T-1071-72
Wardean Drilling Co., Limited (Appelante)
c.
Le ministre du Revenu national (Intime)
Division de première instance, le juge Catta-
nach—Calgary, les 15 et 16 janvier; Ottawa,
le 11 février 1974.
Impôt sur le revenu—La compagnie remplacée demande la
déduction de dépenses d'exploration—Vente à la compagnie
remplaçante d'un des deux biens appartenant à la compagnie
remplacée—Il fut décidé que la vente couvrait «sensiblement
tous les biens» de la compagnie remplacée—Loi de l'impôt
sur le revenu, art. 83A(8a).
En 1964, l'appelante, une «compagnie remplacée» au sens
de l'article 83A(8a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, a
vendu à la «compagnie remplaçante» un des deux biens lui
appartenant. Le bien vendu constituait l'unique source de
revenu de cette compagnie. Il s'agissait donc de la vente de
«sensiblement tous les biens de la corporation remplacée,
utilisés par elle dans l'exercice de ladite entreprise au
Canada» au sens du paragraphe pertinent. La compagnie
remplacée n'était donc pas autorisée -à déduire les dépenses
d'exploration qu'elle avait antérieurement engagées. L'appel
interjeté par la compagnie remplacée des cotisations établies
par le Ministre pour les années d'imposition 1968 et 1969 a
été rejeté.
Distinction faite avec l'arrêt: M.R.N. c. Consolidated
Mogul Mines Limited [1969] R.C.S. 54.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
M. A. Putnam et F. R. Matthews, c.r., pour
l'appelante.
L. P. Chambers pour l'intimé.
PROCUREURS:
MacKimmie, Matthews, Calgary, pour
l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
LE JUGE CATTANACH—Ces appels interjetés
des cotisations à l'impôt que le ministre du
Revenu national a établies pour les années d'im-
position de la demanderesse prenant fin le 31
mars 1968 et 1969, soulèvent la question de
savoir s'il convient d'appliquer le paragraphe
(8a) de l'article 83A de la Loi de l'impôt sur le
revenu dont voici le passage pertinent en
vigueur pendant les années d'imposition en
cause:
83A. (8a) Nonobstant le paragraphe (8), lorsqu'une corpo
ration (ci-après appelée, au présent paragraphe, «la corpora
tion remplaçante») dont l'entreprise principale consiste dans
a) la production, le raffinage ou la mise en vente du
pétrole, des produits du pétrole, ou du gaz naturel, ou
l'exploration ou le forage en vue de découvrir du pétrole
ou du gaz naturel, ou
b) l'exploitation minière ou l'exploration pour la décou-
verte de minéraux,
a, en tout temps après 1954, acquis d'une corporation (ci-
après appelée, au présent paragraphe, la «corporation rem-
placée») dont l'entreprise principale était la production, le
raffinage ou la mise en vente du pétrole, des produits du
pétrole, ou du gaz naturel, l'exploration ou le forage en vue
de découvrir du pétrole ou du gaz naturel ou l'exploitation
minière ou l'exploration pour la découverte de minéraux,
tous les biens ou sensiblement tous les biens de la corpora
tion remplacée, utilisés par elle dans l'exercice de ladite
entreprise au Canada,
cette dernière peut déduire, dans le calcul de son revenu
selon la présente Partie pour une année d'imposition, le
moindre
(Suit l'alinéa e) qui donne la formule permet-
tant de calculer le montant des dépenses de
forage et d'exploration faites en vue de la
découverte du pétrole ou du gaz naturel au
Canada et des dépenses de prospection, d'explo-
ration et de mise en valeur faites dans la recher-
che de minéraux au Canada qui peuvent être
déduites.)
L'article 83A(8a) conclut ensuite,
et, à l'égard de toutes semblables dépenses comprises dans
l'ensemble déterminé selon l'alinéa e), aucune déduction ne
peut être faite aux termes du présent article par la corpora
tion remplacée dans le calcul de son revenu pour une année-
d'imposition subséquente à son année d'imposition où les
biens ainsi acquis l'ont été par la corporation remplaçante.
Conformément aux lois de la province de
l'Ontario, l'appelante fut constituée en société
par actions, par lettres patentes en date du 2
novembre 1951, sous la raison sociale de Old
Smokey Oils and Gas Limited qui devint ensuite
la Largo Oils & Mines Limited pour prendre
enfin le nom de Wardean Drilling Co., Limited,
nom qui figure dans l'intitulé de la cause.
