Les commissaires du havre de Hamilton
(Demandeurs)
c.
Le navire A. M. German et son propriétaire
(Défendeurs)
et
Les commissaires du havre de Hamilton
(Demandeurs)
c.
Le navire Frank Dixon, sa chaudière, ses machi
nes, ses auxiliaires de bord, sa superstructure et
son propriétaire (Défendeurs)
et
Les commissaires du havre de Hamilton
(Demandeurs)
c.
Le navire Strathmore et son propriétaire
(Défendeurs)
Division de première instance, le juge suppléant
Sweet —Toronto, les 25, 26, 27, 28, 29 et 30
juin, le 3 juillet et le 22 août 1973.
Droit maritime—Les commissaires du havre de Hamil-
ton—Leurs pouvoirs en vertu de la loi—Ils ne peuvent impo-
ser des droits de quai—Ils ne peuvent saisir les navires pour
non-paiement des droits de quai—Navire non automoteur—
S'agit-il d'un navire—Loi sur la Cour fédérale, art. 2—Loi
des commissaires du havre de Hamilton, 1912 (Can.), c. 98.
La corporation demanderesse avait saisi les trois navires
du défendeur pour non-paiement des droits d'amarrage dans
son port et de déplacement de l'un des navires dans ledit
port. La demanderesse a ensuite institué une action en
recouvrement des droits de quai et de déplacement. La Loi
des commissaires du havre de Hamilton, 1912 (Can.), c. 98,
donnait à la demanderesse le pouvoir d'imposer, par règle-
ment, des droits pour l'utilisation de son port. Un règlement
autorisant l'imposition de droits de pilotage pour déplacer un
navire dans le port avait été adopté, mais il n'y avait aucun
règlement autorisant la perception de droits de quai.
Arrêt: (1) La demanderesse ne pouvait réclamer des droits
de quai. (Toutefois, les défendeurs ayant accepté de payer
pour avoir utilisé des installations portuaires, la demande-
resse pouvait recouvrir le montant convenu.)
(2) La Loi des commissaires du havre de Hamilton n'auto-
risait en aucune façon la demanderesse à saisir les navires
du défendeur pour non-paiement des droits de quai et de
déplacement avant la saisie-arrêt desdits navires aux termes
d'un mandat délivré par cette Cour.
(3) Bien qu'aucun des trois navires ne soient automoteurs,
ils étaient cependant des navires au sens de la définition de
«navire» à l'article 2 de la Loi sur la Cour fédérale, car ils
étaient «conçus pour la navigation».
ACTION.
AVOCATS:
A. J. Stone, c.r. pour les demandeurs.
M. J. Perozak, c.r. pour les défendeurs.
PROCUREURS:
MacKinnon et McTaggart, Toronto, pour
les demandeurs.
Perozak et Winchie, Hamilton, pour les
défendeurs.
LE JUGE SUPPLÉANT SWEET —Nées de circon-
stances identiques, ces trois causes ont été
jugées ensemble et, par accord entre les parties,
d'après une preuve commune. On peut donc
sans inconvénient les traiter ensemble dans ces
motifs .
On les désignera respectivement sous les
noms d'affaire German, d'affaire Dixon et d'af-
faire Strathmore.
La demanderesse est une corporation créée
par une loi du Parlement du Canada (2 George
V., c. 98). La compétence de l'organisme «Les
Commissaires du havre de Hamilton» (ci-après
appelé «la Corporation») s'étend au havre de
Hamilton (Ontario); la Corporation a plus préci-
sément pour fonction d'administrer et de diriger
les affaires du havre, d'y réglementer la naviga
tion et de gérer les terres qui y sont rattachées.
Il est admis que la propriétaire des trois navi-
res est la Trans Continental Steel & Salvage
Incorporated, et je souscris à cette conclusion.
Je constate aussi que pendant toute l'époque en
question Kenneth G. Barfknecht, l'un des
témoins, a été mandataire du propriétaire pour
toutes les questions relatives à ces actions.
Les passages suivants sont tirés de la déclara-
tion modifiée déposée dans l'affaire German:
[TRADUCTION] 2. Le navire défendeur appartient à la Trans
Continental Steel & Salvage Incorporated, sise route rurale
n° 1, Bolton (comté de Peel).
3. Le 10 juillet 1972, sans avoir obtenu l'accord ni l'autori-
sation des demandeurs, le propriétaire du navire défendeur
ainsi que du «STRATHMORE» et du «FRANK DIXON» a donné
l'ordre de les amarrer au quai n° 23, apparemment dans le
but de les démonter dans la zone adjacente au quai. Depuis
lors, la demanderesse est intervenue à plusieurs reprises
auprès du propriétaire des navires et, les 28 juillet et 8 août
1972, elle lui a envoyé une lettre visant un accord officiel
sur le mouillage et le démontage du navire défendeur et des
navires «STRATHMORE» et «FRANK DIXON» dans le havre de
Hamilton. Ces tentatives ont échoué et les défendeurs ont
refusé ou négligé d'obtempérer à l'ordre que leur a signifié la
demanderesse d'enlever le navire défendeur du quai n° 23 et
ceci bien que, le 17 août 1972, la demanderesse leur en ait
fait la demande par écrit. De plus, toutes les sommes factu-
rées au propriétaire défendeur pour l'utilisation du quai en
question et de la zone avoisinante jusqu'au 3 novembre
1972 compris sont dues et demeurent impayées et le pro-
priétaire défendeur a refusé ou négligé de payer lesdits
droits qui, au 3 novembre 1972, se montaient à $1,475.80
pour les trois navires en question.
