Maple Leaf Mills Limited (Appelante)
c.
Le ministre du Revenu national (Intime)
Cour d'appel, le juge Thurlow, les juges sup
pléants MacKay et Sweet —Toronto, les 18 et
19 avril et le 17 mai 1973.
Impôt sur le revenu—Détermination du revenu d'entrepri-
se—Dans quelle année le revenu doit-il être déclaré—Pertes
imputables à l'exploitation du navire garanties par le ven-
deur—Paiement de sommes globales pendant plusieurs
années—Dans quelle année sont-elles imposables?
Par suite de la vente d'un navire à l'appelante en 1961, le
vendeur a transféré environ $1,900,000 à la B Ltd., une
filiale, sous forme d'investissements. Cette dernière se por-
tait garante que les revenus de l'appelante provenant de
l'exploitation du navire atteindraient un certain niveau. L'ac-
cord conclu avec B Ltd. fut modifié en 1963 et remplacé par
l'accord suivant: l'appelante acheta toutes les actions de la B
Ltd., qui devaient être payées lors de la vente du navire, le
prix étant fixé à la juste valeur marchande des investisse-
ments de la B Ltd. à ce moment-là moins les déficits
d'exploitation et tous dividendes versés par B Ltd. à l'appe-
lante. Cette dernière a vendu le navire au cours de l'année
d'imposition 1966. Pendant qu'elle possédait le navire, les
pertes imputables à son exploitation s'élevaient à environ
$1,201,079 et elle avait reçu $216,435 à titre de dividendes
de la B Ltd.
Arrêt: (1) En 1966, l'appelante devait payer l'impôt sur le
revenu sur la différence entre les pertes d'exploitation nettes
et les dividendes reçus, savoir $984,644. Cette somme a la
nature d'un revenu et l'on ne pouvait la prendre en considé-
ration avant la vente du navire car, bien que le déficit annuel
fût déterminé à la fin de chaque année et constituât une
dette due et échue, il était susceptible de révision jusqu'à la
vente du navire et ne devenait donc exigible qu'à ce
moment-là.
(2) On ne peut permettre à l'appelante de soulever comme
nouveau moyen d'appel durant la plaidoirie que le montant
final n'a été déterminé qu'en 1967, date à laquelle le vérifi-
cateur a délivré son certificat.
APPEL.
AVOCATS:
Claude Thomson et D. J. Deacon pour
l'appelante.
G. W. Ainslie, c.r., et W. J. A. Hobson pour
l'intimé.
PROCUREURS:
Campbell, Godfrey et Lewtas, Toronto,
pour l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
LE JUGE THURLOW—Cet appel porte sur la
cotisation d'impôt de l'appelante pour son année
d'imposition 1966, d'un montant de $1,201,079
qui représente, selon l'avis de nouvelle cotisa-
tion, [TRADUCTION] «le manque à gagner net du
navire FEDERAL MONARCH recouvré de la Bess-
bulk Limited.»
Cette somme provient d'arrangements compli-
qués et je me propose d'en exposer les seules
parties essentielles à l'intelligence des questions
en litige. Depuis de nombreuses années, la com-
pagnie appelante possède des minoteries et
exerce des activités commerciales annexes. Le
31 juillet 1961, ou vers cette date, elle s'est
portée acquéreur d'un gros pétrolier qui était
alors sous contrat d'affrètement à long terme à
l'Imperial Oil Limited. A partir de cette date, la
compagnie appelante, en plus de ses autres acti-
vités, a exploité ce navire pour son propre
compte, aux termes d'accords conclus avec les
vendeurs. Le navire fut vendu le 19 novembre
1965 et la compagnie appelante ne participa
plus à son exploitation.
Les accords relatifs à l'achat du navire com-
prenaient un contrat entre la compagnie appe-
lante et la Bessbulk Limited, compagnie consti-
tuée par les vendeurs conformément aux
accords. Aux termes de ce contrat, la Bessbulk
assurait à la compagnie appelante, jusqu'à la fin
du contrat d'affrètement ou jusqu'à la vente du
navire, le versement de la différence entre le
revenu net de l'exploitation du navire et un
revenu minimum prévu dans le contrat. Les
vendeurs avaient transféré à la Bessbulk, pour
qu'elle l'investisse, la somme de $1,900,000 et il
était convenu que, chaque année, la Bessbulk
payerait à la compagnie appelante une somme
n'excédant pas le revenu net de ces investisse-
ments, pour couvrir une partie du déficit du
revenu net tiré de l'exploitation du navire; le
reliquat de ce déficit de revenu net devait cons-
tituer une dette à la charge de la Bessbulk qui
devait l'acquitter dans les années où les revenus
tirés de l'exploitation du navire dépasseraient le
niveau prévu par les accords, faute de quoi le
remboursement serait effectué à l'échéance du
contrat d'affrètement ou à la vente du navire.