Pendant toute la période allant de sa constitu
tion jusqu'au 31 mars 1969, la principale entre-
prise de l'appelante était
a) la production de pétrole, des produits du
pétrole ou de gaz naturel, et
b) l'exploitation minière ou l'exploration pour
la découverte de minéraux.
Les parties ont convenu que l'appelante est
une «compagnie à entreprise principale» au sens
des alinéas a) et b) de l'article 83A(8a), mais
l'avocat de l'appelante a clairement souligné
qu'à cet égard, l'accord sur les faits ne doit pas
être interprété comme étant une reconnaissance
de sa part que l'entreprise de l'appelante est
exclusivement l'entreprise décrite à l'alinéa a)
portant sur le pétrole ou le gaz naturel ou l'en-
treprise décrite à l'alinéa b) portant sur les miné-
raux, mais que l'entreprise de l'appelante est
une combinaison des entreprises décrites aux
alinéas a) et b).
On a également soutenu, au nom de l'appe-
lante, qu'en plus de se livrer à une entreprise
d'exploitation minière et d'exploration pour la
découverte de minéraux en son propre nom,
l'appelante s'est également livrée à cette entre-
prise par l'intermédiaire d'une filiale constituée
en 1955 sous la raison sociale de Uranium
Leaseholds Ltd. pendant les périodes allant de
1956 à 1958 inclusivement et de 1963 à 1966
inclusivement. L'appelante possédait à peu près
80% des actions émises et en circulation de
cette compagnie.
Pendant la période allant de sa constitution au
31 mars 1967, l'appelante a engagé des dépen-
ses de forage et d'exploration en vue de décou-
vrir du pétrole ou du gaz naturel et des dépenses
de prospection, d'exploration et de mise en
valeur dans sa recherche de minéraux, dont le
total se monte à $572,374.96. Ces dépenses
pouvaient être déduites dans le calcul du revenu
de l'appelante en vertu de l'article 83A(3), mais
l'appelante n'en a pas demandé la déduction
avant ses années d'imposition se terminant les
31 mars 1968 et 1969.
Le Ministre reconnaît ces faits.
Dans sa déclaration d'impôt pour son année
d'imposition se terminant le 31 mars 1968, l'ap-
pelante a déclaré un revenu de $5,896 dont elle
a déduit un montant identique au titre des
dépenses de mise en valeur et d'exploration
engagées dans les années antérieures. Ainsi, sa
déclaration d'impôt sur le revenu n'indiquait
aucun revenu imposable, et donc aucun impôt
dû, et il lui restait encore $566,478.96 de dépen-
ses non défalquées, pouvant être déduites du
revenu des années à venir.
De même, dans la déclaration d'impôt pour
son année d'imposition se terminant le 31 mars
1969, l'appelante a déclaré un revenu de $169,-
260 dont elle a déduit un montant identique au
titre des dépenses de mise en valeur et d'explo-
ration engagées dans les années antérieures, ce
qui ne lui laisse aucun revenu imposable, donc
aucun impôt à payer et, après cette déduction,
un solde de dépenses non défalquées de $397,-
218.96 dont elle pourra demander la déduction à
l'égard de son revenu dans les années à venir.
En établissant la cotisation de l'appelante
comme il l'a fait, le Ministre lui a refusé le droit
de déduire de son revenu, pour l'année 1968, la
somme de $5,896 et, pour l'année 1969, la
somme de $169,260 et a calculée en consé-
quence l'impôt et les intérêts dus par
l'appelante.
Le Ministre a refusé la déduction de ces
sommes réclamée par l'appelante pour ses
années d'imposition 1968 et 1969 respective-
ment, aux motifs que, et ces faits ne sont pas
contestés, le 21 avril 1964, l'appelante a vendu
à la Scurry Rainbow Oil Limited, compagnie
dont l'entreprise répond à la description figurant
à l'alinéa a) de l'article 83A(8a), tous les biens
ou sensiblement tous les biens utilisés par l'ap-
pelante dans l'exercice de son entreprise au
Canada, si bien que les déductions réclamées
par l'appelante dans ses déclarations d'impôt
pour 1968 et 1969 sont interdites par l'article
83A(8a).
Si l'on suppose que les faits sont tels que le
prétend le Ministre, il s'ensuit que l'appelante
est une «corporation remplacée» au sens de
l'article 83A(8a) et que la Scurry Rainbow Oil
Limited est une «corporation remplaçante» au
sens de ce même article.
