Juliet Rodney et son fils, Ernest Rodney
(Appelants)
c.
Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigra-
tion (Intime)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett et les juges
Cameron et Sweet—Toronto, les 6 et 7 juin;
Ottawa, le 6 juin 1972.
Examen judiciaire—Ordonnance d'expulsion—Audience
devant l'enquêteur spécial—Épouse et enfant inclus dans
une ordonnance d'expulsion—Ont-ils eu une véritable occa
sion de présenter leur défense—Ont-ils reçu un préavis suffi-
sant des allégations faites contre eux—Loi sur l'immigra-
tion, art. 37(1)—Règlements sur les enquêtes de
l'immigration, art. 11.
Une enquête spéciale a été tenue en vertu de la Loi sur
l'immigration aux fins de déterminer le bien-fondé de l'allé-
gation portant que C était sujet à expulsion pour le motif
qu'il avait été trouvé coupable d'une infraction et devenu un
détenu dans une geôle. Après que C eut été interrogé par
l'enquêteur spécial, son épouse est entrée dans la pièce et
elle a été assermentée. Ensuite, sans en avoir été préalable-
ment avisée, elle a été informée qu'aux termes de l'article
37(1) (dont on lui a fait lecture) toutes les personnes à
charge de la famille de C pouvaient être incluses dans une
ordonnance d'expulsion rendue contre ce dernier. On l'a
informée qu'elle avait l'occasion de prouver qu'on ne
devrait pas l'inclure dans ladite ordonnance et qu'elle avait
le droit de se faire représenter. L'épouse a déclaré qu'elle
ne désirait pas faire appel aux services d'un conseiller et
qu'elle voulait demeurer au Canada. L'épouse et son fils de
8 ans ont quand même été inclus dans l'ordonnance d'expul-
sion. La Commission d'appel de l'immigration a rejeté l'ap-
pel de l'ordonnance d'expulsion.
Arrêt: dans les circonstances, l'épouse n'a pas eu une
véritable occasion de prouver qu'elle ne devait pas être
incluse dans l'ordonnance d'expulsion, ainsi que l'exige
l'article 11 des Règlements sur les enquêtes de l'immigra-
tion, et l'ordonnance rendue contre elle et le fils de C est
par conséquent annulée.
L'occasion de répondre aux allégations faites contre une
personne doit comporter un préavis suffisamment long pour
permettre une préparation raisonnable de la réponse qui
sera fournie.
Arrêt appliqué: Moshos c. Le ministre de la Main-d'oeu-
vre et de l'Immigration [1969] R.C.S. 886.
APPEL d'une décision de la Commission
d'appel de l'immigration et demande en annula-
tion de l'ordonnance d'expulsion.
J. R. Charlebois pour les appelants.
E. A. Bowie pour l'intimé.
LE JUGE EN CHEF JACKETT (oralement)—Le
présent appel porte sur une décision de la Com-
mission d'appel de l'immigration en date du 11
juin 1971, rejetant l'appel d'une ordonnance
d'expulsion rendue contre les appelants ainsi
qu'une demande d'annulation de ladite ordon-
nance de la Commission d'appel de l'immigra-
tion présentée en vertu de l'article 28 de la Loi
sur la Cour fédérale. L'appel et la demande ont
été joints en vertu de la Règle 1314.
Carl Culbert Rodney, né en Guyane anglaise
en 1941, a été admis au Canada à titre d'immi-
grant reçu, le 18 mai 1966, lorsqu'il y est arrivé
venant de Londres (Angleterre). L'appelante
Juliet Rodney, née en Guyane anglaise le 30
juin 1947, a épousé Carl Culbert Rodney en
Angleterre le 19 février 1966 et elle a été
admise au Canada le 2 juillet 1966 titre d'im-
migrante reçue. Elle a amené avec elle au
Canada l'appelant Ernest Rodney, né en 1964.
Le père d'Ernest Rodney est Carl Culbert
Rodney et sa mère n'est pas l'appelante Juliet
Rodney. Ernest Rodney est un enfant illégitime,
mais il semble qu'au moins depuis le mariage de
Carl Culbert et Juliet Rodney, il est devenu en
fait membre de leur famille.
Le 20 août 1970, Carl Culbert Rodney a été
déclaré coupable d'avoir volontairement
entravé un policier dans l'exercice de ses
fonctions.
