A-61-73
Cam Gard Supply Limited (Appelante)
c.
Le ministre du Revenu national (Intime)
Cour d'appel, les juges Thurlow et Ryan, le juge
suppléant Bastin —Winnipeg, les 24 juin et 3
juillet 1974.
Impôt sur le revenu—Plan de retraite—Contribution versée
par la compagnie—Il n'y avait aucune «obligation du fonds
ou du plan envers les employés»—Rejet de la déduction de la
contribution—Loi de l'impôt sur le revenu, art. 76.
La compagnie appelante versa, le 15 avril 1965, la somme
de $309,414 aux fiduciaires d'un régime de retraite établi le
1°" avril 1965, pour ses administrateurs. Le Ministre dans les
nouvelles cotisations établies pour les années 1964 à 1967
rejeta la déduction de ce montant. Un appel de cette déci-
sion interjeté devant la Division de première instance fut
rejeté.
Arrêt (les juges Thurlow et Ryan): il y a lieu de confirmer
la décision de la Division de première instance, qui a suivi le
raisonnement de la Cour suprême du Canada dans l'affaire
M.N.R. c. Inland Industries Limited [1974] R.C.S. 514. La
Division de première instance décida 1. que la compagnie
n'avait aucunement l'obligation de faire ces paiements au
fonds et qu'en conséquence, il n'existait, pendant toute la
période en cause, aucune «obligation du fonds ou du plan
envers les employés» y participant, au sens de l'article 76(1)
de la Loi de l'impôt sur le revenu; 2. que la période en cause,
aux termes de l'article 76(1) était la période immédiatement
antérieure au paiement effectué par la compagnie.
Le juge Bastin (dissident): le terme «obligation» se rap-
porte au barême spécifique des prestations prévues au plan
de pension. Aux termes du plan considéré dans l'affaire
M.R.N. c. Inland Industries (précitée), le fiduciaire n'était
pas tenu de verser des prestations déterminées, alors que
dans l'affaire présente cette exigence était remplie. S'étant
conformé en tous points à l'article 76, l'appelante avait droit
à cette déduction.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
G. R. Hunter, c.r., et A. J. Irving pour
l'appelante.
J. A. Scollin, c.r., et C. H. Fryers pour
l'intimé.
PROCUREURS:
Pitblado & Hoskin, Winnipeg, pour
l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés par
LE JUGE THURLOW: Il s'agit d'un appel d'un
jugement de la Division de première instance
qui rejeta l'appel interjeté par l'appelante de ses
nouvelles cotisations à l'impôt sur le revenu
établies pour les années 1964, 1965, 1966 et
1967. La question en litige pour chacune de ces
quatre années consiste à déterminer si l'appe-
lante était autorisée à déduire la somme de
$309,414.00 versée le 15 avril 1965 aux fidu-
ciaires d'un régime de retraite établi le l er avril
1965 pour les administrateurs de la compagnie
appelante. Ce paiement particulier constitue une
contribution pour fournir aux administrateurs
des pensions pour services antérieurs rendus à
la compagnie appelante.
Au sujet des plans de pension, l'article 76 de
la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit que:
76. (1) Lorsqu'un contribuable est un employeur et qu'il a
effectué un paiement spécial dans une année d'imposition au
titre d'un fonds ou plan de pension ou de retraite d'employés
à l'égard de services antérieurs rendus par des employés, en
conformité de la recommandation d'un actuaire compétent
d'après qui les ressources du fonds ou plan devraient être
augmentées d'un montant non inférieur à celui du paiement
spécial afin d'assurer que toutes les obligations du fonds ou
plan envers les employés puissent être pleinement acquit-
tées, et a effectué le paiement de manière qu'il soit irrévoca-
blement dévolu au fonds ou plan ou pour le fonds ou plan, et
que le paiement a été approuvé par le Ministre, sur l'avis du
surintendant des assurances, on peut déduire, dans le calcul
du revenu du contribuable pour l'année d'imposition, le
montant du paiement spécial.
(2) Pour plus de certitude et sans restreindre la généralité
du paragraphe (1), il est par les présentes déclaré que le
paragraphe (1) s'applique dans les cas où il est nécessaire
d'augmenter les ressources d'un fonds ou plan en raison de
l'accroissement des prestations de pension de retraite ou de
pension payables sur le fonds ou plan, ou en , vertu de ce
fonds ou plan.
