E. R. Squibb & Sons Ltd. (Appelante)
c.
Le ministre du Revenu national (Intime)
Division de première instance, le juge Catta-
nach—Montréal (P.Q.), le 31 janvier; Ottawa, le
22 février 1973.
Impôt sur le revenu—Calcul du revenu d'entreprise—Por-
tion du terrain utilisée par l'entreprise aux fins de son entre-
prise—Taxes municipales—Peut-on en déduire seulement une
partie?
En 1952, la compagnie appelante a acheté une ferme de
52 acres en vue de son expansion ultérieure. En 1954, elle a
fait construire des bâtiments et des installations qui occu-
paient 16% de la surface totale. En établissant la cotisation
à l'impôt sur le revenu de l'appelante, le Ministre a accordé
une déduction de 16% seulement des taxes municipales
payées par l'appelante à l'égard de ce terrain.
Arrêt: l'ensemble des taxes municipales sont déductibles à
bon droit à titre de dépenses d'exploitation de l'entreprise de
l'appelante.
APPEL de l'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
Bruce Verchère et Richard Pound pour
l'appelante.
Robert Cousineau et Yvon Brisson pour
l'intimé.
PROCUREURS:
Stikeman, Elliott, Tamaki & Cie, Montréal,
pour l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
LE JUGE CATTANACH—Ces appels portent sur
les cotisations d'impôt sur le revenu établies par
le Ministre pour les années d'imposition 1963,
1964, 1965 et 1966 de l'appelante.
L'appelante, qui est une filiale en propriété
exclusive d'une compagnie étrangère, a été
constituée en corporation en vertu des lois cana-
diennes en 1925; elle exploite depuis cette date
une entreprise de fabrication et de vente de
produits pharmaceutiques.
Avant 1952, l'appelante exploitait son entre-
prise dans des locaux qu'elle avait loués dans
une partie de Montréal (Québec) à forte densité
démographique.
En 1952, l'entreprise de l'appelante avait pris
une telle expansion que les locaux loués étaient
insuffisants, ce qui a amené l'appelante a cons-
truire à Montréal ses propres locaux pour loger
ses services de recherches, de production et de
commercialisation.
L'appelante a acheté dans ce but une ferme
d'environ 52 acres dans la paroisse de St-Lau-
rent (Québec), en banlieue de Montréal, qui
avait un caractère rural à l'époque.
L'appelante a commencé en 1954 la construc
tion des immeubles et des installations nécessai-
res pour ses besoins, locaux qui ont été terminés
et occupés par l'appelante en mai 1955. Ces
bâtiments et installations couvraient environ
16% de la surface totale des 52 acres.
Au cours des années d'imposition en cause,
l'appelante a été cotisée pour les taxes munici-
pales et scolaires et les a payées.
Dans le calcul de son revenu pour les années
d'imposition en question, l'appelante a déduit
les taxes municipales et scolaires qu'elle avait
payées pour ces années.
Le Ministre a accepté une déduction de 16%
du montant des taxes municipales et scolaires
payées par l'appelante au cours des années
d'imposition, mais a refusé d'admettre en
déduction 84% de ces montants, contrairement
à ce que demandait l'appelante.
Il a accordé une déduction de 16% seulement
du total réclamé au motif que seulement 16% de
la surface totale des terrains était utilisé par
l'appelante; il a rejeté les 84% restants au motif
que 84% de la surface totale des terrains n'était
pas utilisé et restait vacant, et que, par consé-
quent, seulement 16% des taxes payées par
l'appelante constituait une somme déboursée ou
dépensée en vue de gagner ou de produire un
revenu tiré de biens ou d'une entreprise du
contribuable, au sens de l'article 12(1)a) de la
Loi de l'impôt sur le revenu, alors que le reste,
soit 84%, ne constituait pas une somme débour-
sée ou dépensée au sens de l'article 12(1)a),
mais une somme déboursée ou un paiement à
compte de capital au sens de l'article 12(1)b).