Le 24 mars 1971, un enquêteur spécial lui a
envoyé la lettre suivante:
[TRADUCTION] Un rapport, présenté au directeur de l'im-
migration, déclare que vous êtes une personne décrite aux
sous-alinéas (ii) et (iii) de l'alinéa e) du paragraphe (1) de
l'article 19 de la Loi sur l'immigration en raison du fait que
vous avez été déclaré coupable d'une infraction visée au
Code criminel et que vous êtes devenu un détenu dans une
geôle.
Suivant les directives du directeur de l'immigration, il est
maintenant nécessaire de vous présenter devant un enquê-
teur spécial qui vous interrogera relativement au rapport
susmentionné. La date de l'audience a été fixée au mercredi
31 mars 1971 à heures, à ce bureau, au troisième
étage. Votre épouse doit vous accompagner à cette enquête.
Si l'enquêteur spécial décide que vous êtes une personne
décrite comme ci-dessus, une ordonnance d'expulsion peut
être rendue contre vous, sous réserve de votre droit d'appel
que prévoit l'article 11 de la Loi de la Commission d'appel
de l'immigration.
En vertu du paragraphe (2) de l'article 27 de la Loi sur
l'immigration, vous avez le droit de requérir les services
d'un conseiller et de vous faire représenter par lui à vos
frais. De plus amples renseignements concernant les servi
ces d'un conseiller sont contenus dans la formule Imm. 689
ci-jointe.
La formule Imm. 689, dont on indique qu'elle
est jointe à cette lettre, est adressée à Carl
Culbert Rodney et elle se lit en partie comme
suit:
[TRADUCTION] Si vous le désirez, vous avez le droit de
requérir les services d'un conseiller, de lui donner vos
instructions et de vous faire représenter par lui à vos frais.
Il n'est pas nécessaire que ce conseiller soit un avocat, mais
il peut être un ami, un prêtre, un ministre de votre église ou
un représentant de l'Armée du salut.
L'assistance judiciaire gratuite peut être obtenue au:
Legal Aid, York County
73 Richmond Street West
Toronto, Ontario
Le procès-verbal de l'enquête tenue le 31
mars 1971 indique que l'enquête [TRADUCTION]
«concernait M. Carl Culbert Rodney». Le pro-
cès-verbal indique qu'à l'ouverture de l'au-
dience, les personnes suivantes étaient
présentes:
W. O. Darling—Enquêteur spécial
Carl Culbert Rodney—Personne en cause
G. J. Dowhan—Sténographe
Selon le procès-verbal, après l'interrogatoire de
M. Rodney, son épouse, l'appelante Juliet
Rodney, est entrée dans la salle des enquêtes.
Après la prestation de serment de Mme Rodney,
le procès-verbal indique que l'enquête s'est
déroulée comme suit:
[TRADUCTION] Mme RODNEY A DÛMENT PRÊTÉ
SERMENT.
Le paragraphe (1) de l'article 37 de la Loi sur l'immigration
se lit comme suit:
37 (1) Lorsqu'une ordonnance d'expulsion est rendue
contre le chef d'une famille, tous les membres à charge de
la famille peuvent être inclus dans l'ordonnance et expul-
sés sous son régime.
Q. Comprenez-vous cela?
R. Oui.
L'article 11 des Règlements sur les enquêtes de l'immigra-
tion se lit comme suit:
11. Nulle personne se sera incluse dans une ordon-
nance d'expulsion, conformément au paragraphe (1) de
l'article 37 de la Loi, sans avoir eu d'abord l'occasion de
prouver à un fonctionnaire de l'immigration qu'elle ne
doit pas y être incluse.
Q. [TRADUCTION] Comprenez-vous cela?
R. Oui.
Ces deux articles signifient simplement que si, au terme de
cette enquête, une ordonnance d'expulsion du Canada est
rendue contre votre époux, vous pouvez vous-même être
incluse dans cette ordonnance s'il est établi que vous êtes
son conjoint à charge. Avant de vous y inclure, toutefois, je
dois et je vais avant donner l'occasion d'établir que vous ne
devriez pas y être incluse.
Étant donné que votre époux a le droit de recourir aux
services d'un conseiller, je vous informe maintenant que
vous avez aussi le droit de vous faire représenter par un
conseiller à cette enquête.