En tant que corporation remplacée, l'appe-
lante se voit donc interdire par l'article 83A(8a)
le droit de déduire ces dépenses et ce droit
passe à la corporation remplaçante, à savoir la
Scurry Rainbow Oil Limited, sous réserve de
restrictions très sévères qui rendent insignifiant
ou nul l'avantage fiscal dévolu à la Scurry Rain
bow Oil Limited.
Peter Abt, un des dirigeants de la Scurry
Rainbow Oil Limited, a négocié l'achat des
biens de l'appelante. Il a déclaré que seule l'ac-
quisition d'un bien précis de l'appelante l'inté-
ressait et qu'il n'avait pas l'intention d'acquérir
l'entreprise de l'appelante et ce, bien qu'il soit
au courant des dégrèvements dont l'appelante
pouvait se prévaloir au titre des dépenses de
forage et d'exploration. Il n'était pas intéressé à
reprendre ces crédits d'impôt dont le montant
serait de toute façon négligeable une fois trans-
féré à la Scurry Rainbow Oil Limited. Il n'était
pas intéressé à acquérir d'autres biens apparte-
nant à l'appelante. Mis à part un autre bien de
l'appelante dont il connaissait l'existence, il ne
savait rien de tous les autres.
En bref, le Ministre soutient qu'en vendant, le
21 avril 1964, un bien à la Scurry Rainbow Oil
Limited, l'appelante a vendu «tous les biens ou
sensiblement tous les biens» qu'elle utilisait
dans l'exploitation de son entreprise d'explora-
tion et de production de pétrole, de gaz et de
minéraux au Canada.
L'appelante soutient par contre que l'article
83A(8a) n'est pas applicable, car, en vendant un
seul bien à la Scurry Rainbow Oil Limited le 21
avril 1964, l'appelante n'a pas vendu «tous les
biens ou sensiblement tous les biens» qu'elle
possédait et qu'elle utilisait dans son entreprise
au Canada à l'époque de la vente et que cette
condition doit être remplie si l'on veut appliquer
l'article 83A(8 a).
L'avocat de l'appelante a soigneusement
retracé l'histoire de l'article 83A depuis son
entrée en vigueur en 1955 pour appuyer son
second argument selon lequel le paragraphe (8a)
porte sur la vente d'une entreprise appartenant à
une corporation à une autre corporation se
livrant à une entreprise de même nature.
A la fin de son exercice financier se terminant
le 31 octobre 1962, l'appelante possédait une
participation dans les quatre biens suivants:
(1) une participation de 12i% dans six baux
relatifs à la prospection de pétrole et de gaz
dans la province de l'Alberta;
(2) une participation de 5.49% dans un bail
relatif à la prospection de gaz connu sous le
nom de bail Sturgeon Hewitt Big Lake;
(3) une participation de 33 1/3% dans deux
baux relatifs à la prospection de pétrole et de
gaz de la Couronne, et
(4) une participation différée de 5% dans des
baux relatifs à la prospection de pétrole et de
gaz situés dans les subdivisions officielles 5 et
6 appartenant à un secteur spécifié.
De plus, l'appelante possédait 52,000 actions
du capital social de l'Uranium Leaseholds Ltd.,
compagnie à qui appartenaient les concessions
minières connues sous le nom de concessions
Gold King.
Le 1 e7 novembre 1963, soit avant la fin de son
exercice financier 1963, l'appelante vendit sa
participation de 5.49% dans le bail Sturgeon
Hewitt Big Lake à la Medallion Petroleums
Limited pour la somme de $7,936 et sa partici
pation de 33 1/3% dans les deux baux relatifs à
la prospection de gaz et de pétrole de la Cou-
ronne à la Murphy Oil Company, Limited et à la
Ashland Oil and Refining Company Limited
pour la somme de $1,000.
A la suite de ces deux ventes, l'appelante, à la
fin de son exercice financier se terminant le 31
octobre 1963, restait propriétaire d'une partici
pation de 12i% dans les baux de la Couronne et
d'une participation différée ou active de 5%
dans les baux portant sur les subdivisions 5 et 6.
Le 21 avril 1964, l'appelante vendit sa partici
pation de 5% dans les baux portant sur les
subdivisions officielles 5 et 6 à la Scurry Rain
bow Oil Limited pour la somme de $5,000.
C'est cette vente à la Scurry Rainbow Oil
Limited qui a provoqué le présent litige que l'on
peut brièvement exposer ainsi: cette vente cons-
titue-t-elle la vente de sensiblement tous les
biens que l'appelante utilisait dans l'exercice de
son entreprise au Canada?
