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Takis P. Veliotis (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance (T-2644-72), le juge Pratte—Québec, le 23 novembre 1973; Ottawa, le 3 janvier 1974.
Impôt sur le revenu—Obligation alimentaire ou d'entre- tien—Versement d'une somme globale comme paiement par- tiel—Peut-on déduire cette somme en vertu de l'article 11(1)1) de la Loi de l'impôt sur le revenu?
Le demandeur prétend avoir le droit de déduire la somme de $25,000 de son revenu pour 1969, cette somme représen- tant une partie du montant alloué à son épouse au lieu de versements périodiques pour son entretien. Le jugement conditionnel, fondé sur une convention intervenue entre les époux, accordait à l'épouse la somme de $50,000, dont $25,000 payables dans les 15 jours du jugement final et le reste en 3 versements annuels égaux.
Arrêt: la décision de la Commission de révision de l'impôt est confirmée; le montant de $25,000 n'est pas une «alloca- tion payable périodiquement» au sens de l'article 11(1)0 de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Arrêt suivi: M.R.N. c. Trottier [1967] 2 R.C.É. 268, [1968] R.C.S. 728; arrêts mentionnés: 427 c. M.R.N. 57 DTC 291; M.R.N. c. Hansen [1968] 1 R.C.E. 380.
APPEL.
AVOCATS:
G. Drolet pour le demandeur.
Louise Lamarre-Proulx pour la défende- resse.
PROCUREURS:
Amyot, Lesage, Lesage & Co., Québec, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
LE JUGE PRATTE—Le demandeur attaque la décision de la Commission de révision de l'im- pôt qui a rejeté l'appel qu'il avait formé à l'en- contre de la cotisation d'impôt sur le revenu que le ministre du Revenu national lui avait adressée pour l'année 1969.
Ce litige soulève le problème de savoir si le demandeur avait droit, suivant l'article 11(1)l) de la Loi de l'impôt sur le revenu, de déduire de son revenu pour l'année 1969 une somme de
$25,000.00 qu'il avait payée à son ancienne épouse pendant cette année-là.
L'article 11(1)1) se lit comme suit:
11. (1) ... les montants suivants peuvent être déduits dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition:
0 un montant payé par le contribuable pendant l'année conformément à un décret, ordonnance ou jugement d'un tribunal compétent ou en conformité d'une convention écrite, à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement pour l'entretien de la personne qui la reçoit ou des enfants issus du mariage, ou, à la fois, de la personne qui la reçoit et des enfants issus du mariage, si le contribuable vivait séparé, et était séparé en conformité d'un divorce, d'une séparation judiciaire ou d'une convention écrite de séparation de son conjoint ou ancien conjoint, à qui il était tenu de faire le paiement à l'époque le paiement a été fait et durant le reste de l'année;
Le demandeur était autrefois marié à madame Bessie Charkas. Ce mariage a été dissous par un divorce. Le jugement conditionnel de divorce a été prononcé par la Cour supérieure de Québec le 23 juillet 1969. Il convient de citer certaines parties de ce jugement le demandeur est désigné comme «le requérant» et son épouse d'alors comme «l'intimée».
CONSIDÉRANT ... que l'intimée était justifiée de demander le divorce en sa faveur;
CONSIDÉRANT les conditions établies par les parties pour ce qui concerne la garde des enfants, selon la convention intervenue le 16 juin 1969, et produite au dossier;
CONSIDÉRANT que par la même convention, les parties ont établi leurs droits et obligations pécuniaires découlant de leur mariage;
PAR CES MOTIFS:
PRONONCE un jugement conditionnel de divorce entre le requérant et l'intimée . . .
ENTÉRINE la convention des parties, intervenue le 16 juin 1969, concernant la garde des enfants, sous réserve de tout recours au Tribunal par l'une ou l'autre des parties au cas de nécessité;
CONDAMNE le requérant à payer à l'intimée, pour tenir lieu de pension alimentaire et en règlement des droits découlant de son mariage, la somme de $50,000.00, dont $25,000.00 dans les quinze (15) jours du jugement final sur la présente requête, et $25,000.00 payable en trois versements annuels égaux, le 1°" devenant à un an de la date du jugement final en cette cause ... .
Ce jugement conditionnel a été déclaré défini- tif le 30 octobre 1969. Quelques jours plus tard, le demandeur a payé à son ancienne épouse le premier versement de $25,000.00 mentionné dans le jugement conditionnel. C'est ce mon- tant-là que le demandeur prétend avoir droit de déduire de son revenu pour l'année 1969.