4. Le 6 novembre 1972, en vertu des pouvoirs que la loi lui
confère en ce domaine, la demanderesse a déplacé le navire
défendeur du quai n° 23 au coin sud-ouest de la darse de la
rue Wellington dans le havre de Hamilton. Ce déplacement
lui a coûté $90.00.
5. Le montant que réclame la demanderesse comprend les
droits de quai pour l'utilisation du quai n° 23 et de la zone
avoisinante par les défendeurs. Ces droits, calculés au taux
de $375.00 par mois pour les trois navires dont il est
question au paragraphe 3 de cette déclaration et à partir du 3
novembre 1972, font un total de $1,475.80.
6. La demanderesse demande donc
a) la somme de $581.94 ainsi que toutes autres sommes
dues à compter du 3 novembre 1972, plus les intérêts y
afférents à titre de droits de quai et autres frais;
b) ses dépens;
c) tout autre redressement que la Cour jugera bon
d'accorder.
La déclaration dans l'affaire German est
essentiellement la même que dans les affaires
Dixon et Strathmore. Voici les différences:
1. Dans l'affaire Dixon:
a) Il s'agit non seulement du navire, mais
aussi de «sa chaudière, ses machines, ses
auxiliaires de bord et sa superstructure».
b) La première phrase du paragraphe 4 est la
suivante
[TRADUCTION] Alors que le navire défendeur était amarré
au quai n° 23, il a rompu ses amarres et la demanderesse a
effectué son sauvetage ainsi que son remorquage jus-
qu'audit quai, au coût de $40.00... .
c) Le paragraphe suivant ne se retrouve pas
dans les déclarations des affaires Dixon ou
Strathmore:
[TRADUCTION] 5. Depuis le 10 juillet 1972, le navire défen-
deur a été démonté en partie. Sa chaudière, ses machines,
ses auxiliaires de bord et sa superstructure ont été enlevés
et se trouvent maintenant dispersés le long du mur est du
quai n° 23; des parties de la superstructure traînent en
travers de la voie de garage de chemin de fer desservant le
quai n° 23 et empêchent la demanderesse d'utiliser cette
voie.
d) Le paragraphe 6a) dans l'affaire German
donne la somme de «$581.94», alors que dans
l'affaire Dixon, le paragraphe 7a) donne
«$621.93».
2. Dans l'affaire Strathmore, la réclamation
s'élève à «$581.93» au lieu des «$581.94»
réclamés au paragraphe 6a) de l'affaire German.
Donc, sans tenir compte de réclamations por-
tant sur [TRADUCTION] «toutes autres sommes
dues à compter du 3 novembre plus les intérêts
y afférents, à titre de droits de quai et autres
frais», la demanderesse réclame dans ses trois
déclarations un total de $1785.80 réparti de la
façon suivante:
Remorquage du Frank Dixon jusqu'au quai
n° 23 $ 40.00
.. ... .
Déplacement des trois navires du quai n° 23 à
la darse de la rue Wellington . . .... .. ........ $ 270.00
Droits de quai pour les trois navires pour oc
cupation du quai no 23 et de la zone adjacente $ 1475.80
Total ........ $ 1785.80
Les chiffres dont la demanderesse fait état
dans sa déclaration ne concordent pas avec la
copie des factures et la déposition (pièce 18) de
Robert Smith, son chef comptable. D'après ces
documents, la réclamation relative à la période
qui commence le 3 novembre 1972 se présente-
rait comme suit:
Facture ou crédit Débit Crédit Solde
Facture du 1°' juil. 1972:
droits d'amarrage .. 54.18 $ 54.18 Dt
Facture ou crédit Débit Crédit Solde
Facture du 28 juil. 1972:
mouillage et surface occu-
pée . .. 500.00 $ 554.18 Dt
Paiement du 8 août 1972 54.18 $ 500.00 Dt
Facture du 17 août 1972:
mouillage et surface occu-
pée $750.00 en remplace-
ment de la facture du 28
juil. 72 . 500.00
750.00 $ 750.00 Dt
Facture du 17 oct. 1972:
mouillage et surface occu-
pée .. . 375.00 $1125.00 Dt
Facture du 17 oct. 1972:
amarrage du Frank Dixon 40.00 $1165.00 Dt
Facture du 6 nov. 1972:
mouillage et surface occu-
pée $350.80; 350.80 $1515.80 Dt
Déplacement des 3 navi-
res du quai 23 à la darse
de la rue Wellington:
$270.00 (ce montant n'a
pas été compris dans le
tableau car le déplace-
ment semble avoir eu lieu
le 6 nov. 1972).
