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Clayton Weatherby et Terra Cable Limited
(Requérants)
c.
Le ministre des Travaux publics (Intime)
Division de première instance, le juge Kerr— Ottawa, les 8 et 11 août 1972.
Examen judiciaire—Mandamus—Radiodiffusion—Com- pagnie non titulaire d'une licence de radiodiffusion—Câble coaxial suspendu à un pont international—Pont relevant du ministre des Travaux publics—Compagnie trouvée coupable d'avoir radiodiffusé sans licence—Mandamus visant à obli- ger le Ministre à enlever le câble—Le Ministre a-t-il l'obliga- tion légale d'enlever le câble—Loi sur les travaux publics, S.R.C. 1970, c. P-38, article 9(1).
Au mois de février 1964, le ministère des Travaux publics a permis à la compagnie F, qui exploitait une entreprise de télédiffusion par câble à St -Stephen (N.-B.), de suspendre un câble coaxial au pont international reliant St -Stephen à Calais (Maine). Une des conditions était que la compagnie F enlèverait le câble si jamais le Ministère le jugeait néces- saire. L'article 9(1) de la Loi sur les travaux publics édicte que le Ministre a l'administration des ponts appartenant au Canada. Ni la compagnie F, ni les deux compagnies qui ont repris l'exploitation, ne détenaient une licence de radiodiffu- sion et, en 1970, la compagnie F a été déclarée coupable d'avoir exploité une entreprise de télédiffusion sans licence. En 1971, la CRTC a déposé des accusations semblables contre une des compagnies qui avait repris l'exploitation de la compagnie F. Dans une lettre adressée à la compagnie F et aux deux autres compagnies, le Ministère a requis ces dernières d'enlever le câble coaxial dans un délai de 30 jours mais elles n'ont pas obtempéré. W, qui exploite un système de télédiffusion par câble dans la même région en vertu d'une licence de la CRTC, a déposé une requête en mandamus visant à obliger le Ministre à enlever le câble.
Arrêt: La requête est rejetée. La Loi sur les travaux publics n'indique pas de quelle façon le Ministre doit exécu- ter ses fonctions dans l'administration d'un pont internatio nal et il n'est pas obligé par la loi de voir à ce que les conditions auxquelles la suspension du câble au pont a été initialement permise soient respectées. De plus, le manda- mus n'est pas la procédure appropriée pour résoudre le véritable problème, savoir, le fait que le câble est utilisé dans une entreprise de radiodiffusion.
REQUÊTE en mandamus.
J. C. Hanson et B. Ross pour les requérants.
J. E. Smith pour l'intimé.
LE JUGE KERR—Cette requête a pour but d'obtenir une ordonnance de mandamus contre le ministre des Travaux publics, pour le con- traindre à faire enlever définitivement par le sous -ministre des Travaux publics un câble coa- xial suspendu au pont international reliant St-
Stephen (Nouveau-Brunswick) et Calais (Maine). Le ministère des Travaux publics a autorisé l'installation de ce câble en février 1964. La partie du pont se trouvant en territoire canadien est la propriété du Canada et relève du ministre des Travaux publics.
Une compagnie non titulaire d'une licence de radiodiffusion est propriétaire et utilisatrice du câble; il fait partie d'un réseau de télédiffusion par câble desservant la région de St -Stephen- Milltown au Nouveau-Brunswick.
Le requérant Clayton Weatherby exploite une entreprise de télévision par câble dans la même région, en vertu d'une licence émanant du Con- seil de la Radio-Télévision canadienne (CRTC), et se plaint que l'exploitation de ce réseau non- autorisé nuit considérablement à sa propre entreprise, qui, elle, est bien licenciée. Wea- therby est le président et le principal actionnaire de la Terra Cable Limited; c'est le seul intérêt apparent de cette dernière dans cette instance.
Lorsque le ministère des Travaux publics a accédé à la demande d'autorisation présentée par la Faust Transvision Limited pour l'installa- tion du câble, en 1964, il a stipulé les conditions suivantes:
a) Si le Ministère, à un moment donné, le juge nécessaire, la Faust Transvision devra faciliter l'enlèvement du câble et en payer les frais.
b) Le ministère des Travaux publics n'en- courra aucune responsabilité à l'égard de dommages éventuels au câble.
Apparemment, la Faust Transvision a vendu ses intérêts dans ce réseau de télédiffusion par câble à l'Acadian Telecommunications Co. Ltd., et cette dernière les a revendus à l'Acadian Cable T.V. Ltd.
