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Maple Leaf Mills Limited (Appelante)
c.
Le ministre du Revenu national (Intime)
Cour d'appel, le juge Thurlow, les juges sup pléants MacKay et Sweet —Toronto, les 18 et 19 avril et le 17 mai 1973.
Impôt sur le revenu—Détermination du revenu d'entrepri- se—Dans quelle année le revenu doit-il être déclaré—Pertes imputables à l'exploitation du navire garanties par le ven- deur—Paiement de sommes globales pendant plusieurs années—Dans quelle année sont-elles imposables?
Par suite de la vente d'un navire à l'appelante en 1961, le vendeur a transféré environ $1,900,000 à la B Ltd., une filiale, sous forme d'investissements. Cette dernière se por- tait garante que les revenus de l'appelante provenant de l'exploitation du navire atteindraient un certain niveau. L'ac- cord conclu avec B Ltd. fut modifié en 1963 et remplacé par l'accord suivant: l'appelante acheta toutes les actions de la B Ltd., qui devaient être payées lors de la vente du navire, le prix étant fixé à la juste valeur marchande des investisse- ments de la B Ltd. à ce moment-là moins les déficits d'exploitation et tous dividendes versés par B Ltd. à l'appe- lante. Cette dernière a vendu le navire au cours de l'année d'imposition 1966. Pendant qu'elle possédait le navire, les pertes imputables à son exploitation s'élevaient à environ $1,201,079 et elle avait reçu $216,435 à titre de dividendes de la B Ltd.
Arrêt: (1) En 1966, l'appelante devait payer l'impôt sur le revenu sur la différence entre les pertes d'exploitation nettes et les dividendes reçus, savoir $984,644. Cette somme a la nature d'un revenu et l'on ne pouvait la prendre en considé- ration avant la vente du navire car, bien que le déficit annuel fût déterminé à la fin de chaque année et constituât une dette due et échue, il était susceptible de révision jusqu'à la vente du navire et ne devenait donc exigible qu'à ce moment-là.
(2) On ne peut permettre à l'appelante de soulever comme nouveau moyen d'appel durant la plaidoirie que le montant final n'a été déterminé qu'en 1967, date à laquelle le vérifi- cateur a délivré son certificat.
APPEL. AVOCATS:
Claude Thomson et D. J. Deacon pour l'appelante.
G. W. Ainslie, c.r., et W. J. A. Hobson pour l'intimé.
PROCUREURS:
Campbell, Godfrey et Lewtas, Toronto, pour l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
LE JUGE THURLOW—Cet appel porte sur la cotisation d'impôt de l'appelante pour son année d'imposition 1966, d'un montant de $1,201,079 qui représente, selon l'avis de nouvelle cotisa- tion, [TRADUCTION] «le manque à gagner net du navire FEDERAL MONARCH recouvré de la Bess- bulk Limited.»
Cette somme provient d'arrangements compli- qués et je me propose d'en exposer les seules parties essentielles à l'intelligence des questions en litige. Depuis de nombreuses années, la com- pagnie appelante possède des minoteries et exerce des activités commerciales annexes. Le 31 juillet 1961, ou vers cette date, elle s'est portée acquéreur d'un gros pétrolier qui était alors sous contrat d'affrètement à long terme à l'Imperial Oil Limited. A partir de cette date, la compagnie appelante, en plus de ses autres acti- vités, a exploité ce navire pour son propre compte, aux termes d'accords conclus avec les vendeurs. Le navire fut vendu le 19 novembre 1965 et la compagnie appelante ne participa plus à son exploitation.
