T-1149-73
Roddy Choquette (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Decary—
Québec, le 6 mars; Ottawa, le 7 mars 1974.
Impôt sur le revenu—Somme versée par l'employeur—
Somme cotisée par le Ministre à titre d'allocation de retrai-
te—Considérée en appel comme revenu provenant d'un
emploi—Cotisation confirmée—Loi de l'impôt sur le revenu,
art. 3, 5, 6(1)a)(v), 25, 36 et 139(1)aj)—S.C. 1970-71-72, c.
63, art. 177.
Le demandeur fut employé par une entreprise de buande-
rie, de 1966 à 1968, à titre de contrôleur et de consultant.
En 1968, il fut confirmé dans ses fonctions pour une période
allant jusqu'à la fin de 1972, en vertu d'un contrat déclaré
irrévocable. En 1969, un nouveau contrat dégagea l'em-
ployeur de l'obligation de verser le salaire dû pour la durée
du contrat restant à courir et libéra l'employé de ses engage
ments, sous réserve de son droit de demeurer consultant de
la compagnie avec une indemnité de $50 par semaine.
L'employeur versa à son employé la somme de $25,000 à
titre d'indemnité de capital. Le Ministre a considéré que
cette somme de $25,000 était une allocation de retraite et a
établi une cotisation en conséquence. La cotisation fut con-
firmée par la Commission de révision de l'impôt. L'employé,
demandeur, a interjeté appel.
Arrêt: l'appel est rejeté; les circonstances entourant les
ententes conclues en 1966, le contrat de 1968 et, cinq mois
plus tard, le contrat de 1969 mettant fin au premier, révèlent
graduellement le plan d'action de l'employé pour obtenir le
plus possible de l'employeur. Le fait que l'indemnité de
$25,000 ait été décrite comme un paiement à compte de
capital ne prouve aucunement que c'était son caractère réel.
Cette somme constitue un revenu provenant d'un emploi
(articles 3, 5 et 25 a)(ii)). Puisqu'il n'y a pas eu de longs états
de services ni de perte d'emploi, on ne peut considérer cette
somme comme une allocation de retraite (articles 6(1)aXv)
i et 139(1)a1). La cotisation établie par le Ministre était
fondée sur le taux applicable dans le cas des allocations de
retraite et le rejet de l'appel du contribuable a entraîné la
confirmation de la cotisation, même si ledit contribuable
aurait dû être cotisé à un taux plus élevé au titre de revenu
provenant d'un emploi. (S.C. 1970-71-72, c. 63, art. 177).
Distinctions établies avec les arrêts: Inland Revenue
Commissioners c. Wesleyan and General Assurance
Society [1948] 1 All E.R. 555; Jones c. M.R.N. 69 DTC
4; Beaupré c. M.R.N. 69 DTC 7 et 73 DTC 5255;
Alexander c. M.R.N. 73 DTC 5321 et Garneau c.
M.R.N. 68 DTC 132. Arrêts examinés: Winfield c.
M.R.N. 70 DTC 1333; La succession Cleet c. M.R.N.
69 DTC 135 et Julien c. M.R.N. 54 DTC 120. Arrêts
suivis: Curran c. M.R.N. (1959) R.C.S. 850; Moss c.
M.R.N. 63 DTC 1359; Harris c. M.R.N. [1965] 2
R.C.É. 653 et Consolidated Building Corporation Lim
ited c. M.R.N. [1966] R.C.E. 139.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
Maurice Boisvert pour le demandeur.
Jean Potvin pour la défenderesse.
PROCUREURS:
St. Laurent, Monast, Desmeules, etc.,
Québec, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour
la défenderesse.
LE JUGE DECARY—L'affaire présente est un
appel d'une décision de la Commission de révi-
sion de l'impôt en date du 6 décembre 1972,
rejetant l'appel de monsieur Choquette.
L'objet du litige est de déterminer, pour les
fins de la Loi de l'impôt sur le revenu' , la nature
d'un montant de $25,000.00 reçu par le deman-
deur de son employeur et, en ce faisant, d'inter-
préter les dispositions des articles 3, 5,
6(1)a)(v), 25, 36 et 139(1)aj) de la Loi.