Les alinéas que je viens de mentionner se
lisent ainsi:
12. (I) Dans le calcul du revenu, il n'est opéré aucune
déduction à l'égard
a) d'une somme déboursée ou dépensée, sauf dans la
mesure où elle l'a été par le contribuable en vue de gagner
ou de produire un revenu tiré de biens ou d'une entreprise
du contribuable,
b) d'une somme déboursée, d'une perte ou d'un remplace-
ment de capital, d'un paiement à compte de capital ou
d'une allocation à l'égard de dépréciation, désuétude ou
d'épuisement, sauf ce qui est expressément permis par la
présente Partie,
La première question à trancher lorsqu'il
s'agit de savoir si une somme déboursée ou
dépensée échappe à l'interdiction prévue à l'arti-
cle 12(1)a) est celle de savoir si le contribuable
l'a faite ou encourue conformément aux prati-
ques habituelles du commerce ou à des métho-
des commerciales reconnues. On ne peut douter
de cette conformité. Le paiement des taxes est
obligatoire.
Il faut ensuite examiner si la déduction des
taxes payées par l'appelante dans cette affaire
est interdite par l'article 12(1)a) ou est visée par
l'exception expressément définie par ce texte.
Le seul fait que le contribuable ait déboursé ou
dépensé une somme conformément aux usages
du commerce ne rend pas automatiquement
cette somme déductible aux fins de l'impôt sur
le revenu.
La restriction essentielle qu'impose l'article
12(1)a) est que cette somme doit avoir été
dépensée par le contribuable «en vue de gagner
ou de produire un revenu tiré de biens ou d'une
entreprise du contribuable».
Bien que les taxes sur le revenu ne consti
tuent pas une dépense encourue en vue de pro-
duire ce revenu, car elles visent le revenu une
fois gagné, il existe néanmoins certains types de
taxes dont le paiement permet de les déduire à
titre de dépenses encourues au cours de la pro
duction d'un revenu. Il est ceatain qu'un contri-
buable qui exploite une entreprise s'acquitte des
taxes municipales et scolaires sur les immeubles
qu'il possède à titre de contribuable, mais qu'il
s'acquitte aussi de ces taxes à titre de commer-
çant, parce que le paiement de ces taxes lui
permet d'exploiter son entreprise dans des
locaux constituant l'assiette de ces taxes et que,
si la taxe n'était pas payée, la municipalité pour-
rait exercer certains recours pour obtenir le
paiement de l'impôt, auquel cas le contribuable
serait empêché d'exploiter son entreprise dans
ces locaux.
Dans l'arrêt B.C. Electric Railway Co. Ltd. c.
M.R.N. [1958] R.C.S. 133, le juge Abbott a
déclaré à la page 137:
L'objectif essentiel présumé de toute entreprise commer-
ciale étant la recherche d'un profit, toute dépense consentie
«dans le but de gagner ou de produire un revenu» s'inscrit
dans le cadre de l'article 12(1)a), qu'il s'agisse d'une
dépense de revenu ou d'une dépense de capital.
Une fois établi qu'une certaine dépense a été
faite dans le but de gagner ou de produire un
revenu, il faut ensuite, pour préciser l'assujettis-
sement à l'impôt, déterminer si la somme
déboursée constitue une dépense encourue pour
obtenir un revenu ou une dépense de capital.
Au cours des plaidoiries, l'avocat du Ministre
n'a pas admis que dans la présente affaire le
paiement des taxes municipales et scolaires ait
été effectué dans le but de gagner ou de pro-
duire un revenu tiré de l'entreprise de l'appe-
lante. Si j'ai bien compris son refus, il s'ap-
puyait sur le raisonnement suivant: le paiement
des taxes concernant les terrains non occupés
ne devrait pas être considéré comme une
dépense procurant un revenu mais comme une
dépense de capital, puisque le paiement des
taxes visait l'utilisation éventuelle de ces ter
rains pour l'agrandissement des bâtiments.
J'estime qu'il y a une contradiction évidente
dans cet argument. Il me semble que, si l'on
accepte ce raisonnement suivant lequel le paie-
ment des taxes concernant la partie inoccupée,
soit 84%, du terrain constituerait une dépense
de capital à cause de son utilisation éventuelle
pour l'agrandissement des bâtiments, le même
raisonnement s'applique avec encore plus de
force aux taxes payées par l'appelante sur la
partie occupée, soit 16%, sur laquelle avaient
été construits les bâtiments. Ces taxes ont été
payées sur des biens de capital reconnus tels.
De plus, cet argument contredit les conclu
sions écrites. Au paragraphe 5c) de sa défense,
le Ministre soutient qu'il a permis la déduction
de 16% des taxes payées en présumant qu'il ne
s'agissait pas de sommes déboursées ou dépen-
sées dans le but de produire ou gagner un
revenu tiré de l'entreprise, tandis qu'au paragra-
phe 5d), il soutient qu'il a refusé la déduction de
84% des taxes payées, que réclamait l'appe-
lante, en présumant qu'il ne s'agissait pas de
sommes déboursées ou dépensées dans le but de
gagner ou de produire un revenu tiré de l'entre-
prise, mais plutôt de sommes versées par l'appe-
lante à compte de capital au sens de l'article
12(1)b) de la loi.
