A-212-73
George L. Leithiser, The Timberland Ellicott
Limited (Appelants)
c.
Pengo Hydra-Pull of Canada, Limited (Intimée)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, le juge
Thurlow et le juge suppléant MacKay —Ottawa,
du 19 au 22 novembre 1974.
Brevets—Action en contrefaçon—Invention d'un procédé
permettant , d'exerçer une traction uniforme sur des câbles
conducteurs d'électricité—Revendications invalides—S'agit-
il d'une invention «en vente au Canada» ?— Loi sur les bre-
vets, S.R.C. 1970, c. P-4, art. 2,28, 35, 36, 46 et 47—Règles
408(3) et 482 de la Cour fédérale.
L'appelant Leithiser a inventé et construit une «frei-
neuse» destinée à obtenir une traction uniforme pendant la
pose de câbles conducteurs d'électricité et à éviter tout
risque de dommage au câble quand on le déroule d'un touret
débiteur. La Division de première instance a rejeté l'action
en contrefaçon intentée par l'inventeur et son cessionnaire
contre la défenderesse et a déclaré les revendications invali-
des pour deux motifs (arrêt non publié, n° du greffe:
T-1738-71): a) les divulgations du mémoire descriptif
n'étayaient pas les revendications; b) la condition posée à
l'article 28(1)c) de la Loi sur les brevets, à savoir que
l'«invention» faisant l'objet du litige n'avait pas été «en
vente au Canada» plus de deux ans avant le dépôt de la
demande de brevet, n'a pas été remplie.
Arrêt: l'appel est rejeté. En ce qui concerne le premier
motif, la question était de savoir avant tout si les revendica-
tions de l'appelant étaient plus larges que l'invention; pour
ce qui est du second motif, il s'agissait de déterminer si les
revendications étaient plus larges que la description de
l'invention dans le mémoire descriptif. Toute réponse affir
mative à l'une ou l'autre de ces questions entraînait la nullité
des revendications. La réponse a été affirmative dans les
deux cas pour chacune des huit revendications du brevet. Le
brevet de l'appelant est invalide. Il n'est pas nécessaire
d'exprimer une opinion sur le second motif.
Arrêts suivis: Radio Corporation of America c. Ray-
theon Mfg. Co. (1957) 16 Fox Pat. C. 122; Smith
Incubator Company c. Albert Seiling [1937] R.C.S. 251
et le Commissaire des brevets c. Farbwerke Hoechst
Aktiengesellschaft Vormals Meister Lucius & Bruning
[1964] R.C.S. 49.
APPEL.
AVOCATS:
R. G. McClenahan, c.r., et A. M. Butler
pour les appelants.
I. Goldsmith, c.r., et D. J. Bellehumeur pour
l'intimée.
PROCUREURS:
Gowling & Henderson, Ottawa, pour les
appelants.
Goldsmith & Carswell, Toronto, pour
l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés oralement par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Je souscris aux
motifs du jugement prononcés par le juge Thur -
low et à sa décision dans cette affaire. Tout en
partageant son opinion, je me propose toutefois
de présenter un certain nombre de remarques
complémentaires à cet égard.
Il s'agit d'un appel interjeté d'un jugement de
la Division de première instance rejetant une
action en contrefaçon d'un brevet et déclarant
que les revendications dudit brevet prétendu-
ment contrefait sont nulles et de nul effet.
Le savant juge de première instance a fondé
sa décision sur une conc usion selon laquelle les
revendications dans le brevet prétendument
contrefait sont invalides pour deux motifs dis-
tincts, savoir:
a) les «divulgations» du «mémoire descriptif»
n'étayent pas les «revendications»; et
b) la condition exigée à l'article 28(1)c) de la
Loi sur les brevets, à savoir que l'«invention»
faisant l'objet du litige n'avait pas été «en
vente au Canada» plus de deux ans avant le
dépôt de la demande de brevet, n'a pas été
remplie.
Pour ce qui est du second motif, je ne pense
pas qu'il soit nécessaire d'exprimer d'opinion à
cet égard et je vais différer mon opinion sur la
signification des mots «en vente au Canada»
pris dans le contexte de l'article 28(1)c) jusqu'à
ce qu'il soit nécessaire de le faire. Je ne suis pas
disposé actuellement à faire mienne l'acception
large que le savant juge de première instance a
dû donner à ces mots pour conclure qu'ils s'ap-
pliquaient aux faits de la présente espèce.
