British Columbia Packers Limited, Nelson Bros.
Fisheries Ltd., The Canadian Fishing Company
Limited, Queen Charlotte Fisheries Limited,
Tofino Fisheries Ltd., Seafood Products Limited,
J. S. McMillan Fisheries Ltd., Norpac Fisheries
Ltd., The Cassiar Packing Co. Ltd., Babcock
Fisheries Ltd., Francis Millerd & Co. Ltd., Ocean
Fisheries Ltd. (Requérantes)
c.
Le Conseil canadien des relations du travail et le
Conseil provincial de Colombie-Britannique du
syndicat des pêcheurs et travailleurs assimilés
(Intimés)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, le juge
Thurlow et le juge suppléant Sheppard —Van-
couver, les 6 et 7 décembre 1973.
Examen judiciaire—Demande de directives—Conclusion
du Conseil canadien des relations du travail quant à sa
propre compétence—S'agit-il d'une «décision»—Loi sur la
Cour fédérale, art. 28(1)—Code canadien du travail, S.R.C.
1970, c. L-1, art. 118p).
Le Conseil canadien des relations du travail a tenu une
audience, le 12 novembre 1973, afin d'entendre les préten-
tions concernant sa compétence pour se prononcer sur les
demandes d'accréditation d'un syndicat. Le Conseil suspen-
dit l'audience après avoir entendu les plaidoiries de l'avocat
des compagnies qui demandait l'ajournement de l'audition
jusqu'à ce que la Division de première instance de cette
Cour se soit prononcée sur une demande de bref de prohibi
tion. Lorsqu'il reprit l'audience, le Conseil déclara qu'il avait
compétence pour se prononcer sur les demandes d'accrédi-
tation. Les deux parties ont présenté conjointement à la
Cour une demande d'examen relative à la compétence du
Conseil, en vertu de l'article 28(1) de la Loi sur la Cour
fédérale.
Arrêt: l'affirmation ou l'opinion du Conseil quant à sa
propre compétence ne constitue pas une «décision» au sens
de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale et ne peut être
examinée en vertu dudit article. Il n'appartient pas au Con-
seil de se prononcer sur l'étendue de sa propre compétence
de manière à lier quiconque. Le Conseil peut seulement
décider d'accréditer ou non un syndicat et, quand il le fait,
cette décision seule peut faire l'objet d'un examen en vertu
de l'article 28.
Arrêt mentionné: Le procureur général du Canada c.
Cylien [1973] C.F. 1166.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
G. S. Levey et V. Glasner pour les re-
quérantes.
N. D. Mullins, c.r. pour les intimés.
PROCUREURS:
Levey, Samuels et Glasner, Vancouver,
pour les requérantes.
Le sous-procureur général du Canada pour
les intimés.
Le jugement de la Cour a été prononcé par
LE JUGE THURLOW (oralement)—Dans cette
affaire, à l'audition d'une demande de directives
concernant les procédures engagées en vertu de
l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, la
Cour ajourna ladite audition et ordonna aux
requérantes d'exposer les raisons pour lesquel-
les on ne devrait pas mettre fin aux procédures
au motif que la Cour n'était pas compétente en
la matière. Selon l'avis introductif de l'action en
vertu de l'article 28, il est demandé à la Cour
d'examiner «la décision du Conseil canadien des
relations du travail, datée du 12 novembre 1973,
portant que celui-ci avait le pouvoir constitu-
tionnel de se prononcer sur les demandes dudit
syndicat.»
