Elmer T. Carlson (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
et
Gordon E. Carlson (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge suppléant
Bastin —Saskatoon (Saskatchewan), le 23 mars
1973.
Impôt sur le revenu—Pénalités pour production tardive—
Documents non signés et incomplets produits à titre de
«déclarations pro visoires»—S'agit-il de »déclarations»—Loi
de l'impôt sur le revenu, art. 44.
Deux frères, exploitant en société une entreprise agricole
en Saskatchewan, ont employé un comptable pour rédiger
leurs déclarations sur le revenu pour 1970'. Comme on ne lui
avait pas fourni les renseignements nécessaires, le compta-
ble a produit, le 30 avril 1971, des déclarations portant la
mention «déclarations provisoires»; elles n'étaient pas
signées et ne contenaient pas tous les renseignements pres-
crits. Quelques jours plus tard, les frères ont produit des
déclarations dûment remplies. On leur a imposé des pénali-
tés pour production tardive et ils ont interjeté appel.
Arrêt: la décision de la Commission d'appel de l'impôt est
confirmée. Les pénalités ont été imposées à bon droit. Les
documents produits par le comptable le 30 avril 1971 n'é-
taient pas des déclarations de l'impôt sur le revenu au sens
de l'article 44 de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Arrêt à distinguer de l'affaire Hart Electronics Ltd. c.
La Reine (CA. Man.) 59 DTC 1192.
APPEL de l'impôt sur le revenu,
AVOCATS:
K. E. Barton pour les demandeurs.
L. P. Chambers pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Estey et Robertson & Cie, Saskatoon, pour
les demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour
la défenderesse.
LE JUGE SUPPLÉANT BASTIN—Il a été con-
venu que l'action instituée par Elmer T. Carlson
et celle instituée par Gordon E. Carlson seraient
entendues ensemble. Dans chacune de ces
actions, le demandeur cherche à recouvrer une
pénalité imposée par le ministre du Revenu
national pour production tardive de sa déclara-
tion d'impôt sur le revenu pour l'année 1970.
Dans le cas de l'action instituée par Elmer T.
Carlson, le montant réclamé est de $27.12 et
dans celui de l'action instituée par Gordon E.
Carlson, il est de $107.31.
Les demandeurs sont deux frères et ils exploi-
tent en société une entreprise agricole située à
Watrous (Saskatchewan). Comme Elmer T.
Carlson est physiquement handicapé, son frère
Gordon s'occupe de la comptabilité de la société
et de son administration; il se charge en outre
d'établir et de produire les déclarations d'impôt
sur le revenu, aidé en cela par un certain Donald
G. Clandinin, comptable à Saskatoon. Gordon
E. Carlson devait remettre à Clandinin, lors d'un
rendez-vous fixé au 15 avril 1971, les données
nécessaires à l'établissement des déclarations
d'impôt sur le revenu des deux frères. Toute-
fois, il a informé Clandinin le 1" r avril qu'un
voyage d'affaires urgent à Calgary l'empêcherait
d'être au rendez-vous. Sur ce, Clandinin a
rempli deux formules d'impôt pour les frères
Carlson, y inscrivant l'annotation [TRADUCTION]
«déclarations provisoires», et il a mis ces for-
mules à la poste le 30 avril 1971. Lesdites
formules ne portaient aucune signature et ne
renfermaient pas tous les renseignements pres-
crits sur le revenu des deux frères. Ceux-ci ont
par la suite établi et signé les déclarations d'im-
pôt sur le revenu renfermant tous les renseigne-
ments requis; ces déclarations étaient datées du
5 mai 1971 et elles ont été produites le 18 mai
1971.
Le 30 juillet 1971, ou vers cette date, les
frères Carlson ont chacun reçu un avis de coti-
sation où figurait notamment la pénalité en
cause. Ils ont produit des avis d'opposition et,
suite à la ratification par le Ministre des pénali-
tés, ils ont interjeté appel de cette décision à la
Commission de révision de l'impôt. Dans une
décision en date du 10 juillet 1972, celle-ci a
rejeté les appels. Je décide qu'il n'a pas été
prouvé qu'il était impossible aux demandeurs de
remplir, de signer et de produire leurs déclara-
tions d'impôt sur le revenu pour le 30 avril
1971. Les demandeurs soutiennent, en se fon-
dant sur l'arrêt Hart Electronics Limited c. La
Reine 59 DTC 1192, que les documents remis
par Clandinin au ministère du Revenu national
le 30 avril 1971 étaient des déclarations d'impôt
sur le revenu.
