Kaps Transport Ltd. (Requérante)
c.
La Commission canadienne des transports
(Intimée)
Division de première instance, le juge Heald —
Ottawa, le 31 mai et le l er juin 1973.
Transport—Prohibition —Mandamus —Audience publique
pendante relativement à des demandes de permis de trans
port par eau—La requérante a-t-elle droit à un permis sans
audition—Rejet de la demande d'injonction visant l'interdic-
tion de tenir l'audience—Refus d'accorder un mandamus
visant la délivrance du permis—Loi sur les transports,
S.R.C. 1970, c. T-14, art. 5, 10(5).
En septembre 1972, la requérante a présenté une
demande au Comité des transports par eau (C.T.E.) de la
Commission canadienne des transports pour augmenter, en
1973, le tonnage de sa flotte desservant le fleuve Macken-
zie. En décembre, le C.T.E. avisa la requérante par écrit
qu'aucun autre détenteur de permis ne s'étant opposé à sa
demande, il était prêt à la recevoir. En mai 1973, le C.T.E.
avisa la requérante qu'il tiendrait une audience publique à
Edmonton en juin pour toutes les demandes d'autorisation
d'augmentation de tonnage. La requérante, qui avait engagé
des dépenses importantes sur la foi de la lettre de décembre
1972 et sur l'assurance d'un fonctionnaire du C.T.E. qu'elle
obtiendrait l'augmentation requise, demanda une injonction
interlocutoire pour empêcher la tenue de l'audience publique
de sa demande et un bref de mandamus enjoignant le C.T.E.
d'accorder à la requérante l'autorisation recherchée.
Arrêt: la demande est rejetée.
(1) Étant donné que d'autres compagnies exploitantes
dans les mêmes eaux ont aussi demandé une augmentation
de tonnage pour 1973 et n'ont pas été constituées parties
aux procédures, on ne pourrait accorder l'injonction que sur
présentation d'une preuve de circonstances particulières, ce
qui n'a pas été fait en l'espèce.
(2) En vertu des articles 5 et 10(5) de la Loi sur les
transports, S.R.C. 1970, c. T-14, le C.T.E. avait à la fois le
droit et le devoir d'ordonner une audience publique et de
déterminer ce qu'exigent la commodité et la nécessité du
public en ce qui concerne la demande de la requérante. La
demande de mandamus n'est donc pas recevable.
REQUÊTE.
AVOCATS:
B. A. Crane, R. A. Young et R. J. Wilkins
pour la requérante.
G. W. Nadeau et W. G. St. John pour
l'intimée.
PROCUREURS:
Gowling et Henderson, Ottawa, pour la
requérante.
G. W. Nadeau, Ottawa, pour l'intimée.
LE JUGE HEALD—Il convient de rejeter la
requête pour les motifs suivants:
(1) La requête demande, notamment, une
injonction interlocutoire pour empêcher le
Comité des transports par eau (ci-après appelé
le C.T.E.) de la Commission canadienne des
transports (ci-après appelée la C.C.T.) de tenir
une audience publique à Edmonton (Alberta) les
4 et 7 juin 1973. Ces audiences visent notam-
ment l'examen de la demande de la requérante
aux présentes relative au transport de marchan-
dises par eau sur le fleuve Mackenzie et la mer
de Beaufort et, plus précisément, l'examen de sa
demande visant l'augmentation de tonnage en
1973 par rapport à 1972. D'autres compagnies
exploitantes dans les mêmes eaux ont aussi
demandé des permis comprenant une clause
d'augmentation de tonnage en 1973 par rapport
au tonnage auquel elles avaient droit en 1972.
L'intimée se propose de statuer sur les deman-
des des autres compagnies exploitantes au cours
des mêmes audiences à Edmonton. Lesdites
audiences concernent donc directement et au
premier chef ces autres parties; or, elles n'ont
pas été adjointes à titre de partie à cette requête
introductive d'instance et n'en n'ont pas reçu
avis. Si l'injonction demandée risque de porter
préjudice aux droits d'une personne ou d'un
organisme qui n'est pas devant la Cour, sauf
dans des circonstances particulières, elle n'est
pas accordée. (Voir, par exemple, Matthew c.
