Le ministre du Revenu national (Appelant)
c.
Bethlehem Copper Corporation Ltd. (Intimée)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges
suppléants Sheppard et Bastin —Vancouver
(C.-B.), les 8 et 9 mai 1973.
Impôt sur le revenu—Exonération du revenu provenant de
l'exploitation d'une mine—Signification d'«exploitation d'une
mine»—Deux gisements exploités successivement—S'agit-il
de l'exploitation d'une seule mine—Loi de l'impôt sur le
revenu, art. 83(5).
Une compagnie minière a découvert deux gisements dans
la région de Highland Valley en Colombie-Britannique. Dès
le 1" décembre 1962, elle extrayait du minerai en quantité
commerciale d'un des deux gisements. Un glissement de
terrain en février 1965 a mis fin à l'exploitation de ce
gisement et la compagnie a alors commencé à extraire du
minerai du second gisement, tout en utilisant la même usine
pour la conversion du minerai en concentré.
Arrêt: aux termes de l'article 83(5) de la Loi de l'impôt sur
le revenu, la compagnie minière avait droit aux trois années
d'exonération d'impôt sur le revenu provenant de l'exploita-
tion du second gisement. Les mots «exploitation d'une
mine» à l'article 83(5) ne couvrent que l'extraction du
minerai et ne comprennent pas le traitement du minerai une
fois extrait. On doit donc rejeter la prétention du Ministre
selon laquelle l'exploitation d'une mine comprend à la fois
les opérations d'extraction et de traitement de la compagnie.
Arrêts mentionnés: North Bay Mica Co. c. M.R.N.
[1958] R.C.S. 597; M.R.N. c. MacLean Mining Co.
[1970] R.C.S. 877.
APPEL de l'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
J. A. Scollin, c.r., et M. Bonner pour
l'appelant.
B. W. F. McLoughlin, c.r., pour l'intimée.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
l'appelant.
Lawrence et Shaw, Vancouver, pour
l'intimée.
LE JUGE EN CHEF JACKETT (oralement)—Le
présent appel porte sur une décision de la Divi
sion de première instance, qui déclare l'intimée
fondée à se prévaloir, pour l'année d'imposition
1967, de l'exemption d'impôt prévue à l'article
83(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu, article
qui, dans la mesure où il s'applique à cette
année fiscale, se lit ainsi:
(5) ... il ne faut pas inclure, dans le calcul du revenu
d'une corporation, le revenu provenant de l'exploitation
d'une mine au cours de la période de 36 mois commençant
le jour où la mine est entrée en production.
L'intimée a été constituée en corporation en
1955 et a fait de la prospection minière dans les
nombreuses concessions qu'elle détenait dans la
région de Highland Valley, en Colombie-Britan-
nique. A la suite de ses recherches, elle a décou-
vert au moins deux gisements.
Elle a dressé des plans d'exploitation pour
permettre l'extraction du minerai de ces gise-
ments, la conversion du minerai en concentré et
la vente de ce concentré.
En exécution de ces plans, l'un des gisements,
le gisement «East Jersey», a été exploité au
moyen d'une découverte; on a construit une
usine pour la conversion du minerai en concen-
tré, de sorte qu'au lei décembre 1962, ce gise-
ment produisait du minerai en quantité commer-
ciale et ce minerai était acheminé à l'usine pour
sa conversion en concentré.
A cette époque, l'appelant avait admis que
l'intimée possédait une «mine», mise en exploi
tation le lei décembre 1962, et avait donc droit à
l'exemption prévue à l'article 83(5).
En février 1965, un glissement de terrain a
mis un terme à l'exploitation du gisement East
Jersey, environ un mois avant que l'intimée ne
cesse d'en extraire le minerai, conformément à
ses plans.
Entre temps, l'autre gisement qu'avaient
permis de découvrir les travaux de prospection
effectués par l'intimée, le gisement «Jersey»,
avait été mis en état au moyen d'une découverte
et l'intimée a pu en commencer l'exploitation un
mois plus tôt qu'elle ne l'avait prévu. A la même
époque, on a réaménagé l'usine pour qu'elle
puisse traiter la production plus importante que
devait fournir le gisement Jersey.