Q. Désirez-vous vous faire représenter?
R. Non.
On a alors posé certaines questions a Mme
Rodney au sujet de la famille. Les questions et
les réponses suivantes ont ensuite été
échangées:
Q. [TRADUCTION] Je voudrais vous donner maintenant
l'occasion de me démontrer pourquoi vous ne devriez
pas être incluse dans l'ordonnance d'expulsion qui
peut être rendue contre votre époux.
R. Eh bien, je pense que s'il doit être expulsé, je préfére-
rais, vous savez, ne pas partir tout de suite avec lui à
cause surtout des enfants puisqu'il faudrait faire de
nouveaux arrangements. Voilà tout ce que j'ai à dire.
Q. Désirez-vous demeurer au Canada?
R. Oui. Je crois que nous pouvons arranger les choses
pour les enfants.
Q. Désirez-vous ajouter quelque chose?
R. Je ne vois rien à dire de plus.
Après une étude de l'affaire, l'enquêteur spécial
a rendu la décision suivante:
[TRADUCTION] Carl Culbert Rodney, en me fondant sur les
preuves présentées à cette enquête, je suis arrivé à la
décision que vous ne pouvez entrer ni demeurer au Canada,
aux motifs que:
(1) vous n'êtes pas citoyen canadien;
(2) vous n'avez pas de domicile canadien; et
(3) vous êtes une personne décrite au sous-alinéa (ii) de
l'alinéa e) du paragraphe (1) de l'article 19 de la Loi sur
l'immigration en raison du fait que vous avez été déclaré
coupable d'une infraction visée au Code criminel;
(4) vous êtes une personne décrite au sous-alinéa (iii)
de l'alinéa e) du paragraphe (1) de l'article 19 de la Loi
sur l'immigration, étant donné que infraction visée au
Code criminel;
(5) vous êtes sujet à expulsion en vertu du paragraphe
(2) de l'article 19 de la Loi sur l'immigration.
Par les présentes je vous condamne à être détenu et,
ensuite, expulsé.
Cette ordonnance d'expulsion vise également votre
épouse à charge, Juliet Rodney, et votre fils à charge,
Ernest Randolph Rodney, en vertu des dispositions du
paragraphe (1) de l'article 37 de la Loi sur l'immigration.
Un appel a été interjeté devant la Commis
sion d'appel de l'immigration relativement à la
partie de l'ordonnance qui la rendait applicable
à Juliet Rodney et à Ernest Randolph Rodney et
l'appel a été rejeté, Carl Culbert Rodney n'a pas
interjeté appel.
Le présent appel porte sur la décision de la
Commission d'appel de l'immigration rejetant
l'appel des appelants devant la Commission et
constitue une demande d'annulation de cette
décision.
Comme nous l'avons déjà indiqué, une seule
ordonnance d'expulsion a été rendue dans l'af-
faire de Carl Culbert Rodney et les appelants
ont été «inclus» dans cette ordonnance d'expul-
sion, en vertu du pouvoir discrétionnaire prévu
à l'article 37(1) de la Loi sur l'immigration, qui
se lit comme suit:
37. (1) Lorsqu'une ordonnance d'expulsion est rendue
contre le chef d'une famille, tous les membres à charge de la
famille peuvent être inclus dans l'ordonnance et expulsés
sous son régime.
Toutefois, le pouvoir discrétionnaire prévu à
l'article 37(1) ne peut être exercé qu'en confor-
mité de l'article 11 des Règlements sur les
enquêtes de l'immigration, qui se lit comme
suit:
11. Nulle personne ne sera incluse dans une ordonnance
d'expulsion, conformément au paragraphe (1) de l'article 37
de la Loi, sans avoir eu d'abord l'occasion de prouver à un
fonctionnaire de l'immigration qu'elle ne doit pas y être
incluse.
Il s'agit donc de savoir si les appelants ont eu
«l'occasion de prouver» qu'ils ne devraient pas
être «inclus» dans l'ordonnance d'expulsion que
l'on envisageait de rendre contre Carl Culbert
Rodney.