Il ne fait aucun doute que cette vente ne
représente pas la vente de tous les biens que
l'appelante utilisait dans son entreprise car il lui
restait sa participation de 12i% dans six baux
de la Couronne.
Le premier argument de l'avocat de l'appe-
lante est qu'il faut considérer que le paragraphe
(8a) de l'article 83A, pris dans le contexte de
l'article tout entier, constitue une réglementa-
tion distincte de la matière dont traite ce para-
graphe et que ce qui est entendu par l'acquisi-
tion par la corporation remplaçante de «tous les
biens ou sensiblement tous les biens» utilisés
par la corporation remplacée dans son entre-
prise au Canada, c'est l'acquisition de l'entre-
prise toute entière par la corporation
remplaçante.
A l'appui de cet argument, l'avocat de l'appe-
lante a, comme je l'ai indiqué plus tôt, soigneu-
sement retracé l'histoire de l'article 83A depuis
son entrée en vigueur en 1955 en remplacement
d'une législation antérieure de portée plus
limitée.
Le but principal des dispositions de cet article
était d'encourager les compagnies dont l'entre-
prise est l'exploitation de minéraux ou de
pétrole et de gaz naturel, afin de stimuler la
prospection du pétrole, du gaz et des minéraux
au Canada, en leur permettant de déduire du
calcul de leur revenu ce qui autrement serait des
dépenses de capital subies lors de l'exploration,
du forage, de la prospection et de la mise en
valeur et de les autoriser à effectuer le report
cumulatif de ces dépenses pour pouvoir les
imputer au revenu des années à venir.
Il a également souligné que les lois des pro
vinces de l'Ontario et du Manitoba autorisent la
fusion de compagnies, alors que cela n'est pas le
cas ailleurs au Canada. Ailleurs, les compagnies
peuvent fusionner en fait si une compagnie
rachète l'actif d'une autre compagnie soit en lui
donnant des actions en échange soit en procé-
dant à une offre d'achat visant à la mainmise sur
les actions. En 1958, on a adopté l'article 851 de
la Loi de l'impôt sur le revenu pour régir la
succession aux dépenses de forage et d'explora-
tion en cas de fusion de deux compagnies.
Jusqu'à l'entrée en vigueur du paragraphe (8a)
de l'article 83A en 1956, la fusion de compa-
gnies s'effectuant par voie de transfert d'entre-
prise d'une compagnie à une autre n'entraînait
pas transfert du droit de déduire les dépenses de
forage et d'exploration engagées par la compa-
gnie procédant au transfert.
L'entrée en vigueur du paragraphe (8a) a
donné ce droit, mais sous réserve de la restric
tion contenue à l'alinéa c) qui dispose que le
transfert doit être effectué par une fusion de
fait, à savoir par l'achat de l'actif contre des
actions de la corporation acquéreuse. L'alinéa c)
a été abrogé en 1962 retirant ainsi cette
restriction.
Si j'ai bien compris la plaidoirie de l'avocat de
l'appelante, il a retracé l'objet général et le but
de ces dispositions législatives afin de justifier
que l'on s'écarte du sens littéral des mots utili-
sés au paragraphe (8a) de l'article 83A.
Quand on interprète un paragraphe d'une loi
du Parlement, c'est le libellé dudit paragraphe,
s'il est simple et clair, qui doit prévaloir. S'il y a
le moindre doute ou la moindre difficulté sur le
sens des mots du paragraphe en question, et
seulement dans ce cas, la Cour peut alors exa
miner les circonstances entourant son adoption
ainsi que le but et l'étendue de l'article dont fait
partie le paragraphe en examinant les divers
paragraphes autres que celui dont le sens est en
litige.
Les nombreuses décisions relatives aux règles
fondamentales en matière d'interprétation des
lois suffisent à me convaincre que je n'ai pas à
examiner l'objet général des dispositions de l'ar-
ticle 83A(8a) si ce texte est rédigé de manière
claire et non ambiguë.
A mon avis, le libellé du paragraphe (8a) ne
présente aucune ambiguïté ou obscurité et je
n'ai donc pas à me lancer dans un subtil examen
de la question de savoir si les termes utilisés
répondent bien au but de la législation.
L'avocat de l'appelante a bien précisé qu'il ne
reconnaissait pas que l'entreprise principale de
l'appelante était soit (1) l'exploration ou le
forage en vue de découvrir du pétrole ou du gaz
naturel, soit (2) l'exploitation minière ou l'explo-
ration pour la découverte de minéraux, mais
qu'il soutenait au contraire que l'entreprise con-
sistait en une combinaison de ces deux activités.