Ainsi, il ressort des documents produits à
l'audience par la demanderesse qu'on pourrait
résumer la situation au 3 novembre 1972 de la
manière suivante:
Remorquage du Frank Dixon jusqu'au quai
n° 23 ...... $ 40.00
Droits de quai pour les trois navires pour uti
lisation du quai n° 23 de la zone adjacente $ 1475.80
Total .. $ 1515.80
Si l'on continue de comptabiliser d'après ces
documents jusqu'au 7 novembre 1972, date qui,
d'après les dossiers produits, est celle des trois
déclarations primitives, la situation se résume-
rait de la manière suivante:
Débit Crédit Solde
Au 3 novembre 1973 comme
indiqué ci-dessus: . $1515.80 Dt
Débit Crédit Solde
Facture du 6 nov. 1972
(précitée) pour le déplace-
ment des 3 navires du quai
no 23 à la darse de la rue
Wellington à cette date $270.00 $1785.80 Dt
Facture du 15 nov. 1972
pour le déplacement des 3
navires du quai n° 23 au
quai n° 10 (ceci est le même
déplacement que celui pour
lequel on trouve ci-dessus
une facture pour $270.00) $240.00 $2025.80 Dt
Bordereau de crédit du 15
juin 1973; au sujet d'une
facture de $270.00 du 6 nov.
1972 $270.00 $1755.80 Dt
Ainsi, d'après ces chiffres, on peut résumer la
situation au 7 novembre 1972 de la façon
suivante:
Remorquage du Frank Dixon jusqu'au quai
n° 23 . ........ ... . .................... $ 40.00
Déplacement des 3 navires du quai n° 23 à la
darse de la rue Wellington .. . .... $ 240.00
Droits de quai pour les 3 navires pour utilisa
tion du quai n° 23 et de la zone adjacente . $ 1475.80
Total. .. $ 1755.80
La Division de première instance de cette
Cour tire sa compétence pour juger la réclama-
tion de la demanderesse de l'article 22 de la Loi
sur la Cour fédérale.
Voici le texte du paragraphe (1) de l'article
22:
22. (1) La Division de première instance a compétence
concurrente en première instance, tant entre sujets qu'autre-
ment, dans tous les cas où une demande de redressement est
faite en vertu du droit maritime canadien ou d'une autre loi
du Canada en matière de navigation ou de marine mar-
chande, sauf dans la mesure où cette compétence a par
ailleurs fait l'objet d'une attribution spéciale.
Il n'est peut-être pas superflu de se demander
si les trois navires, objets de ces actions, sont
bien des navires au sens de la Loi sur la Cour
fédérale.
A mon sens, quand on les a remorqués dans le
havre, ils faisaient partie de cette catégorie. On
les a amenés dans le havre afin de les mettre
hors de service et d'en vendre les parties récu-
pérables. Si l'on avait achevé de les démonter,
ils auraient, à un certain point, perdu toute
utilité en tant que navires et à un stade avancé
du processus, ils auraient perdu toutes les carac-
téristiques des navires, au sens où l'on entend
généralement ce terme.
Les navires avaient déjà été partiellement
démontés et, selon certaines preuves, aucun de
ces navires n'était désormais automoteur.
Je considère néanmoins que cette Cour est
compétente pour statuer sur les réclamations de
la demanderesse.
L'article 2 de la Loi sur la Cour fédérale
donne la définition suivante:
«navire» comprend toute espèce de bâtiment ou bateau
utilisé ou conçu pour la navigation, indépendamment de
son mode de propulsion ou même s'il n'en a pas;
Si l'idée qui a présidé à la construction d'un
bateau ou d'un navire était la navigation, alors,
selon mon interprétation de la définition, ce
navire a été «conçu pour la navigation» au sens
de l'article 2. Selon la Loi sur la Cour fédérale, il
s'agissait donc d'un «navire». Je pense que la
version française de la loi confirme cette
interprétation.
D'après moi, du moment qu'à un moment
donné, on appelle un bien «navire» parce qu'il
était conçu pour la navigation, ce bien ne perd
jamais la qualité de navire au sens de la Loi sur
la Cour fédérale, quels que soient les change-
ments qu'il subit, à moins qu'on ne l'ait démonté
au point où les diverses pièces séparées corres
pondent à des objets donnés utilisés pour cons-
truire le navire.
A mon avis, les trois «navires» ayant été
conçus pour la navigation, ils étaient, vu leur
état à la date du procès, des «navires» au sens
de la Loi sur la Cour fédérale.
J'ajouterai qu'à mon sens, cette Cour serait
compétente pour statuer sur les réclamations
qu'a déposées la demanderesse pour le recou-
vrement de ses droits de dock même s'ils ne
répondaient pas à la définition d'un navire.
Voici les dispositions pertinentes de l'article
22(2):
22. (2) Sans restreindre la portée générale du paragraphe
(1), il est déclaré pour plus de certitude que la Division de
première instance a compétence relativement à toute
demande ou à tout litige de la nature de ceux qui sont
ci-après mentionnés:
s) toute réclamation de droits de dock, de port ou de
canaux, et notamment, sans restreindre la portée générale
de ce qui précède, les droits perçus pour l'utilisation des
installations fournies à cet égard.
A l'alinéa s), il n'est fait aucune mention de
navires. Cet alinéa est à mon sens applicable à
toute réclamation portant sur des droits de dock
ou de port, qu'ils visent ou non des navires tels
que définis par ladite loi.
