T-2748-72
Conrad David (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Walsh—
Montréal, les 17, 18, 19 février et 25 avril 1975.
Impôt sur le revenu—Nouvelle cotisation—Le demandeur et
ses associés vendant à une compagnie leur participation à une
fiducie de régime de retraite—Prétendue ignorance des effets
juridiques—S'agit-il d'un dividende versé au demandeur au
moment de la vente?—La compagnie du demandeur ou sa
fiducie de régime de retraite lui ont-elles conféré un avanta-
ge?—Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148 et
modifications, art. 8(1), 38, 81(1), 137, 138 et 138A.
Il s'agit d'un appel portant sur la somme de $124,508.72
rajoutée au revenu du demandeur pour l'année 1965, la suite
d'une nouvelle cotisation du Ministre au motif que cette somme
représentait un dividende en vertu de l'article 81 de la Loi de
l'impôt sur le revenu, ou subsidiairement, que la compagnie ou
sa fiducie de régime de retraite a conféré un avantage au
demandeur, au sens de l'article 137(2) de la Loi. Le deman-
deur, ses frères et son beau-frère exploitaient une carrière de
pierre, la compagnie «C». La carrière a été vendue en 1965 et
la compagnie devint une société de placements. Un régime de
retraite fut constituée et, en décembre 1965, le groupe «David»
vendit ses 12,000 actions de la compagnie «C» à la compagnie
contrôlée par le groupe «Dunn»; les membres du groupe
David prétendent maintenant qu'ils avaient agi sur les conseils
de leur conseiller financier et qu'ils ignoraient les noms des
acheteurs jusqu'à la signature du contrat. La vente était faite à
condition que les vendeurs remboursent les avances qui leur
avaient été faites et qu'ils achètent aux nouveaux propriétaires
les comptes à recevoir de la compagnie «C». Le demandeur
prétend qu'à la suite de la vente, il n'y avait pas eu de
distribution du surplus au groupe David et qu'on n'a pas
procédé à la liquidation, etc., de la compagnie au sens de
l'article 81, et qu'en outre l'article 137(2) n'est pas applicable,
la transaction constituant une vente, en toute indépendance, de
biens de capital sans conséquences fiscales.
Arrêt: l'action est rejetée; la preuve n'établit pas que le
groupe Dunn voulait acquérir la fiducie au profit de ses
employés, et non en vue d'obtenir certains avantages et profits
résultant de l'acquisition, sans payer d'impôt, du solde de l'actif
par le groupe David. Même si le demandeur ignorait comment
obtenir par la suite les fonds pour payer les actions, son
comptable (et mandataire) le savait. Un contribuable ne peut
échapper aux conséquences d'un projet proposé en son nom par
ses conseillers professionnels. S'il l'adopte, il est lié quel que
soit le degré de connaissance qu'il en avait personnellement.
Les membres du groupe David avaient discuté des conséquen-
ces fiscales avec leur conseiller et ont collaboré avec les ache-
teurs, alors inconnus, en démissionnant de leur poste de fidu-
ciaire. Il paraît difficile d'admettre que le groupe David aurait
abandonné le contrôle de la fiducie à un groupe d'étrangers,
tout en ignorant complètement les raisons de ce faire. Le
groupe David ne pouvait pas non plus ignorer la possibilité
d'échapper à l'impôt sur la distribution.
Ce n'était pas «par suite de» la cessation des activités com-
merciales de la compagnie «C» que les fonds ont été affectés au
profit du groupe David, cependant, il est évident que le groupe
Dunn envisageait de cesser tout activité immédiatement. La
liquidation faisait partie du projet; on ne peut plaider l'igno-
rance. L'article 81(1)b) doit s'appliquer, avec pour conséquence
l'attribution d'un crédit de dividende à chaque membre du
groupe David, en vertu de l'article 38, pour sa part du revenu
disponible non réparti, qui est censée être comprise dans le
paiement qu'il reçoit.
Subsidiairement, en ce qui concerne l'application de l'article
137(2), il est certain que la compagnie ou sa fiducie de régime
de retraite a conféré un avantage aux membres du groupe
David, en ce sens qu'à la suite des transactions, ils ont pu
prélever le solde non réparti sans payer d'impôt.
Enfin, le demandeur n'a pas gain de cause dans sa tentative
d'invoquer l'article 137(3) car, quoique traitant en tout indé-
pendance, le groupe David ne peut, prétendant ignorer les
suites de l'opération, soutenir que l'achat d'actions ne faisait
pas «partie de quelque autre opération».
Arrêt appliqué: Simard-Beaudry c. M.R.N. [1974] 2 C.F.
131. Arrêts suivis: Smythe c. M.R.N. [1968] R.C.É. 189;
[1970] R.C.S. 64; Merritt c. M.R.N. [1941] R.C.É. 175 et
Craddock c. M.R.N. [1969] R.C.E. 23.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
M. Paquin, c.r., et H. P. Lemay, c.r., pour le
demandeur.
A. Garon, c.r., et W. Lefebvre pour la
défenderesse.
PROCUREURS:
Lemay, Paquin & Gilbert, Montréal, pour le
demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Cette affaire fut entendue en
même temps que deux autres affaires, Fernand
David c. La Reine (T-2747-72) et Raymond Pepin
c. La Reine (T-2749-72), fondées sur les mêmes
faits et une preuve commune. Les présents motifs
s'appliqueront donc aux deux autres affaires. La
même nouvelle cotisation aurait pu être établie à
l'égard d'un autre membre de la famille, Aimé
David, mais ce ne fut pas le cas parce que, pré-
tend-on, il a fait cession de ses biens; de toute
façon, aucune procédure relative à l'imposition
d'Aimé David n'a été introduite devant la Cour
fédérale. Raymond Pepin est le beau-frère des
David et pour plus de commodité nous désignerons
ici Conrad David, Fernand David et Raymond
Pepin sous le nom de groupe David. Par voie de
nouvelles cotisations, on ajouta la somme de $124,-
508.72 au revenu de chacun des trois contribuables
pour l'année d'imposition 1965 au motif que cette
somme constituait un dividende reçu lors de la
vente des actions de Carrière Montréal-Est Limi-
tée, soit un quart du revenu non distribué qui,
selon les calculs du Ministre, se chiffrait à $498,-
034.88; cette somme totale aurait été distribuée ou
autrement appropriée au bénéfice du groupe (les
actionnaires) lors de la liquidation, de la cessation
ou de la réorganisation de l'entreprise. Le Ministre
prétend qu'aux termes de l'article 81 de la Loi de
l'impôt sur le revenu en vigueur à cette époque',
cette somme était censée être un dividende. Le
Ministre prétend à titre subsidiaire que la compa-
gnie ou la fiducie du régime de retraite a conféré
un avantage au groupe, au sens de l'article 137(2)
de la Loi, et que la part de cet avantage revenant à
chaque membre du groupe se chiffre à $124,-
508.72. Il est donc interjeté appel de la nouvelle
cotisation en date du 4 mars 1971, qui fit l'objet
d'un avis d'opposition le 14 mai 1971; la cotisation
fut confirmée par le Ministre le 27 juin 1972.