Les accords relatifs à l'achat du navire com- prenaient un contrat entre la compagnie appe- lante et la Bessbulk Limited, compagnie consti- tuée par les vendeurs conformément aux accords. Aux termes de ce contrat, la Bessbulk assurait à la compagnie appelante, jusqu'à la fin du contrat d'affrètement ou jusqu'à la vente du navire, le versement de la différence entre le revenu net de l'exploitation du navire et un revenu minimum prévu dans le contrat. Les vendeurs avaient transféré à la Bessbulk, pour qu'elle l'investisse, la somme de $1,900,000 et il était convenu que, chaque année, la Bessbulk payerait à la compagnie appelante une somme n'excédant pas le revenu net de ces investisse- ments, pour couvrir une partie du déficit du revenu net tiré de l'exploitation du navire; le reliquat de ce déficit de revenu net devait cons- tituer une dette à la charge de la Bessbulk qui devait l'acquitter dans les années les revenus tirés de l'exploitation du navire dépasseraient le niveau prévu par les accords, faute de quoi le remboursement serait effectué à l'échéance du
contrat d'affrètement ou à la vente du navire. L'accord prévoyait également que, si les reve- nus tirés de l'exploitation du navire excédaient les niveaux prévus au contrat, les sommes qu'auraient versées la Bessbulk conformément aux ternies de l'accord lui seraient remboursées. Ces sommes seraient également remboursées au cas le prix de vente du navire dépasserait le total du prix d'achat plus le déficit du revenu net non remboursé. La Bessbulk avait égale- ment droit à 35% des bénéfices d'exploitation au-delà du niveau prévu au contrat.
Pour l'année d'imposition 1962 de l'appelante, prenant fin le 31 juillet 1962, les revenus nets de l'exploitation du navire accusaient un déficit de $206,932 par rapport au niveau prévu et la compagnie appelante a touché de la Bessbulk la somme de $36,058, le solde restant par la Bessbulk aux termes de l'accord. Par la suite, chaque année d'exploitation du navire s'est tra- duite par un déficit et quand le navire fut vendu, en 1965, le total de ces déficits était de $1,201,- 079, soit la somme en litige dans la cotisation dont il est fait appel.
Je dois faire remarquer que si les accords susmentionnés étaient restés en vigueur pendant toute la période en question, il ne me serait pas difficile de conclure que cette somme provenait de l'exploitation du navire et constituait ainsi un revenu de l'entreprise de la compagnie appelante.
Cependant, ces accords ne sont pas restés en vigueur. Par un accord supplémentaire en date du 20 juin 1963, mais prenant force rétroactive- ment au ler août 1962, ces accords furent, selon l'expression utilisée dans le mémoire de la com- pagnie appelante, [TRADUCTION] «restructurés». Par cet accord, la compagnie appelante a racheté au vendeur toutes les actions de la Bess- bulk et l'accord par lequel cette dernière s'enga- geait à garantir les déficits du revenu net de l'exploitation du navire fut résilié, sans préju- dice des droits ou obligations acquis. Bien que les actions de la Bessbulk aient été immédiate- ment transférées à la compagnie appelante aux termes des accords, leur prix ne devenait exigi- ble qu'à l'échéance du contrat d'affrètement ou à la vente du navire. Le prix à payer serait alors
la différence entre la juste valeur marchande de l'avoir de la Bessbulk et les déficits du revenu net de l'exploitation du navire, moins les sommes déjà payées à la compagnie appelante par la Bessbulk en remboursement de ces défi- cits ainsi que tout revenu que la Bessbulk aurait distribué à l'appelante.
Dans ses années d'imposition 1963, 1964 et 1965, la compagnie appelante a reçu de la Bess- bulk des dividendes de $55,826, $60,834 et $63,717, respectivement, ce qui donne, avec les $36,058 reçus en 1962, un total de $216,435. Par conséquent, après la vente du navire, la compagnie appelante a pu régler l'achat des actions de la Bessbulk en versant une somme représentant la juste valeur marchande de l'avoir de cette compagnie moins la somme de $984,644 (c'est-à-dire $1,201,079, total du défi- cit net de l'exploitation du navire, moins la somme de $216,435 que la compagnie appelante avait reçue de la Bessbulk).
En établissant la cotisation de la compagnie appelante pour l'année d'imposition 1966, le Ministre a ajouté au calcul de son revenu la somme de $1,201,079. Cette cotisation a été confirmée par la Division de première instance. Cependant, lors de l'appel interjeté devant la présente Cour, le Ministre a admis, dans l'ex- posé de ses arguments, [TRADUCTION] «que, selon une juste interprétation des termes du contrat d'achat, le montant du profit reçu par la compagnie appelante pendant l'année d'imposi- tion 1966 n'est pas la somme de $1,201,079, ainsi que l'indique la cotisation, mais la somme de $984,644»; selon lui, l'appel devrait être admis et la décision en première instance modi- fiée pour lui déférer la cotisation, pour nouvelle cotisation comprenant dans le calcul du revenu de la compagnie appelante la somme de $984,- 644 plutôt que celle de $1,201,079. Le Ministre demandait le rejet de l'appel sur tous les autres points en litige.
