Good Luck Construction Company Limited
(Appelante)
c.
Le ministre du Revenu national (Intime')
Division de première instance, le juge Gibson—
Toronto, le 4 mai; Ottawa, le 15 juin 1972.
Impôt sur le revenu—Convention de partage des bénéfices
entre deux compagnies au sujet de deux projets distincts—
S'agit-il d'une entreprise conjointe?
La El-Al Construction Co. et la Good Luck Construction
Co., deux compagnies sous le contrôle des mêmes person-
nes, s'occupaient de projets de construction distincts. Au
mois d'avril 1960, lorsqu'on s'est rendu compte que la El-Al
Co. subirait une perte sur son projet, les deux compagnies
ont conclu une convention aux termes de laquelle elles
convenaient de partager les bénéfices et les pertes des deux
projets. La El-Al Co. a en fait subi une perte sur son projet
et la Good Luck Co. a réalisé un bénéfice sur son projet,
dont une somme de $153,788 a été attribuée à El-Al Co. par
suite de la convention.
Arrêt: la Good Luck Co. était assujettie à l'impôt sur le
revenu sur la somme de $153,788 attribuée à la El-Al Co.
La El-Al Co. n'a pas réellement pris part, de quelque façon
que ce soit, à la construction du projet sur lequel la Good
Luck Co. a réalisé son bénéfice et, en conséquence, n'a
gagné aucune partie de ce bénéfice à titre de participante à
une entreprise conjointe.
APPEL de l'impôt sur le revenu.
W. D. Goodman, c.r. et F. E. Cappell pour
l'appelante.
Gerald Rip pour l'intimé.
LE JUGE GIBSON—L'appelante, Good Luck
Construction Company Limited, est une entre-
prise de construction qui fait partie d'un groupe
de compagnies appartenant conjointement aux
familles Edelstein et Fischtein. L'appelante
s'occupait entre autres de projets de logements
à dividendes limités, tels que les prévoit la Loi
nationale sur l'habitation.
(Dans le cas de projets de logements à divi-
dendes limités, le gouvernement, par l'intermé-
diaire de la Société centrale d'hypothèques et
de logement, offre des prêts à longue échéance,
à un taux d'intérêt inférieur à celui du marché,
dont le montant couvre un pourcentage très
élevé du coût total. La compagnie qui entre-
prend de tels projets doit avoir été constituée
sous forme de compagnie de logements à divi-
dendes limités et les dividendes qu'elle verse ne
doivent pas dépasser, chaque année, 5% du
capital investi.)
MM. Fischtein et Edelstein, par l'entremise
de leurs compagnies, se consacraient depuis
assez longtemps à la construction. Le projet
connu sous le nom de Landscape Court (Land-
scape Court Apartments Limited), rue Keele à
North York (Ontario), était toutefois leur pre
mier projet de logements à dividendes limités.
MM. Edelstein et Fischtein ont fait constituer la
Landscape Court Apartments Limited sous
forme de compagnie de logements à dividendes
limités, compagnie qui agissait comme proprié-
taire du projet. La El-Al Construction Limited,
une de leurs compagnies de construction, s'est
chargée de la construction du projet selon des
plans déjà approuvés.
L'achèvement de ce projet s'est soldé par une
perte pour la El-Al Construction Company
Limited. On a tenté de remédier à cet état de
choses en demandant une révision du prix con-
tractuel approuvé et un prêt hypothécaire plus
élevé; ces demandes ont été rejetées. La preuve
indique qu'au moment où les employés intéres-
sés de la Société centrale d'hypothèques et de
logement ont refusé l'augmentation du prêt, ils
ont encouragé verbalement MM. Fischtein et
Edelstein à soumettre un autre projet de loge-
ments à dividendes limités que la Société, selon
eux, approuverait probablement et sur lequel, si
tout allait bien, MM. Fischtein et Edelstein
pourraient réaliser un bénéfice.
