Le ministre du Revenu national (Appelant)
c.
Gustavson Drilling (1964) Ltd. (Intimée)
Division de première instance. Le juge Cat-
tanach—Ottawa, le 7 janvier et le 15 février
1972.
Impôt sur le revenu—Abrogation d'un statut, effet sur des
droits acquis—Compagnie de production de pétrole—Déduc-
tibilité des dépenses d'exploration du revenu futur—Est-ce
un droit acquis—Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, c. I-23,
art. 35c)—Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148,
art. 83A(8a).
A la fin de 1960, la compagnie intimée avait dépensé en
frais d'exploration près de deux millions de dollars en sus
de son revenu de production. En 1960, elle a vendu son
actif à sa compagnie-mère pour se libérer d'une dette puis a
cessé ses opérations jusqu'en 1964 alors qu'une autre com-
pagnie en a pris le contrôle. L'intimée a cherché à déduire,
dans le calcul de son revenu pour 1965 et les années
suivantes, une partie des dépenses d'exploration engagées
avant la fin de 1960. Le Ministre a rejeté la déduction.
En vertu de l'article 83A(1) et (3) de la Loi de l'impôt sur
le revenu, les dépenses d'exploration engagées par une com-
pagnie pétrolière du type de l'intimée sont déductibles dans
le calcul de son revenu de production des années suivantes.
Toutefois, l'article 83A(8a) prévoit que, lorsque l'actif d'une
telle compagnie pétrolière est acquis par une autre, cette
dernière obtient également le droit de déduire les dépenses
d'exploration, à condition (avant 1962) que cette acquisition
réponde aux conditions énoncées aux alinéas c) et d) de
l'article 83A(8a). Ces alinéas ont été abrogés en 1962. L'ac-
quisition de l'actif de l'intimée par sa compagnie-mère en
1960 ne répondait pas à ces conditions. L'article 35c) de la
Loi d'interprétation précise que l'abrogation d'un texte
législatif n'a pas d'effet sur «quelque droit, privilège ... nés
ou naissants ou encourus» sous le régime du texte législatif
abrogé.
Arrêt: l'intimée n'a pas droit à la déduction réclamée.
En vertu de l'article 83A(8a), tel qu'il existait avant l'abro-
gation des alinéas c) et d) en 1962, l'intimée n'avait pas de
droit ou privilège né ou naissant, au sens de l'article 35c) de
la Loi d'interprétation, lui permettant de déduire ses
dépenses d'exploration non déduites. Arrêts suivis: Abbott
c. Minister of Lands [1895] A.C. 425; Western Leaseholds
Ltd. c. M.R.N. [1961] C.T.C. 490.
APPEL de la décision de la Commission d'ap-
pel de l'impôt.
L. P. Chambers pour l'appelant.
J. G. McDonald, c.r. et David C. Nathanson
pour l'intimée.
LE JUGE CATTANACH — Le Ministre interjette,
par les présentes, appel d'une décision de la
Commission d'appel de l'impôt rendue le 29
octobre 1970 qui avait accueilli l'appel interjeté
des nouvelles cotisations établies à l'égard des
impôt, intérêt et pénalités de l'intimée pour ses
années d'imposition 1965, 1966, 1967 et 1968.
Les parties se sont entendues pour exposer
dans un mémoire spécial les questions en appel
que la Cour doit trancher conformément à la
Règle 475.
Voici le mémoire spécial sur lequel les parties
se sont mises d'accord et qui a été présenté à
l'instruction sur ordonnance du juge en chef
adjoint:
[TRADUCTION] 1. A chacun des moments pertinents, l'in-
timée était une corporation
(i) qui avait été constituée conformément aux Lois du
Canada, le 26 mai 1949,
(ii) dont le nom était «Sharples Oil (Canada) Ltd.», jus-
qu'au 6 octobre 1964, et
(iii) dont les principales opérations étaient la production,
le raffinage ou la mise en vente du pétrole, des produits
pétroliers ou du gaz naturel, l'exploration ou le forage en
vue de découvrir du pétrole ou du gaz naturel, au sens des
dispositions de l'article 83A de la Loi de l'impôt sur le
revenu.
2. Avant l'année d'imposition 1964, l'intimée était une
filiale exclusive de la Sharples Oil Corporation, corporation
constituée conformément aux Lois des États-Unis d'Amé-
rique ou de l'un d'eux.
3. A chacun des moments pertinents, la Sharples Oil
Corporation s'occupait principalement de la production, du
raffinage ou de la mise en vente du pétrole, des produits
pétroliers ou du gaz naturel, de l'exploration ou du forage
en vue de découvrir du pétrole ou du gaz naturel, au sens
des dispositions de l'article 83A de la Loi de l'impôt sur le
revenu.
4. Du 26 mai 1949 au 30 novembre 1960, l'intimée a
engagé des dépenses de forage et d'exploration, au sens des
dispositions de l'article 83A de la Loi de l'impôt sur le
revenu, d'un montant de $2,042,407.68 supérieur au revenu
que lui a procuré la production de pétrole et de gaz naturel
au cours de la même période; toutefois, en vertu d'un
accord passé entre l'appelant et l'intimée, ce montant a été
ramené à la somme de $1,987,547.19, comme l'énonce une
lettre du 28 octobre 1965 adressée à l'intimée par le bureau
du ministère du Revenu national, division de l'impôt, district
de Calgary, que voici:
MINISTÈRE DU REVENU NATIONAL, division de
l'impôt Le 28 octobre 1965.
Calgary Public Building
205 -8th Avenue S.E.
CALGARY, Alberta
Gustavson Drilling (1964) Ltd.
1660 Elveden House
Calgary, Alberta
J. A. Berthelsen
A l'attention de M. R. L. Timmins
Messieurs,
Comme nous en avons discuté au cours de notre conversa
tion téléphonique du 26 octobre 1965, les détails qui suivent
représentent les corrections apportées aux dépenses d'ex-
ploration et de mise en valeur que pouvait reporter la
Gustavson Drilling (1964) Ltd. le 31 décembre 1964:
Modifications accroissant le revenu de 1964:
Masses-tiges non utilisées à la fin de l'année 7,590.00
Coût des réparations aux appareils de forage
qu'il y a lieu de porter au compte de la
Gustavson Drilling (1962) Ltd. ........ .. 3,422.88
$11,012.88
La compagnie a accepté ces changements par lettre adres-
sée le 23 juillet 1965 à ce bureau.
Modifications réduisant le solde des frais
d'exploration et de mise en valeur reportées
au 31 décembre 1964:
Erreurs de report en 1958 et 1960 .. 32,180.32
Allocations du coût en capital réclamées
en excédent du revenu des années 1949
à 1954 14,528.03
Honoraires d'avocat non admis 3,287.32
Frais de location et redevances non admises 1,823.92
$51,819.59
Les rajustements ci-dessus ont ramené à la somme de
$1,987,547.19 le solde des frais d'exploration et de mise en
valeur qui pouvaient, le 31 décembre 1964, être reportés en
vertu de l'article 83A.