La preuve révèle que le demandeur fut
employé par Les Buandiers Nettoyeurs Inc. et
ses filiales, du début de novembre 1966 à la fin
de juin 1969, soit une période de 32 mois. Lors
d'une assemblée des administrateurs de la com-
pagnie le 3 juillet 1968, il fut décidé de confir-
mer le demandeur dans ses fonctions de contrô-
leur et de consultant pour une période
s'étendant jusqu'à la fin de 1972. On prévoyait
que l'emploi du demandeur devenait irrévoca-
ble. Le même jour, la décision des administra-
teurs fut approuvée et ratifiée par les
actionnaires.
Un document, daté du 11 février 1969 mais
signé le 27 mars de la même année, soit 9 mois
après la conclusion du contrat du 3 juillet 1968,
est libellé tel qu'il suit:
R.C.S. 1952, c. 148.
Québec, le 11 février 1969
Monsieur Roddy Choquette
600 Avenue Laurier
Québec
Cher monsieur Choquette,
A titre d'actionnaires majoritaires et d'administrateurs de
Les Buandiers Nettoyeurs Inc. et de leurs filiales ainsi qu'à
titre personnel, nous vous soumettons la proposition
suivante:
Notre mère, Mm' Alphonse Turgeon, est disposée, à cer-
taines conditions, à nous prêter chacun, sur billet, la somme
de $12,500.00, soit un montant total de $25,000.00.
Lors de la réception des chèques de notre mère, nous
sommes consentants à endosser chacun ces chèques à votre
ordre et à vous les remettre personnellement pour encaisse-
ment par vous en acquittement des considérations suivantes:
1°. Comme actionnaires et administrateurs, nous recon-
naissons que vous avez accompli votre mandat de contrô-
leur et de conseiller financier de Les Buandiers Nettoyeurs
Inc. et de leurs filiales depuis votre engagement, de telle
manière que la situation financière de ces compagnies a été
assainie considérablement, tel qu'en font foi comme consé-
quence à la suite de votre engagement les états financiers
annuels certifiés par nos comptables-vérificateurs;
2°. En considération du paiement de cette indemnité de
capital, vous devrez cependant libérer de votre contrat
d'engagement irrévocable, Les Buandiers Nettoyeurs Inc. et
leurs filiales pour la période à échoir sur ce contrat, soit
quatre années au traitement annuel de $16,800.00, de
manière que les compagnies puissent, en tout temps, révo-
quer votre engagement suivant les circonstances; de notre
côté, si vous acceptez ces conditions, nous nous engageons
à voter comme actionnaires pour que les compagnies vous
libèrent également de votre contrat d'engagement.
Cependant, jusqu'à manifestation d'une volonté contraire,
soit de notre part, soit de votre part, nous désirons que vous
demeuriez au service des compagnies comme consultant,
avec les mêmes pouvoirs, mais sans être tenus de les exer-
cer, avec une indemnité de $50.00 par semaine à vous
payable en honoraires et dépenses. Il est entendu qu'en ce
qui vous concerne, il vous appartiendra de déterminer si
votre état de santé ou d'autres raisons personnelles vous
permettent de continuer ces services jusqu'à l'expiration du
contrat d'engagement qui avait été signé.
Nous avons une justification personnelle à ce que vous
acceptiez ces conditions, et un intérêt réel puisque, dès
votre acceptation de cette offre, notre salaire à chacun
pourrait être augmenté de $6,000.00 par année, sans que
soient augmentées les dépenses d'opération à ce titre; votre
acceptation de ces conditions permettrait également aux
compagnies, vu l'amélioration présente de leur fonds de
roulement, de mettre à date les versements dus à notre
mère, Mn' Alphonse Turgeon (environ $24,000.00) et per-
mettrait ensuite de lui verser la somme mensuelle de
$833.33 au lieu de la somme de $400.00 qui lui est présente-
ment payée mensuellement en vertu de certains contrats
entre elle et nous, obligation qui fut assumée par Les
Buandiers Nettoyeurs Inc.
