National Aviation Consultants Limited (Requé-
rante)
c.
Starline Aviation Limited (Opposante)
Cour d'appel, le juge Thurlow, les juges sup
pléants Bastin et Sweet —Toronto, les 17 et 18
mai 1973.
Aéronautique—Examen judiciaire—Octroi de permis d'ex-
ploitation d'un service aérien commercial —Opposition d'un
transporteur concurrent—Procédures devant le Comité des
transports aériens —Allégations présentées par écrit—Pas
d'audience—Rejet de l'appel interjeté au Ministre—S'agit-il
d'un déni de justice naturelle—Loi nationale sur les trans
ports, S.R.C. 1970, c. N-17, art. 25(1)—Règles générales de
la Commission canadienne des transports, Règles 770, 775,
800, 810.
La requérante détenait un permis d'exploitation d'un ser
vice aérien commercial d'affrètement à partir de Breslau
(Ontario). En 1970, l'opposante a demandé un permis pour
exploiter un service semblable. La requérante est interve-
nue. Le Comité des transports aériens de la Commission
canadienne des transports a rejeté la demande. En novem-
bre 1970, l'opposante a demandé l'annulation de la décision
en alléguant l'insuffisance des services de la requérante. La
requérante a déposé une réponse. Par la suite, l'opposante a
déposé d'autres conclusions auxquelles la requérante a
déposé des réponses. La requérante n'a pas demandé d'au-
dience. En février 1972, le Comité des transports aériens a
accordé à l'opposante le permis qu'elle demandait. La requé-
rante a interjeté appel au Ministre en vertu de l'article 25(1)
de la Loi nationale sur les transports. Le Ministre a rejeté
l'appel.
Arrêt: il convient de rejeter la demande d'annulation de la
décision du Ministre déposée par la requérante. Le Ministre
n'a commis aucune erreur en refusant d'infirmer la décision
du Comité des transports aériens.
(1) Comme le Ministre le souligne dans sa décision, de
nouveaux éléments de preuve avaient été soumis au Comité
des transports aériens et il avait le droit de les prendre en
considération.
(2) Le Comité des transports aériens n'était pas obligé de
tenir une audience ni d'accorder à la requérante d'autres
possibilités de présenter des preuves ou des arguments
s'opposant à l'octroi d'un permis à l'opposante. Non seule-
ment la requérante n'a pas soulevé ce motif comme moyen
d'appel ainsi que l'exigent les règles de la Commission, mais
il n'existe ni exigence statutaire ni principe de justice natu-
relle à cet effet.
DEMANDE.
AVOCATS:
G. Brock et J. D. Coleman pour la
requérante.
E. T. Nobbs, c.r., et W. Clark pour
l'opposante.
A. Garneau pour le sous-procureur général
du Canada.
PROCUREURS:
Brock et Coleman, Waterloo, pour la
requérante.
Nobbs et Clark, Toronto, pour l'opposante.
LE JUGE THURLOW (oralement)—Cette
demande, introduite en vertu de l'article 28 de la
Loi sur la Cour fédérale, vise l'examen et l'an-
nulation d'une décision du ministre des Trans
ports qui a rejeté un appel interjeté par la requé-
rante en vertu de l'article 25(1) de la Loi
nationale sur les transports de la décision n°
3319 du Comité des transports aériens accor-
dant un permis à l'opposante en vue d'exploiter
un service aérien commercial d'affrètement à
partir d'une base située à Breslau (Ontario).
La requérante qui détenait un permis d'ex-
ploitation d'un service semblable à partir de la
même base, était intervenue dans les procédures
devant le Comité des transports aériens relati
ves à la demande de permis de l'opposante. Par
une décision (no 3044) du 7 octobre 1970, le
Comité a rejeté la demande de l'opposante. Tou-
tefois, le même jour, le Comité a ajouté certai-
nes conditions au permis de la requérante relati-
vement au maintien d'une base à Breslau pour
exploiter son service en vertu du permis.
Là-dessus, le 12 novembre 1970, l'opposante
a demandé à la Commission canadienne des
transports en vertu de l'article 5 de la Loi natio-
nale sur les transports, de l'article 52 de la Loi
sur les chemins de fer et des Règles générales de
la Commission établies en vertu de la Loi natio-
nale sur les transports, l'examen et l'infirmation
du rejet de sa demande de permis par le Comité
des transports aériens. Dans sa demande de
révision, l'opposante a notamment déclaré que
depuis la délivrance des ordonnances du 7 octo-
bre 1970, la principale source d'affaires et la
principale zone d'exploitation de la requérante
étaient toujours Toronto et St. Catharines, que
la requérante n'avait pas modifié sa situation à
Breslau et avait continué à desservir le marché
de Toronto-St. Catharines plutôt que celui de
Kitchener-Waterloo et que personne n'offrait le
genre de service proposé par l'opposante dans la
région de Kitchener-Waterloo. Un affidavit de
l'avocat de la requérante accompagnait la
demande portant qu'au mieux de sa connais-
sance, le contenu de la demande était juste.