A notre avis, la présente affaire doit être
tranchée en s'appuyant sur la décision que la
Cour suprême du Canada a rendue dans l'af-
faire Smaro Moshos et enfants mineurs, Sultana
et Panagiotis c. Le ministre de la Main-d'oeuvre
et de l'Immigration [1969] R.C.S. 886. En ce qui
concerne l'observation de l'article 11 des Règle-
ments sur les enquêtes de l'immigration, les
procédures suivies dans l'affaire Moshos sont
similaires aux procédures de la présente affaire,
décrites ci-dessus. Dans l'affaire Moshos, un
rapport a été présenté contre l'époux par un
fonctionnaire à l'immigration. A la suite de ce
rapport, une enquête a été tenue par un enquê-
teur spécial. L'épouse n'était pas présente lors-
que l'enquêteur spécial a interrogé son époux,
mais elle a été appelée comme témoin par la
suite. Lorsqu'elle a été interrogée comme
témoin, on lui a lu l'article 37(1) de la Loi sur
l'immigration et on l'a informée qu'en vertu de
cette disposition, advenant le cas où une ordon-
nance d'expulsion serait rendue contre son
époux, il pourrait être nécessaire de l'inclure
ainsi que ses enfants, dans cette ordonnance, et
on lui a demandé si elle désirait obtenir les
services d'un avocat. Dans ces circonstances, il
a été décidé que l'épouse n'avait pas eu l'occa-
sion de prouver qu'elle ne devait pas être
incluse dans l'ordonnance d'expulsion, comme
l'exige l'article 11 des Règlements. Le juge
Martland, en prononçant le jugement de la Cour
suprême du Canada, a traité cet aspect de l'af-
faire de la façon suivante (à la p. 891-2):
[TRADUCTION] A mon avis, l'ordonnance d'expulsion rendue
contre l'appelante et les deux enfants n'est pas valide pour
le motif que l'enquêteur spécial ne s'est pas conformé à
l'art. 11 des Règlements sur les enquêtes de l'immigration.
Cet article se lit comme suit:
11. Nulle personne ne sera incluse dans une ordonnance
d'expulsion, conformément au paragraphe (1) de l'article 37
de la Loi, sans avoir eu d'abord l'occasion de prouver à un
fonctionnaire de l'immigration qu'elle ne doit pas y être
incluse.
J'ai déjà décrit ce qui s'est passé entre l'enquêteur spécial
et l'appelante lorsque celle-ci a comparu comme témoin à
l'enquête. A mon avis, l'enquêteur ne s'est pas suffisam-
ment conformé à cet article. L'appelante était présente à
l'enquête de John Moshos en qualité de témoin. Elle n'a pas
été présente pendant toute la durée de l'enquête.
Il est vrai que l'enquêteur spécial lui a lu les dispositions
de l'art. 37(1) et lui a dit qu'«en vertu dudit article des
Règlements (sic), advenant le cas où une ordonnance d'ex-
pulsion serait rendu contre votre époux, il pourrait être
nécessaire, sur la base des preuves que nous vous invitons à
présenter, de vous inclure, vous-même et les enfants, dans
une telle ordonnance d'expulsion». Il lui a également
demandé si elle désirait obtenir les services d'un conseiller
«avant de témoigner». Il a ensuite procédé à son
interrogatoire.
Toutefois, elle n'a jamais été informée du fait qu'on
devait lui donner l'occasion de prouver qu'elle ne devait pas
être incluse dans cette ordonnance. Je ne considère pas
qu'une telle occasion lui a été donnée du simple fait que
l'art. 37(1) lui a été lu lorsqu'elle a comparu comme témoin,
et que l'enquêteur spécial lui a ensuite posé des questions.
A mon avis, l'ordonnance d'expulsion contre l'appelante
et les enfants a été rendue d'une manière contraire à l'art.
11 des Règlements sur les enquêtes de l'immigration.
A notre avis, les faits de l'affaire Moshos ne
peuvent pas vraiment être distingués des faits
de la présente affaire en ce qui concerne l'ob-
servation de l'article 11 des Règlements sur les
enquêtes de l'immigration. Il est vrai que, dans
la présente affaire, en plus de lire l'article 37(1),
l'enquêteur spécial a lu l'article 11 des Règle-
ments à l'épouse et que, de plus, il lui a donné
expressément l'occasion de prouver pourquoi
elle ne devrait pas être incluse dans une ordon-
nance d'expulsion qui pourrait être rendue
contre son époux. Le droit pour une personne
d'avoir l'occasion de répondre aux allégations
faites contre elle est une question de fond: elle
n'est donc pas exclusivement rattachée aux
termes employés ou à la procédure utilisée.