Les textes suivants sont les extraits pertinents
de l'article 20 de la Loi des commissaires du
havre de Hamilton, S.C. 1912, c. 98:
20. La Corporation peut établir des règlements qui ne
doivent pas être contraires aux lois ni aux dispositions de la
présente loi, pour les objets suivants:
g) L'imposition et la perception des droits, taux et amen-
des imposés par les lois ou sous le régime de tout règle-
ment établi sous l'autorité de la présente loi;
D Pour la gouverne de quiconque fait usage du havre, et
de tous navires entrant dans le havre ou en faisant usage,
et imposer par ces règlements les péages que la Corpora
tion jugera à propos d'imposer à ces navires et sur les
marchandises déchargées de ces navires ou chargées sur
ces navires, suivant l'usage qui peut être fait du havre et
des ouvrages susdits;
2. Aucun règlement n'aura de force, ni d'effet, avant
d'avoir été ratifié par le Gouverneur en conseil et d'avoir été
publié dans la Gazette du Canada, et tout pareil règlement
doit, au moins dix jours avant d'être soumis au Gouverneur
en conseil, être signifié au greffier de Hamilton.
3. Une copie de tout règlement certifiée par le secrétaire
sous le sceau de la Corporation sera recevable comme
preuve entière et suffisante de ces règlements dans toutes
les Cours de justice du Canada.
Les seules lois qui ont modifié la Loi des
commissaires du havre de Hamilton et que l'on
m'a citées sont la Loi sur les commissaires du
havre de Hamilton de 1951, S.C. 1951, c. 17, et
la Loi de 1957 sur les commissaires du havre de
Hamilton, S.C. 1957-58, c. 16. Ni l'une ni l'au-
tre de ces lois n'influent sur les questions en
litige.
La demanderesse est une corporation créée
par la Loi des commissaires du havre de Hamil-
ton et elle ne tient ses pouvoirs et sa compé-
tence que de cette loi, d'une loi modificatrice ou
de toute autre loi du Parlement du Canada. Elle
ne possède ni les pouvoirs ni la capacité ou la
compétence d'une personne physique ou
morale.
A mon avis, la disposition de cette loi stipu-
lant que la demanderesse peut établir des règle-
ments pour l'imposition et la perception des
droits et taux pousse à conclure que leur imposi
tion et leur perception dans le havre de Hamil-
ton doivent être prévus dans un règlement. Si un
tel règlement n'existe pas, la demanderesse ne
peut imposer ou percevoir aucun taux ou droit.
Si un tel règlement existe, la demanderesse voit
son pouvoir d'imposition et de perception limité
au montant prévu dans le règlement.
A cet égard, l'avocat de la demanderesse a
fait valoir que l'article 14(1) de la loi suffit à
conférer à la demanderesse le pouvoir d'impo-
ser et de percevoir des redevances pour l'utilisa-
tion du havre vu sa rédaction: «La Corporation
peut ... administrer, pour le compte de la cité
de Hamilton, subordonnément aux termes et
conditions qui, à l'époque où le contrôle en sera
transmis à la Corporation, seront convenus avec
le conseil municipal de ladite cité, les docks et
lots de grève appartenant à la cité de Hamil-
ton ... , et toutes autres propriétés qui peuvent
être mises sous la juridiction de la
Corporation».
Je ne suis pas de cet avis.
La demanderesse ne peut «administrer» qu'en
accord avec les dispositions de la loi; or la loi
exige un règlement pour l'imposition et la per
ception des droits. L'exercice de ce pouvoir
général d'administrer est subordonné à l'exis-
tence d'un règlement. Par ailleurs, aucune
preuve n'a été soumise quant aux termes et
conditions, si tant est qu'il y en ait eu, de
l'accord avec le conseil municipal de la cité à
l'époque de la transmission à laquelle se réfère
l'article.
On ne doit pas considérer le défaut de règle-
ment comme une simple erreur technique ou un
oubli par négligence. L'exigence d'adopter un
règlement est plus qu'une question de procé-
dure; c'est, à mon sens, une question de fond
préalable à l'imposition et à la perception des
taux et des droits.
Étant donné qu'il est édicté qu'un tel règle-
ment n'aura ni force ni effet avant d'avoir été
ratifié par le gouverneur en conseil, on donne à
ce dernier un rôle essentiel dans le domaine des
taux et des droits. La loi donne au gouverneur
en conseil ce qui équivaut à un pouvoir de
contrôle dans le domaine des taux et des droits.
Soulignons également l'importance de la dis
position qui prévoit que tout règlement doit être
signifié au greffier de la ville de Hamilton au
moins dix jours avant d'être soumis au gouver-
neur en conseil. La cité de Hamilton a un intérêt
certain dans la détermination des droits et des
taux.
L'article 16 de la Loi des commissaires du
havre de Hamilton dispose que:
16. Après qu'il aura été pourvu aux frais d'administration
des biens que la Corporation possède, contrôle ou gère sous
le régime des articles précédents, et après qu'il aura été
pourvu au coût des travaux ou améliorations autorisés par la
Corporation, et à l'accomplissement des autres obligations
imposées à la Corporation, et aux charges de capital et
d'intérêt sur les deniers empruntés par la Corporation pour
faire des améliorations, et à toutes les autres charges de la
Corporation, et à un fonds d'amortissement destiné à libérer
la Corporation de quelque dette contractée, tout excédent
des profits doit appartenir à la cité de Hamilton et doit être
versé par la Corporation au trésorier de la cité.