Selon la déclaration du demandeur, ses frères et
lui-même ont été élevés dans une ferme dans l'est
de Montréal et ont entrepris par la suite, avec leur
beau-frère Raymond Pepin, l'exploitation commer-
ciale d'une carrière de pierre sur la terre pater-
nelle; cette exploitation prospéra et l'entreprise fut
finalement constituée en corporation au Québec
sous le nom Carrière Montréal-Est Limitée—
Montreal East Quarries Limited, le 27 janvier
1953. Lors de l'année en cause, 1965, il y avait
12,000 actions ordinaires en circulation, 3,000
détenues par chacun des membres du groupe et les
3,000 restantes par l'autre frère, Aimé David. Le
24 août 1965, la carrière et ses installations furent
vendues à la Ciment Indépendent Inc. pour la
somme $3,100,000, payée comptant. Toujours
selon la déclaration du demandeur, la Carrière
Montréal-Est devint alors une société de place
ments comme l'indique le bilan daté du 21 décem-
bre 1965 où apparaît un actif de $3,128,286.81,
' S.R.C. 1952, c. 148, dans sa forme modifiée.
dont $2,036,305.40 d'encaisse, $137,526.41 de
comptes à recevoir et $940,000 en avances aux
administrateurs, ainsi qu'un certain nombre de
sommes moins importantes dont nous ne nous
occuperons pas, en dépôt auprès de l'Hydro-Qué-
bec et en dépôt sur une offre. Au passif figuraient
la somme de $80,944.10 au titre d'impôts payables
et un surplus gagné de $554,002.33 qui, ajouté au
surplus de capital de $2,481,340.38, donnait un
surplus total de $3,035,342.71.
Le l er janvier 1964, la compagnie créa un
régime de retraite qui fut accepté à l'enregistre-
ment le 18 juin 1964 et approuvé au nom du
ministre du Revenu national le 14 septembre 1965,
ce qui permit à la compagnie de déduire les contri
butions à ce régime, en conformité de l'article 76
de la Loi. Le 30 décembre 1965, le groupe vendit
les 12,000 actions de la compagnie à la Fiducie du
Régime de Retraite Assurance C. W. Dunn Inc.,
pour la somme de $2,925,000 la condition qué les
vendeurs remboursent, à la date de la vente, les
avances de $940,000 qui leur avaient été faites, et
achètent aux nouveaux actionnaires les comptes à
recevoir de la Carrière-Montréal-Est Limitée dont
la valeur nominale était de $137,526.41 2 . Le
demandeur affirme que le groupe n'apprit le nom
réel des acheteurs qu'à la date de la signature du
contrat, puisque c'était un certain Robert Faust
qui était entré en pourparlers avec eux en leur
nom. C'est à Faust, conseiller en assurances et
régimes de pension, que s'était adressé leur comp-
table Jean-Marc Lemieux, au moment où ils orga-
nisèrent le régime de retraite de la compagnie. Ils
prétendent avoir vaguement entendu dire qu'un
certain M. Dunn de Sherbrooke, réputé million-
naire, s'intéressait à l'achat du régime de retraite
de la compagnie. Le demandeur prétend que lors-
qu'ils vendirent leurs actions à la Fiducie du
Régime de Retraite Assurance C. W. Dunn Inc.,
les membres du groupe reçurent un paiement à cet
égard, que les acheteurs, par l'acquisition desdites
actions, ont directement acheté tout l'actif et le
passif de la compagnie y compris son surplus et
qu'il y eut par la suite une distribution ou une
appropriation du surplus par les acheteurs, ces
opérations étant postérieures à la vente, à une
époque où le groupe David ne possédait plus les
2 En fait ils ne versèrent qu'une somme de $103,526.41, les
comptes à recevoir ayant été réduits dans l'intervalle.
actions et ne contrôlait plus la compagnie ni ses
biens. Il prétend qu'en raison de la vente de leurs
actions, toute distribution ou appropriation du sur
plus de la compagnie en leur faveur était impossi
ble, et qu'il n'y eut aucune liquidation, cessation
ou réorganisation de l'entreprise de la compagnie
qui justifierait l'application de l'article 81 de la
Loi. Le demandeur prétend en outre que la vente
fut simplement une vente de biens de capital sans
conséquences fiscales justifiant l'application de
l'article 137(2), puisqu'aucun avantage n'a été
conféré aux membres du group David qui reçurent
simplement un prix raisonnable pour leurs actions,
selon la valeur indiquée aux états financiers de la
compagnie; toujours selon le demandeur, l'opéra-
tion relève de l'article 137(3) de la Loi parce que
la vente a été conclue par des personnes traitant à
distance, de bonne foi et non en conformité ou
comme partie de quelque autre opération.
La défenderesse prétend par contre que lorsque
le groupe David vendit les actions à la Fiducie du
Régime de Retraite Assurance C. W. Dunn Inc.,
cette dernière agissait en fait au nom de la fiducie
du régime de retraite de la compagnie qui, en vertu
du contrat de fiducie, était elle-même gérée par la
compagnie qui pouvait prendre toute décision et
trancher toute question concernant l'interprétation
et l'application du régime de retraite. Le groupe
David, ainsi que Jean-Marc Lemieux, leur comp-
table, étaient les fiduciaires de ce régime, mais la
compagnie pouvait remplacer un ou plusieurs d'en-
tre eux avec un mois de préavis. Seuls les diri-
geants de la compagnie pouvaient participer à ce
régime, c'est-à-dire les quatre membres du groupe
David; c'est sur cette base que l'actuaire fonda ses
calculs pour déterminer le nombre de contributions
annuelles et leur montant. Alors que les contribu
tions de la compagnie à ce régime de retraite
auraient pu être considérées à cette époque comme
déductibles en vertu des dispositions de l'article 76
de la Loi, après obtention de l'approbation du
Ministre, la jurisprudence récente a établi de
manière définitive que cela ne serait plus possible
dans le cas d'un régime de retraite organisé selon
des termes et conditions similaires à ceux du
régime en cause. La question de la déductibilité
des contributions de la compagnie n'est cependant
pas en litige en l'espèce et il est inutile de s'y
arrêter plus longtemps.
La défenderesse prétend que le groupe David,
alors qu'il détenait toutes les actions de la compa-
gnie, s'est approprié pendant l'année fiscale 1965,
la majeure partie de son actif, savoir la somme de
$2,925,000 reçue de la fiducie du régime de
retraite de la compagnie et qu'en transférant cette
somme au groupe, la Fiducie du Régime de
Retraite Assurance C. W. Dunn Inc., en qualité de
mandataire de la fiducie dudit régime de retraite,
elle-même mandataire de la compagnie, a conféré
à chaque membre du groupe un avantage se chif-
frant à $124,508.72, relevant donc des dispositions
de l'article 137(2) de la Loi; elle prétend aussi que
la compagnie avait un surplus de $498,034.88 et a
distribué au groupe la somme de $2,925,000 lors
de la liquidation, de la cessation ou de la réorgani-
sation de son entreprise, et qu'en conséquence,
chaque membre de ce groupe est censé avoir reçu
un dividende de $124,508.72, aux termes de l'arti-
cle 81 de la Loi.
La défenderesse prétend que tout ceci résulte
des étapes suivantes de l'ensemble des opérations
du 30 décembre 1965:
a) Morgan, Ostiguy, Hudon Ltd. (agent de
change), moyennant paiement d'honoraires de
$1,440, émit huit chèques totalisant $2,925,000,
à l'ordre des membres du groupe David en
paiement de l'achat de leurs actions de la com-
pagnie par la Fiducie du Régime de Retraite
Assurance C. W. Dunn Inc., mandataire de la
fiducie du régime de retraite de la compagnie.
Les membres du groupe David s'engagèrent à
démissionner de leurs postes dans la compagnie
à compter du ler janvier 1966.
b) La compagnie, selon les dispositions de son
régime de retraite, versa à la fiducie de son
régime de retraite, prétendument en paiement
de services passés, la somme de $318,988.65
ainsi que la somme de $319,528.50, prétendu-
ment à titre de dividendes aux actionnaires, et la
somme de $2,481,340.38 représentant le surplus
de capital de la compagnie.
c) La fiducie du régime de retraite de la compa-
gnie versa alors à Morgan, Ostiguy, Hudon la
somme de $2,926,440, pour rembourser le prêt
temporaire consenti par lesdits agents de change
lorsqu'ils avaient émis les chèques mentionnés
au paragraphe a). On prétend que ces opérations
eurent pour effet de permettre au groupe de
s'approprier à leur avantage et bénéfice le sur
plus non distribué de la compagnie.