Lord Morris of Borth -Y-Gest a relevé dans
l'arrêt Regent Oil Co. Ltd. c. Strick [1966] A.C.
295, une différence entre un bien dont on tire
un revenu et les frais d'exploitation de ce bien.
Il est évident que dans la présente affaire, les
terrains sur lesquels les bâtiments avaient été
construits et ces bâtiments eux-mêmes consti
tuent des biens de capital et sont en tant que tels
des «biens dont on tire un revenu». Le paiement
de taxes municipales sur ces biens peut être
assimilé à des coûts d'entretien de ces biens et
constitue à ce titre, d'après moi, une dépense
engagée au cours de l'exploitation de ce bien et
dans le but de gagner ou de produire un revenu,
au sens de l'article 12(1)a).
Cependant, la situation n'est pas forcément la
même quant aux taxes payées sur 84% des
terrains, c'est-à-dire sur la partie vacante. Le
Ministre soutient que ces terrains vacants ne
peuvent constituer un bien dont on peut tirer un
revenu. D'un autre côté, l'appelante soutient
que l'achat d'un excédent de terrain, par rapport
à ses besoins immédiats était conforme à des
méthodes commerciales reconnues et qu'il s'a-
gissait là d'une mesure de prudence et de pré-
voyance visant à permettre une éventuelle
expansion, dont la possibilité était démontrée
par l'expérience de l'appelante et de sa
compagnie-mère.
Le caractère déductible ou non d'une dépense
ou d'un débours ne dépend pas de son efficacité
économique. Il s'agit plutôt de savoir si la
dépense a été faite au cours de l'exploitation
ordinaire d'une entreprise, dans le cadre des
mesures adoptées par le contribuable pour
exploiter rationnellement son entreprise.
J'estime qu'il s'agit là d'une question de fait et
c'est à l'appelante qu'il incombe d'établir ce fait.
Avant le procès, les parties se sont entendues
sur l'exposé des faits, de même que sur les
pièces qui y sont déclarées y être annexées. En
voici le texte:
[TRADUCTION] EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS
1. L'appelante a acheté de Dame Rose-Anna Crevier,
épouse de Jean-Baptiste Lacroix, en vertu d'un acte de
vente signé devant le notaire Eugène Poirier le 19 novembre
1952, un terrain pour la somme de $302,321.23.
2. Ce terrain est d'environ 2,232,500 pieds carrés, ce qui
équivaut à environ cinquante acres.
3. Le 22 mars 1954 ou vers cette date, l'appelante a vendu
pour un prix de $1 à la cité de St-Laurent une bande de terre
sur toute la longueur du côté ouest du terrain, pour permet-
tre la construction de la rue Deslauriers.
4. La perte comptable nette à la suite de cette transaction
s'élevait à $7,907.82, et a été comptabilisée par l'appelante
comme une perte de capital.
5. Le 1e' mars 1956, l'appelante a acheté 5 terrains et demi,
contigus au terrain décrit au paragraphe (1), pour un prix de
$13,362.80.
6. En septembre 1956, l'appelante a convenu de permettre à
la corporation métropolitaine d'utiliser une parcelle triangu-
laire formant l'extrémité sud du terrain pour certains servi
ces reliés à la construction de la Côte de Liesse.
7. En octobre 1956, la cité de St-Laurent a exproprié une
parcelle visée par une homologation à l'époque de l'achat du
terrain, pour utilisation comme autoroute.
8. L'indemnité de l'expropriation mentionnée au paragraphe
(7) s'élève à $37,572.92 et a été considérée comme un gain
de capital par l'appelante.
9. Le 28 avril 1958, l'appelante a acheté deux terrains de
faible dimension reliant la partie arrière de son usine à la rue
Gagnon, sur le côté est du terrain décrit au paragraphe (1),
pour une somme de $12,202.63.
10. Au cours de l'automne 1963, la cité de St-Laurent a
tenté d'exproprier deux parcelles du terrain décrit au para-
graphe (1), aux fins de la construction de deux rues.
11. L'appelante s'est opposée vigoureusement à ce projet
d'expropriation.
