In re le Tribunal antidumping et re le verre à
vitre transparent
Cour d'appel, le juge Thurlow, les juges sup
pléants Cameron et Bastin —Ottawa, les 20, 21,
22 et 29 juin 1973.
Examen judiciaire —Certiorari —Tribunal antidumping—
Président ancien conseiller des plaideurs—Décision signée
par le Président—Pas de partialité réelle—Crainte raisonna-
Ible de partialité—Ordonnance non signée produite à la
Cour—Est-ce suffisant pour obtenir un certiorari —Loi sur la
Cour fédérale, art. 18.
Couronne —Certiorari —Droit du procureur général de
demander un bref—Loi sur la Cour fédérale, art. 18.
B fut nommé Président du Tribunal antidumping le ler
janvier 1969 et un Vice-Président et un autre membre furent
nommés en même temps. Pendant plusieurs années avant sa
nomination, B avait été conseiller de deux fabricants cana-
diens de verre à vitre pour qui il avait présenté des revendi-
cations auprès des responsables gouvernementaux en ce qui
concerne le prétendu dumping de verre à vitre importé au
Canada. Dès sa nomination au Tribunal, B mit fin à ses
relations d'affaires avec ses deux clients et, bien qu'il n'ait
plus présenté de revendications en leur nom, il les a conseil-
lés relativement à leur plainte de dumping. La plainte est
venue à l'audience devant le Tribunal en février 1970. B
avisa les deux autres membres du Tribunal de ses relations
avec les compagnies canadiennes et, en vertu de l'article
23(1)a) de la Loi antidumping, S.R.C. 1970, c. A-15, il
délégua aux deux autres membres la conduite de l'audition
de la plainte. Elle se tint en février 1970, B étant absent.
Le 13 mars 1970, les deux autres membres ordonnèrent
l'imposition d'un droit antidumping sur le verre à vitre
importé. A la demande du Vice-Président, B prit connais-
sance du projet définitif de leur décision et y apporta trois
changements d'ordre grammatical qui ne touchaient pas au
fond. B signa la décision des deux autres membres en
pensant que, bien que sa signature ne soit pas nécessaire, il
était prudent qu'il l'appose. La décision signée par les trois
membres fut envoyée au sous-ministre, douanes et accise, et
une copie non signée de l'ordonnance fut déposée aux
archives du Tribunal (qui est une cour d'archives). Par suite
d'une demande de certiorari présentée par le procureur
général, en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour
fédérale, visant l'annulation de la décision, la copie non
signée fut renvoyée devant cette Cour.
Arrêt: infirmant la décision du juge Cattanach [1972] C.F.
1078, la décision doit être annulée.
Le juge Thurlow et le juge suppléant Cameron: (1) En
signant la décision dans ces circonstances, B l'a fait sienne
et y a donc pris part. Le fait que les archives ne contenaient
aucune copie signée par B est sans importance. Le nom de B
apparaissait sur la copie non signée de la décision en tant
que Président du Tribunal; ceci emporte sa participation à la
décision et ne peut être contredit par un témoignage oral
portant sur le degré réel de sa participation ou sur le motif
de l'insertion. En outre, si le témoignage oral était recevable
pour démontrer ce qui s'est réellement produit, il établirait
que la copie signée était la décision du Tribunal.
(2) Pour déclarer une personne inapte à présider lors
d'une procédure judiciaire pour des raisons de partialité, le
critère applicable est celui de la crainte raisonnable de
partialité. Arrêt mentionné: Szilard c. Szasz [1955] R.C.S. 3.
(3) La Cour n'était pas compétente pour refuser une
demande de bref de certiorari présentée par le procureur
général au nom de la Couronne pour annuler la décision du
Tribunal, une fois établi que la décision était invalide.
Le juge suppléant Bastin: D'après la preuve, il faut con-
clure que B a participé à la décision. Puisque B n'a pas pris
part à l'audience publique, sa participation à la décision la
vicie.
(4) La Division de première instance est compétente en
vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale pour
entendre cette demande présentée par le procureur général
et, en vertu de l'article 61(2), elle peut exercer cette compé-
tence à l'égard d'une affaire qui s'est produite avant l'entrée
en vigueur de la Loi sur la Cour fédérale.
APPEL d'une décision du juge Cattanach
[1972] C.F. 1078.
AVOCATS:
C. R. O. Munro, c.r., et R. Vincent pour le
requérant.
G. Killeen, c.r., et J. P. C. Gauthier pour le
Tribunal antidumping.
G. F. Henderson, c.r., et G. Hynna pour W.
W. Buchanan.
R. A. Smith, c.r., pour la Canadian Pitts-
burgh Industries.
J. F. Howard, c.r., et D. J. M. Brown pour
la Pilkington Bros. (Canada) Ltd.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
le requérant.
Soloway, Wright et Houston, Ottawa, pour
le Tribunal antidumping.
Gowling et Henderson, Ottawa, pour W. W.
Buchanan.
Wahn, Mayer et Smith, Toronto, pour la
Canadian Pittsburgh Industries.
Blake, Cassels et Graydon, Toronto, pour la
Pilkington Bros. (Canada) Ltd.
Gottlieb et Agard, Montréal, pour la
Mineralimportexport.
LE JUGE THURLOW (oralement)—Appel est
interjeté du rejet par la Division de première
instance [le juge Cattanach, [1972] C.F. 1078]
d'une demande du procureur général du Canada
en annulation d'une ordonnance ou décision du
Tribunal antidumping relativement à du verre à
vitre en provenance de certains pays d'Europe
de l'Est. Les motifs de la demande, tels qu'ils
apparaissent dans l'avis de requête modifié, sont
les suivants:
1. le président dudit Tribunal a participé à l'élaboration de
la décision, bien qu'il eût des intérêts dans l'objet de celle-ci;
2. le président dudit Tribunal a participé à l'élaboration de
ladite décision, bien qu'il ait eu ou ait pu avoir tendance à
favoriser les compagnies canadiennes dont la plainte écrite a
abouti à l'institution de procédures en vertu de la Loi
antidumping, du fait de son association avec elles;
3. le président dudit Tribunal a participé à l'élaboration de
la décision, bien qu'il n'ait pas participé à l'audience au
cours de laquelle la preuve et les plaidoiries ont été présen-
tées au nom des parties en cause.