On peut donc raisonnablement en conclure
qu'on exige la signification des règlements au
greffier de la cité de Hamilton pour que la
municipalité de Hamilton, qui, compte tenu de
l'article 16, est fondamentalement intéressée
aux questions des droits et des taux, puisse ainsi
faire connaître, si elle le veut, son point de vue
au gouverneur en conseil.
Il existe, bien sûr, en plus de la perception de
cet excédent de revenu, d'autres éléments sus-
ceptibles d'intéresser Hamilton au plus haut
point. On peut facilement concevoir que la navi
gation revêt la plus haute importance pour une
ville telle que Hamilton et pour ses industries.
Le conseil municipal peut vouloir s'assurer que
les taux et droits ne sont pas élevés au point de
décourager l'utilisation du havre de Hamilton ou
de peser trop lourdement sur ses utilisateurs.
La demanderesse n'a établi l'existence que
d'un règlement, le seul d'ailleurs qu'elle ait pro-
duit. Il s'agit du règlement n° 84 qui traite d'un
certain nombre de questions et qui, à l'article
139, intitulé «Droits de pilotage», comprend un
certain nombre de postes.
L'article 139 comprend le poste suivant:
(1) Si un employé de la Commission est engagé à titre de
pilote à bord d'un bâtiment qui entre au port, qui en sort ou
s'y déplace, des droits de pilotage doivent être acquittés
comme il suit:
c) déplacement d'un bâtiment
(i) d'au plus 260 pieds de longueur $25.00.
D'après le paragraphe (5) de l'article 139,
déplacement désigne «le déplacement d'un bâti-
ment d'un poste à quai ou d'un poste de mouil-
lage à un autre poste à quai ou à un autre poste
de mouillage dans les limites du port». A mon
sens, ce texte autorise la demanderesse à perce-
voir un droit maximum de $25.00 pour chacun
des trois navires qu'elle a déplacés du quai 23 à
la darse de la rue Wellington.
Comme on le verra plus tard lors de l'étude
des demandes reconventionnelles, je ne pense
pas que, vu les circonstances, la demanderesse
avait le droit de saisir et de détenir les navires
comme elle l'a fait pour tenter de recouvrer les
frais de déplacement des navires du quai 23 à la
darse de la rue Wellington. Je considère néan-
moins que la Loi des commissaires du havre de
Hamilton donne à la demanderesse une autorité
suffisante sur l'ensemble du port pour lui per-
mettre en l'espèce de déplacer les navires et de
facturer les frais desdits déplacements en vertu
du règlement n° 84.
Le règlement n° 84 n'autorise pas la demande-
resse à percevoir les droits de $40.00 au titre du
remorquage du Frank Dixon jusqu'au quai 23
car le navire n'a pas été déplacé d'«un poste à
quai ou d'un poste de mouillage».
A mon avis, rien dans le règlement n° 84
n'autorise la demanderesse à percevoir ce
qu'elle appelle dans sa déclaration des droits de
quai. Ces droits de quai sont, à mon sens, des
droits et taux au sens de l'article 20 de la loi.
Il ressort de la déposition de E. D. Hickey,
président de la Commission du havre de Hamil-
ton, que la Commission avait adopté une politi-
que générale de perception de droits pour l'utili-
sation de ce qu'elle appelle ses terminus. Le
témoin a également mentionné un [TRADUC-
TION] «tarif». Je pense qu'il convient d'ajouter
foi à la déposition de Hickey, mais celle-ci ne
prouve pas l'existence d'un règlement autorisant
la mise en vigueur d'une politique générale de
perception de droits ou un soi-disant «tarif».
Il est constant que pour pouvoir invoquer un
règlement il faut pouvoir rapporter la preuve de
son existence. Le paragraphe 3 de l'article 20
(précité) de la loi indique la procédure à suivre
pour rapporter la preuve de l'existence d'un
règlement établi par la demanderesse.
On n'a en aucune façon démontré l'existence
d'un règlement de la demanderesse prévoyant
ou autorisant la perception des droits dont elle
tente d'obtenir recouvrement par les présentes
actions, mis à part les droits relatifs au déplace-
ment des trois navires du quai n° 23 à la darse
de la rue Wellington et, à cet égard, le règlement
autorise la perception de $25 dans chaque cas.
Mais la question n'en est pas pour autant
réglée.
La demanderesse a effectué le calcul des
droits de quai en combinant deux méthodes. La
première consiste à évaluer les droits d'amar-
rage, calculés d'après la longueur du navire au
taux d'un cent par jour et par pied de longueur.
Les longueurs respectives des navires s'éle-
vaient à 88 pieds pour le A.M. German, 89 pieds
pour le Frank Dixon et 81 pieds pour le Strath-
more. Le deuxième calcul était effectué en fonc-
tion de la surface occupée au taux de six cents
par an et par pied carré occupé, le tout propor-
tionnellement à la période effective d'occupa-
tion. La demanderesse prétend qu'en l'espèce,
la facture doit porter sur une surface totale de
25,000 pieds carrés pour les trois défendeurs.