L'accord prévoyait également que, si les reve-
nus tirés de l'exploitation du navire excédaient
les niveaux prévus au contrat, les sommes
qu'auraient versées la Bessbulk conformément
aux ternies de l'accord lui seraient remboursées.
Ces sommes seraient également remboursées au
cas où le prix de vente du navire dépasserait le
total du prix d'achat plus le déficit du revenu
net non remboursé. La Bessbulk avait égale-
ment droit à 35% des bénéfices d'exploitation
au-delà du niveau prévu au contrat.
Pour l'année d'imposition 1962 de l'appelante,
prenant fin le 31 juillet 1962, les revenus nets
de l'exploitation du navire accusaient un déficit
de $206,932 par rapport au niveau prévu et la
compagnie appelante a touché de la Bessbulk la
somme de $36,058, le solde restant dû par la
Bessbulk aux termes de l'accord. Par la suite,
chaque année d'exploitation du navire s'est tra-
duite par un déficit et quand le navire fut vendu,
en 1965, le total de ces déficits était de $1,201,-
079, soit la somme en litige dans la cotisation
dont il est fait appel.
Je dois faire remarquer que si les accords
susmentionnés étaient restés en vigueur pendant
toute la période en question, il ne me serait pas
difficile de conclure que cette somme provenait
de l'exploitation du navire et constituait ainsi un
revenu de l'entreprise de la compagnie
appelante.
Cependant, ces accords ne sont pas restés en
vigueur. Par un accord supplémentaire en date
du 20 juin 1963, mais prenant force rétroactive-
ment au ler août 1962, ces accords furent, selon
l'expression utilisée dans le mémoire de la com-
pagnie appelante, [TRADUCTION] «restructurés».
Par cet accord, la compagnie appelante a
racheté au vendeur toutes les actions de la Bess-
bulk et l'accord par lequel cette dernière s'enga-
geait à garantir les déficits du revenu net de
l'exploitation du navire fut résilié, sans préju-
dice des droits ou obligations acquis. Bien que
les actions de la Bessbulk aient été immédiate-
ment transférées à la compagnie appelante aux
termes des accords, leur prix ne devenait exigi-
ble qu'à l'échéance du contrat d'affrètement ou
à la vente du navire. Le prix à payer serait alors
la différence entre la juste valeur marchande de
l'avoir de la Bessbulk et les déficits du revenu
net de l'exploitation du navire, moins les
sommes déjà payées à la compagnie appelante
par la Bessbulk en remboursement de ces défi-
cits ainsi que tout revenu que la Bessbulk aurait
distribué à l'appelante.
Dans ses années d'imposition 1963, 1964 et
1965, la compagnie appelante a reçu de la Bess-
bulk des dividendes de $55,826, $60,834 et
$63,717, respectivement, ce qui donne, avec les
$36,058 reçus en 1962, un total de $216,435.
Par conséquent, après la vente du navire, la
compagnie appelante a pu régler l'achat des
actions de la Bessbulk en versant une somme
représentant la juste valeur marchande de
l'avoir de cette compagnie moins la somme de
$984,644 (c'est-à-dire $1,201,079, total du défi-
cit net de l'exploitation du navire, moins la
somme de $216,435 que la compagnie appelante
avait reçue de la Bessbulk).
En établissant la cotisation de la compagnie
appelante pour l'année d'imposition 1966, le
Ministre a ajouté au calcul de son revenu la
somme de $1,201,079. Cette cotisation a été
confirmée par la Division de première instance.