Bien à vous,
Pour le directeur de l'impôt, E. Sharp
JAB/ep
La différence entre les sommes de $2,042,407.68 et de
$1,987,547.19 représente le montant des dépenses de
forage et d'exploration que le Ministre avait d'abord accor-
dées relativement à l'année d'imposition 1964 mais qu'il a
rejetées par la suite. L'intimée a accepté, et reconnaît
aujourd'hui comme montant exact la somme de $1,987,-
547.19 et, si on l'autorise à faire les déductions correspon-
dantes dans le calcul de son revenu, pour les années d'impo-
sition 1965, 1966, 1967, 1968 et suivantes, le montant total
de ces déductions, pour l'ensemble de ces années, s'élèvera
à $1,987,547.19.
5. Le 30 novembre 1960 ou vers cette date, la Sharples
Oil Corporation a acquis de l'intimée, en contrepartie de
l'annulation d'une dette, presque tous les biens qu'utilisait
l'intimée dans l'exploitation de son entreprise au Canada et
que décrit le paragraphe 1 (iii) des présentes.
6. A la suite dudit transfert de propriété, l'intimée a
interrompu ses opérations et est restée inactive au moins
jusqu'au 18 juin 1964.
7. Par accord signé le 18 juin 1964, la Mikas Oil Co. Ltd.
a acheté, aux actionnaires de la Sharples Oil Corporation,
leurs héritiers, exécuteurs testamentaires, administrateurs,
successeurs et ayants-droits respectifs, l'ensemble des
actions du capital social en circulation que l'intimée avait
émises et que ces derniers avaient acquis, le 2 mars 1964 ou
vers cette date, au cours des- procédures de liquidation de la
Sharples Oil Corporation, commencées le 25 mars 1963 et
terminées le 25 mars 1964. Une copie certifiée conforme du
contrat signé, ci-dessus mentionné, datée du 18 juin 1964
est annexée aux présentes sous la cote «1».
8. Le 6 octobre 1964, ou vers cette date, l'intimée a
adopté le nom de Gustavson Drilling (1964) Ltd. et a, par la
suite, repris les activités décrites au paragraphe 1 (iii) des
présentes, avec des biens nouvellement acquis dont aucun
n'avait été possédé ni utilisé par l'intimée avant le 18 juin
1964.
9. Le 25 mars 1969, l'appelant a de nouveau cotisé
l'intimée pour ses années d'imposition 1965, 1966, 1967 et
1968, refusant de déduire, dans le calcul du revenu de
l'intimée de ces années-là, tout montant inclus dans ladite
somme de $1,987,547.19 à titre de dépenses de forage et
d'exploration. En particulier, l'appelant a refusé de déduire
dans le calcul du revenu de l'intimée, pour ses années
d'imposition 1965, 1966, 1967 et 1968, les sommes de
$119,290.49, $447,369.99, $888,084.10 et $31,179.00 que
l'intimée réclamait comme faisant partie dudit montant de
$1,987,547.19, tout en accordant la déduction des sommes
de $41,770.21, de $1,778.00, de $2,581.46 et $49,127.00,
respectivement à titre de dépenses de forage et d'explora-
tion engagées par l'intimée pendant ses années d'imposition
1965, 1966, 1967 et 1968 mais ne faisant pas partie dudit
montant de $1,987,547.19.
10. En cotisant ainsi à nouveau l'intimée pour ses années
d'imposition 1965, 1966, 1967 et 1968, l'appelant a autori-
sé, conformément à la requête de l'intimée, la déduction,
dans le calcul du revenu de l'intimée pour ces années-là, des
sommes de $21,884.56, $105,372.86, $192,828.72 et $215,-
919.17 respectivement à titre d'allocations de coût en
capital.
11. L'appelant et l'intimée ont reconnu les faits précités.
12. La question soumise à la Cour est celle de savoir si le
paragraphe (8a) de l'article 83A de la Loi de l'impôt sur le
revenu tel que modifié par l'abrogation des alinéas c) et d)
dudit article par les statuts du Canada, 1962-63, c. 8, article
19, paragraphes (11) et (15), interdit à l'intimée de déduire,
dans le calcul de son revenu pour les années d'imposition
1965, 1966, 1967 et 1968 les sommes représentant les
dépenses de forage et d'exploration mentionnées au para-
graphe 4 des présentes que, n'eût été l'abrogation, l'intimée
aurait pu déduire en vertu des paragraphes (1) et (3) de
l'article 83A de la Loi.
13. L'appelant et l'intimée conviennent que:
(1) si la Cour répond affirmativement, alors
(i) l'appel sera accueilli avec dépens en faveur de l'appe-
lant et les cotisations du 25 mars 1969, relatives aux
années d'imposition 1965, 1966, 1967 et 1968, seront
rétablies, et
(ii) l'appel incident interjeté par l'intimée au paragraphe 9
de sa réponse à l'avis d'appel de l'appelant, sera rejeté
sans dépens pour aucune des parties,
et
(2) si la Cour répond négativement, alors
(i) l'appel sera rejeté avec dépens en faveur de l'intimée,
et
a) l'appelant autorisera, dans le calcul du revenu de
l'intimée pour les années d'imposition 1965, 1966 et
1967 la déduction de chacune des sommes de $119,-
290.49, $447,369.99 et $888,084.10, à titre de dépen-
ses de forage et d'exploration engagées par l'intimée
avant le 30 novembre 1960,
b) l'appelant devra, dans le calcul du revenu de l'inti-
mée pour l'année d'imposition 1968, réduire, de
$49,127 à $31,179, le montant de la déduction deman-
dée à titre de dépenses de forage et d'exploration.
et
(ii) l'appel incident interjeté par l'intimée au paragraphe 9
de sa réponse à l'avis d'appel de l'appelant sera accueilli,
sans dépens pour aucune des parties, et lesdites cotisa-
tions concernant respectivement les années d'imposition
1965, 1966, 1967 et 1968 seront renvoyées à l'appelant
pour nouvel examen et nouvelle cotisation pour tenir
compte du fait que
a) dans le calcul du revenu de l'intimée, pour les années
d'imposition 1965, 1966 et 1967, les déductions à titre
d'allocations de coût en capital, décrites à l'annexe sur
les allocations de coût en capital ci-jointe sous la cote
«2», seront respectivement réduites de $21,884.56,
$105,372.86 et $192,828.72, et
b) dans le calcul du revenu de l'intimée pour l'année
d'imposition 1968, la déduction à titre d'allocations de
coût en capital, décrite à l'annexe sur les allocations de
coût en capital ci-jointe, sous la cote «2», passera de
$215,919.17 $325,883.00.