Ultérieurement, MM. Fischtein et Edelstein
ont entrepris la construction d'un nouveau
projet, appelé Sylvan Court Apartments, sur
des terrains situés à Scarborough (Ontario),
adjacents à un autre projet de logements collec-
tifs qui était alors sur le point d'être achevé
pour le compte d'une compagnie appelée Edel-
stein Apartments Limited. La Sylvan Court
Apartments Limited avait été constituée sous
forme de compagnie de logements à dividendes
limités et on avait procédé pour ce projet de la
même façon que pour le projet Landscape
Court.
Dans le cas de ce second projet de logements
à dividendes limités, la compagnie de construc
tion n'était pas la El-Al Construction Limited
mais une autre compagnie de construction, la
présente appelante, Good Luck Construction
Company Limited, dont MM. Fischtein et
Edelstein étaient également propriétaires et qui
avait été constituée plusieurs années aupara-
vant. La Société centrale d'hypothèques et de
logement a approuvé le projet Sylvan Court, le
propriétaire en étant Sylvan Court et le cons-
tructeur Good Luck.
Ce second projet s'est soldé par un bénéfice
substantiel.
MM. Fischtein et Edelstein comptaient beau-
coup sur un financement de la banque. Ils
exploitaient un nombre assez considérable de
compagnies, mais celles-ci avaient dû se porter
garantes les unes des autres à l'occasion de
prêts bancaires. Ainsi, Good Luck avait dû se
porter caution envers la banque en ce qui con-
cernait tous les prêts accordés à El-Al. Good
Luck servait de chambre de compensation du
groupe parce qu'elle avait des liquidités. Au
cours du projet Landscape Court, elle avait
avancé des sommes considérables, (près de
$200,000), à El-Al. L'appelante a déclaré que
ces avances n'étaient que temporaires et
devaient être remboursées quand le projet
Landscape Court serait terminé. La preuve indi-
que cependant, que lorsque le projet Landscape
Court s'est soldé par une perte importante, on a
cherché un moyen de rembourser Good Luck.
C'est apparemment dans ce but que Good
Luck et El-Al ont conclu au mois d'avril 1960
une convention aux termes de laquelle elles
convenaient de partager les bénéfices et les
pertes de deux projets. Il était déjà évident à ce
moment que le projet Landscape Court se sol-
derait par une perte, bien que l'on ne connût pas
encore le montant de celle-ci. Apparemment,
d'après la preuve, le but de cette convention
était de permettre à El-Al, si l'on pouvait réali-
ser un bénéfice et le partager entre les deux
compagnies, de récupérer une partie de la perte
qu'elle avait subie sur le projet Landscape
Court, ce qui lui aurait permis de rembourser
Good Luck.
On a lancé le projet Sylvan Court au prin-
temps de 1960 et il s'est soldé par un bénéfice
substantiel. Conformément à la convention d'a-
vril 1960, la Société centrale d'hypothèques et
de logement a procédé à la vérification finale
des coûts et leur a donné son approbation; le
bénéfice réalisé sur la construction du projet
Sylvan Court a été fixé. Les deux compagnies
ont alors établi leurs comptes entre elles, mais
ne l'ont pas fait conformément à la convention
de partage des bénéfices et des pertes.
En conformité de ces comptes, Good Luck
n'a pas fait figurer dans son revenu de l'année
d'imposition 1964 la somme de $153,788.35,
représentant la partie du bénéfice réalisé sur le
projet Sylvan Court qui avait été attribuée à
El-Al (soit-disant en vertu de la convention
constituant la pièce 8, ce qui en fait, comme
nous l'avons dit, n'avait pas été le cas). Le
Ministre a établi alors une nouvelle cotisation
de l'appelante Good Luck en se fondant sur le
fait que cette somme faisait partie de son
revenu.
Le présent appel porte sur cette nouvelle
cotisation.
La pièce 8, déposée dans le présent procès,
est la convention même aux termes de laquelle
l'appelante Good Luck Construction Company
Limited et El-Al Construction Limited agissant
à titre d'entreprise commune ou en association
ou, en tous cas, conjointement, ont acquis l'im-
meuble et ont construit, sur l'avenue Morning-
side en la ville de Scarborough (Ontario), le
projet de logements à dividendes limités connu
sous le nom de Sylvan Court, projet qui a été
constitué en corporation sous le nom de Sylvan
Court Apartments Limited. Cette même con
vention stipulait également que les parties
devaient achever de la même façon la construc
tion du projet de logements à dividendes limités
appelé Landscape Court, qui a été plus tard
constitué en corporation sous le nom de Lands
cape Court Apartments Limited.
