T-1307-74
Steve Dart Co. (Requérante)
c.
La Commission d'arbitrage créée par le Règle-
ment sur l'octroi de permis pour le commerce de
produits (C.P. 1967-2265) et ses membres
(Intimés)
Division de première instance, le juge Addy —
Montréal, le 17 juin; Ottawa, le 28 juin 1974.
Compétence—Demande de bref de prohibition—Agricultu-
re—Commission d'arbitrage créée par des Règlements pris en
vertu de la Loi—La Loi ne confère pas le pouvoir de
constituer une telle commission—Le bref de prohibition à
l'encontre de la Commission est accordé—Loi sur les nonnes
des produits agricoles du Canada, S.R.C. 1970, c. A-8, art.
3, 5 à 8 et 10; Règlement sur l'octroi de permis pour le
commerce des produits, art. 20, 26, 30, 31, 34, 35 et 42—Loi
sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c.
P-32—Acte de l'Amérique du Nord britannique, art. 92 et
101—Loi sur la Cour fédérale, art. 18.
La requérante détient un permis de négociant en produits
agricoles conformément à l'article 6 de la Loi sur les nonnes
des produits agricoles du Canada et au Règlement sur l'oc-
troi de permis pour le commerce des produits édicté par
ordonnance aux termes de la Loi. Dès réception d'une
cargaison de maïs envoyé par un négociant américain, la
requérante informa l'expéditeur que le maïs était avarié et le
fit inspecter par le ministère de l'Agriculture. L'expéditeur
déposa une plainte auprès du ministère, invoquant le non-
paiement du prix d'achat. La Commission intimée informa la
requérante qu'aux termes de l'article 26 du Règlement, elle
devait soit payer la somme réclamée par l'expéditeur soit
déposer un avis dans les 30 jours, énumérant les motifs
d'opposition. La requérante demande un bref de prohibition
contre la Commission.
Arrêt: on peut demander un bref de prohibition contre la
Commission, comme «office, commission ou autre tribunal
fédéral» en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour
fédérale. La demande doit être accueillie, car la Loi sur les
normes des produits agricoles du Canada ne contient aucune
disposition prévoyant expressément la constitution d'une
telle commission et le pouvoir d'établir des règlements, aux
termes de l'article 8 de la Loi, ne permet pas d'adopter de
disposition de ce genre. Le ministère a essayé de créer un
tribunal ou une cour par voie d'ordonnance, alors qu'en
vertu de l'article 101 de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique, ce pouvoir appartient exclusivement au
Parlement.
Arrêts suivis: Procureur général de Québec c. Dame
Lazarovitch (1940) 69 B.R. 214; Campbell's Trustees c.
Police Commissioners of Leith (1870) L.R. 2 Sc. &
Div. 1; Le procureur général & Ephraim Hutchings
(Relator) c. The Directors, etc. of the Great Eastern
Railway Company [1879-80] 5 A.C. 473; The Minister
of Health c. The King (on the Prosecution of Yoffe)
[1931] A.C. 494; Le Roi c. National Fish Company Ltd.
[1931] R.C.É. 75; Gruen Watch Co. of Canada Ltd. c.
Le procureur général du Canada [1950] 4 D.L.R. 156;
Pulp & Paper Workers of Canada c. Le procureur
général de la Colombie-Britannique (1968) 67 D.L.R.
(2e) 378. Arrêt mentionné: Renvoi relatif à la Loi de la
Commission de commerce, 1919, et à la Loi des coali
tions et des prix raisonnables, 1919, [1922] 1 A.C. 191.
DEMANDE.
AVOCATS:
J. Ruby pour la requérante.
G. Côté pour les intimés.
PROCUREURS:
Orenstein, Ruby, Michelin & Orenstein,
Montréal, pour la requérante.
Laing, Weldon, Courtois, Clarkson, Par
sons, Gonthier & Tetrault, Montréal, pour
les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés par
LE JUGE ADDY: La requérante, une compa-
gnie québecoise, exploite dans la ville de Mont-
réal, province de Québec, une entreprise d'im-
portation de fruits et légumes aux fins de
revente aux consommateurs et aux autres
négociants.