Le 4 juillet 1972, les avocats du procureur
général ont retiré le premier motif. En ce qui
concerne les deux autres, le juge Cattanach, qui
avait été saisi de la demande, a estimé après
avoir soigneusement examiné la preuve, que le
Président n'avait pas été partial en faveur des
entreprises canadiennes en cause. Il a toutefois
jugé qu'il était inapte à participer à l'élaboration
de la décision du Tribunal pour une double
raison, savoir:
1. que ses relations avec les deux compagnies canadiennes,
dont la plainte écrite a abouti à l'institution des procédures
que prévoit la Loi antidumping, permettaient de conclure à
l'existence probable de partialité en leur faveur, et
2. qu'il n'avait pas participé aux audiences.
Le savant juge a ensuite cherché à déterminer
si, dans les circonstances, le Président avait
effectivement participé à l'élaboration de la
décision du Tribunal. Il a établi qu'il n'avait rien
fait de plus que signer un document qu'on lui
avait présenté à cette fin, dans les circonstances
que nous relaterons plus loin. Il a enfin conclu
que, comme on n'avait pas démontré que le
dossier du Tribunal contenait une décision
signée par le Président, la demande d'annulation
de la décision n'était pas recevable.
Voici les faits essentiels. Avant le ler janvier
1969, date à laquelle la Loi antidumping, en
vertu de laquelle le Tribunal antidumping a été
constitué, est entrée en vigueur, W. W. Bucha-
nan, nommé président du Tribunal, avait été
conseiller sur les questions de douane de la
Canadian Pittsburgh Industries Limited et de la
Pilkington Brothers (Canada) Limited. Par suite
de sa nomination, Buchanan a cessé ses rela
tions professionnelles avec lesdites compagnies
mais pendant un certain temps il a continué à
titre gracieux, à leur donner des conseils, à faire
des enquêtes auprès des fonctionnaires du gou-
vernement et à leur en transmettre les résultats.
Ces services se rapportaient à une demande
déposée par les deux compagnies auprès du
sous-ministre du Revenu national, douanes et
accise, en février 1969, par laquelle elles
demandaient l'imposition de droits antidumping.
Cette demande a entraîné le renvoi de la ques
tion au Tribunal, pour qu'il tranche les questions
relevant de sa compétence et rende sa décision,
objet de ces procédures. Au cours de l'été 1969,
alors qu'on prévoyait que la question allait en
fin de compte être déférée au Tribunal, Bucha-
nan a organisé pour les deux autres membres du
Tribunal une visite des usines de fabrication
d'au moins une des deux compagnies pour qu'ils
se familiarisent avec leurs activités.
La preuve révèle qu'au début de 1969, alors
que le sous-ministre avait publié un avis de la
demande des compagnies fabricantes de verre
dans la Gazette du Canada, Buchanan avisa les
autres membres de la Commission qu'il ne sié-
gerait pas à cette occasion et, soit avant soit
après que le sous-ministre eut déféré la question
au Tribunal en décembre 1969, le Président
s'est déclaré inapte à siéger. En vertu de l'article
23(1) 1 de la Loi antidumping, il a désigné Gau-
thier et Barrow, les deux autres membres du
Tribunal pour connaître de la question. En con-
séquence, il n'a ni assisté ni siégé aux audiences
qui se sont tenues par la suite, en février 1970,
d'autant plus qu'il était en vacances hors du
Canada lorsqu'elles se sont tenues. Toutefois, il
est rentré avant que la décision ne soit rendue.
Quelques jours après son retour, la question
s'est posée de savoir si l'article 28 2 exigeait que
les deux membres lui fassent un rapport relatif à
la preuve qu'ils avaient entendue. Il ressort de la
preuve de Gauthier qu'à ce moment-là, le Prési-
dent pensait qu'un tel rapport était nécessaire.
C'est au moins une indication que le Président
pensait qu'il avait un rôle à jouer dans la déci-
sion du Tribunal, bien qu'il se soit déclaré
inapte. La question du rapport prévu à l'article
28 a donc été soumise à un avocat du conseil du
Trésor qui a déclaré que l'article 28 ne s'appli-
quait pas. Sans qu'on le lui demande, il a aussi
avancé qu'étant donné l'absence dans la loi de
dispositions relatives au quorum, il serait plus
sûr que tous les membres du Tribunal signent le
jugement définitif constatant la décision. Six
jours plus tard, le même avocat a fait savoir
qu'en vertu de la Loi d'interprétation, les deux
membres qui avaient entendu la preuve pou-
vaient rendre une décision au nom du Tribunal.
Il ne semble pas qu'on ait porté à sa connais-
sance que le Président s'était déclaré inapte ni
pourquoi il l'avait fait.
Le savant juge de première instance a en
outre établi que Gauthier et Barrow ont rédigé
leurs conclusions ou leur ordonnance en
commun sans s'en rapporter à Buchanan et sans
le consulter. Toutefois, ils lui ont soumis le
cinquième projet pour qu'il fasse des observa
tions sur la grammaire et la rédaction et il sug-
géra trois modifications pour améliorer la rédac-
tion, la grammaire ou le style. On ne lui a pas
demandé de faire d'observations sur le fonds
des conclusions ou de l'ordonnance et il ne l'a
pas fait. Il a été admis devant le savant juge de
première instance que Buchanan n'a ni
influencé ni essayé d'influencer les autres mem-
bres du Tribunal. Il n'a même pas suggéré que
l'on retire du projet de conclusions un paragra-
phe qu'il savait être inapproprié, car il donnait
ordre au sous-ministre d'imposer un droit
antidumping.