Cependant, lors de l'appel interjeté devant la
présente Cour, le Ministre a admis, dans l'ex-
posé de ses arguments, [TRADUCTION] «que,
selon une juste interprétation des termes du
contrat d'achat, le montant du profit reçu par la
compagnie appelante pendant l'année d'imposi-
tion 1966 n'est pas la somme de $1,201,079,
ainsi que l'indique la cotisation, mais la somme
de $984,644»; selon lui, l'appel devrait être
admis et la décision en première instance modi-
fiée pour lui déférer la cotisation, pour nouvelle
cotisation comprenant dans le calcul du revenu
de la compagnie appelante la somme de $984,-
644 plutôt que celle de $1,201,079. Le Ministre
demandait le rejet de l'appel sur tous les autres
points en litige.
La compagnie appelante a soulevé deux prin-
cipales objections à la cotisation de la somme de
$984,644. Elle affirme, premièrement, que cette
somme n'est pas un revenu mais une augmenta
tion de capital et, deuxièmement, que même si
cette somme est un revenu, elle ne peut être
ajoutée au revenu imposable de la compagnie
pour l'année d'imposition 1966.
Si j'ai bien compris, la compagnie appelante
prétend dans son premier argument que le but
évident de l'accord de 1963 était le rachat des
actions et que, si ses dispositions étaient cen-
sées remplacer l'accord de 1961 sur l'indemni-
sation de ses déficits de revenu, son but était
d'arriver à un prix d'achat des actions. Elle
prétend que si l'accord de 1961 prévoyait le
versement d'un supplément au revenu tiré de
l'exploitation du navire, l'accord de 1963 ne
contenait aucune pareille disposition et ne por-
tait que sur la réduction du prix d'achat des
actions en se basant sur les revenus tirés de
l'exploitation du navire.
Que cet argument représente ou non d'une
manière exacte l'accord de 1963—et je ne vois
pas pourquoi je le considérerais comme une
représentation inexacte—ce qui doit être tran-
ché n'est pas tellement la substance ou le carac-
tère de l'accord mais bien la nature de ce que la
compagnie appelante en a tiré.
Cet accord était censé restructurer les
accords de 1961 et son but était d'obtenir d'une
autre manière les mêmes résultats économiques.
On peut par conséquent dire que ses disposi
tions venaient remplacer les dispositions de
1961, que cela était un moyen de combler le
déficit des revenus ou d'augmenter les revenus,
moyen différent de celui prévu dans l'accord de
1961 mais qui, en fait, arrivait au même résultat,
à savoir satisfaire à l'exigence initiale de la
compagnie appelante de se voir garantir que les
revenus tirés de l'exploitation du navire ne
seraient pas inférieurs à la somme prévue. Cela
me mène à penser que ce que la compagnie
appelante a obtenu en vertu de cet accord avait
également le caractère d'un revenu.
De plus, les faits me semblent démontrer que
c'est par l'exploitation ultérieure du navire que
la compagnie appelante a mérité le droit de faire
entrer en ligne de compte le montant en ques
tion dans le calcul du prix des actions. Ce droit
provient par conséquent de l'exploitation du
navire et fait partie des gains de la compagnie
en vertu de l'accord.
Par conséquent, je considère que le droit de la
compagnie appelante de faire entrer en ligne de
compte la somme de $984,644 constitue un
revenu et est imposable comme tel.
L'autre argument est que, de toute manière, la
somme n'avait pas été comprise à juste titre
dans le calcul du revenu de la compagnie appe-
lante pour l'année 1966 car elle s'était accumu-
Iée année par année et les droits qu'avait la
compagnie appelante de se faire rembourser les
déficits de son revenu net de chaque année
devaient faire l'objet d'une cotisation dans l'an-
née même de ce déficit. En ce qui concerne les
années d'imposition 1963, 1964 et 1965, aux-
quelles s'applique l'accord de 1963, je n'arrive
pas à comprendre comment on aurait pu effec-
tuer à la fin de chaque année le calcul des
montants à verser à la compagnie appelante,
étant donné que le contrat d'affrètement restait
valide pour de nombreuses années au cours
desquelles le déficit pouvait être comblé et que
le navire n'avait pas encore été vendu. Pour
cette raison je considère que l'argument de la
compagnie appelante est encore plus faible pour
ces années que pour l'année d'imposition 1962,
à laquelle s'appliquait l'accord de 1961. Mais
même pour 1962, bien qu'il ait été possible de
déterminer, à la fin de cette année-là, le déficit
qui constituait une dette exigible au sens de
l'accord, ce montant était, jusqu'à la fin de la
période d'affrètement ou la vente du navire,
sujet à révision ou à compensation selon les
résultats de l'exploitation du navire dans les
années ultérieures ou selon que le navire était
vendu pour un prix permettant de faire jouer les
dispositions de l'accord sur le remboursement à
la Bessbulk. A mon sens, ces sommes n'ont eu
le caractère et la nature d'une dette exigible qu'à
la vente du navire, leur montant exact étant
alors fixé en accord avec les dispositions du
contrat. Comme il n'y avait eu aucune augmen
tation des revenus, le montant net était le même
que le montant brut. Par conséquent, je ne
pense pas qu'on puisse, à partir de ces chiffres,
faire un calcul du revenu qui tiendrait compte
de ces sommes avant 1966.