D'après les documents soumis sans formalité
à cette Cour pour la demande de directives, et
selon les déclarations des avocats, il appert que
le Conseil a tenu une audience, le 12 novembre
1973, afin d'entendre les prétentions concernant
sa compétence à l'égard desdites demandes. Au
cours de l'audition, l'avocat des compagnies en
cause demanda au Conseil d'ajourner l'audience
jusqu'à ce que la Division de première instance
de cette Cour se prononce sur une demande de
bref de prohibition; après avoir entendu les plai-
doiries à cet égard, le Conseil suspendit l'au-
dience et, lorsqu'il la reprit, il annonça sa déci-
sion savoir, qu'il avait compétence pour se
prononcer sur ces demandes d'accréditation. Le
Conseil indiqua alors aux personnes présentes
que sa «décision» pouvait peut-être faire l'objet
d'une demande présentée à cette Cour en vertu
de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale si
l'une des parties en présence désirait la contes-
ter. Une discussion s'ensuivit au cours de
laquelle le Conseil a apparemment proposé d'en-
tendre, soit tout de suite, soit lors d'une
audience ultérieure où il traiterait des deman-
des, les plaidoiries sur le problème d'ordre cons-
titutionnel soulevé par l'avocat des compagnies
mettant en cause la compétence du Conseil. Il
semble donc que, même quant à lui, le Conseil
n'a pas jugé la question de sa compétence défi-
nitivement tranchée, et qu'il était prêt à exami
ner à nouveau cette question à un stade ulté-
rieur si l'on soulevait une objection sérieuse à
cet égard.
A la date fixée par l'ordonnance pour exposer
ses raisons, l'avocat des requérantes soutint que
la conclusion du Conseil était une «décision» au
sens de l'article 28(1) de la Loi sur la Cour
fédérale, disposition sur laquelle il se proposait
de fonder cette procédure. L'avocat du procu-
reur général du Canada et du syndicat intimé
admit que le règlement de cette affaire dépen-
dait de l'application de la décision de cette Cour
dans l'affaire Le procureur général du Canada c.
Cylien [1973] C.F. 1166 mais, se joignant à
l'avocat des requérantes, ils exprimèrent le sou-
hait d'obtenir aussi rapidement que possible une
décision définitive de cette Cour concernant la
compétence du Conseil. Une décision à cet
égard est certainement souhaitable, mais le con-
sentement des parties à l'institution des procé-
dures ne confère pas de compétence et la Cour
ne peut examiner et se prononcer sur des ques
tions de ce genre de manière purement
théorique.
A notre avis, l'affirmation ou l'opinion du
Conseil quant à sa compétence ne constitue pas
une «décision» au sens de l'article 28 de la Loi
sur la Cour fédérale et ne peut être examinée
par cette Cour en vertu dudit article. Il n'appar-
tient pas au Conseil de se prononcer sur l'éten-
due de sa propre compétence de manière à lier
quiconque. Le Conseil peut seulement décider
d'accréditer ou non un syndicat et, quand il le
fait, cette décision seule peut faire l'objet d'un
examen en vertu de l'article 28. Il est évident
que certaines questions soulevées au cours des
procédures devant le Conseil peuvent faire l'ob-
jet d'un examen en vertu de l'article 28, à
savoir, par exemple, des ordonnances enjoi-
gnant les parties de faire quelque chose qu'il est
dans la compétence du Conseil d'ordonner.
Mais l'affirmation en cause n'a pas ce caractère
et, à notre avis, elle est comparable à celle que
la Cour, dans l'affaire Le procureur général du
Canada c. Cylien', a jugée ne pas relever de
l'article 28.
On a soutenu que l'affirmation du Conseil
était une «décision» parce qu'il s'agissait de sa
réponse à une question qu'on lui soumettait au
sujet de sa propre compétence et que le Conseil
devait donc nécessairement se prononcer avant
de poursuivre l'examen de la demande d'accré-
ditation et que l'article 118p) du Code canadien
du travail autorisait ledit Conseil à trancher
cette question. On n'a pas à déterminer mainte-
nant si le Conseil doit exercer les pouvoirs
incidents conférés par l'article 118p) lorsqu'il
rend des décisions interlocutoires sur des ques
tions soulevées lors des procédures ou simple-
ment les inclure dans la décision par laquelle il
exerce sa compétence expresse. Quelle que soit
l'interprétation correcte de cette disposition, elle
ne peut avoir pour effet de donner au Conseil le
pouvoir de décider s'il appartenait au Parlement
de conférer la compétence qu'il prétendait ainsi
conférer.