La présente offre de notre part est ferme et valable pour
une durée de trois mois à compter de sa date, et votre
acceptation écrite sous votre signature sur un duplicata de
cette lettre, constituera une entente irrévocable de part et
d'autre.
Sincèrement à vous,
Réal Turgeon 271 3 / 6 9
Armand Turgeon
Roddy Choquette
Accepté ce
Les circonstances entourant cette entente ont
révélé, à l'enquête, que la conception de l'en-
tente, la façon légaliste de procéder, la teneur
du document et sa rédaction étaient l'oeuvre du
demandeur. Les frères Turgeon se sont vus
dans la position d'être devant un contrat que je
qualifierais de quasi-adhésion.
Comparant les témoignages des deux frères
Turgeon et de celui du demandeur, je juge que
la crédibilité des messieurs Turgeon est plus
grande que celle du demandeur et c'est leur
témoignage que je retiens. En effet, le deman-
deur a admis avoir été celui qui a donné les
instructions par téléphone à un notaire mais ce
notaire n'a pas été appelé comme témoin. Mes
sieurs Turgeon ont une version différente des
faits entourant la teneur et la rédaction de l'en-
tente: un des frères Turgeon a affirmé, d'une
façon catégorique, que la rédaction a été faite
par le demandeur et qu'il n'y a eu aucune dis
cussion avec le demandeur avant le 11 février
1969 au sujet de ce projet de contrat et l'autre
frère affirme, lui aussi, d'une façon aussi caté-
gorique, n'avoir eu aucune discussion avec le
demandeur quant au contenu de ce projet de
contrat avant cette date du 11 février 1969.
Tel que le contrat du 11 février l'indique, le
demandeur, en considération du paiement de
$25,000.00, libère Les Buandiers Nettoye9rs
Inc. et leurs filiales de leurs obligations décou-
lant du contrat d'emploi irrévocable. Cependant,
le 3 mars 1972, soit trois ans après avoir libéré
les compagnies, le demandeur menaçait mes
sieurs Réal et Armand Turgeon d'une poursuite
au montant de $26,200.00 étant le solde d'un
montant global de $51,800.00 qu'il aurait reçu si
le contrat d'engagement avait été en force jus-
qu'à échéance. Le demandeur avait déjà reçu
$25,000.00 plus $600.00 alors qu'il agissait à
titre de consultant.
Je crois que ces faits révèlent une gradation
dans le plan d'action de monsieur Choquette
afin d'obtenir le plus possible de son employeur:
d'abord en 1967 un simple contrat d'emploi
avec pleins pouvoirs comme directeur général,
et c'est lui qui rédige les procès-verbaux de la
compagnie-mère; puis en novembre 1968, il sug-
gère à la compagnie un contrat irrévocable de
quatre ans et c'est lui qui rédige le procès-ver
bal; à peine cinq mois plus tard, il convainc la
compagnie de lui verser $25,000.00 et de retenir
ses services comme consultant et c'est lui qui
signe les chèques émis par une filiale.
A mon avis tous ces faits ne peuvent pas être
interprétés autrement qu'à l'effet que monsieur
Choquette voulait obtenir la meilleure rémuné-
ration possible de son employeur et qu'il a tiré
profit de la confiance totale que lui ont donnée
les frères Turgeon. Il est en preuve que c'est le
demandeur, en tant que directeur général, qui
décidait de tout. Pour atteindre son but le
demandeur a employé les moyens nécessaires
pour obtenir d'abord son emploi sous contrat
irrévocable de quatre ans, pour mettre fin
ensuite à ce contrat après seulement cinq mois
et pour obtenir enfin une compensation de
$25,000.00. Il est difficile de ne pas s'aperce-
voir que le demandeur était un homme d'affai-
res chevronné qui avait depuis 1966 bien pré-
paré son plan pour obtenir le plus possible de
son employeur.
Il faut souligner que dans le contrat daté du
11 février 1969, les parties ont décrit ce paie-
ment de $25,000.00 comme étant une indemnité
de capital.