Le jugement conditionnel réfère à une con vention intervenue le 16 juin 1969 entre le demandeur et son épouse d'alors. Ce contrat, conclu en prévision du divorce, avait pour objet de déterminer les ordonnances accessoires que le jugement de divorce contiendrait. Dans un premier paragraphe, les parties convenaient que les deux enfants issus de leur mariage seraient, onze mois par an, confiés à la garde du deman- deur. Le second paragraphe était intitulé [TRA- DUCTION] «Autres visites et relations avec les enfants». Les troisième et quatrième paragra- phes, enfin, se lisaient comme suit:
[TRADUCTION] 3. DISPOSITIONS FINANCIÈRES
M. Veliotis renonce à tous les droits qu'il peut avoir ou prétendre avoir sur la propriété sise rue Le Breton à Ste- Foy, enregistrée au nom de Mme Veliotis;
M. Veliotis déposera auprès d'une compagnie de fiducie ou des deux avocats conjointement la somme de vingt-cinq mille dollars ($25,000.00) en espèces ou, si les parties en conviennent, en effets négociables, pour que ladite somme de vingt-cinq mille dollars ($25,000.00) ou le produit de la vente des effets négociables soit versée à Mme Veliotis au moment le jugement définitif de divorce sera rendu, consacrant les mesures accessoires énoncées aux présentes; lesdites mesures accessoires seront considérées comme partie essentielle de l'accord, en particulier celles qui con- cernent la garde des enfants et les obligations et droits respectifs des parties;
En sus du montant à verser en espèces à Mme Veliotis, de la façon susdite, M. Veliotis convient de verser une somme additionnelle de vingt-cinq mille dollars ($25,000.00) en trois versements de $8,333.33 chacun, le premier venant à échéance un an après le versement du montant initial de $25,000.00. Les versements à échoir porteront intérêt à 7% et le montant de l'intérêt s'ajoutera à chaque versement annuel et sera payé en même temps que ce dernier;
Mme Veliotis renonce expressément à toute pension ali- mentaire ou autre allocation et s'engage à donner quittance définitive à M. Veliotis dès le paiement du dernier versement;
Mme Veliotis convient par les présentes de se désister de son action en séparation de corps et de toutes autres procé- dures accessoires et annexes à celle-ci, y compris toute action devant les tribunaux, toute pétition et tout jugement rendu à cet égard;
Si la Cour le juge approprié, les parties aux présentes acceptent que le jugement définitif soit rendu immédiate- ment nonobstant les dispositions du paragraphe 1 de l'article 13, mais compte tenu du paragraphe 2a) de l'article 13 de la Loi sur le divorce;
4. AVANTAGES LÉGAUX OU CONTRACTUELS DÉCOULANT DU MARIAGE:
Mme Veliotis renonce expressément à tous les avantages qui lui étaient accordés dans le contrat de mariage en contre-partie de la convention ci-dessus prévoyant l'annula- tion dudit contrat de mariage par l'ordonnance de divorce quand elle sera prononcée, à l'exception des meubles meu- blants que le requérant reconnaît être la propriété de l'intimée.
L'article 11(1)1) précise les conditions aux- quelles les paiements auxquels il réfère doivent satisfaire pour que leur montant puisse être déduit du revenu du contribuable qui les a faits. Il est clair que le paiement de $25,000.00 dont il s'agit ici satisfait à plusieurs de ces conditions. Ce montant a été payé par le demandeur pen dant l'année 1969 conformément au jugement d'un tribunal compétent; il a été payé à l'ex- épouse du demandeur; enfin, au moment du paiement et pendant le reste de l'année 1969 le demandeur «vivait séparé et était séparé en conformité d'un divorce ... de son ancien con joint ... à qui il était tenu de faire le paiement».
Tout cela est admis par la défenderesse qui soutient, cependant, que le montant de $25,000.00 dont le demandeur réclame la déduction n'a pas été payé «à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodi- quement pour l'entretien» de l'ancienne épouse du demandeur. L'avocat de la défenderesse a fait valoir à l'appui de cette prétention, que ce montant de $25,000.00 n'a pas été payé en satisfaction d'une obligation alimentaire puis- qu'il fait partie d'une somme plus considérable ($50,000.00) que le demandeur doit payer pour être libéré à l'avenir de toute obligation alimen- taire envers son ancienne épouse. L'avocat a aussi souligné que l'obligation qu'avait le demandeur de payer cette somme de $25,000.00 n'avait pas les caractères d'une obligation ali- mentaire puisque le droit qu'avait l'ancienne épouse du demandeur d'en exiger le paiement était un droit cessible et transmissible aux héri- tiers. L'avocat de la défenderesse m'a référé à ce sujet au jugement de la Cour de l'Échiquier dans M.R.N. v. Trottier [1967] 2 R.C.É. 268.