Une copie de ces documents a été signifiée à
la requérante. Elle y a répondu en détail par une
lettre du 24 novembre 1970. Dans la lettre, qui
était surtout une argumentation, la requérante
contestait certaines affirmations de la demande
de révision mais n'en niait pas certaines autres.
Le 26 octobre 1971, alors que la demande de
révision était encore pendante, l'opposante a
présenté des allégations supplémentaires portant
que des changements importants s'étaient pro-
duits depuis le dépôt de la demande de révision.
En effet, depuis plusieurs mois, la requérante ne
basait plus d'avions à Breslau, depuis octobre
elle avait cessé d'avoir un bureau et du person
nel à l'aéroport de Breslau et elle n'avait plus de
service téléphonique. Non seulement n'offrait-
elle plus de service depuis la région de Kitche-
ner, mais elle avait rendu impossible à quicon-
que d'entrer en contact avec elle dans la région.
La requérante a déposé une réponse à ces allé-
gations datée du 10 décembre 1971 par laquelle
elle niait les allégations de l'opposante, préten-
dant qu'une réorganisation de ses services avait
commencé le 17 novembre 1971 et demandant
la confirmation du rejet de la demande de
permis de l'opposante. En réponse, l'avocat de
l'opposante envoya une lettre datée du 13
décembre 1971 qui reprenait certains faits déjà
mentionnés et révélait en outre, ce qui est
admis, que le Comité avait suspendu le permis
de la requérante pour 90 jours à compter du 23
novembre 1971.
Ni dans son intervention, ni dans sa lettre
répondant à la demande de révision, ni dans sa
réponse aux allégations supplémentaires, la
requérante n'a demandé de nouvelle audience.
Par la suite, le 24 février 1972, le Comité des
transports aériens a rendu sa décision n° 3319
dont la requérante a par la suite interjeté appel
au Ministre.
Voici un extrait de la décision:
COMITÉ DES TRANSPORTS AÉRIENS
le 24 février 1972. DÉCISION N° 3319
Ottawa
RÉVISION de la décision n° 3044, datée du 7 octobre 1970,
du Comité des transports aériens qui rejetait la demande
présentée par Starline Aviation Limited en vue d'obtenir
l'autorisation d'exploiter, à partir d'une base située à
Breslau (Ontario), un service commercial aérien d'affrète-
ment du groupe B (classe 4) et un service aérien commer
cial d'affrètement international sans horaire fixe de la
classe 9-4.
Dossier n° 2-S515-1
La décision n° 3044, datée du 7 octobre 1970, du Comité
des transports aériens, rejetait la demande de Starline Avia
tion Limited en vue d'obtenir un permis d'exploitation de
services aériens commerciaux mentionnés dans le titre
ci-dessus, en se fondant sur le fait que Breslau était une
base pour laquelle Waterloo-Wellington Flying Club et
National Aviation Consultants Limited avaient reçu un
permis qui leur donnait à tous deux l'autorisation d'exploiter
des services de la classe 4 au moyen d'aéronefs du groupe
B.
Le 12 novembre 1970, Starline Aviation Limited a pré-
senté une demande auprès du Secrétaire de la Commission
canadienne des transports en vue d'obtenir une révision de
ladite décision, en se fondant sur le fait que de nouveaux
témoignages et de nouvelles preuves à l'appui de la demande
avaient été présentés au Comité.
Le Comité de révision de la Commission canadienne des
transports a examiné la demande en révision et, après l'avoir
déclarée recevable, il a renvoyé l'affaire devant le Comité
des transports aériens pour examen.
Le Comité a étudié la demande en révision et il estime
qu'il serait de l'intérêt public d'accorder la demande. Par
conséquent, la décision n° 3044, datée du 7 octobre 1970 est
abrogée et la demande présentée par Starline Aviation Lim
ited en vue d'obtenir un permis d'exploitation d'un service
aérien commercial d'affrètement du groupe B (classe 4) et
d'un service aérien commercial d'affrètement international
sans horaire fixe de la classe 9-4 à partir d'une base située à
Breslau (Ontario) est, par les présentes, approuvée. Le
titulaire est également autorisé à exploiter, à partir de la
même base, un service aérien commercial spécialisé de la
classe 7—vol récréatif.
Si je saisis bien, la requérante fonde ses pré-
tentions sur le fait que le Ministre, dont la
décision est attaquée, aurait commis une erreur
de droit en n'infirmant pas la décision du
Comité pour les motifs suivants: (1) en fait, il
n'existait pas de preuves nouvelles dont la déci-
sion du Comité pouvait faire état et (2) après
que le Comité de révision a renvoyé la demande
de révision au Comité des transports aériens, ce
dernier n'a pas tenu d'audience ni donné à la
requérante une possibilité additionnelle de pré-
senter des preuves et des arguments sur l'inop-
portunité de l'octroi d'un permis à l'opposante.