Par conséquent, il a soutenu qu'après la vente
par l'appelante de sa participation de 5% dans
les baux de pétrole et de gaz naturel de la
Couronne, le 21 avril 1964, son entreprise prin-
cipale était l'exploitation minière et qu'elle se
livrait à cette entreprise en exploitant les con
cessions minières Gold King par l'entremise de
sa filiale, Uranium Leaseholds Limited.
L'appelante ne possédait aucune concession
minière en son nom propre. En 1961 et 1962,
elle s'était déjà départie de toutes les conces
sions qu'elle détenait.
Dans le bilan de l'appelante au 31 octobre
1964, on voit figurer en tant qu'actif une partici
pation prise dans une filiale, au prix de $13,000,
et cette filiale est l'Uranium Leaseholds
Limited.
Le 15 décembre 1962, l'appelante s'est portée
acquéreur de 20,000 actions de l'Uranium
Leaseholds Limited au prix de 25 cents l'action,
soit un prix total de $5,000. Autant que je me
souvienne, d'après les preuves déposées, ce
coût de $5,000 a été couvert par les $5,000 que
l'appelante a touchés sur la vente à la Scurry
Rainbow Oil Limited de sa participation de 5%
dans certains baux.
Le 15 décembre 1963, l'appelante a acheté
32,000 autres actions de l'Uranium Leaseholds
Limited pour la somme de $8,000, soit 25 cents
par action. Comme l'appelante n'avait pas les
$8,000 pour régler le prix des actions, elle a
émis 1,000,000 de ses propres actions de tréso-
rerie pour un total de $10,000. Elle a utilisé
$8,000 pour régler les actions de l'Uranium
Leaseholds Limited.
C'est par ces moyens que l'appelante a investi
des fonds dans l'Uranium Leaseholds Limited,
compagnie qui devint sa filiale en 1962.
Jesse Crockart, qui était à la fois administra-
teur de l'appelante et de l'Uranium Leaseholds
Limited ainsi que prospecteur et mineur indé-
pendant, avait borné les concessions Gold King
Fraction, en Colombie-Britannique.
On a tout d'abord envisagé la possibilité pour
l'appelante d'acquérir ces concessions contre
500,000 de ses actions de trésorerie, mais on
jugea cette opération peu pratique. C'est donc
l'Uranium Leaseholds Limited qui s'est portée
acquéreur des concessions Gold King en don-
nant en échange ses actions de trésorerie à
Crockart.
On procéda à d'importants travaux d'explora-
tion dans les concessions Gold King et c'est
l'Uranium Leaseholds Limited qui supporta le
gros de ces dépenses à l'exception des sommes
de $350 que l'appelante avait avancée à Croc-
kart et de $843.87 qui figure au bilan de l'appe-
lante pour la période se terminant le 31 octobre
1964.
En 1964, l'appelante vendit ses actions dans
l'Uranium Leaseholds Limited à la Kodiak Min
erals Limited pour la somme de $5,200. Les
$13,000 que l'appelante avait versés à la Urani
um Leaseholds Limited pour acquérir 52,000 de
ses actions, furent consacrés aux dépenses
d'exploration.
A mon avis, l'entreprise minière exploitant les
concessions Gold King était celle de l'Uranium
Leaseholds Limited et le simple fait que l'appe-
lante possédait la majorité des actions de
l'Uranium Leaseholds Limited et que les mêmes
personnes siégeaient aux conseils d'administra-
tion des deux compagnies ne suffit pas à faire
de cette entreprise l'entreprise de l'appelante.
Il est bien établi que le simple fait qu'une
personne, physique ou morale, détient toutes les
actions d'une compagnie ne suffit pas à faire de
l'entreprise à laquelle se livre ladite compagnie
l'entreprise de l'actionnaire et le contrôle total
et complet de la compagnie par l'actionnaire ne
suffit pas en faire son mandataire.
On peut concevoir qu'il existe un arrangement
entre l'actionnaire et la compagnie pour faire de
cette dernière le mandataire de l'actionnaire aux
fins de l'exploitation de l'entreprise et ainsi de
faire de l'entreprise celle de l'actionnaire.
Dans le présent appel, rien n'indique l'exis-
tence d'un tel arrangement.
L'avocat de l'appelante a soutenu que celle-ci
avait investi de l'argent dans l'Uranium Lease
holds Limited et avait consacré une partie du
temps de ses administrateurs aux affaires de
cette compagnie. Il a invoqué la décision de la
Cour suprême du Canada dans l'affaire M.R.N.
c. Consolidated Mogul Mines Limited' à l'appui
de l'argument que le financement et la gestion
d'une compagnie pour le compte d'une autre
compagnie constituent une entreprise minière.