La question à trancher est celle exprimée au
paragraphe 12. En résumé, il s'agit de détermi-
ner les conséquences de l'abrogation des alinéas
c) et d) du paragraphe (8a) de l'article 83A de la
Loi de l'impôt sur le revenu, en vigueur à comp-
ter de l'année d'imposition 1962, sur la portée
de l'application du paragraphe (8a) à la déducti-
bilité des dépenses de forage et d'exploration
engagées avant l'année d'imposition 1962 et que
l'intimée cherche à déduire dans le calcul de son
revenu pour ses années d'imposition 1965,
1966, 1967 et 1968.
L'article 83A est manifestement un stimulant
législatif qui encourage la recherche du pétrole
et du gaz naturel au Canada, en autorisant la
déduction, dans le calcul du revenu, de dépen-
ses engagées pour le forage et l'exploration du
pétrole ou du gaz naturel, dans des circonstan-
ces et des limites bien définies et qui ne seraient
pas normalement déductibles à titre de dépen-
ses de capital, au sens de l'article 12(1)b) de la
Loi de l'impôt sur le revenu.
Voici les paragraphes (1) et (3) de l'article
83A de la Loi:
83A. (1) Une corporation s'occupant principalement de
produire, raffiner ou mettre en vente du pétrole, des pro-
duits de pétrole ou du gaz naturel, ou de faire des explora
tions ou forages pour la découverte du pétrole ou du gaz
naturel, peut déduire, dans le calcul de son revenu, aux fins
de la présente Partie, pour une année d'imposition, le moin-
dre de
a) l'ensemble des dépenses de forage et d'exploration, y
compris tous frais d'études géologiques et géophysiques
générales, par elle faites pour ou concernant l'exploration
ou le forage en vue de la découverte du pétrole ou du gaz
naturel au Canada, qui ont été faites au cours des années
civiles 1949 à 1952, en tant qu'elles n'étaient pas déducti-
bles dans le calcul du revenu pour une année d'imposition
antérieure, ou
b) de cet ensemble, un montant égal à son revenu pour
l'année d'imposition
(i) si aucune déduction n'était permise aux termes de
l'alinéa b) du paragraphe (1) de l'article 11, et
(ii) si aucune déduction n'était permise aux termes du
présent article,
moins les déductions allouées pour l'année par les para-
graphes (8a) et (8d) du présent article et par l'article 28.
(3) Une corporation dont l'entreprise principale est
a) la production, le raffinage ou la mise en vente du
pétrole ou des produits du pétrole, ou du gaz naturel, ou
l'exploration ou le forage en vue de découvrir du pétrole
ou du gaz naturel, ou
b) l'exploitation minière ou l'exploration pour la décou-
verte de minéraux,
peut déduire, dans le calcul de son revenu aux fins de la
présente Partie, pour une année d'imposition, le moindre de
c) l'ensemble
(i) des dépenses de forage et d'exploration, y compris
tous frais d'études géologiques et géophysiques généra-
les, par elle faites pour ou concernant l'exploration ou
le forage en vue de la découverte du pétrole ou du gaz
naturel au Canada, et
(ii) des dépenses de prospection, d'exploration et de
mise en valeur, par elle faites dans la recherche de
minéraux au Canada,
qui ont été faites après l'année civile 1952 et avant le 11
avril 1962, en tant qu'elles n'étaient pas déductibles dans
le calcul du revenu pour une année d'imposition anté-
rieure, ou
d) dudit ensemble, un montant égal à son revenu pour
l'année d'imposition
(i) si aucune déduction n'était permise aux termes de
l'alinéa b) du paragraphe (1) de l'article 11, et
(ii) si aucune déduction n'était permise aux termes du
présent article,
moins les déductions allouées pour l'année par les para-
graphes (1), (2), (8a) et (8d) du présent article et par
l'article 28.
L'intimée a été constituée en corporation en
1949 sous le nom de Sharples Oil (Canada) Ltd.
et était une filiale exclusive de la Sharples Oil
Corporation constituée en corporation confor-
mément aux lois de l'un des états des États-
Unis d'Amérique. Grâce aux avances que lui a
accordées la maison-mère, l'intimée a engagé
des dépenses de forage et d'exploration, au sens
de l'article 83A.
Les paragraphes (1) et (3) de l'article 83A ont
pour effet de permettre de déduire les dépenses
de forage et d'exploration pendant les années
d'imposition suivantes, en fonction du revenu
gagné au cours de ces années d'imposition sui-
vantes et sous réserve des limites prescrites.
Les dépenses non déduites sont, pour employer
une expression familière, mises en réserve, pour
être défalquées ultérieurement.
Les parties reconnaissent qu'entre 1949 et le
30 novembre 1960, l'intimée a fait des dépenses
non déduites de forage et d'exploration, pour un
montant de $1,987,547.19.
En 1960, l'intimée était lourdement endettée
envers la compagnie-mère dont la principale
activité était aussi la production, le raffinage et
la mise en vente du gaz naturel. L'intimée a
cessé ses activités et s'est débarrassée de pres-
que tout son actif en le vendant, le 30 novembre
1960, la compagnie-mère, en contrepartie de
l'annulation de sa dette envers elle. L'intimée
est par la suite restée inactive pendant une
certaine période.