La défenderesse allègue en outre que, lors d'une
réunion spéciale des administrateurs de la compa-
gnie tenue le 22 décembre 1965, les dispositions
relatives à la fiducie du régime de retraite de la
compagnie furent modifiées de manière à ce que le
montant des contributions versées au régime avant
le 22 décembre 1965 soient considérées comme des
droits acquis des participants au régime à cette
époque, et soient payables à ces derniers en cas de
cessation de leur emploi dans la compagnie et que
toutes les contributions au fonds de retraite après
le 22 décembre 1965, à titre de services passés ou
de services courants, soient dévolues aux partici
pants au régime après dix ans de participation, à
moins que les dirigeants de la compagnie n'en
décident autrement. Lors d'une réunion ultérieure,
tenue le même jour, les membres du groupe et
Lemieux, c'est-à-dire, tous les fiduciaires, démis-
sionnèrent et furent remplacés par John J. Dunn,
Robert A. Faust, Lucien Dion et Louis Marc
Tanguay, ci-après appelés le groupe Dunn. On
prétend que cette procédure devait faciliter l'exé-
cution des opérations prévues pour le 30 décembre
1965. On prétend que la fiducie du régime de
pension n'était qu'un mandataire de la compagnie
et n'a donc jamais investi d'argent pour l'achat des
actions de ladite compagnie puisque les fonds de la
compagnie auraient indirectement servi à l'achat
de ses propres actions. La défenderesse affirme
que la compagnie, après la vente de son actif à la
Ciment Indépendent Inc., le 24 août 1965, ne
s'occupa que de placements, du recouvrement des
comptes à recevoir et du paiement des dépenses
accessoires à ces activités, qu'elle n'exploita plus
d'entreprise et ne tira aucun bénéfice de ces diffé-
rentes opérations.
A l'ouverture de l'audience, on modifia le para-
graphe 5 de la déclaration de manière à préciser
que le 14 décembre 1955 ou aux environs de cette
date, les frères David avaient acheté la terre pater-
nelle et ne l'avaient donc pas reçue en héritage,
comme ils l'avaient initialement déclaré. En fait, il
ressort de la preuve que la compagnie Carrière
Montréal-Est Limitée avait déjà été constituée en
corporation et que la vente fut en fait conclue avec
la compagnie qui versa $25,000 comptant et paya
par la suite le solde de $248,000.
Conrad David fut le seul membre du groupe à
témoigner. Il ressort de sa déposition et de celle de
Jean-Marc Lemieux, C.A., comptable de la com-
pagnie qui, de 1961 à 1965, consacrait de dix à
quinze heures par semaine à la tenue des comptes,
qu'ils avaient convenu de vendre les actifs réels de
la compagnie en août 1965 parce qu'ils se ren-
daient compte que la carrière serait épuisée dans
environ dix ou douze ans, que les acheteurs préfé-
raient les actifs aux actions de la compagnie et que
le prix fut négocié selon le principe qu'il fallait
demander environ 3 1 / 2 millions de dollars pour
réaliser, après impôts, la somme de $2,800,000,
correspondant à peu près à la valeur estimée des
actifs de la compagnie. On leur offrit à l'origine
$3,200,000, chiffre réduit à $3,100,000 par l'ache-
teur en raison du retard de leur réponse, et finale-
ment accepté. La compagnie possédait depuis 1955
un régime d'assurance collective que lui avait
vendu un certain Rodolphe Ranger, mandataire de
l'Excelsior Insurance Company, avec laquelle elle
traitait. Un certain Faust, à l'emploi de cette
compagnie, avait étudié la question avec Ranger et
leur avait proposé en avril 1964 un régime de
retraite limité aux dirigeants. L'organisation de ce
régime de retraite fut effectuée selon les conseils
de Lemieux qui, selon les meilleures traditions de
sa profession ne se limitait pas à la vérification des
comptes mais donnait aussi à ses clients des con-
seils d'ordre financier et comptable. Il s'inquiétait
du montant élevé d'impôt sur le revenu personnel
que le groupe David commençait maintenant à
payer et se mit en rapport avec Faust, qui se
trouvait être un expert en matière de régimes de
retraite et de planification successorale et avec
lequel il avait déjà été en relations d'affaires. Faust
à son tour se mit en rapport avec Me Claude
Couture, c.r., expert en droit fiscal, avec lequel il
avait déjà traité. Me Couture ne traita pas directe-
ment avec le groupe David et agit à tous égards en
qualité de conseiller juridique de Faust, et plus
tard du groupe Dunn auquel Faust appartenait au
moment où ce groupe acheta les actions de la
compagnie. Ainsi, nous voyons que Me Couture,
dès le 8 octobre 1965, écrivait au ministère du
Revenu national au sujet de Carrière Montréal-Est
Limitée afin de discuter les modifications à son
régime de retraite; il faisait remarquer que la
compagnie ayant alors vendu ses actifs principaux
et ne devant pas être exploitée à l'avenir, on avait
prévu de faire une contribution de $300,000 à la
fiducie du régime de retraite à titre de paiement
final qui lui permettrait de s'acquitter d'une partie
des obligations de la compagnie déterminées par
les calculs de l'actuaire. Dans cette lettre, il signa-
lait en outre que les fonds de la fiducie versés en
vertu du régime de retraite resteraient dans la
fiducie jusqu'à la date du versement des pensions
et, comme on avait proposé de diviser le fonds en
quatre fiducies, une pour chacun des participants,
il demandait aussi s'il y aurait une objection quel-
conque à le faire. Dans son témoignage il déclara
que cela n'avait aucun rapport avec la vente ulté-
rieure des actions de la compagnie et que ce ne fut
pas avant le début de décembre, peut-être vers le
10 décembre, que Faust vint discuter avec lui d'un
mémoire dans lequel il décrivait, étape par étape,
un plan dont les grandes lignes correspondaient à
celui qui fut finalement adopté et entraîna les
diverses opérations effectuées à la fin de décembre.
Me Couture affirma aussi dans son témoignage
qu'à l'époque où il écrivit cette lettre sur les projets
de modification du régime de retraite, Faust agis-
sait au nom de la compagnie et lui avait demandé
conseil parce qu'il s'était déjà occupé de l'enregis-
trement du régime, alors qu'en décembre, Faust
agissait en son nom et apparemment au nom du
groupe Dunn, dont il était membre, pour tout ce
qui concernait l'achat des actions de la compagnie.
Faust témoigna qu'après la vente des actifs réels
de la compagnie, Aimé David souhaitait simple-
ment retirer ses fonds et ne s'intéressait plus au
régime de retraite. L'idée lui vint qu'on pouvait
faire quelque chose avec ce régime de pension; il
essaya d'août à décembre, de rencontrer des mem-
bres du groupe David mais Aimé David ne voulait
même pas en discuter. C'est de sa propre initiative
qu'il demanda à Me Couture d'écrire au Ministre
pour demander si ce fonds pouvait être divisé. Il le
fit sans avoir reçu aucune instruction du groupe
David et pense même n'en avoir pas discuté avec
Lemieux. Il affirma que ces démarches étaient
parfaitement appropriées et habituelles dans sa
profession car il est souhaitable d'examiner à
l'avance les conséquences fiscales d'un régime
d'assurance et de pension avant de le proposer aux
clients et d'obtenir auprès de personnes qualifiées
des conseils juridiques pour disposer ainsi de toutes
les informations nécessaires. En temps voulu, il
versa à Lemieux certaines sommes qui n'étaient
cependant pas entièrement liées aux opérations
menant à la vente des actions de la compagnie
mais qui se rapportaient à divers autres travaux
que Lemieux avait effectués pour lui en 1965 pour
d'autres clients et le groupe David. Selon lui,
Lemieux lui envoyait parfois des clients et, à l'oc-
casion, lui demandait conseil sur des problèmes
d'assurance; à son tour, il demandait parfois à
Lemieux de lui procurer certains renseignements
ou de préparer certains états financiers nécessaires
à la formulation de plans. Bien qu'aucun des deux
témoins ne l'ait spécifiquement qualifié de tel, il
semble qu'il versait à Lemieux ce que l'on pouvait
appeler des honoraires de «rabatteur» non seule-
ment en rémunération de ses services, mais aussi
pour l'apport de nouveaux clients auxquels Faust
pouvait vendre un régime d'assurance collective ou
un régime de pension et réaliser ainsi un bénéfice.