Avant de discuter des autorités soumises à
l'attention de la Cour par les savants avocats
des parties et d'étudier les articles 3, 5,
6(1)a)(v), 25, 36 et 139(1)aj) de la Loi, je crois
qu'il est bon de disposer d'une question prélimi-
naire, à savoir si le fait de décrire un paiement
comme étant de nature capital lui donne le
caractère de capital. Nous lisons dans: Simon's
Income Taxe, cette citation du Viscount Simon
dans l'affaire Inland Revenue Commissioners c.
Wesleyan and General Assurance Society 3 :
[TRADUCTION] Il convient de citer à nouveau deux axiomes
bien établis en ce qui concerne l'application du droit relatif à
l'impôt sur le revenu. En premier lieu, le nom que les parties
intéressées donnent à une opération ne décide pas nécessai-
rement de la nature de la transaction. Le fait d'appeler un
paiement un prêt, alors qu'il s'agit en fait d'une annuité,
n'aide aucunement le contribuable, pas plus que le fait de
qualifier de paiement à compte de capital une somme quel-
conque empêcherait cette dernière d'être considérée comme
une dépense en vue de produire un revenu si tel était son
caractère réel. Il faut donc chercher dans chaque cas quelle
est la nature réelle du paiement et non le nom que les parties
lui donnent.
Ce principe relatif à la forme et à la substance
est, à mon avis, un principe élémentaire non
seulement d'interprétation mais d'équité qui
permet de ne pas tenir compte du juridisme ou
formalisme pour déterminer la véritable nature
d'un contrat.
Le Ministre du Revenu national a considéré
que le montant de $25,000.00 reçu était un
revenu du demandeur, à titre d'allocation de
retraite, pour l'année d'imposition 1969, et un
impôt de $5,756.10 a été prélevé sur le revenu
du demandeur pour cette dite année.
Il est bien établi qu'une cotisation est valide à
moins que preuve soit faite qu'il y a erreur de
fait ou de droit de la part du Ministre. Le
demandeur doit donc établir la preuve que les
faits de la présente affaire ne permettent pas
l'application des articles 3 ou 5 ou 6(1)a)(v) ou
25 et 139(1)aj) de la Loi.
Les autorités soumises par le savant avocat
du demandeur sont les suivantes: Simon's
Income Tax 4 , Jones c. M.R.N. 5 , Beaupré c.
M.R.N. 6 , Alexander c. M.R.N. 7 , et Garneau c.
M.R.N. 8 .
Ces autorités se distinguent toutes de l'affaire
présente en ce sens qu'il s'agissait soit de bris
illégal de contrat d'emploi, soit que la considéra-
2 (1964-65) Volume I, page 59.
3 [1948] 1 All E.R. 555 à la page 557.
4 Volume 3, aux pages 108, 109, 110, 111,112, 121 et 122.
69 DTC 4.
6 69 DTC 7 et 73 DTC 5255 (C.F.C.).
7 73 DTC 5321.
68 DTC 132.
tion du paiement était autre que la cessation de
l'emploi, ce qui n'existe pas dans le cas présent.
Le savant avocat de Sa Majesté la Reine était
devant un fait établi: la cotisation du Ministre
était faite en vertu des articles 6(1)a)(v),
139(1)aj) et 36 de la Loi. Il était donc restreint à
citer des autorités où l'objet du litige était de
déterminer s'il s'agissait d'une allocation de
retraite ou non.
Ses autorités étaient les suivantes: Alexander
c. M.R.N. 9 , Winfield c. M.R.N. 10 , Cleet Estate c.
M.R.N. 11, et Julien c. M.R.N. 12 .
A l'audition, la Cour, a avisé, dès l'enquête les
savants avocats de considérer les affaires
Curran c. M.R.N. 13 , et celle de Moss c.
M.R.N. 14 .
L'article 3 de la Loi se lit comme suit:
3. Le revenu d'un contribuable pour une année d'imposi-
tion, aux fins de la présente Partie, est son revenu pour
l'année de toutes provenances à l'intérieur ou à l'extérieur
du Canada et, sans restreindre la généralité de ce qui pré-
cède, comprend le revenu pour l'année provenant
a) d'entreprises,
b) de biens, et
c) de charges et d'emplois.