A l'époque du transfert de l'actif de l'intimée
à la compagnie-mère, en 1960, l'article 83A(8a)
était rédigé comme suit:
83n. (8a) Nonobstant le paragraphe (8), lorsqu'une cor
poration (ci-après appelée, au présent paragraphe, la «cor-
poration remplaçante») dont l'entreprise principale consiste
dans
a) la production, le raffinage ou la mise en vente du
pétrole, des produits du pétrole, ou du gaz naturel, ou
l'exploration ou le forage en vue de découvrir du pétrole
ou du gaz naturel, ou
b) l'exploitation minière ou l'exploration pour la décou-
verte de minéraux,
a, en tout temps après 1954, acquis d'une corporation
(ci-après appelée, au présent paragraphe, la «corporation
remplacée») dont l'entreprise principale était la production,
le raffinage, ou la mise en vente du pétrole, des produits du
pétrole, ou du gaz naturel, l'exploration ou le forage en vue
de découvrir du pétrole ou du gaz naturel ou l'exploitation
minière ou l'exploration pour la découverte de minéraux,
tous les biens ou sensiblement tous les biens de la corpora
tion remplacée, utilisés par elle dans l'exercice de ladite
entreprise au Canada,
c) en vertu de l'achat desdits biens par la corporation
remplaçante moyennant des actions du capital social de la
corporation remplaçante, ou
d) par suite de la distribution desdits biens à la corpora
tion remplaçante lors de la liquidation de la corporation
remplacée, postérieurement à l'achat de toutes les actions
ou sensiblement toutes les actions du capital social de la
corporation remplacée, par la corporation remplaçante,
moyennant des actions du capital social de la corporation
remplaçante,
cette dernière peut déduire, dans le calcul de son revenu
selon la présente Partie pour une année d'imposition, le
moindre
e) de l'ensemble
(i) des dépenses de forage et d'exploitation, y compris
tous frais d'études géologiques et géophysiques généra-
les faites par la corporation remplacée pour ou concer-
nant l'exploration ou le forage en vue de la découverte
du pétrole ou du gaz naturel au Canada, et
(ii) des dépenses de prospection, d'exploration et de
mise en valeur faites par la corporation remplacée dans
la recherche de minéraux au Canada,
dans la mesure où lesdites dépenses
(iii) n'étaient pas déductibles par la corporation rempla-
çante dans le calcul de son revenu pour une année
d'imposition antérieure, et n'étaient pas déductibles par
la corporation remplacée dans le calcul de son revenu
pour l'année d'imposition où les biens ainsi acquis l'ont
été par la corporation remplaçante ou de son revenu
pour une année d'imposition antérieure, et,
(iv) en l'absence des dispositions de l'alinéa b) du
paragraphe (1), de l'alinéa b) du paragraphe (2), de
l'alinéa d) du paragraphe (3) et de l'alinéa cl) du paragra-
phe (8) ou de l'un quelconque desdits alinéas du présent
paragraphe, auraient été déductibles par la corporation
remplacée dans le calcul de son revenu pour l'année
d'imposition où les biens ainsi acquis l'ont été par la
corporation remplaçante, ou
D dudit ensemble, un montant égal à cette partie de son
revenu pour l'année
(i) si aucune déduction n'était permise aux termes de
l'alinéa b) du paragraphe (1) de l'article 11, et
(ii) si aucune déduction n'était permise aux termes du
présent article,
(moins toute déduction allouée pour l'année par l'article
28), qu'on peut raisonnablement considérer comme attri-
buable à la production de pétrole ou de gaz naturel
provenant de puits, ou à la production de minéraux prove-
nant de mines, situés sur un bienfonds d'où la corporation
remplacée avait, immédiatement avant l'acquisition par la
corporation remplaçante des biens ainsi acquis, le droit de
prendre ou transporter du pétrole ou du gaz naturel, ou le
droit de prendre ou transporter des minéraux;
et, à l'égard de toutes semblables dépenses comprises dans
l'ensemble déterminé selon l'alinéa e), aucune déduction ne
peut être faite aux termes du présent article par la corpora
tion remplacée dans le calcul de son revenu pour une année
d'imposition subséquente à son année d'imposition où les
biens ainsi acquis l'ont été par la corporation remplaçante.
Le paragraphe (8a) a été adopté en 1956 et
s'applique aux transactions qu'il énumère et qui
ont été conclues après 1954.
Le transfert de l'actif de l'intimée à la compa-
gnie-mère n'était pas la contrepartie des actions
du capital social de la compagnie-mère aux
termes de l'article 83A(8a)c) précité, ni ne résul-
tait de la liquidation de l'intimée, aux termes du
paragraphe 83A(8a)d) précité.
Il est clair que la compagnie-mère n'avait pas
à ce moment-là, le droit de déduire les dépenses
d'exploration et de forage, faites par l'intimée
car l'actif n'avait pas été acquis conformément
à l'article 83A(8a)c) et d). Il est également clair
qu'en vertu de la législation de l'époque, ce
droit appartenait à l'intimée.
Le 18 juin 1964, la Mikas Oil Co. Ltd. a
acheté, des actionnaires de la compagnie, toutes
les actions en circulation que l'intimée avait
émises.
Avec l'argent que lui avait ainsi remis la
Mikas Oil Co. Ltd., l'intimée a pu reprendre ses
activités de forage et d'exploration.
Le 6 octobre 1965, l'intimée a changé de nom
et a remplacé celui de Sharples Oil (Canada)
Ltd. par celui de Gustavson Drilling (1964)
Ltd., nom qui apparaît dans l'intitulé de la pré-
sente cause.
L'intimée a fait d'autres dépenses de forage
et d'exploration, postérieurement au 18 juin
1964, dont elle a réclamé la déduction pour ses
années d'imposition suivantes, en vertu de l'ar-
ticle 83A(1) et (3) que le Ministre a autorisée.
Cependant l'intimée a également cherché à
reporter et à déduire respectivement pour les
années d'imposition 1965, 1966, 1967 et 1968
les sommes de $119,290.49, $447,369.99,
$888,084.10 et $109,963.83 comme faisant
partie de la somme de $1,987,547.19 de dépen-
ses différées de mise en valeur faites avant
1960. Le Ministre a rejeté la déduction des
sommes précédentes, pour les années d'imposi-
tion mentionnées, et a cotisé à nouveau l'inti-
mée en conséquence. Le problème porte, par
conséquent, sur la déductibilité de ces sommes
pour les années en question. Le fait que les
actions de l'intimée aient changé de propriétaire
n'a pas modifié le problème.
Le chapitre 8 des Statuts du Canada 1962-
1963, a abrogé, par son article 19, paragraphe
(11), les alinéas c) et d) du paragraphe (8a) de
l'article 83A de la Loi de l'impôt sur le revenu et
a déclaré, au paragraphe (15), l'abrogation en
vigueur à compter de l'année d'imposition 1962
et suivantes.
Voici en résumé quelles sont, à ma connais-
sance, les prétentions rivales des parties:
(1) On a soutenu, au nom de l'intimée, que
lorsque celle-ci a cédé son actif à la compagnie-
mère en contrepartie de la libération de sa dette,
en 1960, cela ne répondait pas aux alinéas c) et
d) du paragraphe (8a) de l'article 83A, que, la
compagnie-mère n'étant donc pas une «corpora-
tion remplaçante» au sens du paragraphe (8a)
elle ne pouvait par conséquent avoir acquis le
droit de déduire les dépenses différées de
forage et d'exploration et que l'intimée, en qua-
lité de vendeur, n'était pas une «corporation
remplacée» selon les termes du paragraphe (8a).
Par conséquent, l'intimée soutient qu'elle dispo-
sait d'un droit «acquis» l'autorisant à déduire
pour ses années d'imposition 1965, 1966, 1967,
1968 et suivantes les dépenses différées de
mise en valeur et d'exploration s'élevant à la
somme de $1,987,547.19, si elle remplit les
autres conditions de la Loi de l'impôt sur le
revenu.
(2) On a soutenu au nom du Ministre que,
durant les années d'imposition 1965, 1966,
1967 et 1968, l'intimée et la compagnie-mère
étaient respectivement des corporations «rem-
plaçante» et «remplacée» au sens du paragra-
phe (8a) de l'article 83A de par l'abrogation des
alinéas c) et d) intervenue en 1962 et applicable
aux années d'imposition 1962 et suivantes; que,
par conséquent, l'intimée, en tant que «corpora- ,
tion remplacée», ne pouvait de par le paragra-
phe (8a) amendé, déduire pendant ses années
d'imposition 1962 et suivantes toute somme
correspondant à des dépenses de forage et d'ex-
ploration engagées antérieurement au 30
novembre 1960 mais plutôt que ce droit appar-
tenait à la compagnie-mère en tant que «corpo-
ration remplacée» aux termes du paragraphe
(8a) amendé.