Il n'y a certainement rien de repréhensible à cela,
et je ne pense pas qu'il y ait non plus de conflit
d'intérêts pour Lemieux puisque les conseils
demandés à Faust au nom du groupe David étaient
clairement dans leur intérêt.
Le contrat signé le 30 décembre 1965, relative-
ment à la vente des actions, est un document
particulièrement intéressant. L'article 4 commence
par un préambule dans lequel les actionnaires
déclarent ne pas connaître les intentions de l'ache-
teur à l'égard de la compagnie après l'exécution de
la vente mais dans lequel l'acheteur s'engage
notamment à faire en sorte que les nouveaux admi-
nistrateurs adoptent le même jour une résolution
prévoyant le remboursement aux actionnaires de
toutes les contributions versées jusqu'à cette date
par la compagnie à son régime de retraite. On y
trouve aussi trois autres clauses significatives dans
lesquelles les acheteurs s'engagent:
c) A ne pas distribuer le surplus de la Compagnie autrement
que suivant les dispositions des lois de l'impôt fédéral et
provincial régissant telle distribution;
d) A ne rien faire qui pourrait amener le ministre du Revenu
national à user de sa discrétion selon les dispositions de
l'article 138A de la Loi de l'impôt sur le revenu (fédérale);'
e) A ne rien faire qui pourrait amener l'application de
l'article 138 de ladite loi. 4
'Il s'agit de l'article concernant le dépouillement de dividen-
des entré en vigueur en 1963.
° Il s'agit de l'article concernant la dissimulation ou réduction
de matière imposable.
Le demandeur témoigna que, lors des pourparlers
préalables à la vente, Lemieux avait suggéré de
consulter des avocats experts en fiscalité, ce qu'ils
firent, et que ces articles furent inclus sur leurs
conseils.
Il semble cependant que, même si les quatre
membres du groupe David sont décrits comme
parties de seconde part au contrat et l'ont d'abord
signé en cette qualité, c'est seulement à la date de
la signature que fut révélé et inscrit au contrat,
comme partie de première part, le nom des ache-
teurs, savoir la Fiducie du Régime de Retraite
Assurance C. W. Dunn Inc., à titre de mandataires
et représentés, aux fins de ce contrat, par les
fiduciaires John J. Dunn, Émilien Gauthier et
Lucien Dion, C.A. ci-après appelés «les mandatai-
res». Cette désignation fut ajoutée à l'encre à la fin
du contrat signé par les trois fiduciaires. Me Cou-
ture affirme avoir lui-même ajouté cette mention à
ce moment. Tout cela corrobore donc le témoi-
gnage du demandeur selon lequel le groupe David
ne connaissait pas le nom réel des acheteurs et ne
cherchait pas à savoir de qui il recevait ledit
paiement. Lemieux corrobore encore cela lorsqu'il
affirme avoir seulement vérifié, à la date de la
signature, si Morgan, Ostiguy, Hudon Ltd. avait
en main les fonds nécessaires pour les chèques
émis en paiement. Chaque vendeur reçut deux
chèques, l'un de $495,384.75 et l'autre de $235,-
000. Les quatre chèques de $235,000 devaient
couvrir le montant de $940,000 au titre d'avances
aux administrateurs, qu'ils s'étaient engagés à
rembourser au moment de la vente. Ces chèques
furent endossés par eux à la compagnie comme
preuve du remboursement total de ces avances. Le
demandeur affirme qu'ils se préoccupaient peu de
savoir d'où provenaient les fonds pourvu qu'ils
soient payés. La fiducie du régime de retraite de la
compagnie leur versa à chacun un chèque de
$8,304.33 en date du 30 décembre 1965, en con-
formité d'une résolution adoptée lors d'une réunion
tenue le 22 décembre 1965, portant que les contri
butions au fonds de pension, antérieures au 22
décembre 1965, étaient des droits acquis des parti
cipants à ce régime et devaient leur être versées à
la cessation de leur emploi dans le compagnie. Ils
ont dûment payé un impôt sur ces chèques dont le
montant n'est pas en litige. La signature des docu-
ments prit en tout environ 3 1 / 4 heures. Lemieux
était avec le groupe David et ils allèrent d'abord
ensemble chez le notaire pour signer les actes
relatifs à la vente des comptes à recevoir, puis au
bureau de Morgan, Ostiguy, Hudon Ltd., avec
leurs avocats. Le demandeur admit avoir aupara-
vant discuté avec Lemieux des conséquences fisca-
les de la fermeture de la compagnie et de l'utilisa-
tion du surplus gagné, sans pourtant parvenir à
une décision. Faust ne se rappelle pas avoir été
consulté à cette époque. Pour autant qu'il se sou-
vienne, tous les documents furent signés le 30
décembre, mais il ne se rappelle pas avoir signé le
même jour le procès-verbal de la réunion du con-
seil d'administration du 22 décembre. Il s'agissait
de la réunion portant sur la modification du
régime de retraite et dont le procès-verbal fut signé
par Aimé David, en qualité de président, et par
Conrad David, en qualité de secrétaire. En outre,
un extrait certifié conforme de la résolution, indi-
quant qu'elle fut adoptée lors de la réunion du 22
décembre 1965, avait été signé par Lucien Dion,
C.A., en qualité de secrétaire de la compagnie;
Dion faisait partie du groupe Dunn qui acheta les
actions. Le procès-verbal d'une seconde réunion
tenue le même jour, le 22 décembre 1965, signé
aussi par Aimé David, en qualité de président, et
par Conrad David, en qualité de secrétaire, est
encore plus significatif dans la mesure où il indi-
que que les quatre membres du groupe David et
Lemieux démissionnaient comme fiduciaires de la
fiducie du régime de retraite de la compagnie et
étaient remplacés par John J. Dunn, Robert A.
Faust, Lucien Dion et Louis Marc Tanguay. Le
témoignage oral du demandeur et des autres
témoins, qui ne se souviennent pas d'une réunion à
cette date, est à mon avis insuffisant pour modifier
l'inscription de cette réunion à cette date dans les
registres des procès-verbaux de la compagnie; si
donc cette réunion a vraiment eu lieu le 22 décem-
bre, on peut en déduire que les membres du groupe
David étaient déjà prêts à laisser le contrôle de la
fiducie du régime de retraite de la compagnie à un
groupe représentant les acheteurs éventuels, bien
qu'ils n'aient pas vraiment démissionné de leurs
postes d'administrateurs de la compagnie avant la
date de la vente de leurs actions, le 30 décembre
1965, lors d'une réunion dont le procès-verbal
indique que John J. Dunn, Émilien Gauthier et
Lucien Dion, agissant comme représentants de la
Fiducie du Régime de Retraite Assurance C. W.
Dunn Inc., nommèrent John J. Dunn, Lucien
Dion, C.A., Robert A. Faust et Louis Marc Tan-
guay administrateurs de la compagnie. Le 30 sep-
tembre, après la vente des actifs réels de la compa-
gnie, un certificat de $2,000,000 fut acheté, puis
vendu le 21 décembre 1965 et déposé au compte en
banque de la compagnie, ce qui tendrait à indiquer
que l'on souhaitait transformer en liquidités tous
les actifs de la compagnie; sinon, il n'y aurait eu
aucune raison pour vendre un certificat rapportant
un intérêt et le déposer dans un compte courant ne
portant aucun intérêt.