12. La pièce ASF 1 ci-jointe est une copie authentique
d'une lettre datée du 26 septembre 1963 envoyée par le
vice-président et directeur général de l'appelante à l'avocat
principal de l'appelante.
13. La pièce ASF 2 ci-jointe est une copie authentique
d'une demande de prolongation des délais, datée du 3 octo-
bre 1963, et comprend aussi l'affidavit et l'avis signifié à la
cité de St-Laurent à l'appui de cette demande à l'occasion de
la contestation du projet d'expropriation mentionné au
paragraphe 10 des présentes.
14. La pièce ASF 3 ci-jointe est une copie authentique
d'une lettre datée du 25 octobre 1963 envoyée sous pli
recommandé à la cité de St-Laurent par l'appelante concer-
nant le projet d'expropriation.
15. I1 est résulté de l'opposition de l'appelante au projet
d'expropriation un compromis suivant lequel un seul des
deux projets d'expropriation a été réalisé, celui visant la
parcelle du terrain décrit au paragraphe (1) la plus éloignée
de l'emplacement des laboratoires de l'appelante.
16. La pièce ASF 4 ci-jointe est une copie authentique
d'une analyse descriptive des ventes nettes de l'appelante
pour les années 1949 à 1971.
17. La pièce ASF 5 ci-jointe est une copie authentique d'un
relevé des taxes levées à l'égard du terrain décrit au paragra-
phe (1) pour les années 1954 à 1971.
18. L'appelante a vendu un total de 1,280,116 pieds carrés
du terrain décrit au paragraphe (1), répartis comme suit:
a) 425,261 pieds carrés par acte de vente daté du 18 août
1970 à la Black and White Holdings Ltd.;
b) 233,045 pieds carrés par acte de vente daté du 17 août
1971 à la Black and White Holdings Ltd.; et
c) 621,810 pieds carrés par acte de vente daté du 15
septembre 1971 à la Black and White Holdings Ltd.
19. L'appelante possède toujours 716,670 pieds carrés du
terrain décrit au paragraphe (1), de même que les autres
terrains de faibles dimensions qu'elle a acquis par la suite
dans les circonstances décrites aux paragraphes (5) et (9).
20. L'appelante a déduit toutes les taxes municipales et
scolaires dont elle s'est acquitté aux fins du calcul de son
revenu.
Ces faits ont été précisés par les dépositions.
La vente, décrite au paragraphe 3, d'une
petite parcelle du terrain devait permettre à la
municipalité de construire une rue le long du
terrain. Ceci n'a pas nui à la valeur de l'ensem-
ble du fonds, compte tenu des intentions de
l'appelante; au contraire, celle-ci y trouvait
plutôt son avantage.
Les mêmes arguments s'appliquent à l'utilisa-
tion de la parcelle de terrain mentionnée au
paragraphe 6 et au terrain exproprié dans les
circonstances décrites au paragraphe 7.
L'achat de 5 lots urbains mentionné au para-
graphe 5 et des deux lots mentionnés au para-
graphe 9 avait pour but, d'abord d'arrondir ou
de compléter le fonds de l'appelante et ensuite
de permettre l'accès à une rue par l'arrière des
installations.
Ces ventes et ces achats sont compatibles
avec le but avoué de l'appelante, qui était d'utili-
ser toute la superficie pour son entreprise, bien
qu'elle ne l'ait pas entièrement utilisée dès le
départ.
L'opposition de l'appelante à l'expropriation
de certaines parties de ses terrains par la muni-
cipalité pour la construction de rues confirme
son intention d'utiliser tous ces terrains pour la
construction de laboratoires devant servir à son
entreprise. Les rues projetées auraient frac-
tionné ces terrains en trois parties. La construc
tion de ces rues aurait augmenté la valeur des
terrains dans la perspective d'une vente, mais
les aurait rendus impropres à l'utilisation envisa
gée par l'appelante. Le compromis auquel sont
finalement arrivées l'appelante et la municipalité
a permis d'éviter la construction d'une rue qui
aurait coupé le terrain en deux; quant à la rue
dont la construction a été acceptée par l'appe-
lante, elle devait être aménagée à l'arrière de la
propriété, ne mordait que légèrement sur celle-ci
et permettait à l'appelante de conserver une
bonne partie de ses terrains pour son expansion.
L'appelante, un des fabricants de produits
pharmaceutiques les plus importants du Canada,
est la filiale en propriété exclusive de la E. R.
