'impôt
sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c. 63, reçut la sanction
royale; l'article 163(3) y figurant prévoit que, lors d'un appel
interjeté d'une pénalité, la charge d'établir les faits qui
justifient l'imposition de la pénalité incombe au Ministre.
Arrêt: (1) l'article 163(3) s'applique au présent appel.
Qu'on ait ou non attiré l'attention de la Commission de
révision de l'impôt sur cet article, l'appel devant cette Cour
a été interjeté le 30 janvier 1973 et, bien qu'il s'agisse d'un
appel d'une décision de la Commission de révision de l'im-
pôt en vertu de l'article 172(1) plutôt que d'un appel direct
d'une nouvelle cotisation du Ministre en vertu de l'article
172(2), c'est un appel distinct et non la simple continuation
de l'appel interjeté le 23 décembre 1971.
(2) Le comptable a fait signer par le demandeur une
déclaration en blanc, il l'a rédigée sans avoir tous les docu
ments que le demandeur croyait en sa possession et l'a
déposée malgré ses doutes quant à son exactitude pour ne
pas dépasser la date limite du 30 avril, alors qu'il savait que
ce n'était pas nécessaire aux termes de l'ancien article 44(1)
lorsqu'il n'y avait pas d'impôt à payer; ce faisant, il a dérogé
d'une façon telle à la conduite qu'un comptable doit raison-
nablement avoir que cela constitue une faute lourde. Ladite
faute est imputable au demandeur et son appel est rejeté.
Arrêts examinés: Udell c. M.R.N. [1970] R.C.É. 176;
Tuck & Sons c. Priester (1887) 19 Q.B.D. 629; Le Roi c.
Krakowec [1932] R.C.S. 134.
APPEL.
AVOCATS:
J. E. Coté pour le demandeur.
W. J. Hobson pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Hurlburt, Reynolds, Stevenson et Agrios,
Edmonton, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour
la défenderesse.
LE JUGE MAHONEY—Il s'agit de l'appel d'une
décision de la Commission de révision de l'im-
pôt confirmant une pénalité imposée au deman-
deur pour sa déclaration d'impôt sur le revenu
de 1969, soit $215.76 en vertu de l'article 56(2)
de la Loi de l'impôt sur le revenu d'alors et
$53.78 en vertu de l'article 19 de la Loi de
l'impôt sur le revenu de l'Alberta. On soulève
aussi la question de savoir si l'article 163(3) de
la Loi de l'impôt sur le revenu, telle que modi-
fiée en 1971, s'applique à cet appel. Dans l'affir-
mative, il incombe à la défenderesse d'établir les
faits justifiant l'imposition de la pénalité.
Tout d'abord, en ce qui concerne la charge de
la preuve, l'avis d'appel à la Commission de
révision de l'impôt a été déposé le 23 décembre
1971. Le même jour a été sanctionnée une loi
du Parlement modifiant la Loi de l'impôt sur le
revenu et édictant notamment les dispositions
pertinentes suivantes:
1. Les Parties I à IIIA et les Parties V à VII de la Loi de
l'impôt sur le revenu sont abrogées et remplacées par ce qui
suit:
163. (3) Dans tout appel interjeté, en vertu de la pré-
sente loi, au sujet d'une pénalité imposée par le Ministre
en vertu du présent article, la charge d'établir les faits qui
justifient l'imposition de la pénalité incombe au Ministre.
62. (3) Le paragraphe 163(1) de la loi modifiée s'applique
à toute déclaration du revenu qui doit être produite après
1971 et le paragraphe 163(3) de ladite loi s'applique à tout
appel interjeté après l'entrée en vigueur de la présente loi.
Je dois noter, entre parenthèses, que le paragra-
phe 163(2), entré en vigueur le 23 décembre
1971, est identique à l'article 56(2) abrogé le
même jour avec la Partie I de la Loi de l'impôt
sur le revenu où il se trouvait.