Quant au premier de ces arguments, je pense
qu'il ressort de mon court exposé des faits que
la Commission avait à sa disposition des rensei-
gnements relatifs aux événements ultérieurs à la
décision du Comité des transports aériens n°
3044, renseignements qui n'ont pas été niés, que
les Comités de la Commission avaient le droit
d'en tenir compte en rendant leurs décisions et
qu'ils constituaient des preuves nouvelles ainsi
que la décision du Comité des transports aériens
n° 3319 en fait état.
En examinant le deuxième argument, il con-
vient de remarquer tout d'abord que, nulle part
dans l'avis d'appel adressé par la requérante au
Ministre, elle nè l'utilise comme motif d'appel
et, dans ces circonstances, je ne pense pas
qu'on puisse dire que le Ministre a commis une
erreur de droit en ne tranchant pas l'appel sur
un argument qui n'avait pas été soulevé. Ce sont
les règles établies en conformité de l'article
25(4) de la Loi nationale sur les transports qui
régissent les appels interjetés au Ministre. Elles
précisent que l'avis d'appel doit contenir les
motifs de l'appel. Voir les Règles 800 et 810 qui
se lisent comme suit:
800 Un appel au Ministre sera interjeté en signifiant au
Ministre, au Secrétaire et, quand il y a lieu, au requérant, à
l'intimé et aux intervenants, un avis d'appel sous pli
recommandé.
810 Un avis d'appel au Ministre devra établir
a) ce dont il est fait appel;
b) les motifs d'appel; et
c) le redressement demandé.
Toutefois, quoi qu'il en soit, on n'a cité ni
disposition législative ni règle de la Commission
comme fondement du droit à une autre audience
que la requérante revendique. Les règles appli-
cables aux demandes de révision sont les Règles
770 et 775, telles que remplacées par le décret
1970-5. Elles prévoient que:
770 Nonobstant toute disposition des présentes règles:
(a) sous les réserves prévues par le paragraphe (c) le
Comité de révision exercera toutes les fonctions et les
pouvoirs de la Commission concernant toute requête en
revision d'une ordonnance ou d'une décision d'un comité
aux termes de l'article 52 de la Loi sur les chemins de fer
et pour ces fins trois membres du Comité de revision
constitueront un quorum;
(b) une telle requête devra être transmise au Secrétaire
dans les trente jours qui suivent la communication de
l'ordonnance ou de la décision aux parties, à moins que le
Comité de revision ne prolonge le délai pour ce faire; et
(c) le Comité de revision décidera s'il y a lieu de reviser
l'ordonnance ou la décision et pourra ensuite à sa discré-
tion disposer de la requête ou la référer pour revision au
comité qui avait émis ou rendu l'ordonnance ou la
décision.
775 La règle 770 s'applique, dans la mesure où ses disposi
tions ne sont pas incompatibles, dans tout cas où une
revision doit se faire par suite d'un renvoi, d'un avis ou
d'instructions à la Commission aux termes de la Loi natio-
nale sur les transports ou de la Loi sur les chemins de fer.
Rien dans ces règles ne semble, à mon avis,
imposer au Comité à qui la demande de révision
est renvoyée en vertu de la Règle 770(c) la
tenue d'une nouvelle audience. A mon sens, rien
dans la Loi nationale sur les transports ni dans
les règles de la Commission n'exige que le
Comité des transports aériens accorde à la
requérante une autre audience ou la possibilité
de présenter de,nouvelles preuves ou arguments
avant de réexaminer la demande à la lumière
des documents à sa disposition, y compris les
réponses produites par la requérante à la fois à
la demande de révision et aux allégations sup-
plémentaires. Il n'existe pas non plus de prin-
cipe de justice naturelle qui exigerait qu'on
accorde à la requérante une telle possibilité.
A mon avis, aucun des deux arguments de la
requérante n'est bien fondé. Il s'ensuit qu'on ne
peut pas accueillir l'attaque de la décision du
Ministre au motif qu'il avait omis de leur donner
effet. Je ne veux toutefois pas laisser la ques
tion sans faire observer que, quoi qu'il se soit
produit antérieurement, la requérante avait et
s'est prévalue de la possibilité de présenter au
Ministre au cours de son appel les arguments
que, comme le soutient maintenant l'avocat, elle
aurait dû avoir la possibilité de présenter lors de
la révision devant le Comité des transports
aériens. Il ressort toutefois que ces arguments,
ajoutés à ce que la requérante avait présenté à
la Commission, ne suffisaient pas à persuader le
Ministre qu'il fallait infirmer la décision. A mon
avis, une conclusion selon laquelle, en considé-
rant l'appel de la requérante, le Ministre n'a pas
tenu compte de tous les documents soumis par
les deux parties, ou qu'il a commis une erreur de
droit en concluant de la sorte, n'est absolument
pas fondée.
Je rejette donc la demande.
* * *
LES JUGES SUPPLÉANTS BASTIN et SWEET ont
souscrit à l'avis.
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