Il est admis que, si les alinéas c) et d) du
paragraphe (8a) n'avaient pas été abrogés, l'inti-
mée aurait alors eu le droit de continuer à
déduire ses dépenses accumulées de forage et
d'exploration et que la compagnie-mère, après
l'achat de l'actif de l'intimée, en 1960, n'aurait
pas eu le droit de déduire ces dépenses car on
ne pouvait la qualifier de corporation rempla-
çante, la transaction n'entrant pas dans le cadre
des alinéas c) et d).
De même, il est clair à mon avis que si les
alinéas c) et d) n'avaient jamais été adoptés, vu
les circonstances, la compagnie-mère aurait
alors eu le droit de déduire les dépenses accu-
mulées de forage et d'exploration en tant que
corporation remplaçante et l'intimée, en tant
que corporation remplacée, se serait vue inter-
dire la déduction de ces dépenses en vertu des
dispositions finales du paragraphe (8a).
Par conséquent, le litige entre les parties se
réduit à la question de savoir quelles ont été les
conséquences de l'abrogation des alinéas c) et
d) du paragraphe (8a) à compter des années
d'imposition 1962 et suivantes, sur la déductibi-
lité des dépenses de forage accumulées jusqu'en
1960 par l'intimée, pendant ses années d'impo-
sition suivantes 1965, 1966, 1967 et 1968, si
l'on tient compte de la vente de son actif à la
compagnie-mère le 30 novembre 1960. En d'au-
tres termes, il s'agit de savoir si le paragraphe
(8a) de l'article 83A empêche l'intimée de faire
les déductions réclamées en 1965 et pendant les
trois années suivantes, nonobstant les paragra-
phes (1) et (3).
L'intimée estime qu'en vertu de la législation
antérieure à 1962, elle bénéficiait du droit
acquis de déduire, au cours des années ultérieu-
res, les dépenses accumulées de forage et d'ex-
ploration. L'avocat de l'intimée soutient que
l'abrogation des alinéas c) et d) ne prive pas sa
cliente de ce droit car s'il fallait interpréter que
le paragraphe (8a) prive l'intimée de son droit,
cela lui donnerait un effet rétroactif, ce dont le
Parlement n'a pas clairement exprimé l'inten-
tion. La transaction a eu lieu en 1960. A ce
moment-là, pour que la corporation remplaçante
hérite des dépenses de forage et d'exploration
de la corporation remplacée, l'acquisition de
l'actif devait se faire conformément aux alinéas
c) et d). En abrogeant les alinéas c) et d) en
1962, le Parlement affirme que, désormais, il
n'est plus nécessaire d'acquérir l'actif d'une
corporation remplacée, de la manière prescrite
aux alinéas c) et d), pour que la corporation
remplaçante hérite des dépenses différées de
forage et d'exploration et pour empêcher leur
déductibilité par la corporation remplacée.
Cependant, si le Parlement décide maintenant
que, bien que la corporation remplaçante n'ait
pas acquis l'actif conformément aux alinéas c)
et d), cela n'était pas nécessaire pour qu'elle
puisse déduire les dépenses différées de forage
et d'exploration et pour que la corporation rem-
placée en soit empêchée, il s'agit là d'une légis-
lation à effet rétroactif. L'avocat soutient que le
caractère de la transaction et ses conséquences
fiscales doivent être régis par le droit en vigueur
prévalant à l'époque de cette dernière. Dire, par
la suite, que les conséquences fiscales de la
transaction sont différentes, c'est légiférer
rétroactivement.
D'autre part, le Ministre, à mon avis, a peut-
être simplement considéré que l'abrogation des
alinéas c) et d) du paragraphe (8a) de l'article
83A de la Loi de l'impôt sur le revenu rendait le
paragraphe (8a) applicable au calcul du revenu
de l'intimée pour ses années d'imposition 1965,
1966, 1967 et 1968, empêchant ainsi l'intimée
de déduire pendant ces années d'imposition les
dépenses différées de forage et d'exploration
qu'elle a faites avant 1962.
Le règlement du conflit entre les parties
dépend, à mon avis, de la réponse aux deux
questions suivantes:
(1) l'article 83A(8a), tel qu'amendé en 1962
par l'abrogation des alinéas c) et d), est-il
rétroactif? S'il ne l'est pas,
(2) quel droit ou privilège l'intimée a-t-elle
acquis ou quel droit lui a reconnu la législation
antérieure à la modification apportée par l'abro-
gation des alinéas c) et d) en 1962,
a) s'agissait-il d'un droit acquis qui n'est pas
affecté par l'abrogation, ou
b) s'agissait-il non d'un droit acquis mais d'un
simple espoir que la législation ne serait pas
modifiée de manière à priver l'intimée de ses
avantages fiscaux pour les années d'imposi-
tion futures, ce qui signifie que l'intimée n'a-
vait aucun «droit» du tout?
L'intention manifeste du Parlement en abro-
geant les alinéas c) et cl) du paragraphe (8a) de
l'article 83A de la Loi de l'impôt sur le revenu
était d'assurer qu'une corporation remplaçante
n'avait pas besoin d'acquérir l'actif d'une corpo
ration remplacée de la façon restrictive prévue
par ces paragraphes pour permettre à la corpo
ration remplaçante de déduire dans le calcul de
son revenu les dépenses de forage et d'explora-
tion faites par la corporation remplacée.
Comme corollaire, il me parait également mani-
feste que l'intention du Parlement est d'empê-
cher une corporation remplacée de déduire,
dans le calcul de son revenu, les dépenses de
forage et d'exploration qu'elle a faites, lors-
qu'elle a cédé son actif ou la majeure partie de
son actif à une corporation remplaçante, d'une
façon beaucoup plus souple que lorsque les
alinéas c) et cl) étaient en vigueur.
On ne peut se demander d'après ce qui pré-
cède, si le Parlement voulait faire naître d'au-
tres conséquences fiscales, pour les années
d'imposition 1962 et suivantes alors que les
alinéas c) et cl) étaient abrogés, d'une transac
tion qui avait eu lieu en 1960 alors que les
alinéas c) et cl) étaient en vigueur.