En réponse aux questions de ses propres avo-
cats, Buchanan a aussi déclaré qu'il n'avait pas
conseillé les compagnies dans la rédaction de
leurs exposés et qu'il ne les avait jamais vus,
qu'il n'avait fait aucune recherche sur cette
affaire ni préparé des projets ou des conclusions
pour la décision définitive, qu'il n'avait discuté
l'affaire avec ses collègues ni avant ni après
l'audience, ni au cours des délibérations, et qu'il
n'avait rien eu à voir avec l'issue de l'enquête.
Toutefois, lorsque le cinquième projet révisé
est devenu le texte définitif, le 13 mars 1970, on
en a présenté deux copies à Buchanan, l'une en
anglais et l'autre en français, pour qu'il les
signe. Il a alors apposé sa signature à la fin, à
l'emplacement prévu pour le Président, son nom
étant dactylographié au-dessous. Les autres
membres les ont aussi signées et le secrétaire a
signé à titre de témoin. On a alors fait parvenir
les copies signées au sous-ministre, apparem-
ment pour se conformer à l'article 16(5) 3 de la
loi. Aucune autre copie n'a été signée. Les
copies envoyées aux autres parties en confor-
mité de la même disposition législative et celles
conservées dans les archives du Tribunal ne
portaient aucune signature. Dans le cas de la
Canadian Pittsburgh Industries Limited, les
copies étaient accompagnées d'une lettre signée
par le secrétaire déclarant que le Tribunal avait
rendu ses conclusions en vertu de l'article 16(3)
de la loi et qu'il en joignait copie, en anglais et
en français.
Buchanan explique de la façon suivante pour-
quoi il a signé le document alors qu'il s'était
déclaré inapte à prendre part à cette affaire:
[TRADUCTION] R. A mes yeux, cette signature était une
simple formalité. Vu les deux mémoires de Me Gray, je dois
dire que je ne me sentais pas obligé de signer la décision;
mais j'ai pensé que c'était peut-être plus prudent de le faire.
Le savant juge de première instance a étudié
cet aspect de la question dans le passage [à la
page 1119] de ses motifs que voici:
Quelle que soit la personne qui lui a présenté le document
pour signature ou qui a fait en sorte que le document lui
parvienne, que ce soit le secrétaire ou M. Gauthier, il n'en
reste pas moins que ce document lui a été présenté en raison
du fait que l'opinion de M. Gray, exprimée dans sa lettre du
12 février 1970, selon laquelle «il serait plus prudent que
tous les membres signent le document officiel qui constatera
la décision», a été retenue.
M. Buchanan avait également lu les lettres de M. Gray. B
ne fait pas de doute que les trois membres,du Tribunal, ainsi
que le secrétaire, pensaient que M. Gray avait conseillé que
les trois membres du Tribunal signent le document, même si
l'un ou l'autre d'entre eux n'avait participé ni aux audiences
ni à la décision.
C'était la première fois que le problème se posait, puisque
dans tous les cas antérieurs, les trois membres avaient
participé aux audiences et aux décisions.
Il est possible que le conseil de M. Gray ait coïncidé dans
le temps avec une opinion que M. Buchanan a exprimée dès
le 27 octobre 1969, parce que M. German a indiqué dans sa
note de cette date (pièce 11), que M. Buchanan l'avait
informé qu' [TRADUCTION] «on ne semble généralement pas
se rendre compte qu'on n'évite pas de participer à l'élabora-
tion d'une décision en évitant de participer aux audiences».
M. Buchanan a donc signé le document daté du 13 mars
1970, qui lui a été présenté à cette fin.
D'après la preuve, je suis convaincu que la participation
de M. Buchanan à la décision du Tribunal se limite à la
signature qu'il a apposée sur le document qu'on lui a
présenté.
Je ne vois pas de fondement juridique permet-
tant d'admettre en preuve la note de German,
comme on l'avait précédemment malgré l'objec-
tion des avocats, comme démontrant quelle était
l'opinion de Buchanan. Mais, à mon avis, on
peut déduire que telle était l'opinion de Bucha-
nan du témoignage de Gauthier selon lequel
Buchanan inclinait à penser que les deux mem-
bres devaient, en conformité de l'article 28, lui
faire rapport sur la preuve entendue et que c'est
à cette occasion qu'on a demandé l'avis de Gray
sur l'application de l'article 28.
Les conclusions ou ordonnances ont été dac-
tylographiées sur environ quatorze feuilles de
papier, les deux premières n'étant pas paginées.
La première était dactylographiée sur le papier à
en-tête du Tribunal antidumping et portait l'inti-
tulé de l'affaire ainsi que le lieu et la date de
l'enquête. Sur la deuxième feuille, les mots sui-
vants étaient dactylographiés:
Tribunal antidumping
Président: M. W. W. Buchanan
Membre: M. J. P. C. Gauthier
Membre: M. B. G. Barrow
Secrétaire et directeur des enquêtes: M. C. D. Arthur
Toute correspondance doit être adressée au
Secrétaire du Tribunal antidumping
Édifice de la Justice
Ottawa (Canada)
La page suivante commence par les mots «déci-
sion du Tribunal antidumping sur» etc. et, à
partir de ce moment-là, on se reporte au Tribu
nal en utilisant tout simplement le terme Tribu
nal et on ne mentionne nominalement aucun
membre. En outre, les copies dactylographiées
non signées et déposées en preuve ne semblent
pas prévoir, comme les copies signées, d'empla-
cement pour la signature de qui que ce soit.
La principale question dans cet appel, à mon
avis, est de déterminer si, dans ces circonstan-
ces, on doit estimer que le Président a participé
à la décision du Tribunal, la viciant par là-même
puisqu'il était inapte à y participer. En exami-
nant la question, je ne pense pas qu'il soit
nécessaire d'aller jusqu'à dire qu'on ne peut en
aucune façon expliquer la présence d'une simple
signature sur un document tel que la décision en
question ici, ou l'implication de participation qui
semble en découler. On peut concevoir, par
exemple, le cas où une erreur sur la nature du
document expliquerait la signature y figurant.