La compagnie appelante a soulevé deux prin- cipales objections à la cotisation de la somme de $984,644. Elle affirme, premièrement, que cette somme n'est pas un revenu mais une augmenta tion de capital et, deuxièmement, que même si cette somme est un revenu, elle ne peut être
ajoutée au revenu imposable de la compagnie pour l'année d'imposition 1966.
Si j'ai bien compris, la compagnie appelante prétend dans son premier argument que le but évident de l'accord de 1963 était le rachat des actions et que, si ses dispositions étaient cen- sées remplacer l'accord de 1961 sur l'indemni- sation de ses déficits de revenu, son but était d'arriver à un prix d'achat des actions. Elle prétend que si l'accord de 1961 prévoyait le versement d'un supplément au revenu tiré de l'exploitation du navire, l'accord de 1963 ne contenait aucune pareille disposition et ne por- tait que sur la réduction du prix d'achat des actions en se basant sur les revenus tirés de l'exploitation du navire.
Que cet argument représente ou non d'une manière exacte l'accord de 1963—et je ne vois pas pourquoi je le considérerais comme une représentation inexacte—ce qui doit être tran- ché n'est pas tellement la substance ou le carac- tère de l'accord mais bien la nature de ce que la compagnie appelante en a tiré.
Cet accord était censé restructurer les accords de 1961 et son but était d'obtenir d'une autre manière les mêmes résultats économiques. On peut par conséquent dire que ses disposi tions venaient remplacer les dispositions de 1961, que cela était un moyen de combler le déficit des revenus ou d'augmenter les revenus, moyen différent de celui prévu dans l'accord de 1961 mais qui, en fait, arrivait au même résultat, à savoir satisfaire à l'exigence initiale de la compagnie appelante de se voir garantir que les revenus tirés de l'exploitation du navire ne seraient pas inférieurs à la somme prévue. Cela me mène à penser que ce que la compagnie appelante a obtenu en vertu de cet accord avait également le caractère d'un revenu.
De plus, les faits me semblent démontrer que c'est par l'exploitation ultérieure du navire que la compagnie appelante a mérité le droit de faire entrer en ligne de compte le montant en ques tion dans le calcul du prix des actions. Ce droit provient par conséquent de l'exploitation du navire et fait partie des gains de la compagnie en vertu de l'accord.
Par conséquent, je considère que le droit de la compagnie appelante de faire entrer en ligne de compte la somme de $984,644 constitue un revenu et est imposable comme tel.
L'autre argument est que, de toute manière, la somme n'avait pas été comprise à juste titre dans le calcul du revenu de la compagnie appe- lante pour l'année 1966 car elle s'était accumu- Iée année par année et les droits qu'avait la compagnie appelante de se faire rembourser les déficits de son revenu net de chaque année devaient faire l'objet d'une cotisation dans l'an- née même de ce déficit. En ce qui concerne les années d'imposition 1963, 1964 et 1965, aux- quelles s'applique l'accord de 1963, je n'arrive pas à comprendre comment on aurait pu effec- tuer à la fin de chaque année le calcul des montants à verser à la compagnie appelante, étant donné que le contrat d'affrètement restait valide pour de nombreuses années au cours desquelles le déficit pouvait être comblé et que le navire n'avait pas encore été vendu. Pour cette raison je considère que l'argument de la compagnie appelante est encore plus faible pour ces années que pour l'année d'imposition 1962, à laquelle s'appliquait l'accord de 1961. Mais même pour 1962, bien qu'il ait été possible de déterminer, à la fin de cette année-là, le déficit qui constituait une dette exigible au sens de l'accord, ce montant était, jusqu'à la fin de la période d'affrètement ou la vente du navire, sujet à révision ou à compensation selon les résultats de l'exploitation du navire dans les années ultérieures ou selon que le navire était vendu pour un prix permettant de faire jouer les dispositions de l'accord sur le remboursement à la Bessbulk. A mon sens, ces sommes n'ont eu le caractère et la nature d'une dette exigible qu'à la vente du navire, leur montant exact étant alors fixé en accord avec les dispositions du contrat. Comme il n'y avait eu aucune augmen tation des revenus, le montant net était le même que le montant brut. Par conséquent, je ne pense pas qu'on puisse, à partir de ces chiffres, faire un calcul du revenu qui tiendrait compte de ces sommes avant 1966.