Bien que dans leurs défenses les défendeurs
aient demandé le rejet des actions, l'avocat du
propriétaire défendeur a soutenu, à l'audience,
si j'ai bien compris, qu'on ne devrait pas deman-
der le paiement pour utilisation de la zone en
cause, mais qu'on devrait s'en tenir au taux de
un cent par jour et par pied de longueur de
chaque navire comme il avait été convenu dans
un accord qui, d'après lui, aurait été passé avec
un certain Kenneth Elliott. Il me semble donc
que, d'après les déclarations faites à l'audience
par l'avocat des défendeurs, le propriétaire
défendeur avait l'intention de régler la demande-
resse sur la base de ce calcul.
Si je la comprends bien, cette manifestation
d'intention pouvait être interprétée de façon res
trictive afin de ne pas constituer une véritable
reconnaissance de responsabilité. Cependant, si
l'on manifeste, comme il me semble que c'était
le cas, une certaine intention d'effectuer un
paiement à l'audience d'actions dont l'objet est
d'obtenir un redressement judiciaire, ce serait
jouer sur les mots de dire qu'on ne devrait pas
allouer en jugement un montant au moins égal à
cette somme. Or, en l'espèce, un acompte a déjà
été versé.
Les avocats n'étaient pas d'accord quant au
montant à allouer par jugement à la demande-
resse dans l'hypothèse où les défendeurs
seraient tenus de verser des droits d'amarrage,
sans tenir compte de l'occupation des lieux. Ils
ont fixé d'un commun accord les droits d'amar-
rage, sans droit d'occupation des lieux à la
somme de $290.00. En acceptant ce chiffre, la
demanderesse n'a pas renoncé aux autres mon-
tants qu'elle cherche à recouvrer par les présen-
tes actions.
Si l'on ajoute cette somme de $290.00 au
$75.00, coût du déplacement des navires, on
arrive à un montant total de $365.00.
Par conséquent, si l'on répartit les $290.00
entre les trois actions d'après la longueur res
pective des navires, les jugements alloueront à
la demanderesse les sommes suivantes:
1. Dans l'affaire German: —$124.00;
2. Dans l'affaire Dixon: —$125.00;
3. Dans l'affaire Strathmore: —$116.00.
Dans l'hypothèse où un tribunal, statuant sur
un appel interjeté de ce jugement, parvienne à
une conclusion différente de la mienne quant à
la situation que crée le manque de preuves
attestant l'existence d'un règlement sur l'imposi-
tion et la perception des taux et des droits, autre
que le règlement n° 84, il serait peut-être utile
que j'examine ici ce qu'aurait été, à mon avis, la
situation si la demanderesse avait pu imposer et
percevoir des taux et des droits et recevoir une
indemnité pour l'utilisation des installations du
port sans que ne soit exigé de règlement autre
que le règlement n° 84.
L'un des principaux arguments des défen-
deurs portait sur l'existence d'un accord tacite
liant la demanderesse et imputable à Kenneth
Elliott qui aurait assuré au propriétaire défen-
deur qu'il pouvait entrer dans le havre et utiliser
ses installations contre une redevance de un
cent par jour et par pied (mesure linéaire).
L'avocat du propriétaire défendeur a égale-
ment fait valoir que, même si Elliott n'était pas
le mandataire désigné de la demanderesse, cel-
le-ci pouvait néanmoins voir sa responsabilité
engagée par l'application de la doctrine de la
fausse représentation.
Le propriétaire défendeur a fondé cette partie
de sa défense sur les arguments suivants:
1. A l'époque où il est censé avoir donné les
assurances en question, Elliott était l'un des
trois commissaires composant la Corporation,
les commissaires du port de Hamilton. Il était
normal que le propriétaire défendeur ajoute
foi à ce que lui disait l'un des commissaires.
2. Informé des assurances qu'Elliott est censé
avoir donné au représentant de la défende-
resse, la demanderesse ne l'a pas désavoué et
n'a pas rejeté les prétendues assurances.
3. La demanderesse n'était pas sans savoir
qu'Elliott avait déjà, à titre personnel, parti-
cipé à certains contrats conclus avec elle.
4. Pour ce qui est des droits de quai, les
parties n'avaient conclu aucun accord autre
que celui qu'Elliott est censé avoir passé au
nom de la Corporation.
Il convient, à mon sens, de rejeter une
défense fondée sur de tels motifs.
J'estime qu'il n'appartient à aucun commis-
saire d'exercer à lui seul les pouvoirs de la
Corporation. D'après la Loi sur les commissai-
res du havre de Hamilton, seuls les commissai-
res du port de Hamilton, c'est-à-dire la Corpora
tion, peuvent exercer ces pouvoirs. Bien qu'un
commissaire ait, à ce titre, voix au chapitre
quant aux affaires de la Corporation, les déci-
sions n'appartiennent qu'à la Corporation à pro-
prement parler.
Je considère qu'Elliott n'avait aucune autorité
pour agir au nom de la demanderesse.
Je considère que la demanderesse n'a rien fait
ou n'a rien omis de faire qui puisse donner au
propriétaire défendeur à croire qu'Elliott avait
autorité pour agir en son nom; en outre, la
demanderesse n'a rien fait ou n'a rien omis de
faire qui puisse porter ratification d'un accord
qu'Elliott aurait prétendument conclu en son
nom.
Il ressort de la déposition de Barfknecht,
représentant du propriétaire défendeur, qu'El-
liott, à la suite d'un accord verbal entre eux,
devait être pécuniairement intéressé au démon-
tage des navires et à la vente des matériaux de
récupération.