Lemieux témoigna avoir préparé les états finan
ciers de, la compagnie au 21 décembre 1965, en
prévision de la vente, mais il ne s'occupa aucune-
ment de la préparation des contrats de vente et ne
savait pas non plus qui faisait partie du groupe
acheteur, ni même que Faust en était membre; il
était cependant présent lorsque les clauses 4c), d)
et e) (précitées) furent incluses au contrat à la
suite d'une longue discussion. Cela se passa bien
avant le 30 décembre. Puisqu'il ne savait pas exac-
tement qui étaient les acheteurs, il voulait s'assurer
que leurs actes n'entraîneraient pour ses clients, les
vendeurs, des impôts supplémentaires. C'est lui
qui, le 4 janvier 1966, envoya à Maheu Noël et
Associés, à l'intention de Lucien Dion, comptable
de l'acheteur et membre du groupe acheteur, deux
chèques de la compagnie, l'un de $75,000 payable
au Receveur général du Canada et l'autre de
$25,000 payable au ministre du Revenu du
Québec. Dans l'état financier du 21 décembre
1965, il avait inclus au passif la somme de
$80,944.10 à titre d'impôts payables mais, au
compte «profits et pertes», la somme de $180,-
944.10 à titre de provision aux fins de l'impôt. La
différence de $100,000 correspondait à ces deux
chèques qui, d'après la preuve, ne furent jamais
utilisés. Il ne les envoya pas directement aux
ministres intéressés puisqu'il n'agissait plus au
nom de la compagnie. Il présume qu'ils ne furent
pas envoyés parce que les contributions versées par
la compagnie au fonds de retraite avaient entraîné
la réduction des montants dûs par la compagnie.
Comme le demandeur, Lemieux affirma ignorer
les diverses opérations effectuées par les acheteurs
après l'émission des deux chèques remis au groupe
David en paiement des actions.
Me Couture témoigna avoir rédigé et signé,
immédiatement avant l'exécution du contrat, le
document en date du 30 décembre 1965, par lequel
John J. Dunn, Émilien Gauthier et Lucien Dion,
C.A., en qualité d'administrateurs de la Fiducie du
Régime de Retraite Assurance C. W. Dunn Inc.,
étaient autorisés par les fiduciaires du régime de
retraite de la Carrière Montréal-Est Limitée, John
J. Dunn, Robert A. Faust, Lucien Dion et Louis
Marc Tanguay, à être leurs mandataires dans un
contrat avec le groupe David pour l'achat de leurs
actions. Il ne se rappelle pas l'avoir communiqué
au groupe David. Ce contrat prévoyait en outre
qu'ils s'engageaient à fournir tous les fonds néces-
saires pour le paiement des actions, ainsi que
toutes les dépenses engagées et des honoraires de
$2,000 pour les services rendus par lesdits manda-
taires. Il témoigna aussi que le chèque remis à
Morgan, Ostiguy, Hudon Ltd., par le fonds du
régime de retraite de la compagnie fut émis quand
le groupe David avait quitté la réunion. Il est utile
de remarquer que le contrat du 30 décembre 1965,
par lequel les membres du groupe Dunn, en qualité
de fiduciaires de la fiducie du régime de retraite de
la compagnie, autorisèrent Dunn, Gauthier et
Dion, en qualité de fiduciaires de la Fiducie de
Régime de Retraite Assurance C. W. Dunn, Inc.,
à les représenter lors de l'achat des actions appar-
tenant aux membres du groupe David, fut conclu
alors que les membres du groupe David étaient
encore actionnaires de la compagnie. Me Couture
témoigna cependant que, même si le contrat de
vente a été complété immédiatement avant sa
signature, en ajoutant comme acheteur le nom de
la Fiducie du Régime de Retraite Assurance C. W.
Dunn Inc., représentée par John J. Dunn, Émilien
Gauthier et Lucien Dion, C.A., comme mandatai-
res, ce contrat n'indique pas de qui ils étaient les
mandataires, leur mandat résultant du document
que je viens de mentionner, qui n'a jamais été
communiqué aux membres du groupe David qui,
bien sûr, ne l'ont pas signé. Il avait aussi l'impres-
sion que le procès-verbal de la réunion du conseil
d'administration modifiant les dispositions du
régime de retraite, même s'il était daté du 22
décembre, ne fut signé qu'à la date de l'exécution;
il ne peut cependant en être certain puisqu'il n'a
pas préparé ce procès-verbal ni la résolution adop-
tée lors de cette réunion. Faust témoigna qu'il était
possible que la résolution ait été préparée dans son
bureau, bien qu'il ne puisse l'affirmer avec certi
tude, et qu'il avait peut-être même demandé aux
membres du groupe David de la signer, bien qu'il
ne puisse dire si cela s'était passé avant ou au
moment de l'exécution du contrat.
En essayant d'expliquer pourquoi les acheteurs
souhaitaient acquérir les actions du groupe David
et obtenir ainsi le contrôle de la fiducie du régime
de retraite, le demandeur témoigna que Lemieux
lui avait dit que Dunn souhaitait acquérir le
régime de retraite parce qu'il pourrait l'utiliser
pour 125 150 employés de ses diverses compa-
gnies. On apporta certains éléments de preuve
selon lesquels il n'était plus aussi facile qu'aupara-
vant d'obtenir l'approbation de régimes de retraite
et qu'il était donc très utile pour les acheteurs
d'obtenir le contrôle d'un régime qui avait déjà été
approuvé. Cette preuve ne m'a aucunement con-
vaincu. Le calcul de l'actuaire sur le montant dû à
titre de contributions pour services passés, qui
entraînerait le versement de $40,000 l'âge de 55
ans à chacun des quatre membres du groupe
David, seuls participants de ce régime, était bien
sûr fondé sur leur âge. L'utilisation d'un tel régime
de retraite pour un groupe ou différents groupes de
125 150 personnes d'âge différent, qui normale-
ment ne prendraient probablement pas leur
retraite et ne commenceraient pas à toucher une
pension à l'âge de 55 ans et dont les pensions
seraient certainement beaucoup moins élevées, exi-
gerait bien sûr des calculs entièrement nouveaux
par un actuaire. Si ces employés travaillaient pour
d'autres compagnies et n'étaient pas employés par
Carrière Montréal-Est Limitée, ils ne pourraient
participer au régime de retraite par sa simple
extension à tous les employés de cette compagnie.
Les fiduciaires du régime de retraite ne seraient
pas les mêmes. Il est évident que la simple struc
ture d'un régime de retraite, dont tous les termes
et dispositions devraient être modifiés par les ache-
teurs et dont tous les fonds auraient été retirés au
moment de l'achat, pour être utilisés dans une
série d'opérations permettant de verser le prix
d'achat des actions de la compagnie au groupe
David, aurait peu de valeur pour le groupe Dunn,
sinon aucune. En outre, dès qu'ils assumèrent le
contrôle de la compagnie, l'après-midi du 30
décembre 1965, les membres de ce groupe tinrent
des réunions pour prévoir la liquidation de la
compagnie, dans les plus brefs délais. En fait il n'y
eut pas de liquidation et le bilan de la compagnie
en date du 31 décembre 1966, soumis à la Cour,
indique que l'entreprise était encore exploitée,
mais seulement comme société de placements. Bien
que le demandeur se soit opposé à toute référence
aux actions intentées par le groupe Dunn après
l'achat des actions du groupe David, parce que
c'était res inter alios acta et qu'il n'était pas lié
par ce que ce groupe a fait après l'achat des
actions, j'estime que cette preuve est admissible
comme partie de res gestae puisqu'elle révèle les
intentions des membres du groupe Dunn qui ont
contredit, par leur propre conduite, l'argument
selon lequel ils s'intéressaient essentiellement au
contrôle de la fiducie du régime de retraite de la
compagnie qu'ils souhaitaient utiliser à l'égard de
certaines de leurs propres compagnies, et ne s'inté-
ressaient pas seulement au gain de certains bénéfi-
ces, paiements et profits résiduels accessoires
résultant d'un arrangement dont les principaux
bénéficiaires étaient les membres du groupe David,
qui furent en mesure de recevoir indirectement le
surplus de la compagnie sans payer d'impôt sur le
revenu à son égard.
