T-5139-73
G.T.E. Sylvania Canada Limited (Demanderesse)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Catta-
nach—Montréal, le 2 mai; Ottawa, le 27 mai
1974.
Impôt sur le revenu—Allocation à l'égard du coût en
capital—Déductions au revenu autorisées dans une provin-
ce—S'agit-il d'«un octroi, d'une subvention ou d'une autre
aide»—Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, art.
11, Règlement 1100(1)axviii) et Ann. B; art. 20(6)h)—Loi de
l'impôt sur les corporations, S.R.Q. 1964, c. 67, art. 16a,
ajouté par l'art. 1, c. 28, 1967-68, modifié par l'art. 1, c. 23,
1971.
Lors du calcul de son revenu pour l'année 1971, la
compagnie demanderesse a appliqué l'article 11(1)a) de la
Loi de l'impôt sur le revenu autorisant le contribuable à
déduire de son revenu le montant du coût en capital de ses
biens qui est alloué par règlement. Le Règlement
1100(1)axviii) et l'Annexe B autorisent la déduction maxi-
male de 20% du coût en capital. La demanderesse a
demandé la totalité de la déduction prévue.
Le Ministre a établi une nouvelle cotisation à l'égard de la
demanderesse en ajoutant à son revenu la somme de
$18,233, soit 20% des $91,166 représentant la réduction
nette d'impôt consentie au Québec à la demanderesse en
vertu de l'article 16a de la Loi de l'impôt sur les corpora
tions du Québec, telle que modifiée. Cet article, dont le but
est d'inciter des entreprises de fabrication et de transforma
tion à s'installer dans la province, autorisait, lors du calcul
du revenu pour les années 1968 1971, la déduction des
sommes investies dans l'acquisition de machinerie nouvelle.
En établissant cette nouvelle cotisation, le Ministre s'est
fondé sur l'hypothèse que les déductions effectuées par la
demanderesse lors du calcul de son revenu net, en vertu de
la Loi de l'impôt sur les corporations du Québec, et l'écono-
mie d'impôt qui en a résulté, soit $91,166, se rapportaient à
l'acquisition de biens et que le coût en capital desdits biens
est censé être le coût en capital de ces biens moins les
déductions accordées à la demanderesse au Québec, à titre
d'«octroi, d'une subvention ou une autre aide» au sens de
l'article 20(6)h) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Arrêt: l'appel de la demanderesse à l'encontre de la nou-
velle cotisation est accueilli; l'expression «un octroi, une
subvention ou une autre aide» devait être interprétée selon
la règle ejusdem generis. Les mots «octroi» et «subvention»
visent une aide pécuniaire provenant de fonds publics,
accordée à une personne par un gouvernement dans l'intérêt
du public. Il faut interpréter l'expression «une autre aide» à
la lumière de ces mots. Le fait que le gouvernement du
Québec dispense certaines entreprises du paiement de l'im-
pôt maximum est différent de l'acte consistant à mettre un
octroi ou une subvention à leur disposition pour leur permet-
tre de s'implanter dans la province. L'avantage fiscal
accordé à la demanderesse par le gouvernement du Québec
ne constitue donc pas une «autre aide» au sens restreint de
cette expression à l'article 20(6)h) de la Loi de l'impôt sur le
revenu.
Arrêt examiné: United Towns Electric Company Ltd. c.
Le procureur général de Terre-Neuve [1939] 1 All E.R.
423.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
R. W. Pound et Robert Couzin pour la
demanderesse.
N. A. Chalmers, c.r., et W. Lefebvre pour la
défenderesse.
PROCUREURS:
Stikeman, Elliott & Cie, Montréal, pour la
demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour
la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés par
LE JUGE CATTANACH: Par les présentes, la
demanderesse interjette appel par voie de décla-
ration d'une cotisation à l'impôt sur le revenu
établie par le ministre du Revenu national, pour
son année d'imposition 1971.
Avant le procès, les parties se sont mises
d'accord sur un exposé des faits qui se lit
comme suit:
[TRADUCTION] EXPOSE CONJOINT DES FAITS
Les parties à l'action, représentées par leurs avocats
respectifs, admettent par les présentes les faits suivants, ces
déclarations n'étant faites qu'aux fins du présent appel et ne
pouvant être utilisées par quiconque à l'encontre de l'une ou
l'autre partie en aucune autre circonstance.