Toutefois, en l'espèce, il ressort de la preuve
que le Président savait ce qu'il signait et qu'il
n'était pas nécessaire qu'il le signe. A mon avis,
le passage que j'ai cité de son témoignage indi-
que que, quelle que soit sa raison pour ce faire
et qu'il ait ou non considéré qu'il s'agissait d'une
formalité, il a signé parce qu'il considérait
approprié d'indiquer, en apposant sa signature,
qu'il adoptait la décision comme étant la sienne.
En outre, il a signé à l'endroit prévu pour la
signature du Président et il me semble que qui-
conque ayant connaissance du document par la
suite en déduirait logiquement qu'il avait parti-
cipé à la décision, tout comme s'il avait été
présent aux séances avec les autres membres et
s'il avait lu la décision et annoncé qu'elle était la
sienne et celle des autres membres. Il ressort du
paragraphe 16(5) qu'on ne prévoit pas que les
décisions du Tribunal soient prononcées en
séance, mais il me semble que cette situation
particulière donne plus d'importance au docu
ment constatant le jugement découlant de l'ac-
tion du Tribunal. A mon sens, il n'importe pas
que le Président ne se soit pour ainsi dire pas du
tout penché sur cette affaire ou qu'il n'ait pas
exercé quelque influence sur l'issue. A mon
avis, il a adopté la décision comme étant la
sienne en la signant en tant que Président du
Tribunal et il y a donc participé. En consé-
quence, je partage la conclusion du savant juge
de première instance qu'en signant la décision,
Buchanan y a en fait participé.
Toutefois, en toute déférence, je ne peux
accepter la conclusion qui veut que, comme les
archives du Tribunal ne contiennent aucune
copie de la décision indiquant qu'elle a été
signée par Buchanan, on n'a pas établi qu'il
avait participé à la décision. Les exemples ne
manquent pas de cours d'archives où la pratique
ne requiert pas la signature du jugement par les
juges qui l'ont rendu et, à ma connaissance, il
n'existe aucune règle, statutaire ou autre, exi-
geant que les membres ou le secrétaire du Tri
bunal antidumping, ou quiconque, signe les con
clusions ou ordonnances. Je ne pense donc pas
que le fait que la signature de Buchanan, ou
celle de qui que ce soit d'autre, n'apparaisse pas
sur le document versé aux archives du Tribunal
antidumping comme étant les conclusions ou
ordonnances du Tribunal, soit décisif ou même
soit pertinent en l'espèce. Il me semble toutefois
que, sans que ce soit nécessairement décisif, il
est important de déterminer s'il existait un dos
sier du Tribunal dont on pourrait déduire que le
Président a pris part à la décision.
Si l'on admet que le document non signé
enregistré au Tribunal constitue ses conclusions,
ou les seules archives authentiques à cet égard,
et si, comme le savant juge de première instance
l'a décidé, on ne peut prendre en considération
que les archives du Tribunal dans ces procédu-
res, il me semble que l'interprétation correcte de
ce document est qu'il s'agit des conclusions
prises par les membres du Tribunal dont les
noms figurent sur la deuxième feuille du docu
ment, où l'on trouve la constitution du Tribunal.
De même, il me semble que toute déposition
relative à la participation réelle de l'un ou l'autre
des membres du Tribunal à l'élaboration de la
décision n'est pas pertinente, et donc inadmissi
ble, et que la preuve que l'un d'eux n'y a pas
participé du tout ne serait pas admissible parce
qu'en contradiction avec la teneur du document.
En outre, les dépositions des témoins portant
sur le but de l'insertion d'une telle page dans le
document sont tout aussi inadmissibles car elles
reviennent à usurper les fonctions de la Cour
relativement à l'interprétation du document. A
mon avis, il s'ensuit que la copie non signée
versée au dossier, considérée en elle-même,
implique nécessairement et donc établit la parti
cipation du Président à la décision.
Par contre, si l'on peut admettre des déposi-
tions visant à démontrer que ce qui s'est réelle-
ment passé—et il me semble qu'on peut le faire
chaque fois que des dossiers manquent ou sont
détruits ou que, normalement ou par suite d'une
erreur, ils ne sont plus sous la garde de la
Cour—il me semble que la preuve en l'espèce
démontre que le cinquième projet du document
devait constituer les conclusions du Tribunal, ce
qu'il est effectivement devenu une fois signé et
authentifié comme étant les conclusions par le
Président et les membres du Tribunal, et par le
secrétaire à titre de témoin de leurs signatures.
Mais, au lieu de le verser ou de l'enregistrer
autrement au complet dans les archives du Tri
bunal, ce qui est la pratique habituelle des cours
d'archives, le secrétaire, par erreur, mauvaise
compréhension, ou par ignorance d'une telle
pratique, a envoyé l'original au sous-ministre au
lieu de lui envoyer une copie, comme il doit
normalement le faire dans l'exécution de ses
fonctions. Le document ainsi signé constituait
les conclusions du Tribunal et je ne pense pas
qu'on puisse dire qu'il n'a pas été démontré que
le Président l'a signé.
A mon avis, il est démontré que le Président a
participé à la décision.
Au cours des plaidoiries en appel, on a sou-
levé trois autres questions.
En premier lieu, les avocats de Buchanan et
de la Canadian Pittsburgh Industries Limited
ont avancé que, pour déclarer quelqu'un inapte
au motif de partialité, le critère véritable n'est
pas de savoir s'il y avait [TRADUCTION] «une
crainte raisonnable de partialité» mais bien de
savoir s'il y avait «une possibilité réelle de par-
tialité», et que la crainte raisonnable de partia-
lité établie par le savant juge de première ins
tance ne suffisait pas à faire déclarer le
Président inapte. A cet égard, il me semble
qu'une crainte raisonnable de partialité a plus de
poids qu'une simple suspicion fantaisiste; elle
exige ce qu'on a appelé «une suspicion raison-
née» et je doute que cela diffère au fond de ce
qu'on a appelé [TRADUCTION] «une possibilité
réelle de partialité». Le maître des rôles, Lord
Denning, a expliqué cette expression de la
manière suivante dans l'arrêt Metropolitan
Properties Co. c. Lannon [1968] 3 All E.R. 304,
à la p. 309:
[TRADUCTION] En ce qui concerne la partialité, on a admis
que M. Lannon n'avait pas réellement agi avec partialité ou
de mauvaise foi. Mais on a avancé qu'il y avait une possibi-
lité réelle de partialité, bien qu'il n'en ait pas été conscient.