Squibb Inc., compagnie constituée en vertu des
lois de l'un des États des États-Unis d'Amérique
qui exploite une entreprise mondiale de produits
pharmaceutiques, par des filiales dans 40 pays
et par des détenteurs de licences dans 60 pays.
Depuis 1925, année de sa constitution, les
ventes de l'appelante ont augmenté pour attein-
dre $1,453,000 en 1950. En même temps, les
ventes de la compagnie-mère s'élevaient à $84,-
000,000. A la même époque, la compagnie-mère
a pris la décision de développer ses activités à
l'étranger.
En 1952, l'appelante occupait des locaux
loués, exigus et insuffisants.
A cette époque, la compagnie-mère a fusionné
avec la Mathieson Chemical Co.; les deux par
ties à la fusion ayant chacune un chiffre d'af-
faire annuel de $125,000,000, le chiffre d'af-
faire annuel de l'ensemble s'élevait à
$250,000,000.
En 1952, les ventes de l'appelante ont pro
gressé jusqu'à $2,188,000.
La même année, la compagnie-mère a auto-
risé l'appelante à développer ses activités en y
ajoutant la fabrication de certains produits,
notamment des injections, qu'elle importait
auparavant.
Au cours de cette même année, le terrain en
question a été acheté par l'appelante pour servir
à ces nouvelles activités.
La construction de ses installations sur le
terrain s'est terminée en 1954; la superficie utile
était deux fois et demie plus grande que celle
des locaux loués et on avait installé des unités
de production plus modernes.
Toujours en 1954, la compagnie-mère, après
avoir fusionné avec la Mathieson Chemical Co.,
a fusionné à nouveau, cette fois avec la Olin
Industries. Le chiffre d'affaire annuel des com-
pagnies ainsi réunies était de $500,000,000.
Le nouveau groupe (la Olin Industries avait
une production extrêmement variée, qui ne se
limitait pas aux seuls produits pharmaceutiques
et chimiques) envisageait pour tous ses produits
une entrée en force sur les marchés internatio-
naux, en utilisant l'organisation déjà mise en
place par la Squibb à l'échelle internationale
pour la commercialisation de ses produits
pharmaceutiques.
Pendant plusieurs années, le secteur pharma-
ceutique de l'entreprise est restée au même
niveau, parce que les compagnies réunies ont
concentré les dépenses de capitaux sur une
entreprise d'aluminium qui a absorbé le capital
qu'on aurait pu affecter à l'expansion du secteur
pharmaceutique. Toutefois, même au cours de
cette phase de stabilisation, on a envisagé très
sérieusement la construction de très importants
laboratoires de fabrication d'antibiotiques sur le
terrain de la filiale canadienne. Cette usine a été
finalement construite en République d'Irlande, à
cause des nombreux avantages consentis par le
gouvernement de ce pays pour amener l'implan-
tation de ces laboratoires dans une région défa-
vorisée; ces avantages étaient tels qu'il n'aurait
pas été rentable de la localiser ailleurs. Cette
usine occupe 20 acres.
En 1968, les activités du secteur pharmaceuti-
que, confiées à l'organisation de la Squibb, ont
«redémarré». Ceci a mis fin au drainage des
capitaux vers le secteur de l'aluminium et pro-
voqué une augmentation importante des ventes
de produits pharmaceutiques, qui a entraîné à
son tour d'ambitieux projets d'expansion.
Il n'est pas réaliste d'examiner l'appelante
isolément. Elle fait partie d'une organisation
bien plus grande. Ses actions étaient la propriété
exclusive d'une compagnie-mère et les objectifs
de l'organisation globale s'imposaient à l'appe-
lante. En pratique, il est clair qu'il faut tenir
compte des objectifs et des intentions de la
compagnie-mère pour déterminer les objectifs et
les intentions de l'appelante. En fait, ils
coïncidaient.
L'organisation de la compagnie-mère compre-
nait un comité d'affectation des capitaux, qui
avait pour fonction de décider de l'acquisition et
de la vente des immobilisations par les filiales à
travers le monde. Ce comité tenait évidemment
compte des recommandations des dirigeants
locaux, mais du fait de sa connaissance des
objectifs généraux de l'organisation, distincts
des intérêts locaux, ses décisions avaient un
caractère définitif. Si la recommandation d'un
dirigeant local d'acheter une propriété était
acceptable et conforme à la politique d'expan-
sion, que le comité connaissait parfaitement, on
envoyait un expert technique visiter le site du
projet pour juger de sa valeur. Le comité d'af-
fectation des capitaux travaillait en étroite colla
boration avec un comité d'expansion des com-
pagnies, un comité technique et aussi les
comités de comptabilité et de planification.