Le jugement en question est une décision
rendue à la majorité par la Cour d'appel du
Manitoba. Il s'agissait d'un appel, par voie d'ex-
posé des faits, d'une décision du magistrat Kyle,
qui avait rejeté une accusation d'avoir négligé
de produire une déclaration d'impôt sur le
revenu. Ce qui distingue l'affaire Hart de la
présente affaire, c'est que le contribuable avait
dans ce cas-là fait parvenir au Ministre une
lettre accompagnant la déclaration d'impôt sur
le revenu. Je conclus que les savants juges ont
estimé que la lettre établissait qu'il s'agissait
bien là de la déclaration d'impôt du contribua-
ble, qui était dès lors lié par son contenu. Dans
le cas des frères Carlson, les déclarations éta-
blies par Clandinin et produites le 30 avril 1971
ne lieraient pas les contribuables. C'est là une
distinction très importante. Pour qu'il y ait
ouverture à l'imposition de pénalités pour avoir
fourni des renseignements erronés. il faut mani-
festement que le contribuable soit lié par les
données figurant sur la formule. Aux termes de
l'article 44 de la Loi de l'impôt sur le revenu, un
particulier doit, sans avis ou mise en demeure,
transmettre une déclaration au Ministre en la
forme prescrite et renfermant les renseigne-
ments exigés, et ce, au plus tard le 30 avril de
chaque année. Aux termes de l'article 139(1')af),
le mot prescrit, «dans le cas d'une formule ou
des renseignements à fournir dans une formule,
signifie prescrit par ordre du Ministre, et, dans
tout autre cas, signifie prescrit par règlement».
Les divers intitulés de la formule d'impôt sur
le revenu précisent clairement la nature des
renseignements exigés (prescrits). Sur la for-
mule, le contribuable doit certifier, au-dessus de
sa signature, l'exactitude des renseignements
donnés. L'article 44(1 ' )d) dispense le contribua-
ble de produire la déclaration s'il «est incapable
de produire la déclaration pour une raison quel-
conque»; dans un tel cas, ledit article permet au
«guardian, curateur, tuteur, committee ou autre
représentant légal» du contribuable de produire
la déclaration. S'ils veulent se prévaloir de cette
disposition, les demandeurs doivent plaider et
prouver qu'ils ont été incapables de produire la
déclaration. Comme ils n'ont ni plaidé ni prouvé
la chose, les demandeurs ne peuvent se préva-
loir de cette disposition et il ne m'est pas néces-
saire de décider si Clandinin constitue un «autre
représentant légal» au sens donné à ces mots
par l'article 44(1)d).
Il est admis que les déclarations produites par
Clandinin ne renfermaient pas tous les rensei-
gnements exigés (prescrits) relativement au
revenu des frères Carlson. Les déclarations
signées par eux et produites le 18 mai 1971
renfermaient, elles, tous les renseignements
requis pour permettre au Ministre d'établir une
cotisation. Il est manifeste que les frères Carl-
son voulaient que ces déclarations complètes
produites par la suite servent de base à l'établis-
sement des cotisations à l'impôt sur le revenu
établies à leur égard. S'il en est ainsi, ils n'ont
jamais voulu que les formules envoyées par
Clandinin soient considérées comme des décla-
rations d'impôt sur le revenu. Il n'existe à ma
connaissance rien qui permette à un contribua-
ble d'éviter la pénalité pour production tardive
par la production d'un document qui ne doit pas
être considéré comme la déclaration d'impôt sur
le revenu du contribuable mais simplement
comme un avis de production future de ladite
déclaration.
Je décide que les pénalités ont été imposées à
bon droit et je rejette les deux actions.
Il ressort du témoignage de Clandinin que les
bureaux locaux du ministère du Revenu national
en Saskatchewan et en Alberta ont toléré la
pratique adoptée par certains contribuables de
produire une déclaration provisoire destinée à
être remplacée par la suite par la véritable
déclaration, et ce, sans pénalité. Pour cette
raison, je ne condamne pas les demandeurs aux
dépens.
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