C'est une question sur laquelle le droit n'est pas clair; je vais
commencer avec la célèbre déclaration da juge en chef,
Lord Hewart, dans l'arrêt R. c. Sussex Justices, Ex p.
McCarthy ([1923] All E.R. Rep. 233 à la p. 234):
. il est tout à fait primordial, et non simplement impor
tant, que non seulement justice soit rendue mais que, dans
l'esprit des gens, il soit manifeste et indubitable que
justice est rendue.
Dans l'arrêt R. c. Barnsley County Borough Licensing Jus
tices, Ex p. Barnsley & District Licensed Victuallers'
Assocn. ([1960] 2 All E.R. 703, aux pp. 714 et 715), le Lord
juge Devlin semble avoir limité de façon considérable ce
principe, mais je crois qu'on doit l'appliquer. Cela démontre
le point suivant: en examinant s'il y a une possibilité réelle
de partialité, le tribunal ne considère pas l'état d'esprit du
juge lui-même ou celui du président du tribunal ou de
quiconque siège à titre judiciaire. Il ne cherche pas à savoir
s'il y a une possibilité réelle qu'il puisse ou qu'il ait effecti-
vement favorisé une partie aux dépens de l'autre. Le tribu
nal examine quelle serait l'impression des tiers. Même s'il
était aussi impartial que possible, néanmoins si une personne
raisonnable risque de penser que, dans les circonstances, il y
avait une possibilité réelle de partialité de sa part, alors il ne
doit pas siéger. Et s'il siège malgré tout, sa décision ne peut
être maintenue: voir les arrêts R. c. Huggins ([1895-99] All
E.R. Rep. 914); R. c. Sunderland Justices ([1901] 2 K.B.
357, à la p. 373) rendus par le Lord juge Vaughan Williams.
Néanmoins, il doit y avoir une possibilité réelle de partialité.
Il faut plus qu'un doute ou une supposition: voir les arrêts
R. c. Camborne Justices, Ex p. Pearce ([1955] 1 Q.B. 41, aux
pp. 48 à 51); R. c. Nailsworth Justices, Ex p. Bird ([1953] 2
All E.R. 652). I1 doit exister des circonstances dont un
homme raisonnable déduirait qu'il est probable ou vraisem-
blable que le juge ou le président, suivant le cas, favoriserait
ou a effectivement favorisé injustement une partie aux
dépens de l'autre. Le tribunal ne cherchera pas à établir s'il
a effectivement favorisé injustement une partie. Il suffit que
des personnes raisonnables puissent le penser. La raison en
est assez simple: la justice doit s'appuyer sur la confiance et
la confiance est détruite quand des gens ayant l'esprit droit
peuvent penser: «Le juge était partial.»
Toutefois, qu'il y ait ou non une différence
entre «une crainte raisonnable de partialité» et
«une possibilité réelle de partialité», c'est le
critère de la crainte raisonnable de partialité
qu'a appliqué la Cour suprême dans l'arrêt Szi-
lard c. Szasz [1955] R.C.S. 3, et, plus récem-
ment, dans l'arrêt Blanchette c. C.I.S. Limited
(le 3 mai 1973, arrêt non encore publié). C'est
donc le critère que l'on doit appliquer. Dans
l'arrêt Szilard, le juge Rand présente la question
de la façon suivante (à la page 6):
[TRADUCTION] Cette jurisprudence illustre la nature et le
degré des relations d'affaires et des relations personnelles
qui peuvent faire douter de l'impartialité à tel point qu'une
partie à un arbitrage en vienne à mettre en question la
composition du tribunal. C'est la probabilité ou la suspicion
raisonnée d'une appréciation et d'un jugement partiaux,
aussi involontaires qu'ils soient, qui fausse dès le début le
processus d'arbitrage. Toute partie doit pouvoir raisonnable-
ment postuler l'indépendance d'esprit de ceux qui vont la
juger ou juger ses affaires.
C'est particulièrement vrai en l'espèce, car il a accepté la
personne choisie. La Cour d'appel a estimé que «de ce seul
fait» (le fait que l'arbitre soit copropriétaire) «on ne peut pas
déduire que l'arbitre n'a pas agi de façon entièrement impar-
tiale. On ne nous a soumis aucune preuve qu'il n'aurait pas,
en fait, agi de façon impartiale.» Mais, ainsi que les faits le
révèlent, ce n'est pas simplement une affaire de copropriété.
Nous n'avons pas non plus à déduire que l'arbitre «n'a pas
agi de façon entièrement impartiale»; il suffit qu'il existe un
fondement de crainte raisonnable qu'il en soit ainsi. Il me
semble probable, sinon indubitable, qu'une fois les faits
portés à la connaissance de Szilard, il aurait refusé, avec
raison, d'accepter Sommer.
Compte tenu de la preuve des relations et de
l'association du Président avec les compagnies
fabricantes de verre et avec leurs représentants
au cours de la période qui a suivi sa nomination
au poste de Président du Tribunal, rien n'indi-
que, à mon avis, qu'il faille modifier les conclu
sions du savant juge de première instance selon
lesquelles le Président était inapte par suite
d'une crainte raisonnable de partialité.
Hormis la question de la partialité, il y a aussi
le fait que Buchanan n'a pas entendu les déposi-
tions, ce qui, en soit, suffit à le rendre inapte à
participer à la décision.
