A-69-74
Minister of Transportation and Communications
for the Province of Ontario (Requérant)
c.
La Commission canadienne des transports,
Reimer Express Lines Ltd. et Imperial Roadways
Ltd. (Intimées)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, le juge
Pratte et le juge suppléant Hyde—Ottawa, les
10, 11 et 12 décembre 1974.
Examen judiciaire—Ordonnances de la Commission cana-
dienne des transports autorisant la poursuite d'opérations de
transport longue-distance par camion le dimanche—Pouvoir
discrétionnaire en cas de retards injustifiables dans le trans
port de marchandises—Loi sur la Cour fédérale, art. 28—
Loi nationale sur les transports, art. 64(2).
C'est en vertu de son pouvoir administratif discrétionnaire
conféré par l'article 1 1x) de la Loi sur le dimanche, que la
Commission canadienne des transports décida d'accorder
deux ordonnances autorisant deux entreprises de camion-
nage à poursuivre certaines opérations de transport longue-
distance par camion le dimanche. Cette décision avait pour
but de prévenir tout retard injustifiable dans le transport de
marchandises par une entreprise de transports et le Comité
n'a pas commis d'erreur de droit en rendant une telle déci-
son. La demande d'examen présentée en vertu de l'article 28
ainsi que les appels interjetés en vertu de l'article 64(2) de la
Loi nationale sur les transports sont donc rejetés.
Arrêt suivi: Memorial Gardens Association (Canada)
Ltd. c. Col wood Cemetery Co. [1958] R.C.S. 353.
DEMANDE.
AVOCATS:
D. W. Burtnick pour le requérant.
P. Deniger pour l'intimée, la Commission
canadienne des transports.
C. D. MacLeod pour l'intimée, la Reimer
Express Lines Ltd.
W. G. Ryall pour l'intimée, l'Imperial Road
ways Ltd.
PROCUREURS:
Goodwin & De Blois, Québec, pour
le requérant.
C. D. MacLeod, Toronto, pour l'intimée, la
Reimer Express Lines Ltd.
Fillmore et Riley, Winnipeg, pour l'intimée,
l'Imperial Roadways Ltd.
J. M. Fortier, c.r., Ottawa, pour l'intimée, la
Commission canadienne des transports.
Le sous-procureur général du Canada, pour
l'intimée, la Couronne du chef du Canada.
D. W. Burtnick, Downsview (Ontario), pour
l'intimé, Minister of Transportation & Com
munications for the Province of Ontario.
Gowling & Henderson, Ottawa, pour l'inti-
mée, l'Association canadienne du camion-
nage.
Hewitt, Hewitt & Cie, Ottawa, pour l'inti-
mée, l'Association canadienne des automo-
bilistes.
Pharand, Kuyek & Lebel, Sudbury, pour
l'intimée, la Section locale 598 du syndicat
des travailleurs des mines, usines et
fonderies.
J. Burns, Sudbury, pour l'intimée, la Muni-
cipalité régionale de Sudbury, intervenants
devant la Commission canadienne des
transports.
Voici les motifs du jugement de la Cour pro-
noncés en français par
LE JUGE PRATTE: Le Ministre du Transport et
des Communications d'Ontario et le Procureur-
Général du Québec attaquent, aussi bien en la
façon prévue à l'article 28 de la Loi sur la Cour
fédérale que par voie d'appel en vertu de l'arti-
cle 64(2) de la Loi nationale sur les transports,
deux ordonnances prononcées par le Comité des
transports par Véhicules à Moteur de la Com
mission canadienne des transports. Par ces deux
ordonnances, rendues en vertu de l'article 11x)
de la Loi sur le dimanche, le Comité a permis à
deux entreprises de camionnage, Reimer
Express Lines Ltd. et Imperial Roadways Ltd.,
de poursuivre le dimanche certaines opérations
de transport longue-distance par camion.
L'article 11x) de la Loi sur le dimanche se lit
comme suit:
11. Nonobstant les dispositions des présentes, une per-
sonne peut le dimanche exécuter un travail nécessaire ou se
livrer à des oeuvres de charité; et pour plus de certitude,
mais sans en restreindre cependant le sens ordinaire, l'ex-
pression «travaux nécessaires ou oeuvres de charité» com-
prend ici toutes les sortes de travaux suivants:
x) le travail que la Commission canadienne des trans
ports, tenant compte des objets de la présente loi et
désirant prévenir tous les retards injustifiables, juge
nécessaire d'autoriser pour le transport des marchandises
par toute entreprise de transport.