A mon avis, la modification du paragraphe
83A(8a) par l'abrogation des alinéas c) et d) n'a
pas d'effet rétroactif. Il était précisé que l'abro-
gation s'appliquait aux années d'imposition
1962 et suivantes. Elle ne prétend pas modifier
l'impôt que l'intimée aurait payer au cours des
années d'imposition antérieures à 1962. Ceci
constitue pour l'intimée un droit acquis. L'abro-
gation ne prétend pas signifier qu'à ces dates
antérieures, il faille considérer que le droit était
ce qu'il n'était pas alors. Si tel était le cas la
législation serait rétroactive. La rétroactivité est
une chose, l'interférence avec des droits exis-
tants en est une autre. Il existe une présomption •
voulant que toute loi n'est valable que pour le
futur mais il n'y a pas de présomption corres-
pondante à l'effet que toute loi ne doit pas
porter atteinte aux droits existants. Or c'est
justement sur la plupart des lois font.
La règle capitale en matière d'interprétation
de la loi permettant d'éviter de lui donner une
portée rétroactive et ses corollaires sont suc-
cinctement énoncés par le juge Wright dans In
re Athlumney, Ex Parte Wilson [1898] 2 Q.B.
547, à laquelle m'ont référé les avocats des
parties. Le juge y déclarait aux pages 551-552:
[TRADUCTION] Il n'existe peut-être pas de règle d'interpré-
tation plus solidement établie que celle-ci: il ne faut pas
donner de portée rétroactive à une loi pouvant porter
atteinte à un droit ou une obligation existante, autrement
qu'en matière de procédure, à moins que ceci ne puisse être
évité sans déformer l'énoncé du texte. Si la rédaction du
texte peut donner lieu à plusieurs interprétations, on doit
l'interpréter comme devant prendre effet pour l'avenir
seulement.
En vertu de la Partie I de la Loi de l'impôt sur
le revenu, les impôts prévus sont levés sur une
base annuelle. En vertu de la section A de la
Loi, un impôt sur le revenu est perçu sur le
revenu imposable de chaque année d'imposition
de toute personne résidant au Canada. La sec
tion B établit certaines règles pour déterminer le
revenu d'un contribuable durant une année
d'imposition. Ces règles sont complétées par
d'autres règles que l'on trouve dans la section H
qui traite des cas exceptionnels et des règles
spéciales. Le paragraphe (8a) de l'article 83A
relève de la section H. La section C établit les
règles sur les déductions de revenu autorisées
pour calculer le revenu imposable. Aux termes
de la section H, un contribuable est obligé de
remplir une «déclaration de revenu pour chaque
année d'imposition».
Par conséquent, il faut calculer le revenu
chaque année d'imposition et pour déterminer le
revenu imposable, il faut également déduire les
dépenses chaque année d'imposition.
C'est la législation applicable pendant chaque
année d'imposition qui régit les conséquences
fiscales découlant d'une certaine transaction et
non la transaction elle-même. Le Parlement
peut très bien adopter une loi prévoyant que,
pour une année d'imposition particulière, certai-
nes conséquences fiscales découleront d'une
certaine transaction et adopter par la suite une
autre loi prévoyant que, pour les années d'impo-
sition ultérieures, cette même transaction aura
des conséquences fiscales différentes. On ne
peut assurer un contribuable que les conséquen-
ces fiscales d'une opération resteront inchan-
gées à l'avenir, s'il survient une loi ultérieure
différente, applicable à la transaction.
Pour ces motifs, j'ai conclu que l'abrogation
des alinéas c) et d) du paragraphe (8a) de l'arti-
cle 83A n'est pas rétroactive mais seulement
valable pour l'avenir.
Les deux parties ont reconnu que, n'eût été
l'abrogation des alinéas c) et d) du paragraphe
(8a), l'intimée aurait eu le droit de continuer,
dans ses années d'imposition 1965, 1966, 1967
et 1968 la déduction des dépenses différées de
forage et d'exploration.
La question se pose par conséquent de savoir
si la législation, telle qu'elle existait avant 1962,
c'est-à-dire alors que les alinéas c) et d) du
paragraphe (8a) n'avaient pas encore été abro-
gés, avait conféré à l'intimée quelque droit ou
privilège acquis auquel ne portait pas atteinte
l'abrogation des alinéas c) et d).
L'article 35b) et c) de la Loi d'interprétation
S.R.C. 1970, c. I-23, affirme que l'intimée a un
droit acquis survivant à l'abrogation des alinéas
c) et d). Voici l'article 35:
35. Lorsqu'un texte législatif est abrogé en tout ou en
partie, l'abrogation
b) n'atteint ni l'application antérieure du texte législatif
ainsi abrogé ni une chose dûment faite ou subie sous son
régime;
c) n'a pas d'effet sur quelque droit, privilège, obligation
ou responsabilité acquis, né, naissant ou encouru sous le
régime du texte législatif ainsi abrogé;
L'article 2(1) définit les mots «texte législa-
tif» comme une loi du Parlement du Canada, un
règlement ou toute partie d'une loi ou d'un
règlement.
Aux termes de l'article 3(1), les dispositions
de la Loi d'interprétation s'étendent et s'appli-
quent, sauf intention contraire, à tout texte
législatif édicté avant ou après l'entrée en
vigueur de la Loi d'interprétation et, par consé-
quent, s'appliquent à la Loi de l'impôt sur le
revenu.
A mon avis, l'intimée n'a pas un droit ou un
privilège «acquis, né, naissant ou encouru» au
sens des termes de l'article 35b) de la Loi
d'interprétation.
Il existe à l'appui de cette opinion une déci-
sion du comité judiciaire du conseil privé
rendue dans l'affaire Abbott c. Minister of
Lands [1895] A.C. 425, dans laquelle il était fait
appel d'une ordonnance de la Cour suprême du
New South Wales. L'appelant, en l'espèce,
avait acheté 40 acres de terrain appartenant à la
Couronne, en vertu de l'article 25 du Crown
Lands Alienation Act de 1861 et était devenu,
par suite de cet achat, acquéreur sous condition
de 200 acres supplémentaires. L'article 22 de la
Loi prévoyait que les possesseurs incondition-
nels de terrains cédés par la Couronne et d'une
superficie n'excédant pas 280 acres pourraient
acheter sous condition les terrains adjacents,
sans être soumis à la condition de résidence
applicable, dans d'autres cas, aux achats sous
condition. En 1884, le Crown Lands Alienation
Act de 1861 a été abrogé. Dans la loi d'abroga-
tion, on ne donnait pas d'équivalent à l'article
22 de la Loi abrogée mais on prévoyait à l'arti-
cle 2:
[TRADUCTION] 2. A condition que, nonobstant la présente
abrogation
b) il ne soit porté atteinte aux droits acquis et aux
obligations nées ou encourues en vertu desdits textes
législatifs abrogés, sous réserve de toutes dispositions
expresses de la présente Loi s'y rapportant.
Cette disposition a la même portée que l'arti-
cle 35b) de la Loi d'interprétation précitée.