On a ensuite avancé que, nonobstant le fait
que le Président était inapte et a participé à la
décision, la Cour peut refuser tout redressement
et devrait le faire compte tenu des faits de la
présente espèce. On a fait valoir qu'après que
les faits ont été connus, un délai d'environ deux
ans s'est écoulé avant l'introduction des procé-
dures; que la participation du Président, le cas
échéant, a été minime; que le savant juge de
première instance, tout en considérant qu'il y
avait une crainte raisonnable de partialité, a
établi que le Président n'avait pas en fait été
partial; qu'aucun des importateurs dont les
droits étaient touchés par la décision ne s'était
inquiété de cette dernière ou de l'apparence de
participation du Président et, si cela les avait
suffisamment préoccupés pour qu'ils se rensei-
gnent, le secrétaire aurait porté à leur connais-
sance le fait que le Président n'avait pas pris
part à l'élaboration de la décision; qu'il y avait
eu inconduite du requérant à de nombreux
égards en ce qui concerne les enquêtes tenues
avant l'introduction de ces procédures, les allé-
gations qu'elles contiennent et les mesures qu'il
a prises à cet égard; que rien de bon ne sortirait
de l'annulation de la décision alors qu'un préju-
dice serait causé aux compagnies fabricantes de
verre, que les objections à la décision étaient
simplement techniques puisqu'on ne mettait pas
en question son exactitude; et que l'article 31'
de la Loi antidumping offrait un recours qui
aurait permis de rectifier les erreurs sans néces-
sairement modifier le résultat.
A mon avis, une fois démontré le bien-fondé
de certaines de ces questions, en particulier
celles qui se rapportent au délai, au redresse-
ment accessoire et à l'absence de contestation
de l'exactitude de la décision, nous aurions pu
les prendre en considération en cas de demande
par un particulier d'une autorisation de déli-
vrance d'un bref de certiorari; mais aucune de
ces questions, même si l'on avait démontré leur
bien-fondé, ne pourrait avoir pour effet d'empê-
cher le procureur général, agissant au nom de la
Couronne, de demander l'annulation d'une déci-
sion du Tribunal par voie de certiorari s'il existe
des motifs appropriés de nullité. La question du
pouvoir discrétionnaire, vu la façon dont je con-
çois les principes appliqués à l'ancienne procé-
dure de certiorari en deux étapes, ne se posait
qu'au moment de la demande d'autorisation de
délivrance du bref de prérogative. Une fois le
bref délivré, jamais, du moins à ma connais-
sance, la requête en annulation n'a soulevé d'au-
tre question que celle de la légalité de la déci-
sion contestée.
Dans la procédure moderne, où les deux
étapes sont groupées en une seule, savoir la
discrétion d'accorder le redressement demandé
et le fondement des objections juridiques à la
décision contestée, et envisagées ensembles, il
n'est pas surprenant de trouver que les deman-
des sont fréquemment refusées dans l'exercice
du pouvoir discrétionnaire du tribunal bien
qu'on ait pu établir des objections valables à la
décision. Toutefois, on n'a pas rapporté d'affai-
res qui ont eu un tel résultat et dans lesquelles le
procureur général avait présenté une demande
au nom de la Couronne. Comme le bref était
antérieurement délivré de plein droit à sa seule
demande, il me semble qu'il n'y a pas de fonde-
ment légal sur lequel on peut décider que la
Cour a maintenant une quelconque discrétion de
refuser sa demande une fois établie l'existence
d'une objection valide à la décision contestée.
L'étendue du pouvoir discrétionnaire de la
Cour est décrite de la manière suivante à 11
Hals. Sème éd., à la page 139:
[TRADUCTION] 263. Certiorari accordé de plein droit. Le
bref de certiorari est accordé de plein droit sur demande du
procureur général, agissant au nom de la Couronne, dans
tous les cas où le tribunal est compétent pour connaître de
l'objet des procédures se déroulant devant un tribunal d'ins-
tance inférieure.
264. Pouvoir discrétionnaire d'accorder le bref. Dans tous
les cas autres que ceux que nous avons mentionnés, le bref
est accordé à la discrétion du tribunal.
Voir aussi les arrêts Le Roi c. Eaton (1787) 2
T.R. 49, Le Roi c. Bass (1793) 5 T.R. 251, Re
Ruggles 35 N.S.R. 57, et Le Roi c. Amendt
[1915] 2 K.B. 276.
Je suis donc d'avis que la Cour n'a pas de
pouvoir discrétionnaire pour refuser d'annuler
la décision prise par le Tribunal antidumping
une fois qu'on a établi qu'elle est invalide.
Le dernier point soulevé par les avocats de
Buchanan au cours de leur plaidoirie, qu'ils
n'avaient pas invoqué dans leur exposé, portait
que la Division de première instance n'était pas
compétente pour connaître d'une demande pré-
sentée par le procureur général en vue d'obtenir
un redressement tel que le certiorari pour annu-
ler la décision du Tribunal antidumping. D'après
cette prétention, à ce que je vois, pour que la
Cour soit compétente, il faudrait démontrer en
premier lieu que la demande relève de l'article
18 de la Loi sur la Cour fédérale et que ledit
article a un effet rétroactif, et, en deuxième lieu,
que puisque l'article 18 ne confère pas expres-
sément au procureur général le droit d'instituer
des procédures du genre mentionné aux présen-
tes (comme le fait l'article 28(2) dans le cas des
procédures en vertu de cet article) et semble
seulement envisager le procureur général
comme intimé, la Cour n'avait pas compétence
pour connaître de sa demande.
Avant le l er juin 1971, l'article 30 de la Loi
antidumping prévoyait la procédure suivante en
ce qui concerne les décisions du Tribunal
antidumping:
30. (1) Sous réserve de l'article 31, les ordonnances ou
conclusions du Tribunal sont définitives et péremptoires.
(2) La Cour de l'Échiquier du Canada a compétence
exclusive, en première instance, pour entendre et décider de
toute demande relative à un bref de certiorari, de prohibition
ou de mandamus ou à une injonction relative à une ordon-
nance ou à des conclusions du Tribunal ou à des procédures
devant le Tribunal.
(3) Une ordonnance ou des conclusions du Tribunal ne
peuvent être modifiées, limitées, annulées ou rejetées par
certiorari, prohibition, mandamus ou injonction ni par
aucune autre méthode ou procédure devant la Cour de
l'Échiquier pour le motif
a) que le Tribunal a rendu une décision erronée sur une
question de droit ou de fait; ou
b) que le Tribunal n'avait pas compétence pour accueillir
les procédures au cours desquelles l'ordonnance a été
rendue ou les conclusions ont été prises ou pour rendre
l'ordonnance ou prendre les conclusions.