En ce qui concerne le premier motif sur
lequel s'est fondé le savant juge de première
instance, j'adopte, comme il l'a fait, le principe
de droit énoncé par le président Thorson dans
l'affaire Radio Corporation of America c.
Raytheon Mfg. Co.' dans les termes suivants:
[TRADUCTION] Suivant un principe essentiel du droit des
brevets, l'inventeur ne peut revendiquer ce qu'il n'a pas
décrit. Cela veut dire dans le jargon juridique des brevets
que les divulgations du mémoire descriptif doivent étayer les
revendications. Dans le cas contraire, ces revendications
sont invalides. 2
En outre, quelle que soit l'invention, s'il en est,
que les «divulgations» du mémoire descriptif
sont censées avoir décrite, je partage l'opinion
du savant juge de première instance selon
laquelle chaque revendication du brevet invoqué
était trop large, entraînant ainsi son invalidité au
sens du principe de droit énoncé par le président
Thorson dans la citation précédente. Comme je
l'ai déjà indiqué, je souscris aux motifs de mon
collègue le juge Thurlow sur cet aspect de la
question.
Cela suffit, selon moi, à justifier ma conclu
sion selon laquelle l'appel doit être rejeté avec
dépens. Toutefois, je ne peux m'empêcher de
faire quelques commentaires sur la façon dont
le nombre relativement faible des questions de
fait et de droit en litige entre les parties, dans
cette affaire, a donné lieu à un procès couvrant
quelque douze jours d'audition des témoins et
quelque quatre jours de débats, se chiffrant, j'en
ai bien peur, à des milliers de dollars par jour, ni
d'exprimer mes conclusions sur certains autres
aspects de l'affaire qui découlent des commen-
taires précédents.
En premier lieu, selon moi, il était clair, dès le
départ, même sans preuve, que le brevet était
invalide car il ne révélait aucune invention' et
on aurait très bien pu trancher toute l'affaire sur
ce fondement par voie de procédure préalable.
(1957) 16 Fox Pat. C. 122, aux pages 133 et 134.
2 Voir également la décision du juge en chef Duff dans
l'affaire The Smith Incubator Company c. Albert Seiling
[1937] R.C.S. 251, à la page 257, et l'ouvrage de Fox,
Canadian Patent Law and Practice 4e édition à la page 216.
Voir l'article 2 de la Loi sur les brevets:
2. Dans la présente loi, ainsi que dans tout règlement ou
règle établie, ou ordonnance rendue, sous son autorité,
«invention» signifie toute réalisation, tout procédé, toute
machine, fabrication ou composition de matières, ainsi
qu'un perfectionnement quelconque de l'un des susdits,
présentant le caractère de la nouveauté et de l'utilité;
Pour faire comprendre qu'il ne s'agit pas
d'une simple considération d'ordre technique et
avant d'expliquer le fondement de la conclusion
précédente, je vais rappeler l'économie générale
de la Loi sur les brevets. La Loi sur les brevets
est une loi qui concède un monopole de dix-sept
ans, relativement à l'utilisation de l'«invention»,
à un inventeur qui divulgue son invention au
public de telle sorte que, sous réserve du mono-
pole, l'invention sera connue du public. (Cette
loi vise l'intérêt du public et non l'intérêt exclu-
sif des inventeurs.) La concession d'un brevet,
en vertu de l'article 28 de la Loi 4 , réalise cet
objectif, l'inventeur s'étant au préalable con
formé «à toutes les autres prescriptions de la
présente loi». Ces prescriptions sur lesquelles
repose toute l'économie de la Loi sont des pres
criptions relatives au «mémoire descriptif» et à
«la revendication ou (aux) revendications» qui
en temps opportun sont rendues publiques.
(Voir les articles 35, 36 et 46.) 5 Avec sa
demande de brevet, le demandeur doit transmet-
tre un «mémoire descriptif ... de l'invention»
4 Voir l'article 28:
28. (1) Sous réserve des dispositions subséquentes du
présent article, l'auteur de toute invention ou le représen-
tant légal de l'auteur d'une invention qui
(a) n'était pas connue ou utilisée par une autre per-
sonne avant que lui-même l'ait faite,
(b) n'était pas décrite dans quelque brevet ou dans
quelque publication imprimée au Canada ou dans tout
autre pays plus de deux ans avant la présentation de la
pétition ci-après mentionnée, et
(c) n'était pas en usage public ou en vente au Canada
plus de deux ans avant le dépôt de sa demande au
Canada,
peut, sur présentation au commissaire d'une pétition expo-
sant les faits (ce que la présente loi indique comme »le
dépôt de la demande») et en se conformant à toutes les
autres prescriptions de la présente loi, obtenir un brevet
qui lui accorde l'exclusive propriété de cette invention.