L'appel interjeté devant la Division de pre-
mière instance fut entendu à partir d'un exposé
conjoint des faits et des questions en litige.
L'exposé est cité en totalité dans les motifs du
jugement du savant juge de première instance et
il n'est pas nécessaire de le citer à nouveau. Il
suffit, aux fins du présent appel, de rappeler que
les parties avaient admis que les conditions pré-
vues au paragraphe 76(1) relativement à la
déductibilité de la somme de $309,414.00
étaient remplies, excepté la question de savoir
s'il existait aux époques en cause des «obliga-
tions du fonds ou régime envers les employés»
qui exigeaient l'augmentation du fonds.
A ce sujet le plan prévoyait que:
[TRADUCTION] ARTICLE IX-CONTRIBUTIONS
a) Contributions exigées des membres
Les participants à ce régime n'y font pas de contributions,
ni ne sont autorisés à en faire, ledit régime ne prévoyant pas
la contribution des participants.
b) Contributions de la compagnie
Pour chaque participant, la compagnie verse le montant
maximum autorisé par la Loi canadienne de l'impôt sur le
revenu, soit $1,500 par année par participant, selon les
modalités indiquées ci-après. La compagnie se propose, sous
réserve de la disponibilité de fonds à cette fin, de verser,
conformément à l'attestation d'un actuaire, les sommes
nécessaires au versement des pensions pour services anté-
rieurs visées par l'article Xa).
ARTICLE X-MONTANT DE LA PENSION
a) Services antérieurs
La compagnie se propose d'établir, sous réserve de la
disponibilité de fonds à cette fin, une pension pour services
antérieurs au bénéfice de chacun des administrateurs dési-
gnés participant au régime à la date de sa mise en vigueur,
notamment du président et du secrétaire. La pension pour
services antérieurs correspondra dans chaque cas aux états
de service du participant au sein de la compagnie jusqu'à la
date de mise en vigueur; à compter de l'âge normal de la
retraite, chaque pensionné touchera la somme suivante pour
chacune de ses années complètes de services:
Pour le président—$180 .90 par mois
le secrétaire—$285 .85 par mois.
Lors du calcul du nombre d'années aux fins du présent
article, toute fraction d'année sera considérée comme une
année complète. Dans le calcul du nombre d'années de
services antérieurs créditées qui doit être autorisé et inclus
dans le calcul des prestations pour les services antérieurs, la
décision du conseil d'administration de la compagnie sera
définitive et obligatoire pour toutes les parties, mais en
aucun cas ce nombre d'années ne doit excéder le nombre
réel d'années que l'employé a passé jusqu'à cette époque au
service de la compagnie ou de ses prédécesseurs.
Pour le calcul ou la détermination du montant des presta-
tions de retraite pour services antérieurs pouvant être ainsi
payées, toutes prestations de retraite reçues par l'employé
en contrepartie de contributions à tout fonds général de la
compagnie faites avant sa participation au présent régime,
sont comprises et sont censées faire partie des prestations
de retraite pour services antérieurs telles que décrites ici.
Le savant juge de première instance décida
qu'aux termes de ces dispositions, l'appelante
n'avait aucunement l'obligation d'effectuer des
Les avocats ont admis que le mot «compagnie» résulte
d'une erreur et que cette stipulation doit se lire de la manière
suivante: «les fiduciaires se proposent ...».
paiements et qu'en conséquence, le fonds ou
plan n'avait aucune obligation envers les
employés y participant. Selon lui, il n'existait
avant le paiement aucune obligation au sens du
paragraphe 76(1) et il n'était plus du tout néces-
saire, après le paiement, d'augmenter les res-
sources du fonds. Il conclut donc que l'appe-
lante n'était pas autorisée à déduire la somme de
$309,414.00 qu'elle avait versée.