Il me semble que l'effet de cet article est le
suivant: (1) avant le l er juin 1971, aucune cour
supérieure provinciale n'était compétente, et ne
l'avait jamais été, pour connaître des procédu-
res du genre de celles mentionnées à l'article en
ce qui concerne toute décision ou ordonnance
du Tribunal antidumping; (2) la compétence
exclusive de connaître des procédures de ce
genre à l'égard d'une ordonnance du Tribunal a
été conférée dès le début à la Cour de l'Échi-
quier du Canada; et (3) le domaine dans lequel
la Cour de l'Échiquier poûvait agir dans de
telles procédures a été rigoureusement délimité,
sinon entièrement éliminé, par le paragraphe
30(3). Celui-ci empêche en particulier la Cour
de l'Échiquier d'annuler une telle ordonnance
ou conclusion par voie de certiorari pour le
motif que le tribunal n'était pas compétent pour
arriver à cette conclusion ou rendre cette
ordonnance.
Il me semble que l'abrogation de ces disposi
tions par le paragraphe 64(3) 5 de la Loi sur la
Cour fédérale, associée au fait que l'article 18 de
ladite loi confère à la Division de première
instance de la Cour, sous son nouveau nom, la
compétence générale d'émettre des brefs de cer-
tiorari et d'entendre toute demande de redresse-
ment de la nature du certiorari engagée contre la
décision de tout office, commission ou tribunal
fédéral, a doté ladite cour de la compétence
nécessaire pour annuler une ordonnance ou des
conclusions du Tribunal antidumping en invo-
quant le défaut de compétence de ce dernier
pour statuer. Il me semble en outre que le
paragraphe 61(2) 6 de la Loi sur la Cour fédérale
entraîne que cette compétence s'applique à
l'égard de toutes les questions soulevées avant
le l ei juin 1971.
Il est tout à fait exact qu'en créant cette
compétence, la loi ne précise pas expressément
que le procureur général peut l'invoquer dans
une procédure qu'il engage. Elle ne précise pas
du tout qui peut intenter une telle procédure.
Mais il me semble clair qu'on prévoyait que
quelqu'un puisse invoquer cette compétence. Je
ne vois pas pourquoi on devrait limiter la com-
pétence de la Cour aux procédures intentées par
quelqu'un d'autre que le procureur général, agis-
sant au nom de la Couronne, quand la procédure
d'examen en cause n'est pas d'un genre nouveau
ou inconnu jusque-là, à la différence de celle
que prévoit l'article 28, mais que c'est une pro-
cédure bien connue, utilisée depuis des siècles
par le procureur général devant d'autres tribu-
naux et dans d'autres situations et en vertu de
laquelle il pouvait demander un redressement de
plein droit. Je ne vois rien non plus au paragra-
phe 18(2) qui prévoit des procédures intentées
contre lui à titre de représentant d'un office,
commission ou tribunal fédéral, qui soit incom
patible avec cette conclusion. En conséquence,
cette prétention est rejetée.
Il s'ensuit donc, à mon avis, qu'il faut accueil-
lir l'appel. Je ne modifie toutefois pas l'ordon-
nance du savant juge de première instance dans
la mesure où elle accorde à Buchanan ses frais
taxables entre parties jusqu'au 4 juillet 1972
inclus, date à laquelle le procureur général a
retiré son allégation selon laquelle Buchanan
avait un intérêt pécuniaire. Mais à tous les
autres égards, je réforme la décision de la Divi
sion de première instance et ordonne que la
décision du Tribunal antidumping soit annulée.
Le procureur général n'a pas demandé de
dépens et, sauf pour ce qu'on a mentionné, il n'y
aura pas d'adjudication des dépens aux parties
ni en Division de première instance ni en appel.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT CAMERON a souscrit à
l'avis.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT BASTIN (oralement)—A
mon avis, la présente affaire ne soulève qu'une
seule question: Buchanan, Président du Tribunal
antidumping, a-t-il participé à la décision du
Tribunal? Le savant juge de première instance a
conclu que Buchanan avait participé s'il a effec-
tivement signé la décision, mais il a décidé qu'il
ne pouvait arriver à cette conclusion vu le prin-
cipe de droit énoncé à l'arrêt Rex c. Nat Bell
Liquors, Ld. [1922] 2 A.C. 128, qui exigeait
qu'il se limite à un examen du dossier.
Le savant juge de première instance a fondé
cette décision sur l'opinion que les archives du
Tribunal antidumping, en tant que cour d'archi-
ves, doivent comprendre un document consta-
tant la décision et portant effectivement la
signature des membres qui l'ont prise. Il déclare
à la page 1132 du recueil où figurent ses motifs
([1972] C.F. 1078):
En premier lieu, le document original constatant l'ordon-
nance ou conclusion du Tribunal signée des membres du
Tribunal qui l'ont rendue doit constituer l'élément fonda-
mental du dossier.
Avant dans ses motifs, à la page 1130, il
déclarait:
Il est absolument certain que M. Buchanan a signé un
document qu'il croyait être la décision du Tribunal. Il est
également certain, pour les raisons que j'ai déjà indiquées,
que le dossier du Tribunal ne contient aucune décision
signée de M. Buchanan. Le document qu'il a signé et qu'ont
signé les autres membres, ainsi que le secrétaire à titre de
témoin, a été expédié au sous-ministre. Ce document que le
sous-ministre a en sa possession n'est pas une copie du
document qui fait partie des archives du Tribunal, parce
qu'il porte la signature de tous les membres du Tribunal et
celle du secrétaire, alors que le document qui fait partie des
archives du Tribunal ne porte aucune de ces signatures.