L'avocat se référa aussi à la décision récente
de la Cour suprême du Canada concernant l'ef-
fet de l'article 28(1) de la Loi sur la Cour
fédérale dans l'arrêt L'État de Puerto Rico c.
Humberto Pagan Hernandez. Dans cet arrêt, la
Cour suprême décida que ce qui relevait de
l'article 28(1) était la décision que le juge d'ex-
tradition devait rendre en conformité de la Loi
sur l'extradition et non les conclusions intermé-
diaires sur une question de fait ou de droit. En
outre, ce qui a été décidé à l'occasion de cette
affaire ne porte, à notre avis, aucunement sur le
problème soulevé dans l'affaire Cylien et l'af-
faire présente.
On a mentionné aussi, au cours des plaidoi-
ries, l'article 122 du Code canadien du travail,
S.R.C. 1970, c. L-1, qui prévoit au paragraphe
(1) que, sous réserve des autres dispositions de
la loi, les ordonnances ou décisions du Conseil
ne peuvent être mises en question devant un
tribunal ni révisées par un tribunal si ce n'est
conformément à l'article 28 de la Loi sur la
Cour fédérale, et au paragraphe (2) que, sous
réserve du paragraphe (1), aucune ordonnance
ne peut être rendue ni aucune procédure ne peut
être engagée, par ou devant un tribunal, soit
sous forme d'injonction ou de brefs de préroga-
tive, soit autrement, pour mettre en question,
réviser, interdire ou restreindre une activité
exercée par le Conseil en vertu de la Partie V de
la loi. A notre avis, ces dispositions n'ont aucun
rapport avec la question à trancher ici. A notre
avis, l'article 122(1) du Code canadien du tra
vail ne peut influer, et ne tend pas à le faire, sur
l'interprétation de l'article 28 de la Loi sur la
Cour fédérale de manière à étendre ou restrein-
dre la compétence de la Cour en vertu de cette
disposition. Si l'article 122(2) interdit les autres
recours permettant de contester l'exercice par le
Conseil de sa compétence c'est parce que le
Parlement a voulu manifestement empêcher que
de telles procédures mettent en question ou
gênent l'exercice quotidien de ses pouvoirs par
le Conseil; les décisions rendues par le Conseil,
qui touchent les droits des parties en cause, sont
susceptibles d'examen en vertu de l'article 28 de
la Loi sur la Cour fédérale. Nous ne nous pro-
nonçons pas sur la question de savoir si l'article
122(2) peut permettre d'empêcher des procédu-
res au cas où le Conseil prétend exercer une
compétence qui ne lui a pas été conférée.
Toutes les parties conviennent qu'il est sou-
haitable que la question constitutionnelle soit
tranchée de façon définitive; à ce stade des
procédures, le meilleur moyen de le faire serait
que le Conseil l'énonce et la renvoie devant
cette Cour en conformité de l'article 28(4) de la
Loi sur la Cour fédérale. Toutefois, la décision
de renvoyer la question est laissée à l'exercice
du pouvoir discrétionnaire du Conseil à cet
égard, et n'appartient ni à la Cour, ni aux avo-
cats. Subsidiairement, il serait possible de soule-
ver cette question à l'occasion d'une demande
fondée sur l'article 28 à l'encontre d'une ordon-
nance précise du Conseil exigeant qu'une des
parties à ladite demande s'y conforme ou par
des procédures de prohibition devant la Division
de première instance; aucune de ces deux
méthodes ne présente les avantages du renvoi,
ni en ce qui concerne la possibilité de soulever
la question précise qu'on veut faire trancher, ni
en ce qui concerne les délais qui seraient alors
nécessaires pour que la question soit déterminée
par la Cour.
Il y a lieu de rejeter la présente demande
fondée sur l'article 28.
' Il faut signaler que l'affaire Cylien portait sur le sens du
mot «décision» à l'article 28(1) et ne portait aucunement sur
le sens du mot «ordonnance» au même paragraphe.
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