Dans l'affaire de Curran c. M.R.N. (supra), la
Cour suprême a eu à décider de la nature du
paiement reçu par monsieur Curran d'un action-
naire d'une compagnie pour accepter un emploi
dans une autre compagnie. Le paiement fut con-
sidéré par la Cour comme étant un revenu, en
vertu des dispositions de l'article 3 de la Loi.
Il faut noter que dans l'affaire Curran,
(supra), le paiement n'avait pas été fait par
l'employeur tandis que dans l'affaire présente il
a été démontré que le paiement fut effectué par
l'employeur.
La citation suivante du juge Martland dans
cette même cause touche à la portée de l'article
24A, par après 25, de la Loi: ibid. à la page 862:
9 73 DTC 5321.
10 70 DTC 1333.
11 69 DTC 135.
12 54 DTC 120.
13 [1959] S.C.R. 850.
14 63 DTC 1359 (Cour de l'Échiquier).
[TRADUCTION] L'avocat de l'intimé a admis que l'article
24A ne s'appliquait pas en l'espèce. L'avocat de l'appelant
prétend cependant que l'article 24A avait été adopté afin
d'élargir le champ d'application de l'article 5 de manière à
assujettir à l'impôt certains types de revenus qui autrement
ne le seraient pas en vertu dudit article 5. Il fit remarquer
que l'article 24A aurait pu s'appliquer à la somme en cause si
elle avait été versée à l'appelante par la Federated ou la
Home. Puisqu'il ne s'applique pas, car le paiement n'a pas
été effectué par l'employeur de l'appelant, il prétendit que
ledit paiement ne pouvait être considéré comme un revenu
au sens de l'article 3, car en décider ainsi enlèverait tout son
sens à l'article 24A.
A mon avis, cependant, l'article 24A traite essentiellement
de la charge de la preuve et prévoit que certains paiements,
définis dans cet article, relèvent de l'article 5 à moins que le
bénéficiaire puisse établir que ledit paiement ne peut raison-
nablement relever des cas prévus aux sous-alinéas (i), (ii) ou
(iii) de l'article 24A. A mon avis, cela n'implique pas que des
paiements qui relèveraient de l'article 24A, excepté le fait
qu'ils ont été effectués par un autre que l'employeur, ne
doivent pas nécessairement être considérés comme un
revenu aux termes de l'article 3.
A mon avis, suivant la décision dans l'affaire
Curran, le montant de $25,000.00 reçu par le
demandeur est un revenu en vertu des disposi
tions de l'article 3 de la Loi de l'impôt sur le
revenu parce qu'il a été reçu d'une provenance
que je considère comme un emploi.
Le montant fut reçu par le demandeur alors
qu'il était employé du payeur, deux chèques
étant faits par La Buanderie Lévis Limitée,
filiale entièrement contrôlée par Les Buandiers
Nettoyeurs Inc., au montant de $12,500.00
chacun, l'un payable au demandeur et à Réal
Turgeon et l'autre payable au demandeu, et à
Armand Turgeon. Le demandeur était employé
de ces compagnies lorsqu'il a reçu le montant de
$25,000.00 et il continuait d'être à l'emploi de
ces mêmes compagnies mais à un titre différent
de celui qu'il âvait auparavant, à savoir à titre
de consultant au lieu de contrôleur. Après ce
contrat, du 11 février 1969, le demandeur con-
sacrait évidemment beaucoup moins de temps
aux compagnies mais la provenance du revenu
restait le même emploi.