Ces conclusions suffisent à justifier le rejet
de l'appel sur les questions soulevées par la
compagnie appelante dans son avis d'appel à la
Division de première instance et dans son
exposé des arguments, ainsi que dans les argu
ments présentés par ses avocats lors de l'au-
dience de l'appel. Dans sa réplique, l'avocat a
toutefois tenté de soulever une question supplé-
mentaire à partir de ce qui avait été soulevé
dans le plaidoyer des avocats du Ministre. Selon
cet argument, si la somme en question était
imposable en tant que revenu mais n'était pas
imposable pour les années antérieures à 1966,
elle ne pouvait pas non plus être imposée pour
l'année d'imposition 1966 étant donné que le
certificat des vérificateurs établissant, confor-
mément à l'accord, le montant des déficits nets
de revenus ainsi que le prix des actions (qui
figure à la page 379 du dossier d'appel) est
présenté comme daté du ler décembre 1966, ce
qui le situerait dans l'année d'imposition 1967
de la compagnie appelante, et que, par consé-
quent, la somme en question n'avait pas été
fixée au cours de l'année d'imposition 1966 et
ne constituait pas un revenu pour ladite année.
Cette question n'avait pas été soulevée en
première instance, ni même en appel jusqu'à ce
moment-là et, à mon sens, cela équivaut à la
présentation d'un moyen tout à fait nouveau
n'ayant pas encore été plaidé et qu'il n'était
venu à l'esprit d'aucun des avocats de soulever
jusque-là.
Les paragraphes 8 et 16 de l'avis d'appel à la
Division de première instance, en date du 6
octobre 1969, comprennent les affirmations
suivantes:
[TRADUCTION] 8. Le 19 novembre 1965, la Maple Leaf a
vendu le navire à l'Oswego Unity Corporation («Oswego»).
Aux termes de l'accord portant sur l'achat des actions et
titres de la Bessbulk, le prix d'achat fut versé par la Maple
Leaf durant son année d'imposition 1966.
16. La transaction consignée par cet accord de vente
comprenait le rachat par la Maple Leaf à la Federal Bulk et
à la Bessemer des actions émises ainsi que des autres
valeurs de la Bessbulk pour un prix qui restait à déterminer
compte tenu des circonstances mentionnées dans l'accord de
vente. Un seul paiement devait être effectué une fois le prix
d'achat fixé. Le prix d'achat ayant été fixé dans l'année
d'imposition 1966 de la Maple Leaf, il fut réglé cette même
année.
Un paragraphe 17A fut ajouté à l'avis d'appel
par le dépôt d'un amendement le 28 septembre
1970:
[TRADUCTION] 17A. Dans l'hypothèse où l'on reconnaî-
trait au Ministre le droit d'imposer à titre de revenu toute
somme provenant de l'exploitation du navire, le seul revenu
imposable qui devrait figurer dans la cotisation serait le
montant des gains pour l'année d'imposition 1966. Dans sa
nouvelle cotisation, le Ministre a inclus des sommes qui,
selon sa thèse, auraient été gagnées dans les années
précédentes.
La réplique du Ministre admet le paragraphe
8 mais elle ne mentionne ni le paragraphe 16 ni
le paragraphe 17A, lesquels figurent dans la
partie B de l'avis d'appel intitulé [TRADUCTION]
«Dispositions législatives sur lesquelles s'appuie
la compagnie appelante et moyens de droit
qu'elle entend avancer.»