Elle demande un bref de prohibition pour
empêcher la Commission intimée d'entendre
une plainte déposée à son encontre par la M.J.
Duer & Company, courtier et négociant en
fruits et légumes et autres produits agricoles en
Virginie (États-Unis). La plainte allègue le
défaut de paiement de $3,992.10 dus pour l'en-
voi de quelque 862 cageots de maïs réception-
nés à Montréal le 16 juillet 1973 ou vers cette
date. Les autres faits pertinents sont énumérés
dans l'affidavit de la requérante, la Commission
n'en ayànt déposé aucun.
La requérante détient un permis de négociant
en produits agricoles pour l'importation et l'ex-
portation, au Québec, conformément à l'article
6 de la Loi sur les normes des produits agricoles
du Canada, S.R.C. 1970, c. A-8 (ci-dessous
appelée la «Loi»), et en vertu du Règlement sur
l'octroi de permis pour le commerce des produits
(ci-dessous appelé le «Règlement») édicté en
vertu de ladite loi (C.P. 1967-2265).
A la réception du maïs, la requérante préten-
dit qu'il était avarié, en informa l'expéditeur par
télégramme et demanda que des fonctionnaires
du ministère de l'Agriculture procèdent à une
inspection. La requérante réclama également
des dommages-intérêts dépassant le prix des
marchandises. Un inspecteur du ministère de
l'Agriculture effectua immédiatement une ins
pection. Ultérieurement, l'expéditeur, par lettre
datée du 11 janvier 1974, adressa une plainte en
bonne et due forme au ministère de l'Agricul-
ture en conformité de l'article 20 du Règlement,
invoquant le non-paiement de la somme susdite,
soit $3,992.10. Le 21 janvier 1974, la Commis
sion intimée informa officiellement la requé-
rante par écrit, qu'aux termes de l'article 26 du
Règlement, elle devait soit payer le montant de
la réclamation, soit déposer dans les trente jours
un avis contestant la réclamation. Elle avisa
également la requérante qu'elle était tenue
d'énumérer par écrit les motifs pour lesquels
elle s'opposait à la réclamation dans tout avis la
contestant et de transmettre à la Commission
intimée deux copies de chaque lettre ou docu
ment en sa possession s'y rapportant.
La demande de bref de prohibition de la
requérante se fonde sur l'argument suivant:
dans la mesure où le Règlement adopté en con-
formité de la Loi a pour effet de constituer la
Commission intimée et de prévoir sa composi
tion, de lui conférer des pouvoirs judiciaires ou
quasi-judiciaires et, plus particulièrement, de lui
permettre de rendre des décisions sur des ques
tions de responsabilité entre les particuliers et
de les faire appliquer, il est ultra vires, la Loi ne
conférant pas le pouvoir d'édicter un tel
Règlement.
La Loi vise manifestement à établir des
normes pour les produits agricoles et à régle-
menter le commerce international et interpro-
vincial desdits produits. Elle prévoit expressé-
ment que le gouverneur général en conseil peut
édicter des Règlements régissant les produits
agricoles aux fins particulières suivantes:
a) les conditions de classement, marquage et
inspection des produits et les droits exigibles
et les règlements y afférents (voir l'article 3
de la Loi);
b) l'interdiction d'importer au Canada ou d'en
exporter, ou d'envoyer ou de transporter de
tels produits d'une province à une autre, et la
réglementation du transport de telles mar-
chandises (voir l'article 5 de la Loi);
c) l'octroi de permis aux marchands de pro-
duits agricoles dans n'importe quelle province
ou l'importation dans cette province ou l'ex-
portation de celle-ci d'un endroit hors de la
province ainsi que la révocation et la suspen
sion de tels permis et la fixation des droits
pour leur délivrance (voir l'article 6 de la
Loi);
d) la saisie, la rétention et l'écoulement de
tous produits agricoles (voir l'article 10(4) de
la Loi).