Je crois, néanmoins, utile de discuter des dis
positions de l'article 25 de la Loi vu que dans le
cas présent le demandeur a touché le montant
de son employeur ou son agent, tel que les
chèques le démontrent. L'article 25 de la Loi a
été commenté par le juge Martland, tel que cité
plus haut, à l'effet que ses dispositions ont trait
au fardeau de la preuve et que certains paie-
ments sont réputés tomber sous les dispositions
de l'article 5 de la Loi, à moins que le récipien-
daire puisse prouver que le paiement ne peut
pas être raisonnablement considéré comme
étant reçu à un des titres y mentionnés. Ledit
article 25 se lit comme suit:
25. Un montant qu'une personne a reçu d'une autre
personne
a) pendant une période de temps alors que la personne qui
a reçu ledit montant était fonctionnaire du payeur ou était
à l'emploi de ce dernier, ou
b) en raison ou au lieu de paiement ou en acquittement
d'une obligation découlant d'une entente intervenue entre
le payeur et la personne qui a reçu ledit montant immédia-
tement avant, pendant ou immédiatement après une
période où la personne qui a reçu l'argent était fonction-
naire du payeur ou était à l'emploi de ce dernier,
est réputé, aux fins de l'article 5, une rémunération des
services que la personne qui a touché ledit montant a rendus
à titre de fonctionnaire ou pendant sa période d'emploi, sauf
s'il est établi que, indépendamment de la date où a été
conclue l'entente, s'il en est, en vertu de laquelle ledit
montant a été reçu, ou de la forme ou de l'effet juridique de
ladite entente, ce montant ne peut pas raisonnablement être
considéré comme ayant été reçu
(i) à titre de cause ou considération totale ou partielle de
l'acceptation de la charge ou de la conclusion du contrat
d'emploi,
(ii) à titre de rémunération totale ou partielle des servi
ces rendus comme fonctionnaire ou en conformité du
contrat d'emploi, ou
(iii) à titre de cause ou considération totale ou partielle
d'une convention prévoyant ce que le fonctionnaire ou
employé doit faire, ou ne doit pas faire, avant ou après
la cessation de l'emploi.
Les conditions imposées par les alinéas a) et
b) de l'article 25 de la Loi établissant une pré-
somption de rémunération des services qui peut
être réfutée si le montant ne peut pas être
raisonnablement considéré comme ayant été
reçu à un des titres décrits aux sous-alinéas (i),
(ii), (iii) dudit article.
A mon avis, appliquant les dispositions de
l'alinéa a) et du sous-alinéa (ii), je crois que l'on
peut raisonnablement considérer le paiement
comme ayant été reçu en conformité du contrat
d'emploi et que dont le demandeur n'a pas
repoussé cette présomption.
L'article 25 de la Loi a été analysé clairement
par monsieur le juge Thorson, alors qu'il était
président de la Cour d'Échiquier, dans l'affaire
Moss c. M.R.N. (supra), aux pages 1365-66:
[TRADucrnox] Je vais examiner maintenant la prétention
soumise au nom du Ministre selon laquelle l'article 25 de la
Loi s'applique aux faits de l'espèce et, aux fins de l'article 5,
on devrait considérer la somme de $34,600 versée par la
Prairie Cereals Ltd. à l'appelant comme la rémunération des
services rendus par l'appelant en tant que dirigeant ou
employé.
Il faut déterminer d'abord si le montant a été reçu lors
d'une période pendant laquelle l'appelant était un dirigeant
de la Prairie Cereals Ltd. ou un de ses employés. J'ai déjà
mentionné la preuve relative à la date où l'appelant avait
reçu cette somme et la preuve contradictoire concernant la
date où il a quitté son emploi à la Prairie Cereals Ltd. A mon
avis, on pourrait conclure raisonnablement à partir de cette
preuve que la somme avait été versée par la Prairie Cereals
Ltd. à l'appelant alors qu'il était dirigeant de cette compa-
gnie ou dans le cours de son emploi au sens de l'alinéa a) de
l'article 25. L'appelant n'a sans aucun doute pas su établir
que la somme en cause lui avait été versée après qu'il eut
cessé d'être dirigeant de la Prairie Cereals Ltd. ou employé
de cette dernière.
De toute façon, les faits sont tels que l'affaire relève de
l'alinéa b) de l'article 25. La somme de $34,600 constitue en
fait la contrepartie de l'obligation découlant de l'accord
conclu entre la Prairie Cereals Ltd. et l'appelant, le 12 avril
1956, qui rendait effective l'offre faite dans la lettre datée
du 24 mars 1956, et entraînait son acceptation. L'accord a
donc été conclu pendant une période oh l'appelant était un
dirigeant de la Prairie Cereals Ltd. ou était employé par
cette dernière. Dans ces circonstances, il convient de consi-
dérer cette somme, aux fins de l'article 5, comme la rémuné-
ration des services rendus par l'appelant en tant que diri-
geant ou lors de son emploi, à moins que l'on puisse établir
qu'il s'agissait en fait d'un des cas décrits dans les sous-ali-
néas (i), (ii) ou (iii).