En mai 1972, Weatherby s'est plaint au ministère des Travaux publics et au CRTC que l'Acadian Cable T.V. offrait un service de télé- diffusion par câble à St -Stephen, en utilisant ce câble. Le conseiller juridique du CRTC a immé- diatement écrit au chef de cabinet du ministre des Travaux publics la lettre suivante:
[TRADUCTION] La présente fait suite à notre entretien du vendredi 5 mai dernier, en présence de M. Weatherby, titulaire d'une licence d'exploitation d'une entreprise de
télédiffusion par câble à St -Stephen et Milltown (Nouveau-Brunswick).
Le 11 mai 1970, l'Acadian Telecommunications Company Limited a été trouvée coupable d'exploiter sans licence de radiodiffusion valide et non périmée une entreprise de réception de télédiffusion, en violation de l'article 29(3) de la Loi sur la radiodiffusion, chapitre 25 des Statuts du Canada de 1967-1968. L'accusée a été condamnée à payer une amende de cinq cents dollars ($500). Vous trouverez ci-joint une copie de ce jugement.
Malheureusement, ce jugement n'a pas mis fin à ces activités illicites. Subséquemment au jugement, l'Acadian Cable T.V. Limited (une compagnie parente de l'Acadian Telecommunications) a présenté au CRTC une demande de licence d'exploitation de la télédiffusion par câble à St- Ste- phen-Milltown (N.-B.). Cette demande a été rejetée en mars 1971; vous trouverez ci-joint une copie de la décision.
Le 6 mai 1971, un juge de la Cour suprême du Canada a refusé à l'Acadian Cable T.V. Limited la permission d'en appeler de cette décision.
En novembre 1971, la Commission a de nouveau accusé l'Acadian Cable T.V. Limited, l'Acadian Telecommunica tions et d'autres parties d'exploiter sans autorisation une entreprise de télédiffusion par câble à St -Stephen et Mill- town (N.-B.). Je joins également à cette lettre copie des premiers actes de procédure dans cette instance. Notre action traîne en longueur, et les accusés ont recours à tous les moyens dilatoires pour retarder l'instruction de l'affaire. L'action vise le même réseau que celui qu'on a jugé contre- venir à la Loi sur la radiodiffusion, le 11 mai 1970.
L'entreprise comporte une tête de réseau à Calais (Maine, E. -U.), ainsi que des câbles principaux et des câbles de distribution à Calais (Maine), St -Stephen et Milltown. Le câble coaxial entre au Canada par deux ponts sur la rivière Ste-Croix à St -Stephen (N.-B.).
Peut-être y aurait-il lieu que le ministère des Travaux publics remette en question les accords permettant le pas sage sur ces ponts internationaux des câbles et des installa tions connexes de cette entreprise illicite.
Vous voudrez bien noter que le CRTC a renouvelé jus- qu'au lei novembre 1973 la licence accordée à Clayton A. Weatherby pour l'exploitation d'une entreprise de télédiffu- sion par câble.
Il me fera plaisir de vous donner à ce sujet tous les renseignements supplémentaires dont vous pourriez avoir besoin. Nous apprécions votre collaboration et votre obli- geance dans cette affaire.
Après avoir reçu cette lettre, le ministère des Travaux publics a signifié un avis écrit daté du 12 juin 1972 à la Faust Transvision Ltd., l'Acadian Telecommunications Company Limit ed et l'Acadian Cable T.V. Ltd.; voici deux alinéas extraits de ce texte:
[TRADUCTION] Vous êtes informés par la présente que le ministère des Travaux publics juge nécessaire l'enlèvement de ce câble coaxial; vous êtes priés d'enlever ce câble du
pont dans les 30 jours après réception de cet avis, sans frais à la charge de la Couronne.
Si ce câble coaxial n'est pas enlevé conformément à ces stipulations, nous prendrons les mesures jugées nécessaires à l'enlèvement de ce câble, tous les frais et dommages occasionnés par cet enlèvement étant mis à votre charge. Ceci est le dernier avis.
On n'a pas obtempéré à cet ordre d'enlever le câble et les requérants ont alors déposé un avis de requête en mandamus exigeant l'enlèvement de ce câble. Mais lorsque les requérants ont appris que le câble avait été coupé par des fonctionnaires du ministère des Travaux publics, ils ont retiré cette requête. Il semble cependant que le câble ait été par la suite con necté de nouveau ou remis en service, et les requérants ont présenté une nouvelle demande, qui fait l'objet de cette instance. Rien ne permet de penser que le ministère des Travaux publics ait donné son autorisation ou son consentement au raccordement du câble.