Le seul autre article de la Loi prévoyant
l'établissement de Règlements est l'article 8 qui
accorde un pouvoir général de réglementation
pour la réalisation des fins de la Loi et la mise
en oeuvre de ses dispositions. Voici le texte de
l'article 8:
8. Le gouverneur en conseil peut édicter des règlements
pour la réalisation des fins et l'exécution de la présente loi,
ainsi que pour prescrire tout ce qui doit être prescrit selon la
présente loi. 1955, c. 27, art. 8.
L'article 31 du Règlement institue une Com
mission d'arbitrage se composant de trois mem-
bres; deux d'entre eux doivent être nommés par
des organismes extérieurs, à savoir le Conseil
des horticulteurs canadiens et l'Association
canadienne des grossistes de fruits et le troi-
sième, à savoir le président, doit être nommé
par un employé du Ministère, c'est-à-dire par le
directeur de la Division des fruits et des légu-
mes, Direction de la production et des marchés
au ministère de l'Agriculture, appelé «Direc-
teur» dans cette loi.
Selon moi, nulle part dans la Loi, on ne
trouve de disposition particulière pour la consti
tution d'une telle commission et, a fortiori, il
n'en existe aucune visant à déléguer à un orga-
nisme quelconque ou à un employé du Ministère
le droit d'en déterminer la composition. La seule
disposition relative au personnel administratif
ayant des fonctions particulières figure à l'arti-
cle 7(1) de la Loi qui autorise la nomination
d'inspecteurs, de préposés au classement et
«autres personnes nécessaires à l'application et
à l'exécution de la présente loi, qui «sont
nommés ou employés, sous le régime de la Loi
sur l'emploi dans la Fonction publique».
On pourrait fort bien, semble-t-il, considérer
une commission se composant de trois person-
nes comme faisant partie de ces «personnes
nécessaires à l'application et à l'exécution de la
Loi». Toutefois, pour conférer à ces personnes
de telles attributions, il faut une disposition spé-
ciale permettant au gouverneur général en con-
seil de déléguer, par voie de règlement, leur
nomination à d'autres organismes ou même à un
employé du Ministère, à savoir le directeur.
L'application du principe delegatus non potest
delegare à des affaires de ce genre est trop bien
connue pour qu'il soit nécessaire de citer des
précédents à cet égard. Pour la même raison, il
est également évident que l'article 8 de la Loi
(susmentionné) n'est d'aucun secours à l'intimée
puisqu'il ne renferme aucun pouvoir spécifique.
Cet article accorde le droit supplémentaire
d'édicter des règlements pour la réalisation des
fins de la Loi et la mise en oeuvre de ses
dispositions, mais ces questions doivent être
clairement exprimées ou renfermées dans les
autres articles de la Loi ou nécessairement en
découler. Cela permet d'édicter des Règlements
ejusdem generis par rapport à ceux qui sont
autorisés dans les autres articles de la Loi pré-
voyant l'adoption de Règlements. Cela permet
également d'édicter un Règlement nécessaire
pour mettre effectivement en application une
disposition clairement exprimée de la Loi ne
relevant d'aucun de ses autres articles de régle-
mentation; cela ne confère pas pour autant le c
droit d'édicter des Règlements touchant à une
question qui n'est même pas abordée dans la
Loi. (Voir les arrêts Procureur général de
Québec c. Dame Lazarovitch' ; Campbell's Trus
tees c. Police Commissioners of Leith 2 .) On ne
peut à bon droit considérer le pouvoir de consti-
tuer une Commission d'arbitrage et de la com
poser de personnes qui doivent être désignées
par d'autres organismes comme un pouvoir
accessoire aux actes que le Parlement a autori-
1 (1940) 69 B.R. 214 à la p. 227.
2 (1870) L.R. 2 Sc. & Div. 1.
sés dans la présente loi ou comme en découlant.
(Voir les arrêts Le procureur général & Ephraim
Hutchings (Relator) c. The Directors, etc. of the
Great Eastern Railway Company 3 et The Minis
ter of Health c. The King (on the Prosecution of
Yoffe) 4 .) La délégation de pouvoirs doit s'exer-
cer rigoureusement et s'appliquer dans les stric-
tes limites de la Loi. (Voir les arrêts Le Roi c.