La question en litige entre les parties à cet
appel est celle de savoir si une «mine est entrée
en production», au sens de l'article 83(5), au
moment où l'intimée a commencé à extraire le
minerai du gisement Jersey.
Je pense que certains faits ne sont pas contes
tés, notamment les faits suivants:
1. Bien que les gisements East Jersey et
Jersey soient proches l'un de l'autre, il n'y a
pas continuité de l'un à l'autre sur le terrain et
l'extraction du minerai d'un de ces gisements
était une opération tout à fait distincte de
l'extraction du minerai de l'autre.
2. L'extraction du minerai du gisement East
Jersey ou du gisement Jersey aurait bien
constitué «l'exploitation d'une mine» au sens
de l'article 83(5), si elle avait constitué l'uni-
que activité de l'intimée.
Si j'ai bien compris la thèse de l'appelant, ce
dernier soutient qu'il n'y a pas eu «entrée en
production» d'une mine au moment où l'intimée
a commencé à extraire le minerai du gisement
Jersey, parce que l'extraction du minerai de ce
gisement n'était qu'une partie de «l'exploitation
d'une mine» en cours depuis le moment où
l'intimée avait commencé à extraire le minerai
du gisement East Jersey. La thèse de l'appelant
me paraît ressortir clairement de l'extrait sui-
vant du paragraphe 33 de l'exposé des faits et
du droit qu'elle a versé au dossier:
[TRADUCTION] 33. L'appelant soutient que pour décider si la
fosse Jersey était une mine distincte de la fosse East Jersey,
le juge de première instance aurait dû considérer comme une
mine ce que l'intimée ... considérait manifestement comme
une mine, c'est-à-dire l'entreprise rentable exploitée par
l'intimée dans le secteur de Highland Valley, y compris les
terrains de l'intimée, les gisements et les installations qui s'y
trouvaient, l'usine de l'intimée et l'organisation, le matériel
et le personnel affectés à cette entreprise de 1962 à 1967 et
par la suite pour extraire du minerai et produire des concen-
trés de cuivre au moyen d'une exploitation continue, unifiée
et intégrée.
En bref, si j'ai bien compris cet argument, il
consiste à dire que le mot «mine», appliqué aux
faits de l'espèce, désigne une «entreprise renta-
ble ... consistant à ... extraire du minerai et
produire des concentrés de cuivre» et vise non
seulement les gisements et les installations mais
aussi l'usine utilisée pour convertir le minerai en
concentrés. Si cet argument est fondé, j'estime
que l'appel doit être accueilli. Par contre, on n'a
présenté aucun argument subsidiaire à l'appui
de la thèse de l'appelant pour le cas où la Cour
jugerait ce premier argument mal fondé.
Si j'ai bien compris la position de l'appelant, il
soutient qu'une «mine» au sens de l'article 83(5)
signifie une exploitation utilisée pour extraire du
minerai «et produire des concentrés de cuivre».
Cette interprétation revient en fait à intégrer
deux opérations industrielles, à savoir a) l'ex-
traction du minerai et b) la production de con-
centrés. J'estime que la jurisprudence ne permet
pas de donner une portée aussi large à l'exemp-
tion prévue à l'article 83(5). En 1958, le juge
Cartwright (alors juge puîné) alors qu'il analy-
sait le prédécesseur de l'article 83(5),' a déclaré
qu'il inclinait à croire que le mot «mine» signi-
fiait «une entreprise minière prise dans son
ensemble et comprenant des dépôts de minerai,
des galeries, du matériel d'exploitation et des
machines aptes à produire du minerai»; ce pas
sage a été repris par la Cour suprême du Canada
dans le jugement rendu par le juge Pigeon dans
l'affaire M.R.N. c. MacLean Mining Co. [1970]
R.C.S. 877, aux pp. 882-83. De plus, dans ce
dernier arrêt le juge Pigeon a déclaré, à la page
882: «L'exploitation minière proprement dite
est complète par l'abattage et l'extraction du
minerai ...» J'estime que «l'exploitation d'une
mine», au sens de l'article 83(5), vise unique-
ment l'extraction du minerai d'un gisement et ne
comprend pas le traitement du minerai après sa
production.'