1. La demanderesse est une compagnie dont le siège social
et le principal établissement se trouvent à Montréal, dans la
province de Québec; elle s'occupe d'électronique et d'activi-
tés connexes.
2. Pour chacune de ses années d'imposition 1968 1971, la
demanderesse était assujettie à l'impôt dans la province de
Québec, en vertu de la Loi de l'impôt sur les corporations du
Québec, S.R.Q. 1964, c. 67, telle que modifiée.
3. Pendant ladite période, la compagnie demanderesse s'oc-
cupait d'une entreprise de fabrication ou de transformation
dans la province de Québec, au sens du paragraphe 16a(2)
de la Loi de l'impôt sur les corporations du Québec, et, en
conformité des restrictions et conditions qui y sont prévues,
elle a déduit, lors du calcul de son revenu net aux fins de
ladite loi, une somme correspondant à ses «investissements»
dans son entreprise, selon la définition de l'alinéa 16a(1)c),
notamment l'acquisition de machinerie neuve comme le
prévoit la catégorie 8 de l'Annexe B des Règlements de
l'impôt sur le revenu.
4. Ces déductions ont entraîné une réduction du revenu net
de la demanderesse aux fins de la Loi de l'impôt sur les
corporations du Québec, se chiffrant à:
Année Montant
1968 $ 48,495
1969 172,820
1970 178,164
1971 427,413
$ 826,892
5. Comme le montre le tableau suivant, la Loi de l'impôt sur
les corporations du Québec a permis à la demanderesse de
payer, pour les années d'imposition en cause, $91,166 de
moins que ce qu'elle aurait payé en l'absence des déductions
prévues à l'article 16a de ladite loi:
Total des déductions déclarées.. .. . . . .. $ 826,892
appliquer le taux de 12% prévu à la Loi de
l'impôt sur les corporations du Québec
réduction d'impôt demandée (au Québec) 99,227
moins: ajustements par cotisations
année d'imposition 1968 $ 81
année d'imposition 1969 7,980 (8,061)
Réduction nette d'impôt (au Québec). . $ 91,166
6. En calculant aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu, le
coût en capital non déprécié des biens amortissables de la
catégorie 8 lui appartenant à la fin de son année d'imposition
1971, la demanderesse n'a pas tenu compte de la réduction
nette d'impôt obtenue au Québec et exposée au para-
graphe 5.
7. Par un avis de nouvelle cotisation daté du 8 mars 1973, le
ministre du Revenu national a ajouté au revenu de la deman-
deresse, pour son année d'imposition 1971, la somme de
$18,233 titre d'excédent de l'allocation du coût en capital
pour les biens amortissables de la catégorie 8; ce montant
fut calculé en soustrayant $91,166 au coût en capital non
déprécié des biens de la catégorie 8.
8. La demanderesse s'est dûment opposée à ladite nouvelle
cotisation par avis daté du 29 mai 1973 et la nouvelle
cotisation fut confirmée par le ministre du Revenu national,
par avis daté du 25 septembre 1973.
Pour son année d'imposition 1971 et les
années d'imposition antérieures, la demande-
resse était assujettie à l'impôt par la province de
Québec en vertu de la Loi de l'impôt sur les
corporations (S.R.Q. 1964, c. 67) ci-après appe-
lée parfois la «loi provinciale».
Le système d'imposition prévu par cette loi
est similaire à celui de la Loi de l'impôt sur le
revenu (chapitre 148, S.R.C. 1952).
La loi provinciale impose à toute compagnie
assujettie un impôt annuel équivalent à 12% de
son revenu net pour chaque année financière.
Le revenu net au sens de la loi provinciale
correspond au revenu imposable aux termes de
la Loi de l'impôt sur le revenu; en effet, dans
chaque cas, le contribuable détermine d'abord
son revenu ou ses bénéfices en tenant compte
des déductions autorisées relativement auxdits
bénéfices et, une fois ce montant déterminé, il
peut le réduire à nouveau par des déductions
autorisées en vertu des lois respectives.