Cette convention (pièce 8) est datée d'avril
1960 et le paragraphe 4 de celle-ci est la clause
essentielle qui nous intéresse; il se lit comme
suit:-
[TRADUCTION] 4. Les bénéfices et (ou) les pertes des
projets susmentionnés devront être établis et répartis selon
les rapports de leurs vérificateurs, dans un délai maximal de
18 mois après l'achèvement des deux projets.
Lors de la signature de la convention consti-
tuant la pièce 8, les parties savaient, comme
nous l'avons dit, que le projet Landscape Court
se solderait par une perte. A ce moment-là,
aussi, les pertes accumulées d'El-Al Construc
tion Limited se chiffraient à environ $177,000.
On espérait aussi, comme nous l'avons dit, réa-
liser un bénéfice sur le projet Sylvan Court.
Le point à trancher est celui de savoir si,
d'après la preuve, on peut conclure avec raison
que c'est l'appelante seule qui a gagné le revenu
tiré du projet Sylvan Court ou si c'est El-Al
Construction Limited qui a gagné une partie au
moins, soit la somme de $153,788.35, de ce
revenu.
Si l'appelante et El-Al ont réellement entre-
pris, exécuté et terminé conjointement le projet
Sylvan Court conformément à la convention
constituant la pièce 8 en qualité d'entreprise
commune, en association ou autrement, le
revenu provenant de telles activités leur appar-
tenait conjointement.
La preuve a révélé que tous les contrats
concernant le projet Sylvan Court étaient rédi-
gés au nom de l'appelante, que celle-ci avait
conclu toutes les ententes avec la banque,
(autres que les garanties réciproques), qu'offi-
ciellement, c'était elle qui avait toujours traité
avec la Société centrale d'hypothèques et de
logement en son nom, qu'elle avait à l'origine
déclaré comme son revenu tout le revenu pro-
venant de l'exécution et de l'achèvement du
projet Sylvan Court dans ses déclarations d'im-
pôt, que ce n'est qu'ultérieurement, lorsqu'elle a
fait parvenir une déclaration modifiée, qu'elle a
déclaré qu'une partie de ce revenu, jusqu'à con
currence de $153,788.35, était celui d'El-Al
Construction Limited, et tous les autres indices
font apparaître que l'appelante était la seule qui
avait entrepris, exécuté et achevé le projet
Sylvan Court.
On ne peut nécessairement considérer comme
preuve, en ce qui concerne le point à trancher
dans la présente affaire, chacun de ces indices,
mais le fait demeure qu'aucune ne prouve non
plus qu'El-Al Construction Limited a réellement
pris part de quelque façon que ce soit à l'entre-
prise, à l'exécution et à l'achèvement du projet
Sylvan Court.
Bien que la prudence et le bon sens aient
peut-être présidé à la signature de la convention
constituant la pièce 8, dans le but d'essayer
d'organiser les affaires des deux compagnies
pour permettre à El-Al Construction Limited de
profiter des avantages prévus à l'article 27(1)e)
de la Loi de l'impôt sur le revenu concernant le
report d'une perte, il était impérieux, avant que
ce résultat ne puisse être obtenu, que l'appe-
lante et El-Al Construction Limited entrepren-
nent, exécutent et achèvent conjointement le
projet, en organisant effectivement leurs affai-
res d'une manière différente.
Tel n'a pas été le cas.
La convention qui constitue la pièce 8 n'a pas
été respectée après sa signature. On n'a fourni
aucune preuve qui permette de conclure que
cette convention a réellement régi et permis le
contrôle de l'entreprise, de l'exécution ou de
l'achèvement du projet, d'une manière ou d'une
autre. Au contraire, la conclusion que l'on peut
tirer de l'ensemble de la preuve, c'est que l'ap-
pelante seule a entrepris, exécuté et achevé tout
ce qui se rapporte au projet Sylvan Court.
L'appel est donc rejeté avec dépens.
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