Dans ce jugement, qui fut par la suite approuvé par la Cour suprême (Trottier c. M.R.N. [1968] R.C.S. 728), le juge Cattanach s'exprimait ainsi la page 278):
[TRADUCTION] L'obligation alimentaire ou d'entretien se poursuit durant la vie des deux époux, mais prend fin lors du décès de l'un deux. Si Mm' Trottier était décédée pendant la durée de la seconde hypothèque, les versements en vertu de celle-ci auraient continué à être versés à un bénéficiaire, si elle en avait désigné un, et autrement à ses héritiers, exécu- teurs ou administrateurs testamentaires, le tout en confor- mité des stipulations du contrat à cet égard. Il s'ensuit qu'on ne peut classer les versements périodiques dans la catégorie des versements pour entretien.
En outre, la pension est payable pour l'entretien de la femme. A ce titre, elle ne peut être cédée et, de par sa nature même, elle ne porte pas non plus d'intérêt. Les paiements en l'espèce sont à la fois cessibles et porteurs d'intérêt en vertu des dispositions de la seconde hypothèque.
Quant à l'avocat du demandeur, il a soutenu, bien sûr, que les divers montants que le deman- deur devait payer aux termes du jugement de divorce constituaient une «allocation payable périodiquement pour l'entretien de l'ancienne épouse du demandeur». Il a invoqué le texte du jugement et celui de la convention du 16 juin 1969 pour appuyer sa prétention que la somme de $25,000.00 avait été payée pour l'entretien de l'ancienne épouse du demandeur. Se fondant sur diverses définitions tirées de dictionnaires et sur une décision de la Commission d'appel de l'impôt (N° 427 c. M.R.N. 57 DTC 291), il a prétendu aussi que des paiements sont «périodi- ques» dès lors qu'ils doivent être faits à la suite l'un de l'autre à des dates préalablement fixées, même si les montants de ces différents paie- ments sont inégaux. Enfin, l'avocat du deman- deur m'a référé au jugement prononcé par le juge en chef Jackett alors qu'il était président de la Cour de l'Échiquier dans l'affaire M.R.N. c. Hansen [1968] 1 R.C.É. 380.
A mon avis, même si l'on suppose que le demandeur a payé le montant de $25,000.00 qu'il veut déduire pour subvenir à l'entretien de son ancienne épouse, il faut dire que ce montant n'a pas été payé, comme l'exige l'article 11(1)l), «à titre de pension alimentaire ou autre alloca tion payable périodiquement ...».
En premier lieu, il me semble évident que la somme de $25,000.00 n'a pas été payée «à titre
de pension alimentaire». Dans l'article 11(1)1) l'expression «pension alimentaire» a le sens du terme anglais «alimony», qui désigne seulement l'allocation périodique que, en vertu d'un juge- ment, un époux doit verser à son conjoint pen dant la durée du mariage. (Voir Halsbury's Laws of England, 3e éd., vol. 12, p. 288.)
En second lieu, on ne peut dire que le mon- tant de $25,000.00 ait été payé à titre «d'alloca- tion payable périodiquement». A mon avis, l'al- location payable périodiquement dont parle l'article 11(1)0 est une allocation périodique de même nature qu'une pension alimentaire. Or une pension alimentaire est une allocation pério- dique non seulement en ce sens que son débi- teur doit en payer le montant à intervalles régu- liers mais aussi en ce sens que, à intervalles réguliers, le débiteur doit payer une somme tout juste suffisante pour subvenir à l'entretien du créancier jusqu'au prochain paiement. C'est pourqtAi le jugement de divorce qui ordonnerait au mari de payer à son épouse une somme de $100,000.00 en quatre versements mensuels de $25,000.00 ne serait pas normalement un juge- ment qui ordonnerait le paiement d'une alloca tion périodique au sens de l'article 11(1)0. De plus, il faut remarquer que cet article parle d'un montant payé à titre d'«allocation payable pério- diquement». Une allocation, c'est une somme d'argent précise allouée à une personne. Une allocation est payable périodiquement lors- qu'une somme d'argent précise est payable à intervalles réguliers. Un jugement ne crée pas l'obligation de vérser une allocation payable périodiquement s'il n'oblige pas le débiteur à verser une même somme d'argent à intervalles réguliers.- Dans cette affaire-ci, le jugement de divorce impose peut-être au demandeur l'obliga- tion de faire périodiquement certains paiements; il ne lui impose pas cependant l'obligation de verser périodiquement à son épouse une alloca tion de $25,000.00.
Il m'apparaît donc que le demandeur n'a pas droit à la déduction qu'il réclame et que son action doit, en conséquence, être rejetée.
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