Le litige dans cet appel porte sur une déduc-
tion effectuée en vertu de l'article 16a, ajouté à
la loi provinciale par l'article 1, c. 28, dans
Statuts du Québec de 1967-68, qui se lit comme
suit:
16a. 1. Pour les fins du présent article les expressions et
mots suivants signifient:
a) «compagnie»: en plus de son sens ordinaire, une com-
pagnie visée au sous-paragraphe a du paragraphe 4 de
l'article 2, sauf une compagnie qui est engagée dans une
entreprise exclue au sous-paragraphe 6;
6) «entreprise de fabrication ou de transformation: une
entreprise de fabrication ou de transformation au sens des
règlements, à l'exclusion toutefois de toute entreprise
d'exploitation de puits de gaz ou de pétrole, d'exploitation
minière, forestière ou agricole, de toute entreprise de
construction ou de pêcheries, ainsi que de toute entreprise
qui a pour principale activité l'emballage, l'empaquetage,
le lavage ou le triage de produits ou marchandises;
c) «investissement»: la partie qui excède $50,000, des
montants d'argent qui ont été investis par une compagnie
dans une entreprise de fabrication ou de transformation,
au cours d'une de ses années financières, pour la cons
truction ou l'agrandissement d'usines ou de manufactures
ou l'achat de machinerie, d'outillage ou d'équipement
neufs destinés à l'exploitation d'usines ou de manufactu
res, dans la mesure admise par les règlements.
2. Toute compagnie qui est engagée, dans le Québec, dans '
l'exploitation d'une entreprise de fabrication ou de transfor
mation peut déduire, dans le calcul de son revenu net, un
montant égal à trente pour cent des investissements qu'elle a
faits dans cette entreprise au cours de la période commen-
çant le 1°" avril 1968 et se terminant le 31 mars 1971.
3. Tout montant qui peut être déduit en vertu du présent
article au cours d'une année financière et qui ne l'est pas
peut être déduit au cours des années financières
subséquentes.
4. Le montant qu'une compagnie peut déduire en vertu du
présent article pour une de ses années financières ne peut
excéder la moitié de son revenu net établi pour l'année
financière dont il s'agit avant l'application de cette
déduction.
5. La réduction de taxe obtenue en vertu du présent
article ne peut excéder douze pour cent du montant qui peut
être ainsi déduit dans le calcul du revenu net.
6. Une subvention ou prime versée à une compagnie en
vertu de la Loi de l'aide au développement industriel régio-
nal (17 Elizabeth II, chapitre 27) ou d'un régime équivalent
au sens de cette loi ne doit pas être incluse dans le calcul du
revenu de la compagnie et elle ne réduit le coût d'aucun bien
pour les fins de l'allocation du coût en capital.
L'article 16a précité fut modifié par l'article
1, c. 23, des Statuts du Québec de 1971 de la
manière suivante:
1. L'article 16a de la Loi de l'impôt sur les corporations
(Statuts refondus, 1964, chapitre 67), édicté par l'article I du
chapitre 28 des lois de 1968, est modifié:
a) en remplaçant le sous-paragraphe c du paragraphe 1 par
les suivants:
«c) «investissement»: la somme des montants d'argent qui
ont été investis par une compagnie dans une entreprise de
fabrication ou de transformation, au cours d'une de ses
années financières, pour la construction ou l'agrandisse-
ment d'usines ou de manufactures ou l'achat de machine-
rie, d'outillage ou d'équipement neufs destinés à l'exploi-
tation d'usines ou de manufactures, dans la mesure
admise par les règlements mais uniquement à l'égard de la
partie de cette somme qui excède $50,000 si ces montants
ont été investis au cours de la période commençant le ler
avril 1968 et se terminant le 31 mars 1971 et, si ces
montants ont été investis au cours de la période commen-
çant le lei avril 1971 et se terminant le 31 mars 1974, à
l'égard de la totalité de la somme ainsi investie, jusqu'à
concurrence de $10,000,000, pourvu toutefois que la
somme ainsi investie soit d'au moins $150,000;»
b) en insérant, après le paragraphe 2, les suivants:
2a. Toute compagnie qui est engagée, dans le Québec,
dans l'exploitation d'une entreprise de fabrication ou de
transformation et qui fait un investissement visé au paragra-
phe a de l'article 2 de la Loi de l'aide au développement
industriel du Québec (1971, chapitre 64) peut, si un certifi-
cat a été délivré à l'égard de cet investissement par le
ministre de l'industrie et du commerce conformément au
paragraphe 2 b, déduire dans le calcul de son revenu net:
a) un montant égal à trente pour cent de cet investisse-
ment s'il a été fait dans la zone I au cours de la période
commençant le le> avril 1971 et se terminant le 31 mars
1974,
b) un montant égal à cinquante pour cent de cet investis-
sement s'il a été fait dans la zone II au cours de la période
visée au paragraphe a, ou
c) un montant égal à cent pour cent de cet investissement
s'il a été fait dans la zone III au cours de la période visée
au paragraphe a.