On a déjà souvent dit qu'en droit un contribua-
ble peut arranger ses affaires de manière à éviter
le paiement d'un impôt ou à diminuer le montant
qu'il pourrait être tenu de payer s'il procédait
d'une manière différente et il va sans dire que les
diverses opérations en cause ne sont aucunement
incorrectes ou répréhensibles. En fait ces opéra-
tions ont été entreprises avec prudence, sur les
conseils d'un comptable et d'avocats experts en
droit fiscal représentant chaque partie, ainsi qu'un
expert en assurances, spécialisé dans la question
des régimes de retraite. En ce qui concerne les
faits, la thèse du demandeur se résume à la simple
prétention que le groupe David a seulement vendu
les actions détenues par ses membres et a reçu
paiement à cet égard sans se préoccuper de connaî-
tre la source de ces paiements. C'est à mon avis
une simplification injustifiable. Il est possible
qu'ils n'aient pas su, ni voulu savoir, ce qu'il
adviendrait par la suite pour rassembler les fonds
destinés au paiement de leurs actions, et il est
possible de toute façon qu'ils aient été personnelle-
ment incapables de comprendre en quoi ces opéra-
tions consistaient. Je ne peux croire cependant que
Lemieux, leur comptable et leur conseiller en
matières financières, qui doit être considéré
comme leur mandataire lorsqu'il traitait avec
Faust qui agissait au nom des acheteurs, ne savait
pas dans les grandes lignes, sinon dans les détails,
comment ce but serait atteint. Le fait qu'il ne
savait pas exactement qui étaient les membres du
groupe acheteur ne change rien à cela. Le deman-
deur a mentionné l'affaire Simard-Beaudry Inc. c.
M.R.N. 5 dans laquelle mon collègue le juge Addy
affirmait à la page 137:
Il est trop évident au point de vue juridique pour qu'il soit
utile de citer de la jurisprudence à cet effet qu'une personne
peut agir comme agent de deux personnes sans pour autant
qu'il y ait responsabilité conjointe pour tous leurs agissements
ou ceux de l'agent. Le fait que Melançon agissait à titre d'agent
pour des fins différentes, pour les frères Simard et leur compa-
gnie d'une part et pour Brillant et l'appelante de l'autre part,
pourrait et devrait en l'espèce imputer une connaissance
mutuelle de leurs agissements mais non nécessairement une
responsabilité mutuelle.
Dans cette affaire Melançon était à la fois manda-
taire des vendeurs et des acheteurs, ce qui n'était
pas le cas en l'espèce pour Lemieux (bien qu'il ait
aussi reçu des acheteurs une rémunération pour ses
services). Il est vrai que Lemieux ne pouvait con-
trôler les agissements des acheteurs après la vente
et qu'en outre, les frères David, ses commettants,
ne pouvaient en être tenus responsables; cepen-
dant, peu importe qu'ils aient eu ou non personnel-
lement connaissance des démarches ultérieures qui
devaient être entreprises, il faut considérer, à mon
avis, qu'ils ont partagé tout ce que savait leur
mandataire Lemieux de l'ensemble de ces opéra-
tions. Un contribuable, en protestant de son igno
rance ou en fermant les yeux sur ce qui est fait en
son nom, ne peut éviter ses responsabilités fiscales
à l'égard de ce qui a été arrangé en sa faveur par
un comptable ou par ses avocats ou autres conseil-
lers professionnels. Il est inutile en outre de pren-
dre en considération le fait que ces arrangements
ont été imaginés par le contribuable ou en son nom
par ses conseillers, ou lui ont été proposés par les
conseillers d'un tiers avec lequel il traite à dis
tance. S'il accepte l'arrangement et le fait sien,
que ce soit personnellement et sans en connaître ni
comprendre tous les détails, ou par l'intermédiaire
de ses conseillers et mandataires qui sont mieux
informés que lui, cet arrangement devient le sien
dès qu'il l'accepte et lui-même devient responsable
de ses conséquences. Il faudrait signaler que les
5 [1974] 2 F.C. 131.
faits dans l'affaire Simard-Beaudry Inc. (précitée)
différaient considérablement de ceux de l'affaire
présente dans la mesure où c'était la compagnie
elle-même qui était assujettie à l'impôt et non les
vendeurs; elle portait en outre sur l'application de
l'article 137(1) de la Loi qui n'est pas invoqué en
l'espèce. Il fut décidé dans cette affaire que l'achat
des actifs de la compagnie ne constituait pas un
«trompe-l'oeil» même si, à la suite de certaines
manoeuvres, cette opération avait permis aux com-
pagnies vendeuses de ne pas verser aux pouvoirs
publics un impôt sur le revenu sur la somme de
$5,406,000, correspondant à la dépréciation accu-
mulée, que les actionnaires de la compagnie furent
en mesure de retirer à titre de gain en capital.
Il n'existe à mon avis aucun «trompe-l'oeil» en
l'espèce, mais cette conclusion ne suffit pas pour
trancher la question de l'assujettissement à l'impôt
des sommes reçues par le demandeur. Si j'en crois
le témoignage du demandeur, les membres du
groupe David ont admis avoir eu des discussions
avec Lemieux, après l'achat des actifs réels de la
compagnie, sur les problèmes fiscaux qui résulte-
raient de la liquidation de la compagnie et sur la
manière de traiter son surplus gagné bien que,
toujours selon ses dires, aucune décision n'ait été
prise. Ils ont certainement coopéré avec les ache-
teurs, même sans savoir à cette époque de qui il
s'agissait, en convenant le 21 décembre de conver-
tir le certificat de placement de la compagnie se
chiffrant à $2,000,000 en dépôt au compte en
banque de la compagnie, de sorte que les actifs de
la compagnie furent entièrement convertis en liqui-
dités selon les souhaits des acheteurs. Du point de
vue des acheteurs, il était essentiel d'obtenir le
contrôle de la fiducie du régime de retraite de la
compagnie pour se procurer à coup sûr les fonds
nécessaires pour garantir le remboursement aux
agents de change des sommes avancées par ces
derniers pour l'achat des actions du groupe David;
cette question fut réglée lors de la réunion du 22
décembre, lorsque le groupe David et Lemieux ont
démissionné de leurs postes de fiduciaires du
régime de retraite et ont été remplacés par les
membres du groupe Dunn. Même s'il est vrai
qu'en raison de l'organisation de la fiducie du
régime de retraite à sa création, la compagnie
conservait encore un contrôle important sur le
régime, et que les membres du groupe David
furent actionnaires et administrateurs de la com-
pagne jusqu'au 30 décembre, ces derniers ont
néanmoins fait preuve d'une grande confiance en
laissant le contrôle de la fiducie du régime de
retraite de la compagnie à un groupe d'inconnus
alors que leurs actions n'avaient pas encore été
vendues ni payées. Il est difficile de croire qu'ils
ignoraient pour quelle raison on le faisait. Il est
vrai qu'ils déployèrent tous leurs efforts pour con-
tester le fait que cette réunion s'était tenue le 22
décembre; cependant les registres de la compagnie
parlent pour eux-mêmes; le procès-verbal de la
réunion est clairement daté du 22 décembre et
signé par Aimé David, en qualité de président, et
par Conrad David, en qualité de secrétaire, et les
quatre membres du groupe ont signé une renoncia-
tion à l'avis de convocation de la réunion devant
être tenue le 22 décembre.
Même s'il est possible que les membres du
groupe David aient traité à distance avec le groupe
Dunn, je ne peux conclure qu'ils ignoraient totale-
ment ce qu'entreprendrait ce groupe, après l'achat
des actions de la compagnie le 30 décembre, pour
fournir les fonds nécessaires au paiement de ces
actions au groupe David, ni qu'ils pouvaient igno-
rer qu'en vendant leurs actions, ils étaient en
mesure d'éviter un impôt sur la distribution du
surplus de la compagnie qu'ils auraient été dans
l'obligation de payer, s'ils avaient reçu ce surplus
directement à titre de dividendes ou de distribution
des actifs lors de la liquidation de la compagnie.