Je n'ai pas eu connaissance des motifs du
jugement du savant membre de la Commission
de révision de l'impôt et je ne sais donc pas si
l'on a attiré son attention sur cette question
lorsqu'il a examiné l'appel. De toute façon, l'ap-
pel a été interjeté devant cette Cour le 30 jan-
vier 1973 et, comme il s'agit d'un appel de la
décision de la Commission de révision de l'im-
pôt en vertu de l'article 172(1) plutôt que d'un
appel direct de la nouvelle cotisation du Minis-
tre en vertu de l'article 172(2), c'est un appel
séparé et non la simple continuation de l'appel
interjeté le 23 décembre 1971. En conséquence,
j'estime que l'article 163(3) de la Loi de l'impôt
sur le revenu, tel qu'il se lisait le 30 janvier 1973
et tel qu'il se lit encore, s'applique à cet appel.
Le demandeur est un avocat qui exerce à
Edmonton et est associé avec deux frères. Il est
diplômé en droit depuis 1960 et il a été admis au
barreau l'année suivante. Je n'ai pas la preuve
qu'il soit particulièrement versé en droit fiscal;
la preuve permet plutôt de déduire qu'il n'a pas
d'expérience dans ce domaine. Il a engagé les
services d'un comptable agréé pour préparer la
déclaration d'impôt sur le revenu en litige. Le
même comptable agréé avait préparé sa déclara-
tion de 1968 ainsi que les états financiers de la
société. Le demandeur n'a jamais préparé lui-
même ses propres déclarations et l'erreur en
litige est la seule, à sa connaissance, qui ait été
commise. Il n'est pas prouvé qu'il y en ait eu
d'autres.
En plus de son étude, le demandeur était
associé de la Yellowhead Apartments dont
l'exercice financier se terminait le 31 décembre
et qui avait retenu les services d'un autre bureau
de comptables agréés pour dresser ses états
financiers. Le demandeur détenait aussi des
actions de la Diamond Motel Ltd. dont l'exer-
cice financier se terminait le 31 octobre et dont
le vérificateur était encore un autre comptable
agréé. Au début de l'année 1969, le demandeur
détenait 50% des actions de la Diamond et il a
acquis le reste au cours de l'année, devenant
ainsi seul actionnaire à la fin de l'année. Le
demandeur a réclamé à titre de dépenses dans
sa déclaration de 1969 l'intérêt sur les fonds
empruntés pour investir dans une autre compa-
gnie privée, ce qui lui a été accordé. Les affaires
du demandeur étaient assez compliquées et il
était raisonnable et prudent de sa part de faire
rédiger sa déclaration par un comptable agréé.
Avant que le demandeur achète les autres
actions de la Diamond, un dividende a été
déclaré et payé. Le demandeur a touché
$12,877.27. Le 20 novembre 1969, le compta-
ble de la Diamond a envoyé au demandeur six
exemplaires des comptes apurés de la compa-
gnie pour l'exercice financier se terminant le 31
octobre 1969. Aux comptes apurés étaient
joints la déclaration de revenu de la compagnie
Diamond, la formule T-5 abrégée relative au
dividende et les exemplaires de la formule T-5
supplémentaire du demandeur. La déclaration
d'impôt et la formule T-5 abrégée, qui devaient
être produites, ont été signées par le demandeur
en tant qu'administrateur de la Diamond, retour-
nées au comptable de la Diamond le 25 février
1970 et dûment produites. Les exemplaires de
la formule T-5 supplémentaire du demandeur
ont été classés, dans son bureau, avec les états
financiers, dans un dossier intitulé «Diamond
Hotel —États financiers», alors qu'ils auraient
dû l'être dans le dossier «John Victor Decore—
Impôt sur le revenu». La pénalité en question a
été imposée à la suite du défaut du demandeur
de faire état de ce dividende dans sa déclaration
de 1969.
Il semble au demandeur qu'avant d'acheter
les autres actions, il a discuté avec son compta-
ble du dividende qu'il allait recevoir. Le comp-
table ne se rappelle pas cette discussion. Le 29
décembre 1969, le demandeur et son comptable
se sont de nouveau rencontrés pour évaluer le
revenu imposable du premier et le montant de
ses impôts.: Parmi les points notés à l'époque par
le comptable, on relève celui-ci:
[TRADUCTION] Dividendes de la Diamond Motel Ltd. —
$13,100.00
Il fut alors estimé que les impôts du demandeur
seraient de $3,070, venant s'ajouter à $1,400
déjà versés.