Cette disposition, telle que nous la compre-
nons, accorde à la Commission le pouvoir d'au-
toriser que l'on travaille le dimanche au trans
port de marchandises dès lors que la
Commission est d'avis que, tenant compte du
but de la Loi sur le dimanche, ce travail est
nécessaire pour prévenir que le transport de
marchandises ne soit affecté par des retards que
la Commission considère injustifiables. La déci-
sion que la Commission a le pouvoir de prendre
en vertu de l'article 11x) résulte de la formula
tion par la Commission d'une opinion relative-
ment à la nécessité, tenant compte des objets de
la Loi sur le dimanche, d'éviter des retards
injustifiables dans le transport des marchandises
par une entreprise de transport. Il s'agit là d'une
décision de même nature que celle que la Cour
suprême du Canada avait à considérer dans
Memorial Gardens Association (Canada) Ltd. c.
Colwood Cemetery Co. ([1958] S.C.R. 353) et,
comme le juge Abbott le disait [à la page 357]
dans cette affaire,
[TRADUCTION] ... une telle décision est de celles qui ne
peuvent être rendues sans l'exercice d'un large pouvoir
administratif discrétionnaire.
C'est à la Commission, non aux tribunaux, que
le Parlement a confié la tâche de décider si les
retards provenant de l'interruption du transport
de marchandises sont, dans chaque cas, injusti-
fiables et s'il est nécessaire de les éviter en
permettant de faire certains travaux le diman-
che. Sur ces points-là, les tribunaux ne peuvent
substituer leur opinion à celle de la Commission.
Les avocats représentant l'Ontario et le
Québec ont prétendu que le Comité avait erré
en droit en décidant de prononcer les deux
ordonnances attaquées. L'avocat représentant
l'Ontario a fait valoir les trois arguments
suivants:
(a) le Comité a commis une erreur de droit
lorsqu'il a affirmé que le but de la Loi sur le
dimanche était d'assurer à chacun un jour de
congé;
(b) le Comité s'est fondé sur des considéra-
tions dont il ne devait pas tenir compte pour
décider que l'observance stricte de la Loi sur
le dimanche par les deux compagnies requé-
rantes occasionnerait des retards injustifia-
bles.
(c) le Comité a commis une erreur de droit
lorsqu'il a refusé d'admettre, parce qu'il les
jugeait non pertinentes, des preuves tendant à
démontrer que l'octroi des autorisations
demandées augmenteraient indûment la den-
sité et le danger de la circulation automobile
sur certaines routes en Ontario.
Au sujet de l'argument suivant lequel le
Comité se serait trompé sur le but de la Loi sur
le dimanche, il faut se rappeler que si le Comité
devait prendre ce but en considération, ce
n'était pas parce que le Comité avait à juger de
la constitutionnalité de la Loi. La question que
le Comité, à notre avis, n'a pas commis d'erreur
de droit lorsqu'il a décidé les questions que
soulevaient les deux demandes dont il était saisi
à la lumière de cette idée que la Loi sur le
dimanche a été édictée pour assurer «que le plus
grand nombre possible de Canadiens devait
chômer le dimanche».
Quant à la prétention que le Comité a pro-
noncé les deux ordonnances en question parce
qu'il a tenu compte des considérations non per-
tinentes, elle doit aussi, à notre avis, être reje-
tée. Pour déterminer si les retards résultant de
l'observance de la Loi pour les deux compa-
gnies requérantes, en l'absence d'autorisation en
vertu de l'article 11x), étaient des «retards
injustifiables», le Comité devait prendre en con-
sidération toutes les conséquences de ces
retards. Il nous apparaît que c'est précisément
ce que le Comité a fait. Et si un des commissai-
res en est venu à une conclusion différente de
celle de la majorité c'est, il nous semble, parce
que certaines conséquences des retards, qui
apparaissaient importantes à la majorité,
n'avaient pas pour lui la même importance.
Pour ce qui est du refus du Comité d'admettre
des preuves relatives à la densité et à la sécurité
de la circulation automobile sur certaines routes
de l'Ontario, il nous apparaît, comme nous
l'avons laissé entendre à l'audience, être claire-
ment bien fondé.
L'avocat du Procureur-Général du Québec a
prétendu, si nous l'avons bien compris, que la
décision du Comité de prononcer les deux
ordonnances attaquées était fondée sur une
fausse interprétation de l'article 11x). Suivant
lui, la Commission ne peut permettre que l'on
travaille au transport de marchandises le diman-
che, en vertu de l'article 11x), qu'à la condition
d'être satisfaite que ce transport est un «travail
nécessaire». Si cette interprétation devait être
retenue, l'article 11x) serait, à notre avis, dénué
de toute signification puisque le seul travail que
la Commission pourrait autoriser serait un tra
vail que l'on pourrait déjà accomplir licitement
suivant la phrase introductive de l'article 11.
Pour ces motifs, les demandes en vertu de
l'article 28 et les appels seront rejetés.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT HYDE a souscrit à l'avis.
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