Au nom de la Cour, le juge Spence a déclaré
[à la page 59]:
[TRADucrIoN] La compagnie intimée pourrait en fait se livrer
à une entreprise minière ou d'exploration en vue de décou-
vrir des minéraux au même titre que le propriétaire des
terrains si, conformément aux dispositions du contrat conclu
avec le propriétaire, c'était elle qui effectuait les opérations
minières ou d'exploration en vue de découvrir des minéraux.
Plus tôt, il donne de l'entreprise de la compa-
gnie la description suivante [à la page 58]:
[TRADUCTION] Bien qu'après 1957, elle ait poursuivi d'impor-
tants travaux d'exploration sur les terrains dans lesquels elle
possédait une certaine participation, sa tâche principale,
pendant les années faisant l'objet de l'appel, semble avoir
été la mise en valeur et la gestion de terrains appartenant à
d'autres compagnies. La compagnie détenait des actions
dans ces compagnies, actions acquises, en général, aux
termes de contrats conclus avec lesdites compagnies. Ces
contrats prévoyaient une prise de participation par l'achat
d'actions des diverses compagnies et le contrôle sur la
manière dont les diverses compagnies dépenseraient les
fonds provenant de ces ventes d'actions pour explorer et
mettre en valeur les divers projets miniers.
Dans les présents appels, rien dans la preuve
n'indique l'existence d'un contrat entre l'appe-
lante et l'Uranium Leaseholds Limited pré-
voyant que l'appelante se livrerait à l'exploita-
tion minière et à l'exploration en vue de
découvrir des minéraux comme c'était le cas
dans l'affaire Consolidated Mogul Mines. On n'y
trouve rien non plus quant à l'existence d'un
accord en vertu duquel l'appelante s'engageait à
gérer l'entreprise de l'Uranium Leaseholds
Limited. A cet égard, on peut seulement consta-
ter que l'appelante et l'Uranium Leaseholds
' [1969] R.C.S. 54.
Limited avaient les mêmes administrateurs et
que l'appelante, en achetant les actions de
l'Uranium Leaseholds Limited, a fait entrer des
fonds dans la trésorerie de cette dernière, mais
qu'elle ne s'est engagée à rien d'autre et notam-
ment pas à surveiller l'utilisation de ces fonds
pour l'exploration et la mise en valeur des con
cessions Gold King. Cette tâche revenait à
l'Uranium Leaseholds Limited.
Sans trancher la question de savoir si l'entre-
prise de l'appelante portait à la fois sur l'exploi-
tation minière, le pétrole et le gaz naturel, c'est
pour ces raisons que je conclus que l'entreprise
minière relative aux concessions Gold King,
c'est-à-dire la seule entreprise minière existant à
l'époque en question, était l'entreprise de
l'Uranium Leaseholds Limited et non l'entre-
prise de l'appelante.
Vu la conclusion à laquelle je suis arrivé
quant aux deux arguments précédents présentés
au nom de l'appelante, il s'ensuit qu'il faut tran-
cher les présents appels sur le point précis de
savoir si, en vendant à la Scurry Rainbow Oil
Limited sa participation de 5% dans les baux
relatifs à la prospection de pétrole et de gaz,
l'appelante a vendu «sensiblement tous les
biens» qu'elle utilisait dans son entreprise d'ex-
ploration ou de forage en vue de découvrir du
pétrole ou du gaz naturel au Canada.
A la fin de son année d'imposition 1963,
l'appelante était propriétaire de deux biens, (1)
une participation de 12}% dans six baux relatifs
à la prospection de pétrole et de gaz naturel de
la Couronne et (2) une participation différée ou
active de 5% dans des baux relatifs à la pros-
pection de pétrole et de gaz qu'elle avait vendue
à la Scurry Rainbow Oil Limited le 21 avril
1964, soit dans l'année d'imposition suivante de
l'appelante. Si ce n'est l'acquisition d'autres
actions de l'Uranium Leaseholds Limited,
actions achetées avec le produit de la vente à la
Scurry Rainbow Oil Limited, l'appelante n'a,
dans les années suivantes, acquis aucun autre
bien.
Par conséquent, la question de savoir si la
vente par l'appelante de sa participation de 5%
constitue la vente de «sensiblement tous les
biens» qu'elle utilisait dans son entreprise doit
être tranchée principalement en comparant les
biens vendus avec la participation de 12+)%
dans les six baux de la Couronne que l'appe-
lante a conservée.