Le demandeur avait l'habitude d'envoyer à
son comptable les documents relatifs à ses
impôts au fur et à mesure qu'il les recevait
durant l'année et, à la fin de celle-ci, il vérifiait
son propre dossier en matière fiscale et s'il y
découvrait d'autres documents pertinents, il les
envoyait également. Le comptable n'a pas reçu
la formule T-5 supplémentaire. Le 18 avril
1970, un employé du bureau du comptable a
rédigé le projet de déclaration du demandeur
pour 1969, sans tenir compte du dividende.
L'employé en question travaillait pour le
comptable depuis sept ans et il avait travaillé
auparavant pour un autre comptable agréé pen
dant quatre ans. A l'époque, le bureau compre-
nait deux comptables agréés, un clerc ayant
suivi le cours de R.I.A. jusqu'au niveau intermé-
diaire et ayant 15 ans d'expérience, deux étu-
diants en stage, l'un depuis 3 ans et demi, l'autre
depuis 6 mois, l'employé susmentionné et une
secrétaire.
Le demandeur avait pris rendez-vous pour
aller signer sa déclaration au bureau du compta-
ble le 30 avril. Le 29 avril, il apprenait qu'il
devrait être à l'extérieur d'Edmonton le 30 avril,
à cause d'un procès, et il téléphona au compta-
ble. La déclaration définitive n'avait pas encore
été dactylographiée et le comptable lui demanda
de passer signer une déclaration en blanc. C'est
ce que le demandeur fit, pour apprendre d'ail-
leurs, pour la première fois, qu'au lieu d'avoir à
payer le supplément d'impôts évalué en décem-
bre, il pouvait réclamer remboursement complet
des $1,400 déjà payés. Il ne fut guère surpris de
l'importance du changement parce que sa parti
cipation aux pertes de la Yellowhead Apart
ments s'était élevée à $12,220 au lieu de $5,725
comme prévu en décembre et qu'il n'avait pas
du tout tenu compte des frais d'intérêts déducti-
bles de $6,444.67 dans le calcul fait à la même
époque.
La réunion au bureau du comptable dura
moins d'une heure. L'employé qui avait rédigé
le projet de déclaration n'était pas présent. Ni le
demandeur ni le comptable ne se souviennent de
ce qu'ils ont discuté en dehors des postes sup-
plémentaires de dépenses. Ils sont tous deux
certains que le projet de déclaration n'a pas été
examiné en détail. En fait, le demandeur ne se
rappelle pas l'avoir vu et le comptable ne se
souvient pas s'il l'avait devant lui à ce moment.
Le demandeur n'aimait pas beaucoup l'idée de
signer une déclaration en blanc, mais il ne pen-
sait pas que cela puisse avoir des conséquences
fâcheuses et que, puisque la déclaration devait
être déposée le lendemain, il n'avait pas vrai-
ment le choix.
Le demandeur ignorait que, puisqu'il n'avait
pas d'impôt à payer, il n'était pas obligé de
déposer sa déclaration le 30 avril. Néanmoins,
je ne puis accepter l'idée qu'un sentiment d'ur-
gence provoqué pour une erreur de droit soit
moindre qu'un sentiment d'urgence découlant
d'une situation de fait. Le comptable déclare
qu'il était au courant des effets de l'article 44(1)
sur l'obligation de produire la déclaration le 30
avril, mais il ajoute que ses employés et lui-
même s'occupaient alors de plusieurs centaines
de déclarations d'impôt et que le bureau travail-
lait à cette époque dans une atmosphère
«fiévreuse».
Avant d'être produite, chaque déclaration a
été examinée par lui-même ou par l'autre comp-
table agréé. Le comptable se rappelle avoir
remarqué l'omission du dividende et en avoir
discuté avec l'employé qui avait rédigé le projet,
avant ou après la transcription du projet sur la
formule signée—le point n'est pas clair—mais
en tout cas après l'entrevue du 29 avril. Du
point de vue du comptable, le demandeur était
absent et aucun effort n'a été fait pour le rejoin-
dre. Ne trouvant pas de T-5 supplémentaire, le
comptable a conclu que la situation avait dû
changer depuis la discussion de décembre et que
le dividende n'avait pas été payé. En consé-
quence, le projet a été transcrit tel quel sur la
formule signée qui fut produite le 30 avril.