National Fish Company Ltd. 5 ; Gruen Watch
Co. of Canada Ltd. c. Le procureur général du
Canada 6 et Pulp & Paper Workers of Canada c.
Le procureur général de la Colombie-Britanni-
que' .)
Puisque la législation n'autorise pas la consti
tution de la Commission intimée, il y a lieu
d'émettre à l'encontre de cette dernière un bref
de prohibition fondé sur ce seul motif. Comme
l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale donne
à cette cour le pouvoir d'émettre un bref de
prohibition contre «tout office, toute commis
sion ou tout autre tribunal fédéral», je n'ai
aucune peine à conclure que, par déduction
nécessaire, la présente cour a le pouvoir d'ac-
corder un tel redressement contre un organisme
qui, bien qu'il ne soit pas légalement constitué,
se comporte, agit et exerce ses pouvoirs comme
un office ou un tribunal fédéral aux termes de
règlements fédéraux et d'une loi fédérale. Je n'ai
également aucune difficulté à conclure que le
bref de prohibition constitue un redressement
approprié en l'espèce.
Cependant, je manquerais à mon devoir si je
négligeais d'examiner les longues plaidoiries des
avocats au sujet des pouvoirs que la Commis
sion prétend exercer aux termes du Règlement,
et au sujet des différentes procédures prévues
au Règlement pour le fonctionnement de cette
commission.
Le Règlement dispose qu'une personne peut
adresser au directeur une plainte portant qu'un
détenteur de permis n'a pas rendu compte de
ses transactions (voir l'article 20(1)c) du Règle-
' [1879-80] 5 A.C. 473 à la p. 476.
4 [1931] A.C. 494.
[1931] R.C.É. 75 à la p.82.
6 [1950] 4 D.L.R. 156, aux pp. 165, 166, 176 et 177.
(1968) 67 D.L.R. (2°) 378 aux pp. 383 et 384.
ment); il prévoit également qu'une personne
sera réputée ne pas avoir rendu compte lors-
qu'elle n'aura pas payé toute somme due con-
formément à une entente relative à la vente des
produits (voir l'article 20(2)c) du Règlement). Il
dispose également que, lorsque, de l'avis du
directeur, il y a preuve suffisante pour permet-
tre à la Commission d'entendre une réclamation,
ce dernier doit la lui soumettre (voir l'article 30
du Règlement: «... le directeur doit soumettre
la réclamation et toute contre-réclamation à la
Commission.»). La Commission est alors tenue
d'examiner la preuve que lui soumet le directeur
et de rendre une décision. Avant de parvenir à
une décision quelconque, la Commission est
également fondée à demander la comparution de
tout témoin (voir l'article 32 du Règlement).
Le Règlement (article 34) dispose ensuite que
l'intimé doit, dans les trente jours de la décision,
l'exécuter ou expédier au directeur un chèque
réglant le montant dû ou déposer un avis d'appel
conformément à l'article 35 du Règlement; cet
article oblige d'ailleurs l'appelant à payer la
somme de $75 à titre de garantie pour les
dépens et à déposer également un chèque visé
au montant «des dommages-intérêts payables au
réclamant». Il existe aussi une disposition obli-
gatoire portant que, lorsqu'un détenteur de
permis ne paye pas le montant ou ne se con-
forme pas autrement aux exigences de l'article
34 du Règlement, le Ministre doit annuler son
permis (voir l'article 42(2) du Règlement). Par
ailleurs, une disposition permet d'interjeter
appel à une autre commission appelée la Com
mission de revision, composée de cinq mem-
bres. Le Règlement prévoit également le dépôt
d'une garantie en la forme d'une caution repré-
sentant le double du montant demandé lorsque
le réclamant est un non-résident. A travers les
différents articles du Règlement, on fait cons-
tamment référence aux dommages ou à la perte
subis par le réclamant pour lesquels la Commis
sion se trouve compétente.