Les termes employés au paragraphe (8a) de
l'article 83A sont «sensiblement tous les biens».
Utilisée dans ce contexte, l'expression «sensi-
blement tous» signifie manifestement une partie
essentielle de l'ensemble de l'entreprise.
Je vais par conséquent comparer les faits
relatifs aux deux biens.
L'avocat de l'appelante a fait valoir que la
participation de 12i% que l'appelante possédait
dans six baux de la Couronne était une partici
pation de 12i% portant sur un terrain de 960
acres, alors que la participation de 5% portait
sur un terrain de 80 acres. Il a donc calculé que
les participations que l'appelante conservait por-
taient sur 120 acres alors que celles qu'elle avait
vendues portaient sur 4 acres.
Je ne pense pas que la seule superficie soit le
critère qu'il convient de retenir pour juger de
l'importance des biens en cause. Il faut égale-
ment tenir compte de la qualité de ces biens.
Scurry Rainbow Oil Limited exploitait les
subdivisions officielles 5 et 6 de la section 1,
canton 39, rang 21 ouest du 4 e méridien. Cette
compagnie possédait une participation de 52.5%
dans ces baux. Il y avait cinq autres détenteurs
de participations; trois d'entre eux, y compris
l'appelante, possédaient une participation de
5%, le quatrième, une participation de 12i% et
le dernier, une participation de 20%.
A un moment donné, on a décrit la participa
tion de l'appelante comme étant une participa
tion différée et je pense que cette description
vaut pour les autres participations. Par cela, on
veut dire que, dans un premier temps, l'exploi-
tant supporte toutes les dépenses d'exploitation
des baux. Dès que les baux deviennent produc-
tifs et commencent à produire un revenu, l'ex-
ploitant répartit entre les propriétaires les
dépenses d'exploitation des baux, en proportion
de leur participation, de sorte que la participa
tion devient ainsi une participation active.
A une certaine époque, l'appelante possédait
une participation de 10% dans lesdits baux,
mais elle a abandonné la moitié de cette partici
pation pour régler sa part des dépenses de
forage d'un puits; elle a ainsi réduit sa participa
tion à 5%. Je suppose qu'à l'époque, la partici
pation de l'appelante devait être une participa
tion active puisqu'elle a dû supporter sa part des
dépenses de forage.
Cette propriété s'est avérée productive et
constituait l'unique source de revenu d'exploita-
tion de l'appelante. J'ai tiré ce renseignement
des états financiers de l'appelante pour les
années se terminant les 31 octobre 1962, 1963
et 1964, les seuls qui m'aient été présentés. En
1962, l'appelante a touché de cette source,
après avoir déduit les redevances et les dépen-
ses d'exploitation, un revenu de $2,014.48 en
1962, de $1,889.83 en 1963 et de $1,004.96 en
1964. Compte tenu du fait que la participation
était de 5%, cette propriété produisait donc un
revenu annuel net d'à peu près $40,000.
La Scurry Rainbow Oil Limited souhaitait
augmenter sa participation dans cette propriété
et,_à cet effet,-elle_a essayé d'acheter-les-partici-
pations des propriétaires moins importants. Elle
a par conséquent offert d'acheter la participa
tion de 5% appartenant à l'appelante moyennant
$5,000, offre que celle-ci a acceptée.
Par contre, la Scurry Rainbow Oil Limited
était également exploitant ainsi que propriétaire
de la plus importante participation dans six baux
de la Couronne dans lesquels l'appelante possé-
dait une participation de 121%. La Scurry Rain
bow Oil Limited avait acquis sa participation
dans ces baux le 9 mai 1957. De cette date
jusqu'au printemps 1966, date à laquelle la Cou-
ronne annula ces baux, aucuns travaux d'explo-
ration ou de forage n'avaient été entrepris sur
ces terrains.
Le 14 juin 1965, l'appelante offrit de vendre à
Scurry Rainbow Oil Limited sa participation de
121% dans ces baux de la Couronne, mais la
Scurry Rainbow Oil Limited rejeta cette offre.
Abt a déclaré qu'il s'agissait de baux isolés et
qu'il ne serait pas rentable de forer un puits sur
ces terrains.
Le 20 avril 1965, le ministère des Mines et
des Minéraux de la province de l'Alberta fit
savoir à la Scurry Rainbow Oil Limited qu'elle
était tenue d'entreprendre des travaux de forage
sur ces terrains dans un délai d'un an. Il était
possible, en en faisant la demande et en payant
une amende, d'obtenir une prolongation du délai
prévu pour le début des opérations de forage.
