Shellcast Foundries Inc., Bodo Morgenstern et
Vera Stibernik (Appelants)
c.
Cercast Inc. et Vestshell Inc. (Intimées)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges
suppléants Cameron et Bastin —Ottawa, le 15
juin 1973.
Pratique—Suspension des procédures en cours jusqu'au
règlement de l'appel de l'ordonnance interlocutoire—Loi sur
la Cour fédérale, art. 50.
L'article 50 de la Loi sur la Cour fédérale autorise la
suspension des procédures devant la Division de première
instance jusqu'à ce que l'appel d'une ordonnance interlocu-
toire soit tranché.
APPEL.
AVOCATS:
Joan Clark, c.r., pour les appelants.
Kent Plumley pour les intimées.
PROCUREURS:
Ogilvy, Cope, Porteous, Hansard, Marier,
Montgomery et Renault, Montréal, pour les
appelants.
Gowling et Henderson, Ottawa, pour les
intimées.
Le jugement de la Cour a été prononcé par
LE JUGE EN CHEF JACKETT (oralement)—Il
s'agit de l'appel d'une décision de la Division de
première instance dans une espèce où les appe-
lants sont défendeurs; cette décision rejette la
requête présentée par les appelants pour faire
suspendre l'instance jusqu'à ce que la Cour
suprême du Canada statue sur l'appel d'une
décision de la Division de première instance
rejetant une requête en radiation de la déclara-
tion produite dans la même espèce; cette der-
nière requête conteste la compétence de la Cour
à l'égard de l'objet du litige.
Les appelants soutiennent qu'en cas d'appel
d'un jugement interlocutoire, il y a automatique-
ment suspension d'instance quant à l'action
principale. Subsidiairement, les appelants sou-
tiennent que si la Division de première instance
pouvait, à sa discrétion, refuser cette suspen-
sion, elle a mal exercé son pouvoir
discrétionnaire.
La thèse de la suspension automatique est
fondée
a) sur la jurisprudence de la Cour et d'autres
tribunaux et
b) sur les principes applicables aux instances
devant la Cour supérieure du Québec.
Les appelants reconnaissent que cette thèse
n'est valable que si l'on accepte leur prétention
selon laquelle l'article 50 de la Loi sur la Cour
fédérale ne peut s'appliquer; en effet, si ce texte
est applicable, il ne saurait être question d'invo-
quer la jurisprudence antérieure selon laquelle
la Cour n'a pas de pouvoir discrétionnaire en
cette matière, non plus que le droit du Québec,
alors qu'il y aurait lieu de le faire dans l'hypo-
thèse où il subsiste une lacune dans les textes
régissant la procédure devant la Cour. (Voir la
Règle 5 des Règles de la Cour fédérale.)
L'article 50(1) de la Loi sur la Cour fédérale
se lit comme suit:
50. (1) La Cour peut, à sa discrétion, suspendre les pro-
cédures dans toute affaire ou question,
a) au motif que la demande est en instance devant un
tribunal ou une autre juridiction; ou
b) lorsque pour quelque autre raison il est dans l'intérêt
de la justice de suspendre les procédures.
Nous sommes unanimes à considérer que l'arti-
cle 50 s'applique lorsqu'il s'agit d'ordonner une
suspension d'instance devant la Division de pre-
mière instance jusqu'à ce qu'il soit statué sur
l'appel interjeté à l'encontre d'une ordonnance
interlocutoire et qu'une requête en suspension
d'instance comme celle-ci doit être examinée à
la lumière de cet article. Il ne nous reste donc
plus qu'à examiner si le savant juge de première
instance a exercé de façon injustifiable son pou-
voir discrétionnaire en vertu de l'article 50 lors-
qu'il a jugé que les appelants n'avaient pas
établi, en l'espèce, qu'il était dans l'intérêt de la
justice de suspendre l'instance engagée devant
la Division de première instance.
A ce sujet, les appelants ne sont pas parvenus
à démontrer qu'en exerçant son pouvoir discré-
tionnaire le savant juge de première instance
a) n'a pas suffisamment tenu compte de cer-
taines considérations pertinentes,
b) a agi arbitrairement,
c) s'est fondé sur une conception des faits
suffisamment erronée pour vicier sa décision
quant à la suspension de l'instance,
d) a agi selon des principes erronés, ou
e) est parvenu à une conclusion si injustifia-
ble qu'elle constitue une injustice.
Nous concluons donc que l'appel doit être rejeté
avec dépens.
En mon propre nom, je me permets une
observation, au sujet d'un passage du jugement
rendu par le savant juge de première instance. Il
y évoque la possibilité que l'affaire soit instruite
«sous réserve du point de droit déjà soulevé» et
que le juge du fond puisse alors «suspendre
simplement son jugement en attendant qu'il soit
statué sur ce point de droit». Je suis au regret de
devoir affirmer qu'en l'absence d'un accord spé-
cial entre les parties, ma ferme conviction est
qu'à l'issue des débats, le juge du fond a le
devoir de rendre jugement avec toute la dili
gence possible, conformément à l'état du droit,
et qu'il n'est pas justifié de retarder le prononcé
de son jugement pour se permettre de tenir
compte d'un jugement non encore rendu. C'est
une chose que de suspendre l'instance pour
éviter aux parties d'engager des dépenses
importantes pour la constitution du dossier, la
tenue de l'audience, ou l'une et l'autre. C'en est
une autre, tout à fait différente, que de suspen-
dre l'instance ou d'en retarder la marche une
fois que toutes ces dépenses ont déjà été enga
gées; on ne pourrait justifier une telle décision
que si elle était prise à la demande des parties.
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