Pour plus de commodité, je cite maintenant les
articles de la Loi invoqués par les parties. La
défenderesse fait valoir l'article 137(2) que voici:
137. (2) Lorsqu'une ou plusieurs ventes, échanges, déclara-
tions de fiducie ou autres opérations de quelque nature que ce
soit ont pour résultat qu'une personne confère un avantage à un
contribuable, cette personne est censée avoir fait au contribua-
ble, un paiement égal au montant de l'avantage conféré, nonob-
stant la forme ou l'effet juridique des opérations ou le fait
qu'une ou plusieurs autres personnes y aient été également
parties; et, qu'il y ait eu ou non une intention d'éviter ou
d'éluder des impôts prévus par la présente loi, le paiement doit,
selon les circonstances, être
a) inclus dans le calcul du revenu du contribuable pour
l'application de la Partie I,
et le demandeur nie que cet article est applicable
mais déclare aussi que s'il l'était, le groupe David
relèverait de l'exception prévue à l'article 137(3)
qui se lit comme suit:
137. (3) Lorsqu'il est établi qu'une vente, un échange, ou
autre opération ont été conclus par des personnes traitant à
distance, de bonne foi et non en conformité ou comme partie de
quelque autre opération, non plus que pour effectuer le paie-
ment, en totalité ou en partie, de quelque obligation existante
ou future, aucune partie aux susdits n'est réputée, aux fins du
présent article, avoir conféré un avantage à la partie avec
laquelle elle a ainsi traité.
La défenderesse invoque aussi l'article 81(1):
81. (1) Lorsque, au moment où la corporation avait en main
un revenu non distribué, des fonds ou des biens d'une corpora
tion ont, de quelque façon, été distribués à un ou plusieurs de
ses actionnaires, ou autrement affectés à leur avantage, lors de
la liquidation, de la cessation ou de la réorganisation de son
entreprise, chaque actionnaire est censé avoir reçu à cette
époque un dividende égal au moindre
a) du montant des fonds ou de la valeur des biens ainsi
distribués ou à lui affectés, ou
b) de sa portion du revenu non distribué alors en main.
et affirme subsidiairement que s'il n'y avait ni
liquidation, ni cessation, ni réorganisation de l'en-
treprise, l'article 8(1) s'appliquerait; en voici un
extrait:
8. (1) Lorsque, dans une année d'imposition,
a) un paiement a été fait par une corporation à un action-
naire autrement qu'en vertu d'une opération commerciale
authentique,
b) des fonds ou biens d'une corporation ont été affectés de
quelque manière que ce soit à un actionnaire ou à son
avantage, ou
c) un bénéfice ou un avantage a été attribué à un actionnaire
par une corporation,
autrement
(i) qu'à l'occasion de la réduction de capital, du rachat
d'actions, ou de la liquidation, cessation ou réorganisation
de son entreprise,
le montant ou la valeur en l'espèce est inclus dans le calcul du
revenu de l'actionnaire pour l'année.
Bien que les faits de deux affaires ne soient
jamais exactement semblables, la Cour suprême
appliqua à deux reprises l'article 81(1) de la Loi
au lieu de l'article 137(2) pour déterminer dans
quelle mesure le contribuable était assujetti à l'im-
pôt. Dans la première de ces affaires Smythe c.
M.R.N. 6 , l'arrêt de la Cour suprême contredit la
déclaration du juge Gibson dans le jugement de la
Cour de l'Échiquier rendu dans cette affaire'
(page 253), selon laquelle:
6 [1970] R.C.S. 64.
7 [1968] 2 R.C.É. 189.
[TRADUCTION] La question à décider est de savoir si oui ou
non ces transactions ont eu pour résultat de conférer un avan-
tage aux appelants au sens du paragraphe (2) de l'article 137
de la Loi de l'impôt sur le revenu; au cas où la décision sur la
question principale est affirmative, une question subsidiaire est
de savoir si le montant de cet avantage devrait être cotisé en
vertu de l'article 8(1) ou de l'article 81(1) de la Loi de l'impôt
sur le revenu.
Voici la déclaration du juge Judson aux pages 70
et 71 du jugement de la Cour suprême:
Soit dit en toute déférence, il n'est ni utile ni souhaitable que
la question soit définie en ces termes. Je crois qu'en l'espèce
l'art. 81(1) de la Loi s'applique clairement et qu'il n'est pas
nécessaire d'exprimer une opinion sur la portée de l'art. 137(2)
de la Loi.
Il ne semble y avoir aucun doute que les nouvelles cotisations
ont été faites en vertu de l'art. 81(1) de la Loi, en se fondant
sur le fait qu'il y avait eu liquidation, cessation ou réorganisa-
tion de l'ancienne société. Le juge Gibson était dans le doute à
ce sujet bien qu'il ait exprimé l'opinion que s'il avait eu à
établir la cotisation, il en serait venu à la conclusion qu'il n'y
avait pas eu de liquidation, cessation ou réorganisation de
l'entreprise de l'ancienne société au sens de l'art. 81(1).
Je ne suis pas d'accord avec cette opinion et je fonderais mon
jugement sur cet article, et sur lui seulement. Ces cotisations
devaient être faites en vertu de cet article avec la conséquence
nécessaire d'un dégrèvement aux termes de l'art. 38(1). Si je
comprends bien, c'est ce que le fonctionnaire a fait.
La Cour de l'Échiquier laisse le résultat intact, mais fonde
son jugement sur l'application des art. 137(2) et 8(1). Si ces
articles étaient appliqués, il n'y aurait pas de dégrèvement pour
dividendes. Il y a là un illogisme dans le jugement de la Cour de
l'Échiquier. Je dirais donc qu'il y a eu liquidation et cessation
de l'entreprise de l'ancienne société, bien qu'il soit apparent
qu'il n'y a pas eu de liquidation en bonne et due forme aux
termes de la Loi sur les liquidations ou des dispositions de
liquidation de l' Ontario Companies Act.
Il adopte ensuite la décision du juge Maclean dans
l'affaire Merritt c. M.R.N. 8 aux pages 181 et 182
de ce jugement:
[TRADUCTION] Je n'éprouve aucune difficulté quant à l'inter-
prétation à donner aux termes «liquidation, cessation ou réorga-
nisation» tels qu'ils sont utilisés dans l'art. 19(1) de la Loi. En
interprétant ces termes, nous devons considérer la substance et
la forme de ce qui a été fait ici. Dans la cause In Re South
African Supply and Cold Storage Company [1904] 2 Ch. D.,
268, le juge Buckley devait décider si oui ou non il y avait eu
une liquidation aux fins de reconstitution ou de fusion; il a
déclaré [TRADUCTION] que «ni le mot reconstitution ni le mot
fusion n'ont un sens juridique défini. Chacun d'entre eux est un
terme commercial et non un terme juridique, et même comme
terme commercial n'a pas un sens exact. Je crois que cela serait
e [1941] R.C.É. 175.
également vrai des termes de l'art. 19(1) que je viens de
mentionner. Il n'y a pas eu de «liquidation» de la Security
Company par un liquidateur, mais je crois qu'en fait il y a eu
liquidation des affaires de cette société et que ce sens peut être
donné ici au mot «liquidation», bien que je n'aie pas à décider
catégoriquement car, de toute façon, il y a eu cessation des
affaires de la Security Company, et que cela ait été le résultat
d'une vente à la Premier Company ou d'une fusion avec celle-ci
est, à mon avis, sans importance. Je pense donc qu'il n'y a pas
matière à discussion quant au fond mais que la Security
Company a cessé ses opérations au sens réel et commercial, et
que moyennant compensation elle a disposé de tous ses biens et
avoirs, si loin que cela puisse nous mener pour décider de cette
affaire. Il n'est donc aucunement nécessaire d'essayer de
donner une définition précise des mots «liquidation, cessation ou
réorganisation». Pour ce qui est de la Security Company on s'en
est à peu près tenu au sens et à l'esprit de ces termes.
puis il fait remarquer que l'article 19(1) est à
l'origine du présent article 81(1) et qu'aux fins de
ses motifs, il n'y a aucune différence entre les
deux.