C'est mon opinion qu'il n'y a aucune diffé-
rence essentielle entre les faits de l'affaire
Moss, (supra), et ceux de la présente affaire et
conséquemment ce précédent doit être suivi.
Le paiement reçu par le demandeur est donc
réputé être une rémunération en vertu des dis
positions de l'article 25a) de la Loi et, de ce
chef, est un revenu en vertu des dispositions de
l'article 5 de la Loi, vu que le demandeur n'a
pas repoussé le fardeau de la preuve identifiée
aux sous-alinéas (i), (ii) et (iii) de l'article 25.
L'avocat de la défenderesse a indiqué à la
Cour que le ministre du Revenu national avait
jugé que le paiement reçu par le demandeur
était une allocation de retraite et, de ce chef un
revenu en vertu des dispositions de l'article
6(1)a)(v) de la Loi. Ledit article se lit comme
suit:
6. (1) Sans restreindre la généralité de l'article 3, doivent
être inclus dans le calcul du revenu d'un contribuable pour
une année d'imposition
a) les montants reçus dans l'année à titre, à compte ou au
lieu de paiement ou en acquittement
(v) d'allocations de retraite, ou
Les mots allocation de retraite sont définis
comme suit, à l'article 139(1)aj):
«allocation de retraite» signifie un montant touché à ou
après la retraite d'une charge ou d'un emploi en reconnais
sance de longs états de service ou à l'égard de perte de
charge d'emploi (autre qu'une prestation de pension de
retraite ou de pension), que le bénéficiaire soit le fonction-
naire ou l'employé, ou une personne à charge, un parent ou
un représentant légal;
Allocation de retraite telle que définie impli-
que de longs états de service ou perte d'emploi.
Il me répugne de croire que de longs états de
service peuvent être constitués par un emploi de
29 mois. En effet, le demandeur était à l'emploi
des compagnies seulement depuis le 8 novembre
1966, alors que le 27 mars 1969, il a reçu cette
somme de $25,000.00. Je reconnais qu'un
adjectif comme long est relatif et qu'il n'y a pas
de mesure inflexible pour déterminer ce qui est
long et ce qui ne l'est pas, mais je ne crois pas
qu'une personne raisonnable puisse conclure
que 29 mois constitue de longs états de service.
Prétendre autrement voudrait dire qu'au cours
d'une vie de travail, disons de 40 ans, une
personne pourrait avoir 14 périodes de longs
états de service. Une période de 29 mois ne
constitue pas une longue période dans le cas
présent car à mon avis la longueur de la période
de travail doit être mesurée quant à un
employeur spécifique et non quant à plusieurs
employeurs.
Il faut considérer également si le montant a
été touché par le demandeur à l'égard de perte
de charge ou d'emploi.
Le 27 mars 1969, lorsque le demandeur signa
l'entente, à mon avis, son emploi ne se terminait
pas mais il se modifiait non pas quant à son
objet mais quant à son intensité et quant au fait
qu'il n'y avait plus d'obligation de sa part de
travailler, qu'il n'y avait qu'une disponibilité de
sa part et que pour ce faire il toucherait un
salaire de $50.00 par semaine.
Vu qu'il n'y a pas eu de longs états de service
et qu'il n'y a pas eu non plus de perte d'emploi,
à mon avis, le montant ne peut pas être consi-
déré comme étant une allocation de retraite
pour les fins de la Loi.
La façon d'agir qu'a choisie le Ministre lui
permettait d'appliquer les dispositions de l'arti-
cle 36 de la Loi qui allège l'impôt en permettant
au contribuable que son revenu soit assujetti de
façon différente d'un revenu ordinaire. Cet allè-
gement se fait par option du contribuable.