Je souscris à l'opinion du savant juge de pre-
mière instance selon laquelle le raisonnement de
la Cour suprême du Canada dans l'affaire
M.R.N. c. Inland Industries Limited 2 s'applique
en l'espèce ainsi qu'à sa conclusion; je souscris
en outre à l'essentiel des motifs de cette conclu
sion. A mon avis, le moment important, du
moins en ce qui concerne l'application de l'arti-
cle 76(1), se situait immédiatement avant le
paiement. A cette époque, l'appelante n'avait
aucune obligation envers le fonds ou plan et ni
le fonds ou plan, ni ses fiduciaires n'avaient
d'obligations envers les participants au plan. Un
prérequis essentiel à l'application de l'article
76(1) fait donc défaut puisque le paiement ne
peut être considéré comme ayant été fait «afin
d'assurer que les obligations du fonds ou plan
envers les employés puissent être pleinement
acquittées» au sens de l'article 76(1), car il
n'existait en fait aucune obligation de ce genre.
Voir l'arrêt M.R.N. c. Inland Industries Limited
[précité]. Le fait que des obligations du fonds et
des fiduciaires envers les employés aient pu
naître dès le paiement n'est pas pertinent à mon
avis.
On prétendit au nom de l'appelante que l'af-
faire présente était différente de l'affaire Inland
Industries, en ce que, même si l'énoncé de l'arti-
cle IXb) du plan était inepte et n'imposait à la
compagnie appelante aucune obligation exécu-
toire de verser certains montants au fonds ou
plan, ces imperfections de langage avaient été
corrigées par le fait que, sur la recommandation
de l'actuaire, elle avait vraiment versé ce mon-
tant aux fiduciaires avant de demander au
Ministre l'enregistrement du plan et l'approba-
tion du paiement, aux termes de l'article 76(1).
2 [1974] R.C.S. 514.
A ce sujet, on prétendit que si l'appelante, une
heure avant d'effectuer le paiement avait exercé
son droit conféré par l'article IX du contrat de
fiducie et avait modifié le plan en changeant
l'énoncé des articles IX et X de manière à impo-
ser à l'appelante l'obligation exécutoire de faire
ledit paiement et à imposer aux fiduciaires
l'obligation d'acheter une pension pour services
antérieurs, le paiement fait par la suite aurait
alors pu être déduit. En supposant que l'article
IX du contrat de fiducie autorisait une telle
modification du plan et que cette modification
aurait entraîné la possibilité de déduire le paie-
ment, il est malheureux pour l'appelante qu'elle
n'ait pas ainsi procédé; je ne vois pas cependant
en vertu de quel principe cette cour pourrait
changer les faits réels en ce qu'ils auraient pu
être et il me semble que la décision en cette
affaire ne peut s'appuyer sur autre chose que
l'énoncé même des documents tels qu'ils exis-
taient à l'époque en cause. On ne peut non plus,
à mon avis, considérer que le fait d'effectuer le
paiement permettait à l'appelante de contourner
l'exigence statutaire selon laquelle l'existence
d'une obligation du fonds envers les employés
est une condition de la déductibilité du paie-
ment, ou que ce fait suffise à considérer que
cette condition est remplie. A mon sens, la
disposition législative doit se limiter à ce qui
peut raisonnablement relever du sens des
termes utilisés et il n'y a pas lieu d'étendre son
application, en raison d'une intention supposée,
à des situations qui ne correspondent pas à cet
énoncé.
L'appelante prétendit aussi que l'approbation
du Ministre, une fois qu'elle avait été donnée,
ne pouvait être retirée; à mon avis, cette ques
tion aussi est tranchée par le jugement Inland
Industries et ce point de vue ne peut être sou-
tenu. Lorsque n'est pas remplie une exigence
statutaire visant une déduction, celle-ci doit
alors être rejetée, même si l'approbation du
paiement, qui constitue aussi une condition
essentielle de la déductibilité, a été donnée.
A mon avis donc, l'appel doit être rejeté avec
dépens.
LE JUGE RYAN: J'y souscris.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcé par
LE JUGE SUPPLÉANT BASTIN (dissident): Il
s'agit ici d'un appel d'un jugement de la Division
de première instance, prononcé le 22 février
1973, rejetant un appel interjeté par l'appelante
de ses cotisations établies en vertu de la Partie I
de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les
années d'imposition 1964 à 1967. Voici la chro-
nologie des événements qui ont mené à cet
appel:
1. L'appelante a établi ce que l'on appelle com-
munément un régime de pension pour adminis-
trateurs. Il s'agit d'un plan de pension dont les
bénéficiaires sont les actionnaires et employés
principaux de la compagnie appelante. Relative-
ment à ce plan:
i. le 1 e1 avril 1965, l'appelante a voté et
adopté le règlement n° 13 de la compagnie,
autorisant l'établissement du plan de pension;
ii. le l ei avril 1965, elle conclut un contrat de
fiducie relativement à ce plan, avec des fidu-
ciaires devant en détenir et administrer les
fonds.
