Jack Appleby (Appelant)
c.
Le ministre du Revenu national (Intimé)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges
Thurlow et Cameron—Ottawa, le 19 juin 1972.
Impôt sur le revenu—Exemption du gain tiré d'actions
reçues aux termes d'une entente de commandite en prospec-
tion—Actions reçues par l'actionnaire majoritaire d'une
société de courtage—Actions vendues au cours d'une cam-
pagne menée par la société de courtage en vue de la vente
desdites actions—Cet actionnaire est-il fondé à réclamer
l'exemption—Loi de l'impôt sur le revenu, article 83(3) et
(4).
A a reçu des actions de certaines compagnies aux termes
d'une entente de commandite en prospection et a réalisé un
gain lors de la vente de ces actions; il était dès lors fondé à
réclamer l'exemption accordée par l'article 83(3) de la Loi
de l'impôt sur le revenu. Toutefois, les actions ont été
vendues au cours d'une campagne en vue de la vente de ces
actions menée par une société de courtage dont A était le
seul véritable actionnaire, en plus d'être un de ses adminis-
trateurs et son président, et d'en dominer et diriger
l'activité.
Arrêt: l'article 83(4) fait perdre à A le droit de réclamer
l'exemption accordée par l'article 83(3). Un dirigeant ou un
employé qui, dans le cadre de ses fonctions, mène une
campagne en vue de la vente d'actions, mène effectivement
cette campagne en sa qualité personnelle, même s'il le fait
dans le cadre de l'activité commerciale de son employeur.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
F. E. LaBrie pour l'appelant.
J. Scollin, c.r., et P. J. Crump pour l'intimé.
Le jugement de la Cour a été prononcé par
LE JUGE THURLOW—La question à trancher
dans le présent appel, où les parties s'entendent
sur les faits, est de savoir si les dispositions
faites par l'appelant de certaines actions de trois
compagnies l'ont été par lui pendant qu'il faisait
une campagne en vue de la vente d'actions de
ces compagnies au public ou après cette campa-
gne, au sens du paragraphe (4) de l'article 83 de
la Loi de l'impôt sur le revenu. Dans l'affirma-
tive, l'effet dudit paragraphe est de faire perdre
à l'appelant l'exemption d'impôt prévue par l'ar-
ticle 83(3) sur les bénéfices tirés de la vente des
actions.
C'est un fait bien établi que les actions ont
été vendues à une époque où une campagne en
vue de la vente au public d'actions des trois
compagnies était en cours et que, dans chacun
des trois cas, la campagne était menée par la J.
Appleby Securities Limited, compagnie dont
l'activité consiste dans le courtage, le com
merce, la distribution et la prise ferme de titres,
et dont l'appelant était lui-même, pendant toute
l'époque en question, le seul véritable action-
naire, en plus d'être un de ses administrateurs et
son président, et d'en dominer et diriger
l'activité.
Il ne semble faire aucun doute que, si l'appe-
lant avait mené pour son propre compte et en
son propre nom la campagne en vue de la vente
au public d'actions des trois compagnies ou que
si la J. Appleby Securities Limited avait été la
personne qui avait avancé l'argent aux fins de
prospection et celle qui avait reçu les actions
visées par l'article 83(3), l'article 83(4) aurait
pour effet de faire rejeter la demande d'exemp-
tion d'impôt que pourrait présenter l'un ou l'au-
tre des susdits relativement aux bénéfices tirés
de la vente des actions. La question à trancher
est donc de savoir si, dans les circonstances de
la présente affaire, (1) le fait que la campagne a
été menée par la J. Appleby Securities Limited
ou encore (2) le fait que la campagne n'a pas été
menée comme une opération commerciale de
l'appelant lui-même a pour effet de rendre inap
plicable l'article 83(4).
A notre avis, il convient de remarquer que,
même s'il faut pour que l'article 83(4) reçoive
application que la campagne soit menée par la
personne qui serait autrement fondée à récla-
mer l'exemption prévue par l'article 83(3), la
question qui découle de l'article 83(4) n'est pas
celle de savoir laquelle de deux personnes qui
ont pris part à une telle campagne l'a menée, ni
pour le compte ou au nom de qui elle a été
menée, ni qui était le principal et qui le manda-
taire. La question consiste plutôt simplement à
décider si la personne qui réclame l'exemption
prévue par l'article 83(3) a mené une campagne
en vue de la vente au public d'actions desdites
compagnies. En essayant de répondre à cette
question, on ne peut, selon nous, affirmer que
chacune des personnes qui ont pris part con-
jointement à la conduite d'une telle campagne
n'était pas une personne qui a mené la campa-
gne. Il serait, selon nous, tout aussi insoutena-
ble de prétendre qu'un père qui a dirigé la
conduite d'une telle campagne menée par son
fils mineur et qui, pour ce faire, a personnelle-
ment surveillé et dirigé les opérations, allant
même jusqu'à apposer le nom de son fils sur
des documents, ne menait pas lui-même une
campagne en vue de la vente au public d'actions
de la compagnie. Le fait que le père avait lui-
même des actions à vendre et qu'il les a ven-
dues dans le cours de la campagne rendrait,
selon nous, cette position encore plus
insoutenable.
Il nous paraît n'y avoir que bien peu de
différence entre le présent cas et celui qui vient
d'être exposé et, à notre avis, il serait difficile
d'imaginer un motif moins sérieux ou plus artifi-
ciel pour conclure que l'appelant n'a pas lui-
même mené une pareille campagne que celui
consistant à affirmer que ce n'est pas cela qui
s'est produit parce que c'est une compagnie qui
a mené cette campagne, alors que l'appelant
lui-même en était le propriétaire et en avait
l'entière direction.
Selon nous, il y a lieu de distinguer entre les
cas où une personne contracte ou fait affaires
pour le compte d'une autre personne et certains
autres cas. Lorsque la question est de savoir
laquelle des parties est liée par les dispositions
du contrat fait par le mandataire, il n'est pas
difficile de conclure que le principal est partie
au contrat et que le mandataire ne l'est pas. De
même, lorsque le mandataire fait affaires pour
le compte d'un principal, c'est le principal qui
fait ces opérations et qui y est partie, et le
mandataire n'est pas une partie contractante en
sa qualité personnelle. Toutefois, lorsqu'un
employé exécute un acte pour son employeur,
comme par exemple lorsqu'il conduit la voiture
de ce dernier, l'employé est l'auteur de l'acte
même si, aux yeux de la loi et à certaines fins,
le fait de conduire la voiture est aussi l'acte de
l'employeur. C'est pourquoi, selon nous, lors-
que, comme c'est le cas ici, un dirigeant ou un
employé mène une campagne en vue de la vente
d'actions dans le cadre de ses fonctions, il mène
effectivement cette campagne en sa qualité per-
sonnelle même s'il le fait dans le cadre de
l'activité commerciale de son employeur. Cette
distinction fonde notre conclusion selon
laquelle l'appelant tombe sous le coup des dis
positions de l'article 83(4), même s'il n'est pas
imposable en vertu des dispositions de l'article
3 de la Loi de l'impôt sur le revenu relativement
aux bénéfices tirés des opérations commerciales
qu'il exécute pour le compte de son employeur.
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