Ce ne sont ni le demandeur ni son comptable
qui ont découvert l'erreur mais le ministère du
Revenu national au cours de ses opérations de
cotisation. La nouvelle cotisation fut émise le
25 mars 1971. On a prétendu que le fait que
l'erreur n'a pas été découverte est pertinent en
l'espèce; toutefois, l'acte générateur de la péna-
lité est la rédaction de la déclaration et je ne
vois pas comment une attitude subséquente, où
l'on ne relève que des omissions de saisir les
occasions de vérifier la déclaration et de dissi-
per les doutes qui pouvaient exister à son égard,
peut changer la nature de l'acte lui-même.
La nouvelle cotisation avait seulement trait à
l'inclusion, dans le revenu, du dividende non
déclaré et faisait état d'un revenu imposable de
$9,406.39 et d'impôts fédéraux et provinciaux
de $1,078.81 et $268.91 respectivement. L'avis
indiquait:
[TRADUCTION] L'impôt fédéral comprend une pénalité de
$215.76 en vertu de l'article 56(2) de la Loi de l'impôt sur le
revenu. L'impôt provincial comprend une pénalité de $53.78
en vertu de l'article 19 de la Loi de l'impôt sur le revenu de
l'Alberta.
Cet appel ne porte que sur la pénalité.
Puisque les articles sont, en substance, identi-
ques, je ferai comme s'il y avait une seule
pénalité de $269.54 imposée en vertu de l'article
56(2) de la loi fédérale:
56. (2) Toute personne qui, sciemment ou dans des cir-
constances qui équivalent à de la négligence flagrante dans
l'exécution de quelque devoir ou obligation imposée par la
présente loi ou sous son régime, a fait quelque énoncé ou
omission, ou y a participé, consenti ou acquiescé, dans une
déclaration un certificat, un état ou une réponse, produits ou
faits aux termes ou sous le régime des exigences de la
présente loi ou d'un règlement, d'où il résulte que l'impôt qui
aurait été payable par elle pour une année d'imposition si
l'impôt avait été cotisé d'après les renseignements fournis
dans la déclaration, le certificat, l'état ou la réponse, est
inférieur à l'impôt qu'elle doit payer pour l'année, encourt
une pénalité de 25 p. 100 du montant par lequel l'impôt qui
aurait été ainsi payable est inférieur à l'impôt qu'elle doit
payer pour l'année.
La formule T-5 abrégée de la Diamond a été
produite avec la participation du demandeur et
cela exclut toute infraction de sa part. Le
demandeur et le comptable ne sauraient être
soupçonnés d'avoir, de quelque façon, trempé
dans une opération «louche». Ce qui a été fait
ou omis ne l'a pas été sciemment et il incombe
donc à la défenderesse de prouver que, dans les
circonstances, il y a eu faute lourde.
A l'appui de cette prétention, on trouve, en ce
qui concerne le demandeur lui-même, le fait
d'apposer sa signature sur une déclaration en
blanc et son omission d'examiner la question en
détail, surtout après qu'il a été alerté par une
diminution considérable du montant d'impôts à
payer par rapport à l'estimation de décembre.
Le mauvais classement de la formule T-5
supplémentaire a été une erreur pure et simple.
Le demandeur avait mis au point un système
pour que tous ses documents fiscaux parvien-
nent à son comptable. C'était un système prati-
que mais, à cause de l'erreur de classement de la
formule T-5 supplémentaire, il n'a pas fonc-
tionné en l'occurrence. Le demandeur a
accepté, imperturbable, la bonne nouvelle qu'il
avait droit à un remboursement au lieu d'avoir à
payer les $3,070 prévus en décembre et je
trouve ses explications, à cet égard, raisonna-
bles. Il me semble également réaliste d'admettre
qu'un avocat—tout au moins un avocat qui ne
s'occupe pas de problèmes fiscaux—a autant le
droit qu'un citoyen ordinaire de s'en remettre à
un professionnel qui se présente comme un
expert en matière fiscale et qu'il a de bonnes
raisons de croire compétent. La signature d'une
déclaration en blanc n'est pas en soi, tout au
moins dans de telles circonstances, un acte de
négligence.