«2b. Une compagnie peut se prévaloir des avantages
prévus au paragraphe 2a pourvu qu'un certificat ait été
délivré en sa faveur par le ministre de l'industrie et du
commerce, à l'effet que l'investissement à l'égard duquel
elle réclame ces avantages est sujet à l'application du para-
graphe a de l'article 2 de la Loi de l'aide au développement
industriel du Québec; ce certificat doit mentionner si la
compagnie fait les investissements qui lui donnent droit de
se prévaloir des avantages prévus au paragraphe 2a dans la
zone I, dans la zone II ou dans la zone III.
d) en insérant, dans la deuxième ligne du paragraphe 6,
après les mots «en vertu, ce qui suit: «de la Loi sur les
subventions au développement régional (Statuts du
Canada, 1968/1969, chapitre 56) ou».
Il faut remarquer que, dans la loi modifica-
trice, l'énumération passe directement de 1 a) à
1d). Il n'y a pas d'alinéa 1 c), apparemment omis.
Les parties ne contestent aucunement le fait
que pendant les années d'imposition 1968 à
1971, la demanderesse remplissait toutes les
conditions requises aux termes de l'article
16 a(1)a),b) et c) pour être admise à déduire lors
du calcul de son revenu net aux fins de la loi
provinciale, les sommes dépensées pour des
investissements tels que définis à l'article
16a(1)c), pour ses années d'imposition 1968,
1969 et 1970 et, pour son année d'imposition
1971, en vertu de l'article 16 a(1)c) modifié par
l'article 1 a) du chapitre 23, Statuts du Québec
de 1971.
En calculant son revenu net aux fins de l'im-
pôt en vertu de la loi provinciale, la demande-
resse a bénéficié des dispositions de l'article
16a(2) pour ses années d'imposition 1968, 1969
et 1970 et des dispositions de l'article 16a(2a)
lors du calcul de son revenu net pour son année
d'imposition 1971, l'année faisant l'objet du pré-
sent examen.
Ainsi, ces déductions ont entraîné une réduc-
tion du revenu net de la demanderesse calculé
aux fins de la Loi de l'impôt sur les corporations
' du Québec, comme le montre le paragraphe 4 de
l'exposé conjoint des faits.
Ceci entraîna une réduction nette de l'impôt
de la demanderesse en vertu de la loi provin-
ciale de $91,166 (le détail du calcul de ce mon-
tant est donné au paragraphe 5 de l'exposé
conjoint des faits).
Les parties ne contestent aucunement l'exac-
titude de ce montant.
En vertu de l'article 11(1)a) de la Loi de
l'impôt sur le revenu, un contribuable, lors du
calcul de son revenu pour une année d'imposi-
t
tion, peut déduire le montant du coût en capital
de ses biens, qui est alloué par règlement.
Le Règlement 1100(1)a)(viii) autorise un con-
tribuable à déduire, lors du calcul de son revenu
pour chaque année d'imposition, 20% du coût
en capital de ses biens de la catégorie 8.
A l'Annexe B, les biens de la catégorie 8 sont
définis comme les biens constitués par des
immobilisations matérielles non comprises dans
une autre catégorie de l'Annexe.
La demanderesse a réclamé la totalité de l'al-
location prévue au Règlement 1100(1)a)(viii) et
à l'Annexe B.
En établissant les cotisations de la demande-
resse comme il le fit, le ministre du Revenu
national s'est fondé sur l'hypothèse que les
déductions effectuées par la demanderesse lors
du calcul de son revenu net, en vertu de la Loi
de l'impôt sur les corporations du Québec, et
l'économie d'impôt qui en a résulté, soit
$91,166, se rapportaient à l'acquisition de biens
et qu'aux termes de l'article 20(6)h) de la Loi de
l'impôt sur le revenu, le coût en capital desdits
biens pour le contribuable était censé être le
coût en capital ces biens moins le montant de
l'octroi, de la subvention ou autre aide versée à
la demanderesse par le gouvernement du
Québec selon la Loi de l'impôt sur les corpora
tions du Québec.