L'affaire se complique encore du fait que le
certificat mentionné fut déposé en preuve par
l'avocat du Ministre. Mais, même après ce
dépôt, le procès suivit son cours normal et l'ap-
pel fut interjeté sans que cette question ne soit
soulevée. Je ne pense pas que dans ces circon-
stances la compagnie appelante soit en droit de
présenter ce qui constitue en fait de nouvelles
conclusions fondées sur ce document, ou qu'on
puisse lui permettre de le faire, sans qu'un
amendement ait été apporté à sa plaidoirie et
sans que l'intimé ait eu l'occasion d'y répondre.
(Voir les Règles 420(2) et 1104.)
A la fin de l'audience, la Cour a réservé son
jugement et a fait savoir aux avocats qu'elle ne
rendrait pas sa décision avant que l'appelante
n'ait eu l'occasion de décider si elle voulait
demander l'autorisation de déposer un tel amen-
dement. L'avocat a fait savoir depuis, par une
lettre envoyée au greffe, que la compagnie
appelante n'a pas l'intention de demander l'auto-
risation de déposer un amendement.
Je considère par conséquent que cette ques
tion ne se pose pas à la Cour et qu'elle ne peut
pas être soulevée par la compagnie appelante.
J'accueille l'appel et je défère la cotisation au
Ministre pour nouvelle cotisation, afin que soit
incluse dans le calcul du revenu de la compagnie
appelante pour l'année 1966 la somme de $984,-
644 et non la somme de $1,201,079 qui figure
dans la cotisation dont il est fait appel. Les
autres moyens d'appel sont rejetés.
La compagnie appelante se voyant donner
raison en partie, je l'autorise à recouvrer ses
frais d'action en première instance ainsi que les
dépens de cet appel jusqu'au dépôt de l'exposé
des arguments de l'intimé, ainsi que les coûts
d'inscription du jugement. L'intimé a le droit de
recouvrer ses frais pour l'audience d'appel.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY—Je souscris
aux motifs du jugement de mon collègue le juge
Thurlow.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT SWEET —Dans ses
motifs, le juge Thurlow a exposé tous les élé-
ments nécessaires à la compréhension et au
jugement du litige. Il se réfère à un contrat
prenant effet «au 31 juillet 1961» entre la Bess-
bulk Limited et la compagnie appelante. Par ce
contrat, la Bessbulk Limited s'engageait à
garantir à la compagnie appelante le versement
de la différence entre les revenus nets de l'ex-
ploitation d'un navire acheté en 1961 par la
compagnie appelante et un certain montant
minimum sur lequel ils s'étaient accordés pour
un nombre d'années spécifié. Le juge Thurlow
se réfère également à un accord en date «du 20
juin 1963» prévoyant le rachat par la compagnie
appelante de toutes les actions émises et autres
valeurs de la Bessbulk Limited. Suite à l'accord
de 1963, l'accord de 1961 portant sur l'indemni-
sation fut «résilié, sans préjudice des droits ou
obligations» acquis aux termes du précédent
accord. Les dispositions pertinentes de ces
accords sont exposées dans ses motifs et n'ont
pas besoin d'être reprises ici. La compagnie
appelante a pu exécuter son 'engagement de
régler le prix des actions et autres valeurs de la
Bessbulk Limited en versant une somme repré-
sentant la juste valeur marchande de l'avoir de
cette compagnie moins la somme de $984,644.
Ainsi, la compagnie appelante a pu racheter à la
Bessbulk ses actions et valeurs à un prix infé-
rieur de $984,644 à leur juste valeur
marchande.
C'est cette somme de $984,644 que l'intimé
prétend imposer au motif qu'elle constitue un
bénéfice provenant de l'entreprise de la compa-
gnie appelante.
Dans son exposé des faits et du droit, l'appe-
lante fait notamment valoir que:
[TRADUCTION] Le savant juge de première instance a commis
une erreur en ne jugeant pas que le but évident de l'accord
de vente de 1963 était de fixer les conditions du rachat des
actions ... .
et
[TRADUCTION] Étant donné que l'achat et la vente de valeurs
ne constituaient pas une des activités ordinaires de l'appe-
lante, l'achat des valeurs en cause doit être considéré
comme une transaction de capital ... .
Dans cet exposé, on trouve également cette
affirmation au sujet de l'accord de vente de
1963:
[TRADUCTION] Il ne fait aucun doute qu'il entrait dans l'inten-
tion des parties de donner à ce document le même but que
celui de l'accord d'indemnité signé en 1961.