2. Le plan de pension était adjoint à la fiducie
et en faisait partie.
3. Le plan de pension prévoyait deux sortes de
prestations de retraite:
i. une pension pour services antérieurs basée
sur les états de service du participant jusqu'à
la date de mise en vigueur, soit le ler avril
1965;
ii. une pension pour services futurs.
4. Pour fournir les fonds devant servir aux
prestations de retraite, l'appelante devait verser:
i. $1,500.00 l'an par participant au titre des
pensions pour services futurs;
ii. un montant déterminé par un actuaire au
titre des pensions pour services antérieurs.
5. L'appelante retint les services d'un actuaire
qui évalua à $309,414.00 le montant dû le 1er
avril 1965 pour services antérieurs, selon le plan
de pension.
6. Le 15 avril 1965, l'appelante versa aux fidu-
ciaires du plan de pension ladite somme de
$309,414.00 au titre des services antérieurs.
7. Le 15 avril 1965, l'appelante transmit à l'in-
timé une demande d'enregistrement du plan de
pension, selon la formule T510, ainsi que d'au-
tres documents.
8. L'intimé:
i. le 31 mai 1965, accepta le plan de pension
en fiducie, aux fins d'enregistrement en vertu
de la Loi de l'impôt sur le revenu;
ii. le 28 juillet 1965, informa l'appelante que
les calculs de l'actuaire avaient été confirmés
et que les «paiements spéciaux pour services
antérieurs versés au plan» pouvaient faire
l'objet d'une déduction en vertu de la Loi de
l'impôt sur le revenu.
9. L'appelante déduisit effectivement le mon-
tant susmentionné de $309,414.00 lors du calcul
de son revenu pour son année d'imposition 1965
et, par la suite, l'intimé établit de nouvelles
cotisations en 1969, refusant la déduction ainsi
réclamée.
Les questions en litige dans cet appel sont les
suivantes:
1. En supposant, comme les parties l'on
reconnu, que les autres conditions posées par
l'article 76(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu
sont remplies, le versement de $309,414.00
relève-t-il de l'article 76(1) dans la mesure où
cette somme correspond aux obligations du
fonds ou plan envers les employés?
2. L'intimé avait-il épuisé sa compétence, de
sorte qu'on pouvait opposer une fin de non-
recevoir à la nouvelle cotisation en question?
L'avocat de l'appelante n'a pas abandonné la
seconde question mais ne l'a pas fait valoir.
Compte tenu de ma décision sur la première
question en litige, il ne sera pas nécessaire de
l'examiner.
Le savant juge de première instance dans ses
motifs du jugement s'appuya sur la décision de
la Cour suprême du Canada dans l'affaire
M.R.N. c. Inland Industries Limited [1974]
R.C.S. 514. A mon avis, il convient d'établir une
distinction claire entre l'affaire présente et le
jugement rendu dans l'affaire Inland Industries.
En outre, le savant juge de première instance a
donné au terme «obligations», à l'article 76, une
interprétation différente de celle que la Cour
suprême du Canada lui a attribué dans l'arrêt
Inland Industries.
L'article 76 se lit comme suit:
76. (1) Lorsqu'un contribuable est un employeur et qu'il a
effectué un paiement spécial dans une année d'imposition au
titre d'un fonds ou plan de pension ou de retraite d'employés
à l'égard de services antérieurs rendus par des employés, en
conformité de la recommandation d'un actuaire compétent
d'après qui les ressources du fonds ou plan devraient être
augmentées d'un montant non inférieur à celui du paiement
spécial afin d'assurer que toutes les obligations du fonds ou
plan envers les employés puissent être pleinement acquit-
tées, et a effectué le paiement de manière qu'il soit irrévoca-
blement dévolu au fonds ou plan ou pour le fonds ou plan, et
que le paiement a été approuvé par le Ministre, sur l'avis du
surintendant des assurances, on peut déduire, dans le calcul
du revenu du contribuable pour l'année d'imposition, le
montant du paiement spécial.