En 1892, l'appelant a présenté une demande
d'achat sous condition de 150 acres supplémen-
taires, adjacentes à sa tenure, ainsi qu'une
demande de location sous condition de 440
acres, en vertu de son achat supplémentaire
sous condition. La régie locale des terrains a
rejeté cette demande et sa décision a été confir-
mée par les tribunaux de New South Wales.
Devant le comité judiciaire, on a soutenu au
nom de l'appelant que, même si l'article 22- de la
Loi de 1861 avait été abrogé et qu'il n'y ait pas
de disposition correspondante dans la Loi de
1884, les dispositions restrictives de l'article (2)
de la Loi de 1884 lui permettaient de faire
l'achat supplémentaire sous condition, comme
si l'article 22 de la Loi de 1861 était toujours en
vigueur. Il a invoqué qu'en vertu de la loi abro-
gée, il avait le droit de faire l'achat supplémen-
taire sous condition, que ce droit était un «droit
acquis» lorsque la Loi de 1884 a été adoptée et
qu'il continuait à exister en dépit de
l'abrogation.
Ce que voulait l'appelant c'était procéder à un
achat supplémentaire sous condition, exempt de
toute condition de résidence, comme si l'article
22 de la Loi de 1861 était toujours en vigueur,
et bien qu'en vertu de la Loi de 1884, cette
possibilité de non-résidence ait disparu.
Sa demande a été rejetée.
Le lord chancelier déclarait aux pages 430 et
431:
[TRADUCTION] L'article 22 avait, par conséquent, pour
principal objet, tout en limitant le possesseur inconditionnel
de terrains à des achats sous condition qui, avec les terrains
détenus en vertu d'un droit inconditionnel de possession, ne
devaient pas dépasser 320 acres, de supprimer la condition
de résidence sur les terrains achetés sous condition.
Leurs seigneuries pensent qu'il est fallacieux de dire que
l'article en question conférait au possesseur inconditionnel
de terrains, le «droit» de faire des achats sous condition. Le
seul droit qu'il a pu à leurs yeux, lui conférer, c'est de le
libérer de l'obligation de résidence, dans le cas de terrains
achetés sous condition. La distinction est importante car
elle nous montre la portée des prétentions de l'appelant.
Elles doivent nécessairement, de l'avis de leurs seigneuries,
permettre que les articles de la Loi de 1861, dont toute
personne pouvait profiter avant leur abrogation, continuent
à s'appliquer pour une période de temps indéfinie et puis-
sent être invoqués en dépit de leur abrogation. Il est difficile
de voir comment cette prétention pourrait, par exemple,
s'en tenir là: toute personne ayant le droit de faire un achat
sous condition, aux termes de l'article 13, a un droit acquis
que lui réserve la clause restrictive. Car il n'y a pas de
différence entre sa situation et celle du possesseur incondi-
tionnel, si ce n'est que ce dernier peut acheter sous condi
tion sans obligation de résidence, et peut-être avec un droit
de préférence en cas de demandes concurrentes pour le
même terrain.
Il est devenu très courant, en cas de Lois d'abrogation, de
conserver les droits acquis. Si l'on soutenait que ceci a pour
effet de donner ces droits à toute personne qui aurait pu
s'en prévaloir, le résultat serait lourd de conséquences.
Il se peut, comme le souligne le juge Windeyer, que le
pouvoir de se prévaloir d'un texte législatif puisse sans
impropriété être qualifié de «droit». Mais la question se
pose de savoir s'il s'agit là d'un «droit acquis» au sens du
texte législatif que l'on doit interpréter.
Leurs seigneuries ne le pensent pas et leur opinion est
confirmée par le fait que les termes sur lesquels on se base
sont liés à ceux d'«obligations nées ou encourues». Elles
estiment que le simple droit (à supposer que l'on puisse
correctement l'appeler ainsi) des membres de la commu-
nauté, ou d'une catégorie d'entre eux de se prévaloir d'un
texte législatif, ne peut à bon droit être considéré comme
«un droit acquis» aux termes du texte législatif, si personne
n'a agi pour s'en prévaloir.
Le raisonnement suivi dans l'affaire Abbott c.
Minister of Lands (précitée) a été suivi par le
président Thorson dans l'affaire Western Lease
holds Ltd. c. M.R.N. [1961] C.T.C. 490.
Le président devait résoudre trois problèmes
mais je n'en signalerai qu'un seul. L'article
50(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, tel qu'il
était alors rédigé, prévoyait que lorsqu'un con-
tribuable versait une somme, en acompte de
l'impôt payable pour une année d'imposition,
avant l'expiration du délai de dépôt d'une décla-
ration, inférieure à l'impôt payable, le contri-
buable était alors tenu de payer un intérêt
annuel de 6% sur la différence entre ces deux
montants, à compter de l'expiration du délai
prescrit pour le dépôt de la déclaration jusqu'au
jour du paiement. Mais le paragraphe (6) pré-
voyait une mesure de redressement et précisait
qu'aucun intérêt ne serait payable pendant une
période désignée. En vertu de la Loi alors en
vigueur, le contribuable ne devait pas payer
d'intérêt pendant une période allant du l er juillet
1953 au 10 janvier 1957.
Le paragraphe (6) a été abrogé et son abroga
tion est entrée en vigueur le 28 juillet 1955. On
a soutenu, au nom de l'appelant, qu'il avait droit
à l'exemption d'intérêt pour la période spécifiée
au paragraphe (6) et que l'abrogation de l'article
ne pouvait lui enlever ce droit. Cette thèse se
fondait sur l'article 19(1)c) de la Loi d'interpré-
tation [S.R.C. 1952, c. 158], que voici:
19. (1) Sauf indication de l'intention contraire, à moins
qu'il ne soit autrement prévu au présent article, l'abrogation
d'une loi ou d'une disposition législative ou la révocation
d'un règlement
c) ne porte pas atteinte à un droit, à un privilège ou à une
responsabilité acquis, établis, en voie d'établissement ou
encourus sous le régime de la loi, de la disposition législa-
tive ou du règlement ainsi abrogé ou révoqué; ... .
On a soutenu que le paragraphe (6) conférait
à l'appelant un droit ou un privilège et qu'en
l'absence de clause expresse, l'abrogation du
paragraphe ne le privait pas de ce droit ou
privilège.
Le président Thorson a rejeté cette préten-
tion au motif que l'appelant n'avait pas de droit
ou de privilège «acquis, établi, en voie d'établis-
sement ou encouru sous le régime de la loi
abrogée» aux termes de l'article 19(1)c) de la
Loi d'interprétation lui permettant de bénéficier
d'une exemption continue d'intérêt, pour la
période ultérieure à la date de l'abrogation de
l'article accordant le redressement.
Pour étayer sa conclusion, le président Thor-
son a invoqué l'arrêt Abbott c. Minister of
Lands (précité) où le comité judiciaire avait
soutenu que l'appelant n'avait pas un droit
acquis pour les motifs que j'ai déjà mentionnés.