Dans les circonstances entourant la présente
affaire, nous sommes d'avis que Juliet Rodney
n'a pas eu une véritable «occasion» d'établir
qu'elle ne. devrait pas être incluse dans l'ordon-
nance d'expulsion que l'on se proposait de
rendre contre son époux, puisque, sans aucun
avis préalable, après qu'on lui a fait prêter ser-
ment comme témoin à l'enquête de son époux,
on lui a lu les dispositions en question en lui
disant qu'on lui fournissait cette occasion.
Il est impossible d'énoncer un principe
simple, applicable à tous les cas, aux fins de
définir ce qui constitue une «occasion» de
répondre aux allégations faites contre un indi-
vidu. Ceci étant dit, nous pouvons dire qu'une
telle occasion comporte un préavis suffisam-
ment long, qui permet une préparation raisonna-
ble de la réponse qui sera fournie. Sous ce
rapport, il est utile de comparer l'occasion four-
nie à l'époux et celle qui a été fournie à l'é-
pouse. Quelque temps avant l'audience, l'époux
a reçu un avis faisant état de ce qu'on lui
reprochait, ainsi que certains renseignements lui
indiquant comment obtenir l'assistance juridi-
que dont il pourrait avoir besoin. Les procédu-
res se sont déroulées comme des procédures
auxquelles il était partie. Par contre, l'épouse
n'a reçu aucun préavis l'informant qu'il était
possible qu'elle soit touchée par une ordon-
nance et elle a simplement été informée, après
qu'on lui eut fait prêter serment comme témoin
dans des procédures dirigées contre son époux,
qu'elle pourrait être incluse dans l'ordonnance
qui en résulterait. Placé dans une pareille situa
tion, un profane ne pouvait pas savoir, sur le
coup, quoi faire pour protéger ses intérêts, à
moins d'être très intelligent et d'avoir beaucoup
d'expérience.
Avant de conclure, il est peut-être utile de
traiter du cas de l'appelant Ernest Rodney. Il
est évident qu'il n'a eu aucune «occasion», aux
termes de l'article 11 des Règlements, même si
on peut supposer que le «père» et la «mère»
avaient qualité pour agir en son nom.' Sur le
plan pratique, il est de plus difficile de conce-
voir comment une telle «occasion» aurait pu
être donnée dans le cas d'un jeune enfant. A
certains endroits, au Canada, des parents légiti-
mes n'ont pas le pouvoir de représenter légale-
ment un enfant, en ce qui concerne son patri-
moine, sans obtenir une autorisation spéciale en
vertu de la loi provinciale applicable. Même si
une telle loi permettait d'autoriser un représen-
tant légal à agir au nom de l'enfant aux fins de
l'immigration, son application pourrait présenter
sur le plan pratique certaines difficultés. Il y
aurait peut-être lieu que les autorités compéten-
tes étudient l'article 11 des Règlements à la
lumière des problèmes pratiques qui se posent
dans le cas des enfants.
Il est une question accessoire qu'il y a lieu de
mentionner, afin qu'on ne pense pas que nous
avons exprimé une opinion sur le sujet. Il
semble qu'on a pris pour acquis, dans les procé-
dures devant les enquêteurs spéciaux comme
celles qui sont ici en cause, que l'article se
contente de donner à la personne visée le droit
de prouver qu'elle n'est pas un membre à
charge de la famille. Il se peut très bien, toute-
fois, que l'article 11, interprété correctement,
donne le droit à une personne d'avoir l'occasion
de prouver qu'elle ne devrait pas être incluse
«dans une ordonnance d'expulsion» et que cela
comporte le droit d'être entendue sur la ques
tion de savoir s'il y a même lieu de rendre une
ordonnance d'expulsion.
L'appel est accueilli et l'ordonnance d'expul-
sion, dans la mesure où elle concerne les appe-
lants, est annulée.
Il est important que l'on profite de cette occasion au
nom de l'enfant: par exemple, il n'est pas impossible que les
faits consignés au dossier révèlent que l'appelant Ernest
Rodney était citoyen canadien et non susceptible
d'expulsion.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.