(2) Pour plus de certitude et sans restreindre la généralité
du paragraphe (1), il est par les présentes déclaré que le
paragraphe (1) s'applique dans les cas où il est nécessaire
d'augmenter les ressources d'un fonds ou plan en raison de
l'accroissement des prestations de pension de retraite ou de
pension payables sur le fonds ou plan, ou en vertu de ce
fonds ou plan.
Je commenterais cet article de la manière
suivante:
Un employeur contribuable peut déduire de
son revenu, lors du calcul de l'impôt sur le
revenu, le montant d'un paiement spécial versé
pendant l'année aux fiduciaires d'un fonds de
pension d'employés pour services antérieurs si:
1. Le paiement spécial, de l'avis d'un actuaire
compétent, est nécessaire pour fournir les res-
sources qui permettront au fonds d'acquitter ses
obligations envers les employés, savoir, le mon-
tant exigé pour permettre aux fiduciaires du
fonds de payer les pensions en conformité du
barème spécifique des prestations prévues par
le plan en question.
2. La compagnie a versé le paiement spécial au
fonds de manière qu'il soit irrévocablement
dévolu au fonds en fiducie.
3. Le paiement spécial a été approuvé par le
ministre du Revenu national sur l'avis du surin-
tendant des assurances.
A mon avis, le terme «obligations» à l'article
76 se rapporte au barème spécifique des presta-
tions prévu dans le plan de pension. Tel est le
sens donné à ce terme par le juge Pigeon dans
l'arrêt Inland Industries, comme l'indique l'ex-
trait suivant de son jugement à la page 523:
De plus, le par. 2 de l'art. 76 indique clairement que «les
obligations du fonds ou plan envers les employés» signifie
les «prestations de pension de retraite ou de pension paya-
bles». Il est évident que la situation à laquelle on a voulu
faire face au moyen des paiements spéciaux est celle qui se
présente quand un plan de pension contient un barème des
prestations à verser.
Le savant juge de première instance conclut que
le mot «obligations» signifiait, du point de vue
juridique, des engagements déjà exécutoires et
ce sens ne correspond pas, à mon avis, à l'inten-
tion du Parlement.
Il est inutile d'exposer ici tous les faits relatifs
au plan de pension dans l'affaire Inland Indus
tries. Il semble probable que l'importance de
nombreux de ces faits incita le ministre du
Revenu national à conclure qu'il ne s'agissait
pas d'un plan de pension d'employés authenti-
que et que c'est sur ce motif qu'il a refusé la
déduction, aux fins de l'impôt sur le revenu, du
montant versé au fonds par la compagnie. Le
juge Pigeon conclut cependant qu'il n'était ni
nécessaire ni souhaitable d'exprimer une opi
nion sur un point autre que la question juridique
dont il aborda alors la discussion. Voici un
extrait des motifs du jugement, aux pages
521-524:
... la déduction demandée ne peut être accordée parce qu'il
n'y a pas d'«obligations» du fonds ou du plan envers M.
Lloyd Parker exigeant un paiement spécial afin qu'elles
puissent être pleinement acquittées, comme le veut expres-
sément l'art. 76 de la Loi de l'impôt sur le revenu:
Le fait qu'il n'y a pas d'«obligations» du fonds de pension
envers M. Parker exigeant des paiements spéciaux ressort
clairement des termes du plan. Les seules obligations envers
un participant sont d'utiliser de la façon prescrite les fonds
qui deviennent disponibles. De fait, on n'a pas prétendu à
l'audition qu'avait été créée, à la charge du fonds ou de la
compagnie, une obligation d'assurer à M. Parker les presta-
tions que devaient couvrir les paiements spéciaux.
On a soutenu que le mot «obligation» devait s'entendre
comme l'entendait l'actuaire faisant une recommandation. D
faut d'abord observer que dans sa note, le département des
assurances ne dit pas, comme il est énoncé dans le certificat
de l'actuaire, que le fonds doit être augmenté [TRADUCTION]
«afin que toutes les obligations du fonds à l'égard de servi
ces antérieurs puissent être pleinement acquittées» mais
[TRADUCTION] «que le fonds devrait être augmenté d'un
montant au moins égal à celui ci-dessus mentionné afin que
le maximum des prestations possibles en vertu du plan
puisse être versé». Cette phrase suit celle où l'on dit que
[TRADUCTION] «le plan ne prévoit pas un montant de pension
précis, mais se borne à fixer le maximum de la pension
totale». La différence entre les termes de cette note et ceux
du certificat de l'actuaire est assez importante et il est pour
le moins surprenant que, malgré cet avis, le ministère ait
approuvé les paiements, au nom du ministre. Toutefois, il
me paraît clair qu'une approbation donnée sans que les
conditions prescrites par la loi ne soient remplies ne lie pas
le ministre.
