A-10-74
La Société de droit d'intérêt public (Requérante)
c.
La Commission canadienne des transports
(Intimée)
et
Bell Canada (Mise en cause)
Cour d'appel, les juges Urie, Addy et Decary—
Montréal, le 22 février 1974.
Examen judiciaire—Refus du comité des télécommunica-
tions de suspendre les procédures afin de trancher une ques
tion de droit—Cette «décision» peut-elle faire l'objet d'un
examen judiciaire—Règle 510 des Règles générales de la
Commission canadienne des transports, Loi sur la Cour
fédérale, art. 28.
Le comité des télécommunications de la Commission
canadienne des transports, en vertu du pouvoir discrétion-
naire que lui confère la Règle 510 des Règles générales de la
Commission canadienne des transports, a rejeté une requête
lui demandant de suspendre les procédures afin de trancher
une question de droit avant de procéder à l'audition de la
demande modifiée présentée par Bell Canada relativement à
des augmentations des taux et tarifs. Une demande d'annu-
lation de la requête présentée en vertu de l'article 28, visant
à obtenir l'examen de ce refus, fut accueillie au motif que la
Cour n'est pas compétente en vertu de l'article 28(1) pour
annuler cette décision. «Le but de l'article 28 sera atteint
plus efficacement si le droit de demander un examen judi-
ciaire intervient seulement après que le tribunal a rendu sa
décision.»
Arrêt suivi: In re la Loi antidumping et in re Danmor
Shoe Co. Ltd. [1974] C.F. 22.
DEMANDE d'annulation d'une demande pré-
sentée en vertu de l'article 28.
AVOCATS:
Ronald I. Cohen et Pamela Sigurdson pour
la requérante.
W. G. St. John pour l'intimée.
E. Saunders, c.r., et R. O'Brien, c.r., pour la
mise en cause.
PROCUREURS:
Sigurdson et Cohen, Montréal, pour la
requérante.
La Commission canadienne des transports,
Ottawa, pour l'intimée.
G. Houle, Montréal, pour la mise en cause.
LE JUGE URIE (oralement)—Par les présentes,
Bell Canada, mise en cause, sollicite l'annula-
tion de la demande présentée en vertu de l'arti-
cle 28 de la Loi sur la Cour fédérale, par la
Société de droit d'intérêt public afin d'obtenir
l'examen et l'annulation de la décision du
comité des télécommunications de la Commis
sion canadienne des transports, datée du 21
décembre 1973; cette décision portait sur une
requête, présentée en vertu de la Règle 510 des
Règles générales de la Commission canadienne
des transports, demandant au comité de tran-
cher une question de droit préliminaire, avant de
procéder à l'audition de la requête «B» modifiée
de Bell Canada relative à des augmentations des
taux et tarifs, savoir si ladite requête «B» était
en fait un appel d'une décision antérieure du
comité et non pas une nouvelle requête.
A mon avis, le raisonnement du juge en chef
Jackett, dans ses motifs du jugement rendu par
la Cour dans In re la Loi antidumping et in re
Danmor Shoe Co. Ltd. [1974] C.F. 22 le 24
janvier 1974, s'applique en l'espèce. Le point
essentiel de cette décision porte qu'un tribunal,
comme le comité des télécommunications de la
Commission canadienne des transports, a la
compétence principale de rendre des décisions
ou ordonnances, et qu'au cours du processus y
menant, il est compétent pour tenir des audi
tions, comme la Loi le requiert, et pour rendre
des décisions incidentes à la conduite de ces
auditions qui, «lorsque l'affaire est tranchée,
peuvent fonder l'annulation de la «décision»
définitive au motif que le tribunal, se fondant
sur ces décisions incidentes, n'a pas observé un
principe de justice naturelle en rendant la déci-
sion attaquée.»
Nous pensons qu'il est utile, en statuant sur
les présentes demandes, de répéter l'analyse que
le juge en chef Jackett a faite des buts de
l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale et que
nous trouvons en Annexe aux motifs du juge-
ment dans In re la Loi antidumping et in re
Danmor Shoe Co. Ltd. [1974] C.F. 22 et, en
particulier, le passage suivant aux pages 34 et
35 de cette annexe:
A mon avis, le but des articles 18 et 28 de la Loi sur la Cour
fédérale est de fournir un contrôle judiciaire rapide et effi-
cace des travaux des offices, commissions ou autres tribu-
naux fédéraux avec une ingérence minimale dans ces tra-
vaux. Si, en tenant compte de ce point de vue, on applique
l'article 11 de la Loi d'interprétation à la question soulevée
par les demandes fondées sur l'article 28, il faut reconnaître
que le fait que la Cour n'a pas le pouvoir d'examiner la
position prise par un tribunal quant à sa propre compétence
ou quant à des questions de procédure au tout début de
l'audience, peut entraîner, dans certains cas, la tenue d'audi-
tions coûteuses qui seraient sans issue. Par contre, si une
des parties, peu désireuse de voir le tribunal s'acquitter de
sa tâche, avait le droit de demander à la Cour d'examiner
séparément chaque position prise ou chaque décision rendue
par un tribunal, lors de la conduite d'une longue audience,
elle aurait en fait le droit de faire obstacle au tribunal. A tout
prendre, il semble que le but de l'article 28 sera atteint plus
efficacement si le droit de demander un examen judiciaire
intervient seulement après que le tribunal a rendu sa déci-
sion. Il n'y aura donc aucun retard inutile dans le cas où le
tribunal ne commet pas d'erreur en exprimant des opinions
ou en prenant des décisions intermédiaires et, même si le
tribunal commet une erreur à un stade intermédiaire, de
telles erreurs n'influeront pas dans la plupart des cas sur le
résultat final de manière suffisante pour justifier le recours à
l'examen judiciaire. Si l'on admet qu'il y a des problèmes qui
devaient être résolus de manière judiciaire à un stade inter-
médiaire, aucune des parties ne doit assurément avoir le
droit de décider si une situation donnée l'exige. A cet égard,
il est intéressant de remarquer que le Parlement a donné au
tribunal le pouvoir discrétionnaire nécessaire pour traiter de
ces problèmes.
Pour tous ces motifs, je suis donc d'avis que
la demande de Bell Canada, mise en cause,
visant à obtenir l'annulation de la demande pré-
sentée en vertu de l'article 28, doit être accueil-
lie au motif que cette cour n'a pas compétence,
aux termes de l'article 28(1), pour annuler la
décision dont il est fait mention.
* * *
LE JUGE ADDY a souscrit à l'avis.
• * * *
LE JUGE DECARY—Je souscris à la décision
concernant la demande présentée en vertu de
l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale et la
requête en annulation de cette demande, présen-
tée en vertu de l'article 52a) de la Loi sur la
Cour fédérale, au motif que cette demande est
prématurée tant que la Commission canadienne
des transports n'a pas rendu sa décision sur les
taux et tarifs soumis par Bell Canada. Mes
remarques ne portent aucunement sur le fond de
la demande.
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