Ces conclusions suffisent à justifier le rejet de l'appel sur les questions soulevées par la compagnie appelante dans son avis d'appel à la
Division de première instance et dans son exposé des arguments, ainsi que dans les argu ments présentés par ses avocats lors de l'au- dience de l'appel. Dans sa réplique, l'avocat a toutefois tenté de soulever une question supplé- mentaire à partir de ce qui avait été soulevé dans le plaidoyer des avocats du Ministre. Selon cet argument, si la somme en question était imposable en tant que revenu mais n'était pas imposable pour les années antérieures à 1966, elle ne pouvait pas non plus être imposée pour l'année d'imposition 1966 étant donné que le certificat des vérificateurs établissant, confor- mément à l'accord, le montant des déficits nets de revenus ainsi que le prix des actions (qui figure à la page 379 du dossier d'appel) est présenté comme daté du ler décembre 1966, ce qui le situerait dans l'année d'imposition 1967 de la compagnie appelante, et que, par consé- quent, la somme en question n'avait pas été fixée au cours de l'année d'imposition 1966 et ne constituait pas un revenu pour ladite année.
Cette question n'avait pas été soulevée en première instance, ni même en appel jusqu'à ce moment-là et, à mon sens, cela équivaut à la présentation d'un moyen tout à fait nouveau n'ayant pas encore été plaidé et qu'il n'était venu à l'esprit d'aucun des avocats de soulever jusque-là.
Les paragraphes 8 et 16 de l'avis d'appel à la Division de première instance, en date du 6 octobre 1969, comprennent les affirmations suivantes:
[TRADUCTION] 8. Le 19 novembre 1965, la Maple Leaf a vendu le navire à l'Oswego Unity Corporation («Oswego»). Aux termes de l'accord portant sur l'achat des actions et titres de la Bessbulk, le prix d'achat fut versé par la Maple Leaf durant son année d'imposition 1966.
16. La transaction consignée par cet accord de vente comprenait le rachat par la Maple Leaf à la Federal Bulk et à la Bessemer des actions émises ainsi que des autres valeurs de la Bessbulk pour un prix qui restait à déterminer compte tenu des circonstances mentionnées dans l'accord de vente. Un seul paiement devait être effectué une fois le prix d'achat fixé. Le prix d'achat ayant été fixé dans l'année d'imposition 1966 de la Maple Leaf, il fut réglé cette même année.
Un paragraphe 17A fut ajouté à l'avis d'appel par le dépôt d'un amendement le 28 septembre 1970:
[TRADUCTION] 17A. Dans l'hypothèse l'on reconnaî- trait au Ministre le droit d'imposer à titre de revenu toute somme provenant de l'exploitation du navire, le seul revenu imposable qui devrait figurer dans la cotisation serait le montant des gains pour l'année d'imposition 1966. Dans sa nouvelle cotisation, le Ministre a inclus des sommes qui, selon sa thèse, auraient été gagnées dans les années précédentes.
La réplique du Ministre admet le paragraphe 8 mais elle ne mentionne ni le paragraphe 16 ni le paragraphe 17A, lesquels figurent dans la partie B de l'avis d'appel intitulé [TRADUCTION] «Dispositions législatives sur lesquelles s'appuie la compagnie appelante et moyens de droit qu'elle entend avancer.»