Tous les articles précédemment cités insti-
tuent un tribunal de première instance et un
tribunal d'appel ainsi qu'une procédure pour
juger au fond toute plainte déposée par «toute
personne» qui peut choisir d'en déposer une
contre un détenteur de permis du fait que ce
dernier, entre autres choses, «n'a pas rendu
compte de ses transactions» ou «sans motif
raisonnable, a rejeté ou n'a pas livré les produits
achetés, vendus ou consignés conformément
aux conditions du contrat» (voir l'article 20(1)c)
et cl) du Règlement), pour accorder également
des dommages-intérêts résultant desdites récla-
mations, et pour en assurer enfin l'exécution par
voie de confiscation automatique du permis si le
détenteur ne se conforme pas à la décision.
Rien dans la Loi ne permet la constitution
d'un tel système de tribunaux de première ins
tance et d'appel ni la détermination des ques
tions que le Règlement en cause entend avoir
tranchées. Les dispositions de l'article 8 de la
Loi que j'ai citées précédemment, ne parvien-
nent en aucune façon à accorder un tel pouvoir,
même en extrapolant. L'avocat de la Commis
sion intimée prétend qu'en fait, la Commission
décide simplement si l'on doit annuler le permis
conformément au Règlement pertinent qui a été
édicté en vertu des pouvoirs conférés par l'arti-
cle 6(1) de la Loi dont voici le texte:
6. (1) Le gouverneur en conseil peut établir des règle-
ments en vue d'autoriser des marchands, par permis, à faire
le commerce d'un produit agricole expédié d'un endroit hors
de la province dans laquelle ce marchand exerce des affai-
res, ou à destination d'un tel endroit, et prévoyant la déli-
vrance, la révocation et la suspension de permis, y compris
la fixation de droits pour leur délivrance.
L'exercice du pouvoir de révocation d'un
permis en vue de faire appliquer une décision
tranchant un litige entre particuliers, ce que la
Commission n'est pas autorisée à faire, consti-
tue une utilisation abusive et illégale dudit pou-
voir. On peut le limiter lorsque son usage est
menacé, même si l'article 6(1) accorde effecti-
vement le pouvoir d'édicter des règlements
ayant trait à l'annulation ou à la suspension des
permis.
En fait, le Ministère a essayé de créer un
tribunal ou une cour au moyen d'une ordon-
nance. Aux termes de l'article 101 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique le pouvoir de
créer des tribunaux appartient exclusivement au
Parlement. Il serait très regrettable, en effet,
que les tribunaux ayant compétence pour tran-
cher des litiges entre citoyens puissent être ins-
titués par une simple ordonnance.
Même si la Loi réunissait effectivement
toutes les dispositions contenues dans le Règle-
ment, on pourrait certainement avoir gain de
cause en soutenant que, compte tenu du fait que
la Commission d'arbitrage n'a pas besoin de
disposer de pouvoirs si étendus pour appliquer
correctement les dispositions de la Loi, l'octroi
de tels pouvoirs peut constituer une atteinte aux
dispositions relatives à la propriété et au droit
civil contenues à l'article 92 de l'Acte de l'Amé-
rique du Nord britannique (voir le Renvoi rela-
tif à la Loi de la Commission de commerce,
1919, et à la Loi des coalitions et des prix
raisonnables, 1919 8 ). Je m'abstiens, bien sûr,
d'examiner cette question puisque ce n'est pas
utile pour trancher le litige qui m'est soumis.
La sanction automatiquement imposée si un
détenteur de permis ne paye pas ce qu'il doit,
d'après la Commission d'arbitrage, à une autre
personne, est beaucoup plus sévère pour le
défendeur que les effets éventuels d'un bref
d'exécution délivré par un tribunal civil. Depuis
longtemps, on n'emprisonne plus le débiteur,
mais une annulation automatique et obligatoire
du permis d'une personne en raison de sa dette
et, par conséquent, la suppression de ses
moyens d'existence constitue une sanction
extrêmement rigoureuse et sévère pour le non-
paiement d'une dette; on n'est pas très loin de
l'emprisonnement du débiteur.
Pour ces raisons ainsi que pour les premiers
motifs portant que la Loi n'autorisait en aucune
façon la constitution de la Commission d'arbi-
trage, la requête est accueillie et le bref de
prohibition sera délivré.
[1922] 1 A.C. 191 aux pp. 197 et 198.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.