Une erreur a été commise et c'est une erreur
sérieuse. Rétrospectivement, il apparaît que la
confiance placée par le demandeur dans son
comptable était injustifiée parce que celui-ci
n'était pas, comme le croyait le demandeur, en
possession de tous les faits et documents et tous
deux ont été pris par le temps sans avoir cher-
ché à se consulter. Vu la preuve présentée, je ne
crois pas que le demandeur ait, personnelle-
ment, commis une faute lourde.
Toutefois, l'affaire ne peut en rester là.
Dans l'affaire Udell c. M.R.N. [1970] R.C.É.
177, mon collègue, le juge Cattanach, a eu à
examiner l'assujettissement d'un contribuable à
une pénalité imposée en vertu de l'article 56(2)
pour faute lourde de la part du comptable agréé
qui avait rédigé la déclaration. Il a jugé [à la
page 193] que:
Chacun des verbes de l'article «a participé, consenti ou
acquiescé» implique un élément de connaissance de la part
du commettant, ou avec le consentement tacite de ce dernier
[sic].
et plus loin que:
A mon avis, l'utilisation du terme «a fait», dans ce con-
texte, implique aussi une connaissance délibérée et inten-
tionnelle de l'employeur quant à l'acte fait... .
L'article 56(2) est manifestement de nature
pénale. La déclaration qui fait autorité en la
matière est celle de Lord Esher dans l'arrêt
Tuck & Sons c. Priester (1887) 19 Q.B.D. 629, à
la p. 638:
[TRADUCTION] S'il existe une interprétation raisonnable
(d'une disposition pénale) qui permette, dans un cas donné,
d'éviter la pénalité, il faut l'adopter.
Toutefois, l'interprétation doit être raisonnable.
La Cour suprême du Canada a décidé, dans
l'arrêt Le Roi c. Krakowec [1932] R.C.S. 134, à
la p. 142, que:
[TRADUCTION] ... on ne doit pas non plus interpréter les lois
pénales de façon à en restreindre les termes au point d'ex-
clure des hypothèses que ceux-ci couvriraient en s'en tenant
à leur acception ordinaire.
En signant la déclaration en blanc, le deman-
deur a certifié:
... que les renseignements donnés dans cette déclaration et
dans tous documents ci-joints sont vrais, exacts et complets
sous tous les rapports et révèlent la totalité de mes revenus
de toutes provenances.
Il l'a ensuite remise au comptable pour qu'il la
remplisse. En d'autres termes, l'appelant a certi-
fié quelque chose dont il a ensuite confié l'exé-
cution au comptable et, à mon avis, cela ne peut
être raisonnablement interprété que comme un
acquiescement, voire même comme une partici
pation à tout ce que le comptable a fait à cet
égard. Le demandeur ne peut donc se désolida-
riser de la conduite du comptable à partir du
moment où il a signé et remis la déclaration en
blanc jusqu'au moment où celle-ci a été
produite.
A une exception près, tout ce qui s'est passé
peut, je pense, s'expliquer par les pressions
auxquelles est soumis un bureau de comptables
durant les derniers jours d'avril et, encore une
fois, de quelque façon qu'on envisage le défaut
du comptable de contrôler l'affaire avec le
demandeur, les événements qui ont suivi ne
peuvent changer la nature de l'acte sur lequel la
pénalité se fonde. L'exception, c'est la produc
tion délibérée de la déclaration, en dépit des
doutes qui existaient sur son exactitude, alors
que l'on n'ignorait pas, par ailleurs, que, si elle
était exacte, il n'était pas urgent de la produire.
Je dois souligner que le comptable a témoigné
qu'il connaissait parfaitement l'incidence de l'ar-
ticle 44(1) sur l'obligation de produire une
déclaration d'impôt sur le revenu le 30 avril, au
cas où aucun impôt n'est dû.
A mon avis, le comptable a, par ce seul acte,
nettement dérogé à la conduite qu'il aurait nor-
malement dû avoir dans les circonstances et
j'estime que cela constitue une faute lourde.
L'appel est rejeté avec dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.