Le coût en capital non déprécié des biens, tel
que calculé par le Ministre, était donc inférieur
de $18,233 au montant réclamé; il a établi la
cotisation de la demanderesse en conséquence.
On a obtenu le chiffre de $18,233 dont on a
réduit le coût en capital non déprécié en effec-
tuant l'opération mathématique simple consis-
tant à prendre les 20% de $91,166, l'économie
d'impôt réalisée, en vertu de la Loi sur les
corporations du Québec.
Là encore, les parties ne contestent aucune-
ment l'exactitude de ce chiffre.
Le litige entre les parties, question fondamen-
tale dans cet appel, porte sur le point de savoir
si la réduction d'impôt résultant de la déduction
apportée au revenu net, dont a bénéficié la
demanderesse en vertu de l'article 16a de la Loi
de l'impôt sur les corporations du Québec, cons-
titue «un octroi, une subvention ou une autre
aide» au sens de ces mots à l'article 20(6)h) de
la Loi de l'impôt sur le revenu. L'article 20(6)h)
se lit comme suit:
20. (6) Pour l'exécution du présent article et des règle-
ments établis selon l'alinéa a) du paragraphe (1) de l'article
11, les règles suivantes s'appliquent:
h) lorsqu'un contribuable a reçu ou a droit de recevoir
d'un gouvernement, d'une municipalité ou d'une autre
autorité publique, à l'égard ou en vue de l'acquisition de
biens, un octroi, une subvention ou une autre aide autre
qu'un montant dont le paiement est autorisé en vertu
d'une Loi de subsides et selon les modalités et les
conditions, approuvées par le conseil du Trésor aux fins
de faire progresser les possibilités techniques de l'indus-
trie manufacturière ou autre du Canada, le coût en
capital desdits biens est censé être le montant que ces
biens ont coûté en capital au contribuable moins le
montant de l'octroi, de la subvention ou autre aide;
Il est tout à fait évident que la législature de la
province de Québec, en adoptant l'article 16a de
la Loi de l'impôt sur les corporations en 1967-
1968 et en modifiant par la suite cet article,
cherchait à inciter des entreprises de fabrication
ou de transformation de produits de conception
nouvelle, de produits non encore fabriqués dans
la province, ou sinon fabriqués en quantité
insuffisante dans la province pour approvision-
ner les marchés internes et internationaux, à
s'installer au Québec. Pour ce faire, on leur
consent des avantages. Le taux uniforme d'im-
position en vertu de la Loi de l'impôt sur les
corporations est 12% du revenu net annuel
d'une compagnie. L'avantage consenti consiste
à les autoriser à déduire de leur revenu net les
dépenses de construction des usines ou d'acqui-
sition de machinerie et équipement. Le taux
uniforme d'imposition de 12% est toujours
applicable au revenu net, mais il s'applique en
fait à un revenu net réduit. Il en résulte en fait
une imposition inférieure à l'imposition autre-
ment applicable ou, en d'autres termes, une
réduction d'impôt. On peut qualifier cette légis-
lation de stimulant.
Par ailleurs, l'article 20(6)h) de la Loi de
l'impôt sur le revenu a une tendance contraire.
Cet article admet qu'un contribuable puisse
recevoir d'un gouvernement, d'une municipalité
ou d'un autre pouvoir public, un «octroi, une
subvention ou une autre aide» à l'égard ou en
vue de l'acquisition de biens; dans ce cas, le
coût en capital des biens sera censé être le
montant de leur coût en capital pour le contri-
buable moins le montant de «l'octroi, de la
subvention ou autre aide». Il en résulte une
diminution de la déduction au titre de l'alloca-
tion du coût en capital et donc une augmenta
tion de l'impôt sur le revenu.
En l'espèce, la décision dépend de l'interpré-
tation de l'article 20(6)h) de la Loi de l'impôt sur
le revenu et plus précisément de la question de
savoir si le dégrèvement fiscal dont a bénéficié
la demanderesse en vertu de la Loi de l'impôt
sur les corporations du Québec constitue «un
octroi, une subvention ou autre aide» au sens de
ces termes à l'article 20(6)h).