De plus, le par. 2 de l'art. 76 indique clairement que «les
obligations du fonds ou plan envers les employés» signifie
les «prestations de pension de retraite ou de pension paya-
bles». Il est évident que la situation à laquelle on a voulu
faire face au moyen des paiements spéciaux est celle qui se
présente quand un plan de pension contient un barème des
prestations à verser.
On ne peut pas dire qu'en déclarant au ministère, dans la
demande d'enregistrement du plan, l'intention de faire à une
date ultérieure des paiements s'élevant au montant réclamé,
on a créé l'obligation de faire ces paiements. Au contraire,
les termes du plan indiquent de façon parfaitement claire
qu'il ne naît d'obligation envers M. Parker, quant à. ces
sommes, que si la compagnie choisit d'effectuer et effectue
les paiements prévus au fonds, et pas avant.
J'en conclus donc que le plan soumis par la
Inland Industries Ltd. a été considéré comme
irrégulier pour les raisons suivantes:
1. le plan ne spécifiait pas de barème des pres-
tations payables, de sorte que les termes du plan
lui-même n'étaient pas définis;
2. à la date de la présentation du plan au minis-
tre du Revenu national pour approbation, la
compagnie n'avait fait aucun paiement spécial
aux fiduciaires du fonds, de sorte que la compa-
gnie ne s'était pas engagée, ni par contrat, ni par
un paiement irrévocable au fonds, à mettre en
oeuvre ce régime de pension, et qu'il ne s'agis-
sait donc que d'une simple proposition.
En l'espèce, les termes du plan de pension ont
créé une obligation pour les fiduciaires de payer
des prestations déterminées. Celles-ci sont
décrites de la manière suivante à la page 8 du
plan:
[TRADUCTION] La pension pour services antérieurs corres-
pondra dans chaque cas aux états de service du participant
au sein de la compagnie jusqu'à la date de mise en vigueur; à
compter de l'âge normal de la retraite chaque pensionné
touchera la pension suivante pour chacune de ses années
complètes de services:
Pour le président—$180 .90 par mois
Pour le secrétaire—$285 .85 par mois.
Lors des calculs du nombre d'années aux fins du présent
article, toute fraction d'année sera considérée comme une
année complète.
En outre, à la date où l'appelante demanda
l'approbation, le montant qui, selon les calculs
de l'actuaire, devait être payé au fonds afin
d'assurer que toutes les obligations du fonds ou
plan envers les employés puissent être pleine-
ment acquittées, savoir un montant de $309,-
414.00, avait déjà été versé irrévocablement par
l'appelante aux fiduciaires du fonds. A mon
avis, les termes du contrat indiquant que le plan
dépendait de la possibilité pour la compagnie
d'effectuer ce paiement spécial, ne constituent
pas une irrégularité et ne sont pas déraisonna-
bles lorsqu'il s'agit d'une petite compagnie. Un
plan pourrait évidemment être abandonné après
la rédaction et l'adoption du règlement ainsi
qu'après la signature du contrat, en raison de
l'importance du paiement spécial par rapport à
ses propres ressources et en raison de l'attitude
de sa banque et de ses créanciers. L'article 76
ne mentionne pas l'obligation de la compagnie à
cet égard. Il exige simplement que la compagnie
prenne un engagement à l'égard du plan, non par
contrat, mais en versant de manière irrévocable
aux fiduciaires le montant du paiement spécial.
Pour tous ces motifs, je considère que l'appe-
lante s'est conformée à tous égards aux exigen-
ces de l'article 76 de la Loi de l'impôt sur le
revenu et a droit à la déduction demandée.
J'accueillerais donc l'appel, avec les dépens,
en cette cour et en première instance, à la
charge de l'intimé.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.