J. L. Lewtas, administrateur de la compagnie
appelante et partenaire dans la firme d'avocats
qui s'occupe des affaires de la compagnie, a
déclaré, en réponse à une question sur l'accord
du 20 juin 1963 et l'accord précédent:
[TRADUCTION] La formulation n'est pas la même, mais pour
répondre tout à fait honnêtement à votre question je peux
vous dire que mes instructions étaient d'obtenir un résultat
économique identique tout en réglant nos problèmes avec le
fisc américain.
L'accord de 1963 porte effectivement sur
l'achat d'un avoir en capital, à savoir les actions
de la Bessbulk Limited, et l'on y trouve une
façon de fixer le prix apparent de ces actions.
Cependant, le fait que la compagnie appelante
puisse acheter ces actions à un prix inférieur à
leur juste valeur marchande (et la somme en
cause) est un résultat direct d'une des activités
commerciales de l'appelante, savoir l'exploita-
tion du navire.
Le but de l'accord d'indemnisation de 1961 et
de l'accord d'achat de 1963 était d'assurer à la
compagnie appelante un revenu net minimum de
l'exploitation du navire. Conformément à l'ac-
cord de 1961, au cas où ce minimum ne serait
pas atteint, le déficit devait être comblé par la
Bessbulk Limited. Conformément à l'accord
d'achat de 1963, ce déficit devait être comblé
par une réduction du prix d'achat permettant à
l'appelante de se porter acquéreur des actions
de la Bessbulk Limited à un prix inférieur à leur
juste valeur marchande. La différence entre le
prix à verser et la juste valeur marchande devait
être égale au déficit enregistré.
Il importe peu que le revenu minimum net
garanti provienne de l'utilisation du navire par
d'autres personnes ou qu'il découle de la garan-
tie souscrite par la Bessbulk Limited aux termes
de l'accord d'indemnisation de 1961 ou encore
du droit d'acheter les actions de la Bessbulk
Limited selon les termes de l'accord d'achat de
1963 (ou même en partie d'une de ces sources
et en partie des autres). En toute hypothèse, les
revenus découlent de cette partie de l'activité
commerciale de la compagnie appelante consti-
tuée par l'exploitation du navire; ils constituent
un revenu d'entreprise. Les caractéristiques
seraient les mêmes dans chacun des cas; seule
la source serait différente et, nonobstant la
source, il s'agirait là d'un revenu. Dans tous les
cas cela constituerait un bénéfice découlant
d'une entreprise. A mon sens, ces sommes cons
tituent un revenu et sont imposables à ce titre.
La compagnie appelante a également soutenu
que, de toute manière, ainsi qu'elle le déclarait
dans son exposé,
[TRADUCTION] Le savant juge de première instance a commis
une erreur en jugeant que toute somme ou bénéfice perçu
par le contribuable comme résultat soit de l'accord d'indem-
nisation de 1961 soit de l'accord d'achat de 1963 était fixé,
exigible et imposable dans l'année d'imposition 1966.
A l'égard de cette contre-proposition, je par-
tage l'avis du juge Thurlow quand il déclare
qu'aucune partie des sommes en question ne
pouvait être considérée comme un revenu dans
les années d'imposition précédant 1966.
Je souscris également à son opinion concer-
nant une autre question que l'avocat a tenté de
soulever, à savoir que si la somme en question
est imposable en tant que revenu mais n'est pas
imposable dans les années précédant 1966, elle
ne peut pas non plus être imposée pendant
l'année d'imposition 1966 étant donné que le
certificat des vérificateurs constatant les défi-
cits du revenu net et fixant le prix des actions
est censé être daté au ler décembre 1966, donc
dans l'année d'imposition 1967 de l'appelante. A
son avis, pour les motifs qu'il a énoncés, la Cour
n'est pas saisie de cette question et la compa-
gnie appelante ne peut pas la soulever. Je suis
du même avis.
J'accueille aussi l'appel et je défère la cotisa-
tion au Ministre pour nouvelle cotisation, afin
que soit incluse dans le calcul du revenu de la
compagnie appelante pour l'année 1966 la
somme de $984,644 et non la somme de
$1,201,079 qui figure dans la cotisation dont il
est fait appel. Les autres motifs d'appel sont
aussi rejetés.
Je trancherais la question des dépens de la
même manière que l'a fait le juge Thurlow.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.