A la page 502, le président Thorson déclarait:
[TRADUCTION] De même, on doit, à mon avis, juger en
l'espèce que l'exemption d'intérêt accordée par le paragra-
phe (6) de l'article 50 n'était pas un droit ou un privilège
«acquis, né, naissant ou encouru» aux termes du paragra-
phe, en ce sens qu'il a continué d'exister après l'abrogation
du paragraphe alors que l'exemption du paiement d'intérêt
n'était plus autorisée. Même si l'appelant n'a pas été requis
de payer l'intérêt pour la période d'exemption tant et aussi
longtemps que le paragraphe (6) restait en vigueur, ce
privilège, si l'on peut l'appeler ainsi, a disparu quand a pris
fin l'exemption du paiement d'intérêt, c'est-à-dire le 28
juillet 1955, date d'abrogation du paragraphe.
Le droit dont disposait l'intimée, en l'espèce,
était le droit de se prévaloir des dispositions de
la Loi de l'impôt sur le revenu telles qu'elles
existaient pour chaque année d'imposition.
Dans les années d'imposition postérieures à la
vente de son actif, en 1960, l'intimée avait le
droit de déduire les dépenses différées de
forage et d'exploration, si les autres conditions
prescrites existaient, en vertu des alinéas c) et
cl) du paragraphe (8a) car ce droit n'était pas
transférable à l'acheteur. Ce droit a survécu
jusqu'à ce que l'abrogation des alinéas c) et cl)
applicables à l'année d'imposition 1962. L'inti-
mée n'aurait rien pu faire pour convertir son
droit de se prévaloir des dispositions de la Loi
de l'impôt sur le revenu, pour l'une quelconque
des années d'imposition antérieures, en un
«droit acquis» aux termes de la Loi d'interpréta-
tion qui aurait survécu à l'abrogation des alinéas
c) et d) du paragraphe (8a) de l'article 83A de la
Loi de l'impôt sur le revenu.
Tout au plus, l'intimée espérait pouvoir
déduire au cours des années à venir les dépen-
ses accumulées de forage et d'exploration,
espoir ou attente qui, en vertu de la législation
conférant ce droit de déduction, devait rester
inchangé. L'intimée n'a aucun droit lui assurant
que sa qualité ou sa capacité de «corporation
non remplacée» que lui reconnaissait le droit
existant avant l'abrogation des alinéas c) et cl)
du paragraphe (8a) reste inchangée au cours des
années d'imposition à venir, si survient une loi
nouvelle. Un tel espoir ou une telle attente est
loin de répondre à la définition des termes
«droit» ou «privilège» de l'article 35c) de la Loi
d'interprétation.
Voici, en résumé, à mon avis, le point crucial
de l'affaire. Le but de la Loi de l'impôt sur le
revenu est d'obliger un contribuable à remplir
une déclaration de revenu pour chaque année
d'imposition. La déductibilité de toute somme
dans le calcul du revenu imposable de chaque
année d'imposition dépend du droit en vigueur
cette année-là. Appliquant ce principe aux cir-
constances de l'espèce, il est clair qu'en vertu
du droit alors en vigueur, pour les années d'im-
position de l'intimée, entre la vente de son actif,
en 1960, et l'abrogation des alinéas c) et d) du
paragraphe (8a) de l'article 83A, en 1962, l'inti-
mée avait le droit de déduire les dépenses de
forage et d'exploration, sur une période de cinq
ans, jusqu'à épuisement de ces dépenses, mais
avec l'abrogation des paragraphes précités en
1962, la Loi a été modifiée et les dépenses de
forage et d'exploration ne peuvent plus être
déduites par l'intimée mais peuvent l'être par la
corporation remplaçante.
On soutient qu'en abrogeant les alinéas c) et
d), en 1962, le Parlement voulait que la Loi
amendée s'applique aux transactions postérieu-
res à 1962. A mon avis, cette opinion n'est pas
soutenable car les conséquences fiscales décou-
lant d'une transaction seront régies par le droit
en vigueur durant l'année d'imposition au cours
de laquelle est remplie la déclaration de revenu,
plutôt que par le droit en vigueur au cours de
l'année où s'effectue la transaction. A cette
époque-là, l'intimée avait la «qualité» ou la
«capacité» d'une «corporation non remplacée»
et avait le droit, à ce titre, de se prévaloir de la
législation autorisant la déduction des dépenses
de forage et d'exploration, dans son année d'im-
position, dans la mesure de son revenu. Mais le
Parlement peut transformer cette qualité ou
cette capacité de «corporation non remplacée»
de l'intimée en «corporation remplacée», ce
qu'il a fait en abrogeant les alinéas c) et d) en
1962.
Par conséquent, le revenu imposable de l'inti-
mée, pour ses années d'imposition 1965, 1966,
1967 et 1968, est régi par la législation en
vigueur au cours de ces années d'imposition.
D'après cette législation, l'intimée était une
«corporation remplacée» qui n'était pas autori-
sée à déduire les dépenses de forage et d'explo-
ration. Les conséquences fiscales qui décou-
laient de la transaction de 1960 sont différentes
pour les années 1965, 1966, 1967 et 1968 à
cause du changement de législation survenu en
1962.
Il devient, par conséquent, nécessaire d'exa-
miner si l'intimée avait un droit «acquis» ou
«né» avant 1962 qui aurait survécu à l'abroga-
tion des alinéas c) et d) en 1962. Pour les motifs
que je viens d'exposer, j'ai conclu que l'intimée
n'avait pas un tel «droit né ou acquis» au sens
de ces termes définis à l'article 35c) de la Loi
d'interprétation.
Ce que l'intimée avait, c'était le droit de se
prévaloir de la législation telle qu'elle existait, et
l'espoir que cette dernière resterait inchangée
pour pouvoir continuer à s'en prévaloir. Comme
j'ai préalablement déclaré qu'il ne s'agit pas là
d'un «droit» ou «privilège» répondant à la défi-
nition donnée par la Loi d'interprétation et
encore moins d'un «droit acquis», je suis inca
pable de concevoir ce que l'intimée aurait pu
faire pour convertir ce droit très abstrait, de se
prévaloir de la législation fiscale lui conférant le
bénéfice d'une déduction, en un droit concret
qui aurait survécu à l'abrogation de ladite
législation.
Je réponds donc affirmativement à la ques
tion posée au paragraphe 12 du mémoire
spécial.
Ceci fait il s'ensuit que, conformément au
paragraphe 13 du mémoire spécial, l'appel est
accueilli avec dépens en faveur du Ministre et
les cotisations relatives aux années d'imposition
1965, 1966, 1967 et 1968 de l'intimée sont
rétablies; l'appel incident de l'intimée, interjeté
au paragraphe 9 de sa réponse à l'avis d'appel,
est rejeté sans dépens pour aucune des parties.
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