Il arrivait souvent que l'organisation-mère
envisage l'expansion d'une filiale par la mise au
point de produits nouveaux ou qu'elle fasse
d'autres projets à long terme dont les dirigeants
de la filiale n'avaient aucune connaissance.
C'est la compagnie-mère qui imposait ses objec-
tifs aux filiales, y compris l'appelante, et la
compagnie-mère demandait souvent à ses filia-
les d'orienter leur expansion dans un sens qu'el-
les n'avaient jamais envisagé.
L'organisation-mère avait pleine confiance
dans ses possibilités d'expansion et dans celles
de ses filiales. On a rapporté de nombreux cas
où l'on a acheté de vastes propriétés, très supé-
rieures aux besoins immédiats, mais qui ont été
par la suite complètement occupées, se sont
même révélées insuffisantes, à tel point qu'il a
fallu acquérir d'autres terrains.
Le comité d'affectation de capitaux avait
approuvé l'achat par l'appelante du terrain de
cinquante acres, pour servir à l'expansion des
installations, dont on avait déjà élaboré un
projet.
C'est le comité d'affectation des capitaux qui
s'est opposé au projet d'expropriation d'une
partie du terrain de l'appelante, en 1963, pour la
construction de rues.
En 1966, le programme d'expansion prévu
par l'organisation pour le Canada ne permettait
pas de vendre les terrains que possédait l'appe-
lante. La direction locale de l'appelante a reçu
des offres très intéressantes pour les terrains
qu'elle n'utilisait pas. Ces offres ont été transmi-
ses au comité d'affectation des capitaux avec
une recommandation favorable. On a fait savoir
à l'appelante de ranger tout projet de vente «sur
les tablettes».
Ces témoignages m'amènent inévitablement à
la conclusion que l'appelante a acheté le site de
50 acres avec l'intention d'occuper complète-
ment ce site au fur et à mesure de son expan
sion, qu'elle a conservé la partie du terrain qui
n'avait pas été bâtie en 1959 afin de pouvoir
agrandir ses installations et, de plus, qu'il était
réaliste de penser que ces terrains inoccupés
pourraient être utilisés pour ces agrandisse-
ments.
En 1970 et 1971, le comité d'affectation des
capitaux a autorisé l'appelante à vendre 1,200,-
000 pieds carrés de terrain non occupé, tout en
conservant environ 700,000 pieds carrés pour
utilisation présente et future. Les bâtiments
occupaient environ 400,000 pieds carrés, de
sorte que l'on conservait 300,000 pieds carrés
pour usage ultérieur.
La décision de vendre I ,200,000 pieds carrés
s'appuyait sur deux excellentes raisons. Le site,
bien que rural à l'origine et situé dans une zone
peu peuplée, se trouvait maintenant entouré par
la ville. Des règlements empêchaient désormais
qu'oit l'utilise pour un laboratoire de fermenta
tion ou pour les autres types d'installation que
l'on envisageait. Tel était le premier motif de la
vente. L'urbanisation de ce secteur, autrefois
rural, a amené une augmentation astronomique
des taxes municipales. En 1954, les taxes muni-
cipales et scolaires s'élevaient à $242. En 1966,
elles s'élevaient à $24,112, ce qui fait une aug
mentation d'environ 13,600%. En 1968, les
taxes municipales et scolaires sur ces propriétés
s'élevaient à $89,629, soit une augmentation de
plus de 250% sur le chiffre de 1966. En 1970,
les taxes s'élevaient à $105,000. Vu l'augmenta-
tion inquiétante des taxes municipales, il n'était
plus rentable de conserver des terrains dans ce
secteur en vue d'une éventuelle expansion. Tel
était le second motif de la vente.
A la lumière de ces faits, j'estime que l'appe-
lante s'est acquittée de la responsabilité de
démontrer que les terrains vacants ont été con-
servés dans l'attente raisonnable d'une expan
sion qui permettrait de les utiliser. Ceci étant, il
en résulte que le paiement des taxes municipales
et scolaires constitue une dépense à compte de
revenus et donc engagée dans le but de gagner
ou de produire un revenu au sens de l'article
12(1)a).
Les appels sont donc accueillis, avec dépens à
la charge de l'intimé.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.