William John Speerstra (Appelant)
c.
Le ministre du Revenu national (Intime)
Division de première instance, le juge suppléant
Sheppard —Calgary (Alberta), le 22 février;
Vancouver (C.-B.), le 2 mars 1973.
Impôt sur le revenu—Rentes—Déduction à titre de capi-
tal—Loi de l'impôt sur le revenu, art. 6(1)aa)—Règlements
de l'impôt sur le revenu, art. 300(2)d).
W, la mère de l'appelant, a acheté deux rentes en versant
respectivement les sommes globales de $31,110 et $9,857.
Les contrats prévoyaient des rentes viagères de $300 et
$100 par mois. Chaque contrat contenait une clause stipu-
lant qu'en cas de décès de W avant que les versements de
rente n'égalent la somme forfaitaire versée à la compagnie
d'assurance, la rente serait versée à S jusqu'à paiement
complet.
Arrêt: les versements de rentes payés à S après le décès
de W étaient imposables à titre de revenu en vertu de
l'article 6(1)aa) de la Loi de l'impôt sur le revenu, sans qu'on
puisse en déduire une partie à titre de capital. L'article
300(2)d) des Règlements de l'impôt sur le revenu n'autorise
pas de déduction à titre de capital.
Arrêts suivis: O'Connor c. M.R.N. [1943] R.C.É. 168 et
Sothern-Smith c. Clancy [1941] 1 All E.R. 111.
APPEL de l'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
L'appelant a plaidé sa propre cause.
M. J. Bonner pour l'intimé.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
LE JUGE SUPPLÉANT SHEPPARD — La présente
affaire porte sur le droit de l'appelant de déduire
l'élément de capital des rentes qu'il a reçues au
cours des années d'imposition 1966 et 1967 aux
termes de la clause de remboursement par ver-
sements de la police d'assurance régissant le
versement de la rente en question, en vertu de
l'art. 300(2)d) des Règlements de la Loi de l'im-
pôt sur le revenu.
Les faits sont les suivants:
Le 2 août 1963, Margaret Elizabeth Whitta-
ker, alors âgée de 78 ans, a souscrit une police
d'assurance avec la Canada Life Assurance
Company aux termes de laquelle elle s'engageait
à verser à celle-ci une somme forfaitaire de
$31,110 le l er octobre 1963. En contrepartie, la
compagnie d'assurance s'engageait à lui verser
une rente viagère de $300 par mois à compter
du 15 août 1963 et à continuer à faire les
versements après sa mort aux termes d'une
clause de remboursement par versements. A
l'âge de 79 ans, Mme Whittaker a souscrit avec la
Canada Life Assurance Company une deuxième
police datée du 18 mars 1964. Aux termes de
celle-ci, la compagnie s'engageait à lui verser, en
contrepartie d'une somme forfaitaire de $9,-
857.60, une rente viagère de $100 par mois à
compter du 11 avril 1964 et à continuer à faire
les versements après sa mort, également en
vertu d'une clause de remboursement par
versements.
La clause de remboursement par versements
se lit dans les deux cas de la manière suivante:
[TRADUCTION] Si à la mort de la ... crédirentière, le total des
arrérages est inférieur à la somme forfaitaire reçue par la
compagnie, celle-ci s'engage à continuer à faire les verse-
ments de rente jusqu'à ce que le total des arrérages soit égal
à la somme forfaitaire, le montant du dernier versement
étant réduit au besoin. Ces versements de rente seront faits,
à mesure de leur échéance, à WILLIAM JOHN SPEERSTRA, fils
de la crédirentière, et en cas de décès, seront versées dans le
patrimoine du descendant le plus proche de la crédirentière
et du fils de cette dernière.
Mme Whittaker est décédée le 2 juillet 1964 et
son fils, l'appelant en l'espèce, a perçu pour
chacune des années d'imposition 1966 et 1967
les sommes de $3,600 aux termes de la première
police d'assurance et de $1,200 aux termes de la
seconde, conformément à la clause de rembour-
sement par versements. Ces sommes consti
tuent, au sens de l'article 6(1)aa) de la Loi de
l'impôt sur le revenu, un revenu devant être
inclus dans le revenu de l'appelant pour les
années au cours desquelles elles ont été reçues,
après déduction, en vertu de l'article 11(1)k), de
l'élément de capital de ces versements de rente,
lequel doit être déterminé conformément à
l'art. 300 des règlements. Dans la cotisation de
l'appelant pour les années considérées, le Minis-
tre a déduit à titre de capital une fraction des
versements qui devaient être faits du vivant de
M me Whittaker, conformément aux art. 300(1)b)
et 300(2)a) des règlements. (Voir les paragra-
phes 3 à 6 de l'exposé conjoint des faits.)
L'appelant soutient que les versements de
rentes qu'il a perçus au cours des années d'im-
position 1966 et 1967 étaient des versements de
capital a) parce qu'ils étaient faits en vertu
d'une clause de remboursement par versements
desdites polices et b) aux termes de l'art.