Guardian Assurance Co. (1917-19) 58 R.C.S.
47, à la p. 61.) Les audiences prévues à Edmon-
ton concernent directement et au premier chef
les autres parties. Ces dernières devraient cer-
tainement être partie à toute demande adressée
à la Cour qui, si elle est accueillie, empêcherait
lesdites audiences d'avoir lieu. La requérante
n'a présenté aucune preuve de circonstances
particulières justifiant qu'on ne respecte pas la
règle générale.
La requête demande un autre redressement,
savoir, un bref de mandamus enjoignant le
C.T.E. de la C.C.T. de délivrer des permis pour
1973 à la requérante, lui accordant le tonnage
accru qu'elle demande.
L'un des principaux arguments de la requé-
rante pour demander un bref de mandamus
s'appuyait sur une pratique adoptée par le
C.T.E. au cours des années relativement à l'oc-
troi des permis annuels, non seulement de celui
de la requérante, mais de ceux de toutes les
autres compagnies exploitantes concurrentes. A
l'appui de son argument, la requérante a produit
un affidavit d'un dirigeant de l'une des autres
compagnies exploitante (la Northern Transpor
tation Co. Ltd.) dans lequel la pratique adoptée
par le C.T.E. au cours des années pour l'octroi
des permis annuels est expliquée. Les préten-
tions de la requérante se fondent sur le fait que
le C.T.E. doit suivre sa procédure habituelle et
ne peut en changer arbitrairement et que l'inti-
mée n'a pas le droit d'adopter une attitude diffé-
rente pour les permis de 1973. Puisque la façon
dont l'intimée a octroyé ses permis au cours des
années passées est d'importance primordiale
dans la plaidoirie à l'appui de la requête; la
procédure d'octroi des permis suivie par l'inti-
mée à l'égard des autres détenteurs au cours des
années passées doit certainement être pertinente
à un examen approprié de la question. Si les
autres détenteurs de permis dans la région qui
ont aussi demandé un tonnage supérieur en
1973, avaient été adjoints à titre de partie à
cette procédure, il est fort possible qu'ils
auraient présenté des preuves soit à l'appui soit
à l'encontre de celles de la requérante. J'estime
qu'on aurait dû leur accorder cette possibilité.
Les autres détenteurs de permis sont des parties
ayant un intérêt dans cette procédure et ils sont
donc les parties appropriées à la procédure.
(Voir Woolworth c. Labour Relations Board
(Sask.) [1954] 4 D.L.R. 359.)
(2) Le mandamus sert à assurer l'exécution
d'un acte de fonction publique, auquel la requé-
rante a un intérêt légal suffisant. La requérante
doit démontrer qu'elle en a demandé l'exécution
et que l'organisme tenu de le faire la lui a
refusée.
Dans la présente affaire, la requérante a
demandé pour son permis de 1973 de pouvoir
augmenter sa flotte en ajoutant un remorqueur
et quatre péniches, ce qui implique une augmen
tation d'environ 2,900 tonnes. La demande a été
faite aux termes des articles 5 et 10(5) de la Loi
sur les transports, (S.R.C. 1970, c. T - 14) qui
disposent comme suit:
5. Avant qu'une demande de permis sous le régime de la
présente loi soit accordée pour le transport de marchandises
ou de voyageurs, ou à la fois de marchandises et de voya-
geurs, la Commission doit déterminer si la commodité et la
nécessité du public exigent ce transport, et en prenant une
telle décision, elle doit considérer entre autres choses
a) toute opposition à la demande qui peut être formulée
par une ou plusieurs personnes fournissant déjà des
moyens de transport, soit par rail, soit par eau, sur les
routes ou entre les endroits que le requérant a l'intention
de desservir, pour le motif que des facilités convenables
dépassent les besoins ou, si le permis était accordé, les
dépasseraient, ou pour le motif que l'une des conditions
de tout autre permis de transport détenu par le requérant
n'a pas été remplie;
b) si l'émission du permis tendrait ou non à favoriser les
fonctions complémentaires plutôt que concurrentes des
différentes formes de transport, le cas échéant, comprises
dans ces oppositions;
c) l'effet général sur d'autres services de transport et sur
tout intérêt public qui peuvent être atteints par l'émission
de ces permis; et
d) la qualité et la permanence du service qu'offre le
requérant du permis, ainsi que sa solvabilité, y compris les
mesures suffisantes pour la protection des voyageurs, des
expéditeurs et du public en général au moyen d'une
assurance.