L'affaire se complique encore du fait que le certificat mentionné fut déposé en preuve par l'avocat du Ministre. Mais, même après ce dépôt, le procès suivit son cours normal et l'ap- pel fut interjeté sans que cette question ne soit soulevée. Je ne pense pas que dans ces circon- stances la compagnie appelante soit en droit de présenter ce qui constitue en fait de nouvelles conclusions fondées sur ce document, ou qu'on puisse lui permettre de le faire, sans qu'un amendement ait été apporté à sa plaidoirie et sans que l'intimé ait eu l'occasion d'y répondre. (Voir les Règles 420(2) et 1104.)
A la fin de l'audience, la Cour a réservé son jugement et a fait savoir aux avocats qu'elle ne rendrait pas sa décision avant que l'appelante n'ait eu l'occasion de décider si elle voulait demander l'autorisation de déposer un tel amen- dement. L'avocat a fait savoir depuis, par une lettre envoyée au greffe, que la compagnie appelante n'a pas l'intention de demander l'auto- risation de déposer un amendement.
Je considère par conséquent que cette ques tion ne se pose pas à la Cour et qu'elle ne peut pas être soulevée par la compagnie appelante.
J'accueille l'appel et je défère la cotisation au Ministre pour nouvelle cotisation, afin que soit incluse dans le calcul du revenu de la compagnie appelante pour l'année 1966 la somme de $984,- 644 et non la somme de $1,201,079 qui figure dans la cotisation dont il est fait appel. Les autres moyens d'appel sont rejetés.
La compagnie appelante se voyant donner raison en partie, je l'autorise à recouvrer ses frais d'action en première instance ainsi que les dépens de cet appel jusqu'au dépôt de l'exposé des arguments de l'intimé, ainsi que les coûts d'inscription du jugement. L'intimé a le droit de recouvrer ses frais pour l'audience d'appel.
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LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY—Je souscris aux motifs du jugement de mon collègue le juge Thurlow.
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LE JUGE SUPPLÉANT SWEET —Dans ses motifs, le juge Thurlow a exposé tous les élé- ments nécessaires à la compréhension et au jugement du litige. Il se réfère à un contrat prenant effet «au 31 juillet 1961» entre la Bess- bulk Limited et la compagnie appelante. Par ce contrat, la Bessbulk Limited s'engageait à garantir à la compagnie appelante le versement de la différence entre les revenus nets de l'ex- ploitation d'un navire acheté en 1961 par la compagnie appelante et un certain montant minimum sur lequel ils s'étaient accordés pour un nombre d'années spécifié. Le juge Thurlow se réfère également à un accord en date «du 20 juin 1963» prévoyant le rachat par la compagnie appelante de toutes les actions émises et autres valeurs de la Bessbulk Limited. Suite à l'accord de 1963, l'accord de 1961 portant sur l'indemni- sation fut «résilié, sans préjudice des droits ou obligations» acquis aux termes du précédent accord. Les dispositions pertinentes de ces accords sont exposées dans ses motifs et n'ont pas besoin d'être reprises ici. La compagnie appelante a pu exécuter son 'engagement de régler le prix des actions et autres valeurs de la Bessbulk Limited en versant une somme repré- sentant la juste valeur marchande de l'avoir de cette compagnie moins la somme de $984,644. Ainsi, la compagnie appelante a pu racheter à la Bessbulk ses actions et valeurs à un prix infé- rieur de $984,644 à leur juste valeur marchande.
C'est cette somme de $984,644 que l'intimé prétend imposer au motif qu'elle constitue un
bénéfice provenant de l'entreprise de la compa- gnie appelante.
Dans son exposé des faits et du droit, l'appe- lante fait notamment valoir que:
[TRADUCTION] Le savant juge de première instance a commis une erreur en ne jugeant pas que le but évident de l'accord de vente de 1963 était de fixer les conditions du rachat des actions ... .
et
[TRADUCTION] Étant donné que l'achat et la vente de valeurs ne constituaient pas une des activités ordinaires de l'appe- lante, l'achat des valeurs en cause doit être considéré comme une transaction de capital ... .
Dans cet exposé, on trouve également cette affirmation au sujet de l'accord de vente de 1963:
[TRADUCTION] Il ne fait aucun doute qu'il entrait dans l'inten- tion des parties de donner à ce document le même but que celui de l'accord d'indemnité signé en 1961.