A la page 1132, il déclare:
Je suis d'avis que M. Buchanan était inapte à participer à
la décision. De nombreuses preuves le démontrent. Les
preuves relatives à sa partialité sont pertinentes. Sa partici
pation aurait consisté à signer la décision. Il a été établi que
le dossier du Tribunal ne contient pas de décision signée de
M. Buchanan. Il s'ensuit qu'il n'a pas participé à la décision.
A mon avis, le document non signé qui figure
aux archives du Tribunal constitue le dossier
des procédures. Il est constitué de 14 pages; sur
la deuxième on trouve les noms du Président et
des deux autres membres, la 14 ème feuille ne
porte pas de signatures à la fin du texte de la
décision. Apparemment, le document produit
par le Tribunal à la Cour n'était pas la copie
exacte de celle versée aux archives où l'on avait
inséré, en dernière page, des copies des signatu
res des trois membres du Tribunal. La Cour a le
droit d'inspecter le véritable dossier du Tribu
nal; on aurait donc dû produire la copie de la
décision figurant aux archives du Tribunal.
Le dossier des procédures devant une cour
d'archives n'est pas constitué par les documents
signés par les juges mais par le registre gardé à
cette fin. Dans son Dictionary of English Law,
le comte Jowitt définit les cours d'archives de la
façon suivante:
[TRADUCTION] Cours d'archives: tribunaux dont les actes
et procédures judiciaires sont enregistrés pour en garder
mémoire et témoignage à perpétuité; ces inscriptions sont
appelées les archives du tribunal, et sont d'une force pro-
bante si élevée et si éminente qu'on ne peut mettre en doute
leur exactitude.
Voici un extrait de la Règle 338 des règles de la
Cour fédérale, qui porte en marge la mention
«enregistrement»:
Règle 338. (1) Les jugements et ordonnances doivent être
enregistrés par l'officier compétent du greffe, par inscription
dans un livre tenu à cette fin, immédiatement après qu'ils
ont été prononcés ou rendus.
Il s'avère que le Tribunal antidumping n'a pas
adopté de règles, mais il n'y a rien d'illégal dans
le fait de considérer des copies non signées des
décisions du Tribunal comme le dossier de ses
procédures et l'on peut donc les considérer
comme le dossier officiel.
La copie de la décision du Tribunal dans les
archives de cet organisme, qui porte les noms
du Président et des deux autres membres, indi-
que qu'ils ont participé à la décision; le savant
juge de première instance l'avait à sa disposition
et elle démontrait que Buchanan avait participé
à la décision. Ayant à bon droit établi que
Buchanan était inapte à participer à l'élabora-
tion de la décision, le savant juge de première
instance aurait dû conclure que Buchanan y
avait participé et que la décision du Tribunal
antidumping était donc invalide.
Si l'on avait décidé que la décision signée par
les membres du Tribunal constituait le dossier
du Tribunal, aucun principe de droit n'empê-
chait la Cour de s'assurer de ce qu'elle était
devenue et de son contenu. Si l'on en décidait
autrement, un tribunal inférieur pourrait empê-
cher un examen de ses procédures en ne conser-
vant pas de dossier, en le tenant secret ou en le
détruisant. Il n'est absolument pas contesté que
Buchanan et les deux autres membres du Tribu
nal ont signé des copies de la décision en fran-
çais et en anglais et qu'elles ont été toutes deux
envoyées au sous-ministre. Le savant juge de
première instance n'aurait pas dû ignorer ces
faits qui démontraient que Buchanan avait parti-
cipé à la décision.
Il est admis que Buchanan n'a pas pris part
aux audiences publiques au cours desquelles les
dépositions ont eu lieu, si bien que, sur ce seul
motif et sans même examiner la question de la
crainte ou de la•possibilité de partialité, sa parti
cipation à la décision l'a viciée.
La question de savoir si, dans les circonstan-
ces, Buchanan a participé à la décision du Tri
bunal en la signant est une question de fait.
Après avoir examiné les faits en détail, le savant
juge de première instance a déclaré [à la page
1121]:
Je ne vois pas comment on peut dire qu'un membre ne fait
pas sienne la conclusion du Tribunal lorsqu'il signe celle-ci.
Par conséquent, si une décision est portée à la connaissance
d'un intéressé dans le cours ordinaire de la procédure, et que
la signature d'un membre y apparaît ou qu'il apparaît claire-
ment que celle-ci y a été apposée, cette personne est en droit
de croire que le membre en question a participé à l'élabora-
tion de la décision.
Je crois que la preuve justifie une conclusion
selon laquelle Buchanan a signé la décision et y
a participé. Je suis d'avis de trancher l'appel
comme le propose le juge Thurlow.
1 23. (1) Le président est le fonctionnaire administratif en
chef du Tribunal et assume la surveillance et la direction des
travaux du Tribunal, notamment
a) la répartition des travaux entre les membres du Tribu
nal et l'affectation des membres aux auditions du Tribunal
et à la présidence de ces auditions, et
b) de façon générale, la conduite des travaux du Tribunal,
sa régie interne et les fonctions de son personnel.
2 28. (2) Un membre, par lequel des témoignages relatifs
à une audition en vertu de la présente loi ont été reçus en
conformité du paragraphe (1), doit en faire rapport au Tribu
nal et une copie du rapport doit être fournie à chacune des
parties à l'audition.
16. (5) Le secrétaire transmet, par courrier recom-
mandé, une copie de toute ordonnance ou de toutes conclu
sions au sous-ministre, à l'importateur, à l'exportateur et aux
autres personnes que peuvent spécifier les règles du
Tribunal.
4 31. Le Tribunal peut, en tout temps après la date d'une
ordonnance rendue ou d'une conclusion prise par lui, révi-
ser, modifier ou annuler l'ordonnance ou les conclusions, ou
il peut, avant d'en décider, tenir une nouvelle audition au
sujet d'une affaire.
64. (3) Les lois ou parties de lois indiquées à la colonne
I de l'annexe B de la présente loi sont abrogées ou modifiées
de la manière et dans la mesure indiquées à la colonne II de
cette annexe.
6 61. (2) Sous réserve du paragraphe (1), toute compé-
tence conférée par la présente loi doit être exercée relative-
ment aux questions soulevées soit avant soit après l'entrée
en vigueur de la présente loi.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.