Si le montant reçu, par le demandeur, avait
été une allocation de retraite, la façon d'agir du
Ministre aurait été adéquate et en conformité
avec la Loi. Mais, vu qu'il n'y avait ni perte
d'emploi, ni de longs états de service le Ministre
ne pouvait pas légalement traiter le montant
reçu comme allocation de retraite.
Après une remarque de la Cour à l'effet que
tous étaient égaux devant la loi et qu'un béné-
fice tel que celui de l'article 36 ne devait être
accordé qu'à celui qui y a droit, le savant avocat
de la défenderesse a référé la Cour à l'affaire
Harris c. M.R.N. 15 , où mon savant collègue, M.
le juge Thurlow a dit:
[TRADUCTION] J'estime cependant que ce n'est pas de cette
manière qu'il convient de traiter de cette affaire. Lorsqu'un
contribuable interjette appel devant la Cour, la question sur
laquelle il faut se prononcer est essentiellement celle de
savoir si la cotisation est trop élevée. Cela peut dépendre
des déductions permises lors du calcul de l'impôt et de celles
qui ne le sont pas, mais, à mon sens, une décision sur ces
questions n'est nécessaire que dans le but de conclure sur la
question essentielle. La Loi ne prévoit pas que le Ministre
puisse interjeter appel d'une cotisation devant cette cour et,
puisqu'en l'espèce, le fait de rejeter une déduction de
$775.02 tout en accordant une déduction de $525 aurait
pour résultat d'augmenter le montant de la cotisation, défé-
rer l'affaire au Ministre à cette fin aurait pour effet d'aug-
menter la cotisation et donc d'accorder en fait au Ministre
un droit d'appel à cette cour. La demande d'autorisation de
modification est donc rejetée.
Je partage l'opinion de mon savant collègue
que la Cour doit décider, d'une façon générale,
si la cotisation est trop élevée et j'ajouterais, si
une cotisation aurait due être émise ou non dans
le cas où. il faut décider si un montant est capital
15 [1965] 2 R.C.É 653 à la page 662.
ou revenu. Dans le cas présent, l'objet du litige
est d'établir si le montant reçu est imposable à
titre de revenu purement et simplement ou à
titre de revenu comme allocation de retraite. Vu
qu'il s'agit d'un montant considéré par le Minis-
tre comme allocation de retraite, il faut détermi-
ner si la cotisation est trop basse à cause du
bénéfice accordé en vertu de l'article 36 de la
Loi qui permet un traitement préférentiel d'une
allocation de retraite.
Mon savant collègue dit que le Ministre ne
peut pas, en vertu de la Loi, en appeler, en
substance, de sa propre cotisation. Je partage
cette opinion.
Ce jugement de mon savant collègue, M. le
juge Thurlow fut suivi par mon savant collègue,
M. le juge Cattanach dans l'affaire Consolidated
Building Corporation Limited c. M.R.N. 16
Les dispositions de l'article 177 de la Loi de
l'impôt sur le revenu 17 , qui délimitent la compé-
tence de la Cour en matière d'appels se lisent
comme suit:
177. La Cour fédérale peut statuer sur un appel, à l'excep-
tion d'un appel auquel s'applique l'article 180,
a) en le rejetant,
b) en l'admettant et
(i) annulant la cotisation,
(ii) modifiant la cotisation,
(iii) rétablissant la cotisation, ou
(iv) déférant la cotisation au Ministre pour nouvel
examen et nouvelle cotisation.
Quand il y a rejet d'appel, la Cour n'a pas de
compétence autre que celle de le renvoyer pure-
ment et simplement, même si, comme dans le
cas présent, le demandeur aurait dû être cotisé à
un plus haut taux.
C'est mon opinion bien arrêtée que le montant
de $25,000.00 .reçu par le demandeur est un
revenu en vertu des dispositions de l'article 3
étant un revenu d'une provenance à l'intérieur
du Canada et un revenu également en vertu de
celles de l'article 5 de la Loi parce qu'il s'agit
d'une rémunération réputée provenir d'un
emploi. L'appel est rejeté avec dépens.
16 [1966] R.C.É. 139 à la page 152.
17 S.C. 1970-71-72, c. 63.
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