Au cours de l'instruction de cette requête, le 8 juillet, on a également informé la Cour:
1) que le requérant Weatherby a institué une action en Cour suprême du Nouveau-Bruns- wick contre la province du Nouveau-Bruns- wick, concernant la fixation du même câble à un pont appartenant à la province;
2) que le requérant envisage d'intenter une action en vue d'obtenir une injonction à l'en- contre de la compagnie coupable d'exploiter une entreprise illicite de radiodiffusion; mais une telle action soulèverait vraisemblable- ment d'épineux problèmes juridiques, et entraînerait donc des délais et des frais;
3) que les appareils de télévision de plusieurs centaines de résidents de la région de St -Ste- phen-Milltown sont branchés sur le câble de la compagnie concurrente; et
4) que le ministre des Travaux publics ne prend pour l'instant aucune mesure pour faire enlever le câble; en consultation avec le CRTC, il examine ce qu'il y a lieu de faire en l'occurrence.
L'avocat des requérants a allégué que le ministre des Travaux publics a le devoir, en tant qu'agent public, d'enlever le câble; qu'en ordon- nant son débranchement, il s'est reconnu ce devoir; que, dans les circonstances, il a le
devoir de faire enlever le câble, puisque celui-ci est utilisé dans le cadre d'une exploitation illé- gale; que la lettre datée du 9 mai 1972 du conseiller juridique du CRTC au chef de cabinet du Ministre, bien que les termes n'en étaient pas impérieux, devait être considérée comme une demande au Ministère d'enlever le câble; que les poursuites intentées contre les compagnies coupables, les procédures d'injonction et autres moyens de redressement sont moins pratiques, avantageux et efficaces que cette requête en mandamus; que l'entreprise licite de Weatherby subit la concurrence d'une entreprise illicite, et Weatherby est en difficulté financière de ce fait; qu'il est fondé à chercher à protéger les droits que lui confère sa licence de radiodiffu- sion au moyen de la présente requête, et que le redressement qu'il réclame devrait lui être accordé.
L'avocat de l'intimé par contre soutient que le Ministre n'a pas le devoir, en tant qu'agent public, d'enlever le câble; qu'il est préposé ou mandaté par la Couronne, et qu'aucune requête en mandamus n'est recevable contre la Cou- ronne; que le mandamus n'est pas le recours le plus direct, le plus pratique et le plus efficace; et qu'on devrait tout au moins recourir à des procédures d'injonction avant de recourir au mandamus.
Le mandamus a pour but de contraindre un agent public à l'exécution d'un devoir légal. On le rend pour un grand nombre de fins, et notam- ment dans les cas l'on peut en vertu de la loi se prévaloir d'un droit précis mais l'on ne dispose d'aucun recours précis, ou que d'un recours moins pratique, avantageux et efficace.
La responsabilité du ministre des Travaux publics à l'égard de ce pont découle de la Loi sur les travaux publics, S.R.C. 1970, c. P-38. L'article 9(1) dispose que le Ministre a l'admi- nistration, la charge et la gestion des ponts appartenant au Canada. La Loi ne dit pas com ment le Ministre doit remplir ces fonctions. On lui laisse à ce sujet une importante mesure de discrétion. La présence du câble attaché au pont ne constitue pas en elle-même un danger ou une obstruction ou un inconvénient quelcon- que. Il n'était pas injustifiable, de la part du Ministère, de permettre, à l'origine, la fixation du câble à ce pont, en y mettant des conditions.
Le Ministre a les pouvoirs nécessaires pour faire observer ces conditions et enlever le câble, et il peut décider de s'en servir dans l'exercice de ses fonctions d'administrateur du pont, mais je ne crois pas qu'il ait un devoir légal, en tant qu'agent public, de le faire. Étant parvenu à cette conclusion, je refuse de rendre l'ordon- nance demandée.
Il me semble également qu'en substance, la situation dont se plaignent les requérants est l'exploitation de l'entreprise de radiodiffusion à laquelle sert ce câble. Le câble ne constitue qu'un élément très partiel, encore qu'important, de l'exploitation; et je doute qu'une ordonnance de mandamus dirigée contre le Ministre et con- cernant uniquement le câble permette d'aller au fond du problème.
Ayant ainsi rejeté la requête, je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'examiner l'allégation selon laquelle le Ministre agissait, à l'égard du pont, en qualité de préposé et de mandataire de la Couronne.
Si je n'avais pas conclu au rejet de la requête, j'aurais estimé nécessaire, avant de trancher la question, d'exiger qu'avis de la requête soit signifié au propriétaire du câble, afin de lui donner l'occasion de se faire entendre.
La requête est rejetée et l'intimé a droit à ses dépens.
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