300(2)d) des règlements.
a) L'appelant soutient que 'Mme Whittaker a
reçu de son vivant onze versements en vertu de
la première police d'assurance, soit $3,300, et
trois en vertu de la seconde soit $300. Vu que
ces versements représentent une somme consi-
dérablement moins élevé que le capital versé et
vu que le total des versements qu'il (l'appelant)
a reçus sous le régime de la clause de rembour-
sement par versements pendant les années d'im-
position concernées, est inférieur à la somme
payée par M me Whittaker pour les polices d'as-
surance, les versements en question sont des
versements de capital. Je ne peux souscrire à
cette prétention. La somme versée par Mme
Whittaker constituait la contrepartie de l'obliga-
tion de la compagnie d'assurance et elle deve-
nait donc la propriété de la compagnie. Celle-ci
s'engageait en retour à verser une rente à Mme
Whittaker puis ensuite à l'appelant en vertu de
la clause de remboursement, sous réserve que le
total ne devait pas dépasser la somme versée
primitivement en contrepartie. Cette disposition
limite le total des versements mais ne fait pas de
ceux-ci des versements de capital.
Dans l'affaire O'Connor c. M.R.N. [1943]
R.C.É. 168 le président Thorson a déclaré à la
page 176:
[TRADUCTION] Comme l'a déclaré le juge Best dans l'af-
faire Winter c. Mouseley ((1819) 2 B. & Ald. 802 à 806):
A mon avis, lorsqu'il y a constitution de rente, le
capital est toujours aliéné définitivement et il est rem-
placé par des versements périodiques.
Il ajoute à la p. 183:
... L'alinéa b), qui traite des annuités contractuelles
dispose ce qui suit:
b) Les annuités ou autres paiements annuels reçus sous
le régime des stipulations de tout contrat, sauf disposi
tion contraire de la présente loi:
... Dans le cas d'une rente contractuelle, la personne qui
fournit le capital et le transfère à la personne physique ou
morale qui s'engage à verser la rente est généralement
elle-même le bénéficiaire de la rente lorsque celle-ci vient
à échéance. Le capital est aliéné mais il est remplacé par
le droit de percevoir une rente annuelle. La rente contrac-
tuelle constitue donc dans un sens un mélange indivisible
de capital et d'intérêt. Si elle est véritablement d'une
rente, elle est imposable dans sa totalité au sens de
l'article 3b), même si elle a été achetée au moyen d'une
dépense de capital et même si, dans ce sens, elle com-
prend un remboursement de capital. Si l'on ne peut isoler
clairement l'élément de capital parce qu'il a disparu et
cessé d'exister en tant que tel, la rente toute entière,
quelle qu'en soit la source, est imposable aux termes de
l'article 3 b).
Le maître des rôles Wilfrid Greene a déclaré
dans l'affaire Sothern-Smith c. Clancy [1941] 1
All E.R. 111 à la page 117:
... Je me sens forcé de considérer que la constitution
d'une rente du genre que j'ai indiqué revient à s'assurer un
revenu, l'ensemble du revenu ainsi constitué étant assimi-
lable à un gain ou à une plus-value, quel que soit le mode
de calcul des versements. La somme versée en contrepar-
tie de la rente a cessé d'exister et je me sens forcé de
considérer que le fait que le crédirentier aura reçu, lors de
l'extinction de la rente, une somme au moins égale à celle
qu'il a payée est sans importance.
Il ajoute à la p. 118:
... La somme versée par la Sothern a perdu toute exis
tence. ... La Sothern s'est constitué un revenu et le
capital qu'elle a versé en contrepartie ne sert qu'à déter-
miner la période de temps pendant laquelle ce revenu doit
être versé.... Il me semble que ce capital a cessé d'exis-
ter dès qu'il a été versé, et que la prétendue garantie
constitue un engagement non pas de rembourser le capital
ou une partie quelconque de celui-ci mais, plutôt, un
engagement de continuer à verser les annuités pendant
une période déterminable.
Il s'ensuit que la somme versée sous le régime
des polices d'assurance ne permet pas de définir
la part de capital perçue par le crédirentier.
Les sommes perçues par l'appelant sous
forme de rente au titre de chacune des deux
polices pour les années d'imposition en question
sont un revenu aux termes de l'art. 6(1)aa) de la
Loi de l'impôt sur le revenu qui énonce:
6. (1) Sans restreindre la généralité de l'article 3, doivent
être inclus dans le calcul du revenu d'un contribuable pour
une année d'imposition
aa) les montants reçus dans l'année à titre de paiements
d'annuités;
L'article 11(1)k) de la Loi de l'impôt sur le
revenu n'autorise que la déduction du capital
déterminé «de la manière prescrite», c'est-à-dire
conformément à l'article 300 des règlements,
pris en vertu de l'art. 117(1)a) de la loi.
Il m'apparaît d'autre part que l'art. 300(2)d)
des règlements ne détermine pas l'élément de
capital aux fins de l'art. 11(1)k). Lorsqu'il s'ap-
plique, l'art. 300(2)d) des règlements ne fixe que
la période minimum pendant laquelle les paie-
ments continuent à être faits au titre des polices
d'assurance. L'article 300(2)d) des règlements
ne prévoit en rien qu'une partie du paiement est
constituée par du capital et l'appelant ne peut
par conséquent se prévaloir de cet article.
L'appelant a la charge de la preuve. Voir les
jugements des juges Rand (p. 488) et Kellock
(p. 492), dans l'affaire Johnston c. M.R.N.
[1948] R.C.S. 486, et le jugement du président
Thorson dans l'affaire Dezura c. M.R.N. [1948]
R.C.É. 10 à la p. 19. L'appelant n'a donc pas
réussi à établir la présence d'une erreur dans la
cotisation du Ministre et l'appel est rejeté.
Aucune conclusion n'a été prise quant aux
dépens.
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