Au cas où ces travaux de forage n'étaient pas
entrepris dans l'année, les baux seraient
annulés.
La Scurry Rainbow Oil Limited annonça la
réception de cet avis à tous les copropriétaires,
y compris l'appelante. Conformément à l'accord
d'exploitation, n'importe lequel des coproprié-
taires pouvait entreprendre des opérations de
forage et devenir ainsi unique propriétaire.
Aucune opération de forage n'ayant débuté,
aucune demande de prorogation du délai prévu
pour le début des travaux n'étant intervenue, les
baux furent annulés en avril 1966.
Abt a déclaré qu'en 1965, c'est la Scurry
Rainbow Oil Limited qui a réglé le loyer nomi
nal dû aux termes des baux et qui a facturé les
copropriétaires chacun pour sa part.
On ne trouve dans les états financiers de
l'appelante aucune trace du règlement de sa part
du loyer, mais je suppose qu'elle l'a réglée.
L'appelante n'a pas exercé le droit qu'elle
avait d'entreprendre elle-même le forage et
devenir ainsi l'unique propriétaire. Cela se com-
prend vu sa situation financière précaire à l'épo-
que, mais elle n'a pas essayé d'obtenir le finan-
cement qui lui aurait permis de le faire.
Dans les états financiers de l'appelante, sa
participation de 12i% figure pour une valeur de
$640, soit le coût de son acquisition. Dans les
états financiers de l'exercice prenant fin le 31
octobre 1964, la valeur de cette participation est
réduite à zéro. On a prétendu qu'il s'agissait là
d'une erreur comptable et l'année suivante, au
31 octobre 1964, cette participation reprenait sa
valeur de $640 et, l'année d'après, elle voyait sa
valeur réduite à $120.
Cette comparaison des deux propriétés fait
nettement ressortir que la participation de 5%
dans les tenures à bail vendues à la Scurry
Rainbow Oil Limited étaient l'unique source de
revenu de l'appelante. C'était un bien produisant
du pétrole sur lequel avaient été effectués d'im-
portants travaux d'exploration et de forage. La
Scurry Rainbow Oil Limited considérait l'acqui-
sition de ce terrain souhaitable et elle l'a d'ail-
leurs acheté. Entre leur acquisition par l'exploi-
tant en 1957 et l'annulation des baux en 1966,
aucuns travaux d'exploration ou de forage ne
furent effectués sur les six baux de la Cou-
ronne. Les copropriétaires, y compris l'appe-
lante, se sont contentés de payer leur part pro-
portionnelle du loyer nominal pour que les baux
soient en règle. Les biens sont restés inutilisés
et aucun effort d'exploration ou de forage n'a
été fait en vue de découvrir des gisements de
pétrole ou de gaz naturel. L'inaction des copro-
priétaires, y compris l'appelante, entraîna l'an-
nulation des baux, car ils ne réagirent pas après
avoir été avisés que les baux seraient annulés
s'ils n'entreprenaient pas les opérations de
forage. L'appelante offrit de vendre sa partici
pation à la Scurry Rainbow Oil Limited, mais
cette dernière rejeta son offre.
Sans prétendre trancher la question de savoir
si la simple propriété d'une participation
mineure dans ces baux de la Couronne constitue
une utilisation de cette propriété par l'appelante
aux fins de l'exploitation de l'entreprise d'explo-
ration ou de forage en vue de découvrir du
pétrole ou du gaz naturel, il ressort clairement
de la preuve que l'appelante n'exploitait pas
cette entreprise de manière active et que les
perspectives d'exploration ou de forage étaient
fort éloignées.
Il ressort, à mon sens, de la comparaison des
faits relatifs aux deux biens appartenant à l'ap-
pelante, qu'en vendant sa participation de 5%
dans lesdits baux à la Scurry Rainbow Oil Lim
ited le 21 avril 1964, elle a cédé sensiblement
tous les biens qu'elle utilisait dans l'exercice de
son entreprise au Canada.
Il découle de cette conclusion que l'article
83A(8a) interdit à l'appelante de déduire les
dépenses qu'elle avait précédemment subies
dans l'exploration ou le forage en vue de décou-
vrir du pétrole, du gaz naturel ou des minéraux,
comme elle a tenté de le faire dans ses années
d'imposition 1968 et 1969.
Par conséquent, les appels sont rejetés avec
dépens.
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