L'article 27 de la Loi des commissaires du
havre de Hamilton dispose que:
27. La Corporation ne doit faire aucune affaire de nature
pécuniaire, soit par achat ou vente, avec aucun de ces
membres, ni directement ni indirectement.
Bien que cette interdiction ne s'applique pré-
cisément qu'aux transactions de vente et
d'achat, elle pose à mon avis un principe général
à suivre selon lequel celui qui exerce les fonc-
tions de commissaire ne doit effectuer aucune
transaction avec la Corporation s'il est intéressé
pécuniairement à l'affaire.
Toutefois, même si l'on fait abstraction de cet
article, même s'il n'existait pas, il n'en reste pas
moins l'obligation d'éviter tout conflit d'intérêts
entre la Corporation et un de ses membres. Il
est démontrable qu'il faut éviter cette situation
même si les résultats de la transaction étaient
tout aussi avantageux pour la Corporation que
les résultats d'une autre transaction dans
laquelle aucun commissaire n'aurait d'intérêt
pécuniaire.
Si la déposition de Barfknecht selon laquelle
l'accord original prévoyait l'intéressement pécu-
niaire d'Elliott au démontage des trois navires et
à la vente des matériaux de récupération est
exact, il devait se rendre compte de la possibi-
lité de conflits d'intérêts entre Elliott et la Cor
poration. Ceci, à mon sens, tendrait à retirer
toute possibilité qu'Elliott ait eu un quelconque
pouvoir de traiter au nom de la demanderesse.
Le propriétaire défendeur et son représentant
auraient dû en déduire qu'Elliott n'était pas à
même de conclure des accords liant la
demanderesse.
On ne saurait prétendre que la demanderesse
peut en conséquence obtenir des dommages-
intérêts pour violation du droit de propriété.
Quels qu'aient pu être éventuellement ses droits
à cet égard, elle les a perdus par ses actes
subséquents, par exemple la facturation des
sommes réclamées. En tout cas, dans ses con
clusions, la demanderesse fonde sa réclamation
sur la responsabilité contractuelle et non
délictuelle.
Je ne pense pas qu'il soit utile d'examiner en
détail la preuve si soigneusement présentée. Je
pense qu'il suffit de dire que je suis convaincu
que les droits de quai, y compris les droits pour
utilisation de la zone avoisinante, que la deman-
deresse tente de recouvrer par ces actions, sont
conformes aux droits généralement imposés par
la demanderesse pour l'utilisation des installa
tions du port. Leur caractère modéré a été
démontré à l'usage. S'il n'était pas nécessaire
d'établir l'existence d'un règlement pertinent, je
serais d'avis qu'à la date où furent intentées ces
actions, la demanderesse était en droit de recou-
vrer la somme totale de $1,590.80 ventilée
comme suit:
Remorquage du Frank Dixon jusqu'au quai
n° 23 $ 40.00
Déplacement des trois navires du quai n° 23 à
la darse de la rue Wellington, conformément
au règlement n° 84 . ...... $ 75.00
Frais de quai pour les trois navires pour l'utili-
sation du quai n° 23 et de la zone avoisinante ... $ 1475.80
Total. .. $ 1590.80
Les défendeurs ont déposé une demande
reconventionnelle dans les trois cas. Chaque
demande reconventionnelle comprend le pas
sage suivant:
[TRADUCTION] Les défendeurs déclarent que le déplacement
injustifié et abusif des navires et leur saisie par la demande-
resse sans que les défendeurs n'en aient été avisés, ainsi que
la négligence de la demanderesse dans l'exécution de ces
saisies et déplacements injustifiés, ont entraîné pour le
propriétaire défendeur et les défendeurs d'importants dom-
mages qui, à la date de cette demande reconventionnelle, se
montent à la somme de $4,900.00; le propriétaire défendeur
soutient que lesdits dommages ne feront qu'augmenter et
dépasseront le chiffre susmentionné aussi longtemps que la
demanderesse détiendra abusivement les navires défen-
deurs.
C'est cette Cour qui a délivré les mandats de
saisie le 8 novembre 1972.
La demanderesse fit saisir les navires le 6
novembre 1972. La demanderesse affirme que
la saisie a été effectuée conformément à la Loi
sur les commissaires du havre de Hamilton.
Voici, à cet égard, des extraits de la Loi sur
les commissaires du havre de Hamilton:
24. La Corporation peut, dans les cas suivants, saisir et
détenir tout navire en tout lieu dans les limites de la pro
vince de l'Ontario:
(a) lorsqu'une somme est due relativement au navire pour
des droits de havre, ou que le prix de commutation de ces
droits n'aura pas été payé;
25. La Corporation peut saisir et détenir toutes marchan-
dises dans les cas suivants:
(a) lorsque les droits exigibles relativement à ces mar-
chandises n'auront pas été payés;
3. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'exige
une interprétation différente:
c) Le mot «navire» comprend toute espèce de navires,
bateaux, barges, dragueurs, élévateurs, allèges ou embar-
cations mues par la vapeur ou autrement;
d) Le mot «marchandises» signifie tous meubles autres
que des navires;
e) les mots «droits» signifient tout péage, taux ou droit
quelconque imposé par la présente loi.