10. (5) La Commission doit délivrer un permis, à l'égard
d'un navire construit, en construction ou sur le point d'être
construit, lorsqu'elle est convaincue que la commodité et la
nécessité présentes et futures du public requièrent ou
requerront le service projeté; et à moins que la Commission
ne soit ainsi convaincue, il ne doit être délivré aucun permis.
Par une lettre datée du 22 septembre 1972, la
requérante a présenté au C.T.E. une demande
préliminaire visant cette augmentation de son
tonnage. Le C.T.E. en a avisé tous les autres
détenteurs de permis dans ces eaux, fixant au
27 novembre 1972 la date limite de dépôt des
mémoires relatifs à ladite requête. Le 13 décem-
bre 1972, le C.T.E. avisa la requérante par écrit
qu'il n'avait reçu aucune objection et il lui fai-
sait en outre savoir:
[TRADUCTION] ... que la Commission est prête à recevoir
votre demande de permis pour 1973 relatif audit tonnage, en
plus de ce qui était permis en 1972. (Les italiques sont de
moi).
La requérante estima que cette lettre consti-
tuait en fait la décision du C.T.E. de lui accor-
der l'augmentation de tonnage et qu'il restait
simplement la démarche administrative de déli-
vrance du permis. Ce n'était pas l'avis de
l'intimée.
Le 22 mai 1973, l'intimée avisa la requérante
que le Comité tiendrait une audience publique à
Edmonton le 4 juin 1973 à l'égard de toutes les
demandes d'augmentation de puissance d'ex-
ploitation pour 1973. Le 24 mai 1973, l'intimée
donna une explication supplémentaire: étant
donné que le tonnage global couvert par les
demandes de permis de 1973 était de beaucoup
supérieur au tonnage global permis en 1972, le
Comité avait décidé de ne pas autoriser d'aug-
mentation de tonnage avant d'avoir mené une
enquête soigneuse sur les exigences de la néces-
sité et de la commodité présentes et futures du
public à cet égard. Elle ajoutait que l'audience
publique à Edmonton faisait partie de cette
enquête.
Compte tenu de la preuve qu'on m'a soumise,
je suis convaincu que dans ces circonstances le
C.T.E. avait non seulement le droit mais l'obli-
gation en vertu des articles 5 et 10(5) de la Loi
sur les transports (précitée) d'ordonner cette
audience et de statuer sur la question de la
nécessité et de la commodité du public. Je ne
considère pas que la lettre de la requérante du
22 septembre 1972 constituait une demande
conforme aux exigences de la loi; il s'agissait
simplement d'une prise de contact. C'est ainsi
que l'a considérée le C.T.E. dans sa lettre du 13
décembre 1972 où il avisait la requérante qu'il
était prêt à recevoir sa demande de permis pour
1973. S'étant rendu compte de l'importante aug
mentation de tonnage demandée par les diffé-
rentes compagnies exploitantes pour l'année
1973, le C.T.E. a pris la décision, ce que je
considère être sage et raisonnable, de convo-
quer une audience publique pour que l'affaire
soit discutée à fond.
Il est regrettable que la requérante ait pris les
devants et engagé d'importantes dépenses en se
fondant sur la lettre du 13 décembre 1972 et sur
une assurance donnée par un fonctionnaire de la
Commission. Toutefois, je suis convaincu que la
requérante connaissait les dispositions des arti
cles 5 et 10(5) de la loi qui obligent la Commis
sion à examiner la nécessité et la commodité du
public. Je ne pense pas qu'on puisse réellement
lui permettre de se plaindre quand la Commis-
Sion cherche à s'acquitter des tâches et obliga
tions que lui impose la loi.
En conséquence, la demande est rejetée avec
dépens.
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