Je déclare par conséquent mal fondé l'argu-
ment de l'appelant suivant lequel l'extraction du
minerai du gisement Jersey ne constitue qu'une
partie de l'exploitation d'une mine, exploitation
qui engloberait l'ensemble des opérations d'ex-
traction et de traitement effectuées par
l'intimée.
J'estime aussi que, compte tenu du fait que le
procès en première instance a été mené en pre-
nant pour acquis que la question en litige consis-
tait à savoir si ce qui semblait être une exploita
tion minière distincte ne constituait pas en
réalité l'exploitation d'une mine au sens de l'ar-
ticle 83(5), parce que le mot «mine» dans ce
contexte signifie une entreprise d'extraction de
minerai et de production de concentrés, il n'y a
pas lieu de se demander dans cet appel si,
d'après le sens ordinaire des mots et compte
tenu de la définition citée par le juge Cartwright,
l'exploitation de ces deux découvertes consti-
tuait en réalité l'exploitation d'une seule et
unique «exploitation minière» et non pas, par
conséquent, l'exploitation de deux «mines» dis-
tinctes. Je suppose que l'application de ces con
cepts soulèverait des questions de fait extrême-
ment difficiles, en particulier lorsque les
diverses propriétés minières sont, à des degrés
divers, distinctes dans l'espace ou quant à l'épo-
que ou aux procédés de leur exploitation. Pour
l'analyse de ces questions, il serait nécessaire
que l'on sache, de part et d'autre, dès avant le
procès, la nature des questions en litige, ce qui
permettrait aux parties de mettre au point leur
argumentation sur les preuves versées au dos
sier. Le procès en première instance n'a pas
porté sur cette question et j'estime impossible
d'envisager l'affaire sous ce rapport dans cet
appel.
Par conséquent, je partage l'opinion exprimée
par le savant juge de première instance. J'estime
cependant, en toute déférence, qu'il existe une
omission technique dans le jugement rendu par
la Division de première instance, qui ne fait que
renvoyer la cotisation à l'appelant. J'estime qu'il
faudrait modifier le jugement en précisant que
la cotisation dont il est fait appel est renvoyée
au ministre du Revenu national pour qu'il éta-
blisse une nouvelle cotisation en tenant compte
du fait qu'en vertu de l'article 83(5), il ne faut
pas inclure, dans le calcul du revenu de l'inti-
mée, cette partie de son revenu qui provient de
l'extraction du minerai du gisement Jersey au
cours de la période de 36 mois commençant le
jour où la mine est entrée en production. L'ap-
pel étant rejeté au fond, j'estime que l'appelant
devrait payer les dépens de l'intimée dans cet
appel.
LES JUGES SUPPLÉANTS SHEPPARD et BASTIN
ont souscrit à l'avis.
' North Bay Mica Co. Ltd. c. M.R.N. [1958] R.C.S. 597, à
la page 601.
z Dans l'un et l'autre cas bien sûr, il ne s'agit pas de la
simple activité physique d'extraire le minerai ou de celle
d'extraire le minerai et de le traiter. Ce qui est envisagé est
une activité à but lucratif composée de ces actes physiques
et de l'aliénation des produits moyennant contrepartie au
moyen d'une vente ou autrement. Voir dans l'arrêt M.R.N.
c. Imperial Oil [1960] R.C.S. 735, les motifs du juge Judson
à la page 749. Lorsque deux opérations telles que l'extrac-
tion et le traitement du minerai sont intégrées l'une à l'autre
et que l'une d'elles seulement donne ouverture à une exemp
tion, il survient des difficultés d'attribution. Voir le problè-
me soulevé dans l'arrêt International Harvester Co. of
Canada c. Provincial Tax Commission [1949] A.C. 36.
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