Étant donné que personne n'a pu rapporter la
preuve de l'existence d'un règlement autre que
le règlement n° 84, on doit partir du principe
qu'à la date de saisie, le 6 novembre 1972, le
propriétaire défendeur ne devait rien à la
demanderesse relativement aux navires, si ce
n'est ce qu'il lui devait pour leur déplacement.
Une manifestation d'intention faite à l'audience
au nom d'un défendeur ne peut pas de ce seul
fait être rendu applicable à une date antérieure
de plusieurs mois à l'audience. Par conséquent,
à moins que la demanderesse n'ait eu le droit de
saisir les navires pour le recouvrement des
$75.00 afférents à leur déplacement, la saisie
des navires le 6 novembre 1972 et leur déten-
tion ont été effectuées de façon irrégulière et
sans justification légale. Il semble ressortir de la
déposition du maître de port, Lloyd Day, qu'il
considérait qu'il avait déjà pris possession des
navires le 6 novembre 1972, avant même de les
déplacer. En tout cas, si la demanderesse tentait
de recouvrer les frais de déplacement, comme
c'est de toute évidence le cas, alors le proprié-
taire défendeur était au moins en droit de se
voir informer du déplacement et des frais y
afférents. Je constate que ceci n'a pas été fait.
Comme je l'ai déjà indiqué, j'estime que le
pouvoir de la demanderesse sur le port lui
permet en l'espèce de déplacer les navires et de
faire payer ces déplacements conformément au
règlement n° 84. Par contre, je considère qu'au
6 novembre 1972 la Loi sur les commissaires du
havre de Hamilton n'autorisait pas la demande-
resse à recourir à la solution extrême de la saisie
et détention.
Le remède que prévoit la Loi sur les commis-
saires du havre de Hamilton est rigoureux au
point de ne même pas prévoir en cas de litige la
mainlevée de la saisie des navires sur dépôt
d'une caution en garantie des dommages-inté-
rêts.
De plus, rien ne prouve qu'on s'est conformé
au paragraphe 3 de l'article 26 de la loi qui
dispose que:
3. La saisie et la détention peuvent être opérées sur
l'ordre—
(a) d'un juge;
(b) d'un magistrat ayant le pouvoir de deux juges de paix;
(e) du percepteur des douanes du port de Hamilton.
A mon avis, les saisies effectuées le 6 novem-
bre 1972 et la détention des navires jusqu'à la
signification des mandats de saisie délivrés par
cette Cour le 8 novembre 1972, étaient illégales.
Les défendeurs semblent être d'avis qu'une
saisie effectuée sur mandat délivré par la Cour
serait illégale si le montant réclamé à l'époque
était supérieur à celui qui était effectivement dû.
Je considère en outre qu'en l'absence d'abus
de la procédure de la Cour, on ne saurait pour-
suivre en dommages-intérêts quiconque a fait
saisir un navire conformément aux règles de la
Cour fédérale du Canada si le montant effecti-
vement dû était inférieur à la somme réclamée
ou encore si la dette était inexistante. A juger
autrement, on ferait courir de grands risques à
toute personne invoquant le remède de la saisie
dans des cas litigieux; or, à mon avis, on n'a ni
prévu ni institué ce risque. J'estime qu'il n'y a
pas eu abus de la procédure de la Cour.
Je pense que la saisie effectuée sur mandat
délivré par cette Cour n'est entachée d'aucune
illégalité.
Dans sa déposition, Barfknecht avait donné
un aperçu général des dommages subis par le
propriétaire défendeur. D'une part, j'estime
qu'on n'a pas établi que ce témoin est qualifié et
qu'il possède des connaissances suffisantes
pour pouvoir offrir un témoignage valable sur
l'étendue de ces dommages. D'autre part, je
considère que son témoignage à cet égard était
si vague qu'il lui retirait toute valeur. Sa déposi-
tion m'a paru précaire et gratuite. Elle m'a
semblé pleine d'exagérations.
Je considère que le propriétaire défendeur ne
s'est pas déchargé de l'obligation qui lui incom-
bait d'établir le quantum des dommages-intérêts.
Le propriétaire défendeur n'a réclamé aucun
dommage punitif.
Eu égard à ce que je considère être une saisie
et une détention illégales, effectuées censément
en vertu de la Loi sur les commissaires du havre
de Hamilton, ainsi qu'à mes autres conclusions,
y compris celles relatives à l'insuffisance de
preuve des dommages subis, je suis d'avis que
le propriétaire défendeur n'a droit qu'à des dom-
mages symboliques pour la saisie et la détention
illégales de ses navires et à rien de plus. Je fixe
ces dommages symboliques à un dollar pour
chaque navire.
Je ne considère pas qu'en l'espèce, il con-
vienne d'allouer des dépens.
En conclusion:
Dans l'affaire German, la demanderesse
obtiendra $124.00 sans dépens.
Dans l'affaire Dixon, la demanderesse obtien-
dra $125.00 sans dépens.
Dans l'affaire Strathmore, la demanderesse
obtiendra $116.00 sans dépens.
Dans la demande reconventionnelle, le pro-
priétaire défendeur recevra pour chaque affaire
la somme de $1.00, le tout sans dépens.
Si la rédaction du jugement formel pose des
difficultés, on pourra le soumettre à la Cour.
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