J. L. Lewtas, administrateur de la compagnie appelante et partenaire dans la firme d'avocats qui s'occupe des affaires de la compagnie, a déclaré, en réponse à une question sur l'accord du 20 juin 1963 et l'accord précédent:
[TRADUCTION] La formulation n'est pas la même, mais pour répondre tout à fait honnêtement à votre question je peux vous dire que mes instructions étaient d'obtenir un résultat économique identique tout en réglant nos problèmes avec le fisc américain.
L'accord de 1963 porte effectivement sur l'achat d'un avoir en capital, à savoir les actions de la Bessbulk Limited, et l'on y trouve une façon de fixer le prix apparent de ces actions.
Cependant, le fait que la compagnie appelante puisse acheter ces actions à un prix inférieur à leur juste valeur marchande (et la somme en cause) est un résultat direct d'une des activités commerciales de l'appelante, savoir l'exploita- tion du navire.
Le but de l'accord d'indemnisation de 1961 et de l'accord d'achat de 1963 était d'assurer à la compagnie appelante un revenu net minimum de l'exploitation du navire. Conformément à l'ac- cord de 1961, au cas ce minimum ne serait pas atteint, le déficit devait être comblé par la Bessbulk Limited. Conformément à l'accord
d'achat de 1963, ce déficit devait être comblé par une réduction du prix d'achat permettant à l'appelante de se porter acquéreur des actions de la Bessbulk Limited à un prix inférieur à leur juste valeur marchande. La différence entre le prix à verser et la juste valeur marchande devait être égale au déficit enregistré.
Il importe peu que le revenu minimum net garanti provienne de l'utilisation du navire par d'autres personnes ou qu'il découle de la garan- tie souscrite par la Bessbulk Limited aux termes de l'accord d'indemnisation de 1961 ou encore du droit d'acheter les actions de la Bessbulk Limited selon les termes de l'accord d'achat de 1963 (ou même en partie d'une de ces sources et en partie des autres). En toute hypothèse, les revenus découlent de cette partie de l'activité commerciale de la compagnie appelante consti- tuée par l'exploitation du navire; ils constituent un revenu d'entreprise. Les caractéristiques seraient les mêmes dans chacun des cas; seule la source serait différente et, nonobstant la source, il s'agirait d'un revenu. Dans tous les cas cela constituerait un bénéfice découlant d'une entreprise. A mon sens, ces sommes cons tituent un revenu et sont imposables à ce titre.
La compagnie appelante a également soutenu que, de toute manière, ainsi qu'elle le déclarait dans son exposé,
[TRADUCTION] Le savant juge de première instance a commis une erreur en jugeant que toute somme ou bénéfice perçu par le contribuable comme résultat soit de l'accord d'indem- nisation de 1961 soit de l'accord d'achat de 1963 était fixé, exigible et imposable dans l'année d'imposition 1966.
A l'égard de cette contre-proposition, je par- tage l'avis du juge Thurlow quand il déclare qu'aucune partie des sommes en question ne pouvait être considérée comme un revenu dans les années d'imposition précédant 1966.
Je souscris également à son opinion concer- nant une autre question que l'avocat a tenté de soulever, à savoir que si la somme en question est imposable en tant que revenu mais n'est pas imposable dans les années précédant 1966, elle ne peut pas non plus être imposée pendant l'année d'imposition 1966 étant donné que le certificat des vérificateurs constatant les défi-
cits du revenu net et fixant le prix des actions est censé être daté au ler décembre 1966, donc dans l'année d'imposition 1967 de l'appelante. A son avis, pour les motifs qu'il a énoncés, la Cour n'est pas saisie de cette question et la compa- gnie appelante ne peut pas la soulever. Je suis du même avis.
J'accueille aussi l'appel et je défère la cotisa- tion au Ministre pour nouvelle cotisation, afin que soit incluse dans le calcul du revenu de la compagnie appelante pour l'année 1966 la somme de $984,644 et non la somme de $1,201,079 qui figure dans la cotisation dont il est fait appel. Les autres motifs d'appel sont aussi rejetés.
Je trancherais la question des dépens de la même manière que l'a fait le juge Thurlow.
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