Il faut interpréter une loi, ou un article de loi,
selon ce qui semble avoir été l'intention du
législateur, mais, pour ce faire, il faut se fonder
sur la rédaction même du texte et non sur des
extrapolations faites sur l'objet de la loi.
Il faut évidemment donner aux mots
employés dans le texte législatif leur sens ordi—
naire et usuel, mais ce sens courant peut avoir
un sens particulier découlant du contexte.
Dans le présent appel, les avocats des parties
admettent que les mots «autre aide» à l'article
20(6)h) sont des termes généraux et, en soi,
suffisamment larges, si on les interprète selon
leur sens usuel, pour inclure le dégrèvement
fiscal dont a bénéficié la demanderesse en vertu
de la Loi de l'impôt sur les corporations du
Québec.
Il s'agit cependant de déterminer s'il faut
interpréter les termes généraux, «autre aide», en
restreignant le sens aux choses du même genre
(ejusdem generis) que celles énumérées avant,
savoir «octroi» et «subvention».
Si les deux termes spécifiques, «octroi» et
«subvention», (dans la mesure où l'on considère
le mot «octroi» comme un terme spécifique)
recouvrent tout ce qui appartient au genre, les
termes généraux «autre aide» se rapportent à un
genre plus large.
A mon avis, ces deux mots ne sont pas
exhaustifs du genre, vu la pléthore de synony-
mes qui me viennent à l'esprit dont: aide pécu-
niaire, allocation, prime, gratification, don, aide
financière.
Le sens étymologique d'un mot ne correspond
pas nécessairement au sens découlant du con-
texte et on peut s'en rapporter aux dictionnaires
pour déterminer son sens dans le langage
'courant.
C'est à cette fin que les avocats m'ont men-
tionné des dictionnaires généraux, étant bien
entendu qu'à l'article 20(6)h), les mots «octroi»
et «subvention» sont utilisés dans leur sens cou-
rant et non dans leur sens technique.
Le Shorter Oxford English Dictionary (3e éd.)
définit «octroi» de la manière suivante: [TRA-
DUCTION] «3. Don accordé ou droit conféré par
les autorités, etc.; c. don ou remise d'une
somme d'argent etc. provenant d'un fonds
public». En outre ce terme signifie, sur le plan
juridique, transfert par acte authentique.
Dans le Dictionary of English Law, de Jowitt,
«octroi» est défini comme [TRADUCTION] «le
terme ordinaire appliqué aux droits créés ou
cédés par la Couronne, notamment, les octrois
de pension, brevets, chartes, franchises. On
l'utilise également pour désigner les fonds
publics attribués à des fins particulières».
Dans le Funk and Wagnall's Dictionary, le
terme «subvention» est défini comme [TRADUC-
TION] «1. Aide pécuniaire accordée directement
par le gouvernement à un particulier ou à une
entreprise commerciale privée à des fins répu-
tées profitables pour le public».
Le terme «subvention» est défini dans le
Shorter Oxford English Dictionary (3e éd.)
comme [TRADUCTION]: «3. octroi ou apport
de fonds. c. aide financière accordée par un état
ou une entreprise publique dans le but d'entre-
prendre ou d'entretenir une chose».
Les avocats de Sa Majesté la Reine préten-
dent que le terme «octroi» a en lui-même un
sens très large et peut donc être qualifié de
terme générique. Sur la base de ce principe, ils
avancent qu'un seul parmi les termes «octroi,
subvention ou autre aide» est spécifique, à
savoir «subvention», et ils s'appuient sur l'arrêt
United Towns Electric Co. Ltd. c. Le procureur
général de Terre-Neuve' où lord Thankerton
décida que le principe ejusdem generis ne s'ap-
[1939] 1 All E.R. 423.
pliquait pas, car [TRADUCTION] «une seule espè-
ce—par exemple, les tarifs de l'eau—ne consti-
tue pas un genre».
Je n'accepte pas le postulat sur lequel les
avocats de Sa Majesté la Reine fondent leur
théorie. A mon avis, le terme «octroi» tel qu'il
est utilisé à l'article 20(6)h) n'est pas un terme
générique, mais, vu les définitions des diction-
naires, un terme spécifique.