Le second arrêt de la Cour suprême, Craddock
c. M.R.N. 9 , adopta les motifs exprimés dans l'af-
faire Smythe (précitée) pour appliquer l'article
81(1). Le juge de première instance dans cette
affaire, le juge Gibson, avait confirmé les nouvelles
cotisations à l'impôt adressées aux contribuables
en appliquant l'article 137(2), après avoir déclaré
que cet article formait un tout et n'était pas subor-
donné aux autres articles de la Loi, puisqu'il
s'agissait d'une disposition prévoyant l'assujettisse-
ment à l'impôt, et qu'en conséquence, il n'était pas
nécessaire d'avoir recours à des dispositions spéci-
fiques de la Loi pour assujettir à l'impôt l'avantage
en résultant et on ne pouvait demander aucun
dégrèvement pour dividendes à l'égard de ces
avantages.
Il n'était pas nécessaire dans ces affaires d'exa-
miner le sens des mots «lors de» dans l'expression
«lors de la liquidation, de la cessation ou de la
réorganisation de son entreprise» à l'article
81(1) 1 °. Le demandeur prétend que l'article 81(1)
ne s'applique pas parce que le paiement des actions
du groupe David ne constituait pas une distribu
tion ou autre sorte d'appropriation des fonds de la
compagnie à une époque où elle avait en main un
revenu non distribué, et, en outre, parce que cette
9 [1969] R.C.É.23.
10 Il faut remarquer que la version française utilise un terme
plus expressif, «lors de», que la version anglaise («on»).
opération ne fut pas effectuée «lors de la liquida
tion, de la cessation ou de la réorganisation» de
l'entreprise de cette compagnie. J'ai conclu que,
même si le paiement leur fut versé indirectement
en raison de certains agissements de tierces person-
nes sur lesquelles les frères David n'avaient aucun
contrôle, le résultat final revenait néanmoins à
l'utilisation des fonds de la compagnie, y compris
son revenu non distribué, pour le paiement de leurs
actions et l'expression «ou autrement affectés (à un
ou plusieurs de ses actionnaires) à leur avantage»
est assez large pour inclure les opérations en cause.
Il m'est plus difficile de conclure que ces opéra-
tions eurent lieu «lors de» la liquidation, de la
cessation ou de la réorganisation de l'entreprise. A
mon avis, si l'on veut définir le terme «lors de», il
faut au moins le considérer comme l'équivalent de
«en même temps que» ou peut-être «à la suite de»
ou «résultant de». Bien que la compagnie ait mis
fin en août à ses opérations commerciales lors de la
vente de ses actifs physiques, et que la déclaration
du juge Maclean dans l'affaire Merritt (précitée),
approuvée par la Cour suprême, soit assez large
pour appliquer l'article 81(1) à la «cessation» d'une
entreprise commerciale active, même s'il n'y a pas
eu «liquidation», il est cependant vrai qu'en l'es-
pèce ce n'est pas au moment de, ni < span> de» la
cessation des opérations commerciales de la com-
pagnie, en août, que les fonds furent appropriés à
l'avantage du groupe David, mais seulement cinq
mois plus tard. Il est clair cependant que le groupe
Dunn avait l'intention de liquider non seulement
les opérations commerciales mais toute l'entreprise
de la compagnie immédiatement après en avoir
acquis le contrôle, comme l'indique le procès-ver
bal des réunions du 30 décembre 1965. Même s'il
est vrai que les événements ultérieurs indiquent
que la liquidation n'eut pas lieu à ce moment-là,
mais qu'on continua d'exploiter la compagnie
comme société de placements, je ne pense pas que
cette situation change le fait que la liquidation
faisait apparemment partie du projet; comme je
l'ai déjà indiqué, je ne pense pas que le groupe
David puisse faire valoir avec succès qu'il ignorait
ce qui avait été prévu même s'il n'en connaissait
pas tous les détails, ni ne pouvait contrôler les
agissements du groupe Dunn après la passation des
pouvoirs. Il est certain qu'après l'exécution des
diverses opérations du 30 décembre, la compagnie
ne conservait dans son compte en banque, qu'une
somme très faible, puisque le solde au 31 décembre
se chiffrait à $1,848.86. Cette somme ne pouvait
suffire pour couvrir les deux chèques de $75,000 et
$25,000 destinés au fisc et qui, selon la preuve, ne
furent jamais envoyés puisque les contributions au
régime de pension avaient suffisamment réduit le
montant de l'impôt payable par la compagnie pour
que ces paiements ne soient plus requis. A toutes
fins pratiques, les activités commerciales de la
compagnie prirent fin à la suite des différentes
opérations du 31 décembre. A mon avis, l'article
81(1)b) de la Loi doit donc être appliqué, comme
il le fut dans la nouvelle cotisation; les membres du
groupe. David ont donc droit à un dégrèvement
pour dividendes en vertu de l'article 38 de la Loi
pour leurs parts respectives du revenu distribué en
main, censés avoir été inclus dans les sommes qui
leur furent versées. Si l'on retient une telle inter-
prétation, il n'est pas nécessaire d'examiner l'arti-
cle 81(1)b) ou c) qui s'applique dans le cas où il
n'y a pas eu «liquidation, cessation ou réorganisa-
tion» de l'entreprise de la compagnie. L'application
de ce dernier article serait moins favorable au
demandeur puisqu'il n'y aurait pas alors de dégrè-
vement à l'égard du dividende imposable. Je sous-
cris à l'opinion de la défenderesse selon laquelle
l'article 8(1) serait applicable si l'article 81(1) ne
l'était pas; j'accepte cependant la décision de la
défenderesse d'appliquer l'article 81(1).
Compte tenu de cette conclusion et à la lumière
de la jurisprudence établie par la Cour suprême
dans les affaires Smythe et Craddock (précitées),
il est sans doute inutile et superflu d'examiner
dans quelle mesure l'article 137(2) serait applica
ble; au cas cependant où ma conclusion selon
laquelle l'article 81(1) s'applique, soulèverait quel-
ques questions, je traiterai brièvement de l'alterna-
tive que constituerait l'application de l'article
137(2). Dans ledit article, l'expression «nonobstant
la forme ou l'effet juridique des opérations ou le
fait qu'une ou plusieurs autres personnes y aient
été également parties» est très large, comme d'ail-
leurs l'expression «qu'il y ait eu ou non une inten
tion d'éviter ou d'éluder des impôts prévus par la
présente loi». Je ne doute pas qu'en raison des
diverses opérations en cause, soit la compagnie soit
la fiducie du régime de retraite de la compagnie
ait conféré un avantage au groupe David, dans la
mesure où à la suite de ces opérations ils ont pu
retirer le surplus non distribué de la compagnie
sans payer d'impôts à cet égard. Le demandeur ne
peut donc invoquer l'article 137(3) car, même s'il
est possible que le groupe David ait traité à dis
tance avec les acheteurs, j'ai conclu qu'ils ne pou-
vaient invoquer leur ignorance des intentions et
projets des acheteurs et ne peuvent donc affirmer
que l'achat de leurs actions n'avait pas été conclu
«comme partie de quelque autre opération». C'est
pourquoi, à mon avis, l'appel du demandeur aurait
aussi échoué sur ce point s'il avait été nécessaire de
considérer l'application de cet article.
L'action du demandeur est donc rejetée avec
dépens et je conclurai de la même manière dans les
deux autres affaires, Fernand David, T-2747-72 et
Raymond Pepin, T-2749-72.
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