Si l'on se reporte à nouveau aux définitions
des mots «octroi» et «subvention» dans les dic-
tionnaires, on y remarque un point commun, le
fait qu'il s'agisse d'un don ou d'une remise
d'argent provenant de fonds publics et alloué
par le gouvernement ou les autorités publiques à
un particulier ou à une entreprise privée à des
fins réputées profitables au public. Quelques
subtilités mises à part, il semble donc que, selon
les définitions des dictionnaires, les termes
«octroi» et «subvention» soient presque
synonymes.
A mon avis, on doit appliquer les règles ou
principes d'interprétation établis par les tribu-
naux lorsqu'ils sont pertinents et, en affirmant
cela, je ne méconnais pas le fait que de telles
règles, et en particulier le principe ejusdem gene-
ris, sont de bons serviteurs mais de mauvais
maîtres.
La doctrine ejusdem generis est aussi
ancienne que le baconisme. Selon cette règle,
que je répète, des termes génériques faisant
suite à une énumération de termes spécifiques
n'introduisent pas un sens incompatible avec le
genre des premiers.
A mon avis, la règle classique voulant que,
lorsqu'ils font suite à des termes spécifiques
appartenant tous à un seul genre, les termes
génériques sont réputés se limiter au même
genre que les termes spécifiques, s'applique aux
mots «octroi, subvention ou autre aide» de l'ar-
ticle 20(6)h) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Dans cet article, les termes spécifiques «octroi»
et «subvention» précèdent immédiatement l'ex-
pression «ou autre aide».
Il est manifeste que l'expression générique
«ou autre aide» ne peut être que subordonnée
aux termes «octroi» et «subvention». A mon
avis, il est logique que des termes subordonnés
à d'autres, ne soient pas interprétés de manière
à supprimer toute signification aux termes spé-
cifiques qui les précèdent.
Comme je l'ai déjà déclaré, le trait constant et
dominant des termes «octroi» et «subvention»
est qu'ils évoquent une aide pécuniaire prove-
nant de fonds publics, accordée à une personne
par un gouvernement dans l'intérêt du public. Il
faut qu'un tel don soit concret et tangible. Pour
les raisons que je viens d'exposer, il faut inter-
préter l'expression «ou autre aide» à la lumière
des autres mots.
En l'espèce, le gouvernement du Québec,
pour des raisons d'intérêt public, a estimé utile
de permettre à certaines compagnies remplis-
sant certaines conditions (comme par exemple
la demanderesse) de verser un impôt inférieur à
l'impôt normalement exigible en vertu de la Loi
de l'impôt sur les corporations. Le fait de dis
penser certaines entreprises du paiement de
l'impôt maximum, à titre de stimulant, est diffé-
rent de l'acte consistant à leur permettre d'obte-
nir un octroi ou une subvention pour les encou-
rager à s'implanter dans la province de Québec;
je conclus donc que l'avantage fiscal accordé à
la demanderesse par le gouvernement du
Québec ne constitue pas une «autre aide» au
sens restreint de cette expression à l'article
20(6)h) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
L'expression «un octroi, une subvention ou
une autre aide» est immédiatement suivie, à
l'article 20(6)h), d'une exception qui leur est
directement applicable, excluant expressément
«un montant dont le paiement est autorisé ...»;
cette exception vaut d'être mentionnée, à titre
de confirmation, bien qu'elle ne soit pas pro-
bante, qu'elle n'ait fait l'objet d'aucun commen-
taire de la part des avocats et qu'elle ne consti-
tue pas le fondement de ma conclusion. Cette
expression constitue une exception à la déduc-
tion d'un octroi, d'une subvention ou autre aide,
et puisqu'elle prévoit le paiement d'une somme
d'argent, elle permet de confirmer et d'ajouter
foi à l'interprétation selon laquelle les mots
«octroi», «subvention», et «autre aide» visent
un acte positif, le paiement d'une somme d'ar-
gent, plutôt qu'un acte négatif consistant à ne
pas assujettir la compagnie à l'impôt maximum
autrement exigible.
Si l'intention du Parlement avait été autre, il
lui aurait été assez facile d'affirmer très claire-
ment cette intention en utilisant des termes
appropriés, supprimant ainsi toute ambiguïté.
Pour tous ces motifs, l'appel est accueilli et la
demanderesse a droit à ses dépens taxés.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.