5 Voir les articles 35, 36 et 46 de la Loi sur les brevets:
35. Le demandeur doit insérer, dans sa demande de
brevet, le titre ou nom de l'invention et transmettre, avec
sa demande, un mémoire descriptif en double exemplaire
de l'invention et une copie additionnelle ou troisième
copie de la revendication ou des revendications.
36. (1) Dans le mémoire descriptif, le demandeur doit
décrire d'une façon exacte et complète l'invention et son
application ou exploitation, telles que les a conçues l'in-
venteur, et exposer clairement les diverses phases d'un
procédé, ou le mode de construction, de confection, de
composition ou d'utilisation d'une machine, d'un objet
(article 35). Dans le mémoire descriptif d'une
invention portant sur une machine 6 , le deman-
deur doit:
a) décrire d'une façon exacte et complète la
machine qui constitue l'invention, et son
application ou exploitation telles que les a
conçues l'inventeur,
b) exposer clairement le mode de construc
tion de la machine «dans des termes com-
plets, clairs, concis et exacts qui permettent à
toute personne versée dans l'art ou la science
dont relève l'invention, ou dans l'art ou la
science qui s'en rapproche le plus», de la
construire,
c) expliquer le principe de la machine,
d) expliquer «la meilleure manière» dont il a
conçu l'application de ce principe et
(Suite de la page précédente)
manufacturé ou d'un composé de matières, dans des
termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à
toute personne versée dans l'art ou la science dont relève
l'invention, ou dans l'art ou la science qui s'en rapproche
le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser
l'objet de l'invention. S'il s'agit d'une machine, le deman-
deur doit en expliquer le principe et la meilleure manière
dont il a conçu l'application de ce principe. S'il s'agit d'un
procédé, il doit expliquer la suite nécessaire, s'il en est,
des diverses phases du procédé, de façon à distinguer
l'invention d'autres inventions. Il doit particulièrement
indiquer et distinctement revendiquer la partie, le perfec-
tionnement ou la combinaison qu'il réclame comme son
invention.
(2) Le mémoire descriptif doit se terminer par une ou
plusieurs revendications exposant distinctement et en
termes explicites les choses ou combinaisons que le
demandeur considère comme nouvelles et dont il revendi-
que la propriété ou le privilège exclusif.
46. Tout brevet concédé en vertu de la présente loi doit
contenir le titre ou nom de l'invention, avec renvoi au
mémoire descriptif, et accorder, sous réserve des condi
tions prescrites dans la présente loi, au breveté et à ses
représentants légaux, pour la durée y mentionnée, à partir
de la date de la concession du brevet, le droit, la faculté et
le privilège exclusifs de fabriquer, construire, exploiter et
vendre à d'autres, pour qu'ils l'exploitent, l'objet de ladite
invention, sauf jugement en l'espèce par un tribunal
compétent.
6 Comme il s'agit d'un brevet portant sur une machine, je
me contente de faire allusion aux prescriptions relatives à
une invention portant sur une «machine».
e) indiquer particulièrement et «distinctement
revendiquer la partie, le perfectionnement ou
la combinaison qu'il réclame» comme son
invention.
(Voir l'article 36(1)). Après avoir ainsi rédigé
son mémoire descriptif, le demandeur est tenu
de le terminer par «une ou plusieurs revendica-
tions exposant distinctement et en termes expli-
cites les choses ou combinaisons que le deman-
deur considère comme nouvelles et dont il
revendique la propriété ou le privilège exclusif»
(voir l'article 36(2)). «La revendication ou les
revendications» forment une partie complète-
ment différente de celle du «mémoire descrip-
tif» visée à l'article 36(1) où le demandeur indi-
que ce qu'il revendique comme son invention;
cette différence ressort non seulement de l'utili-
sation d'une terminologie différente—savoir «la
partie, le perfectionnement ou la combinaison
qu'il réclame comme son invention» (article
36(1)) et «les choses ou combinaisons que le
demandeur considère comme nouvelles et dont
il revendique la propriété ou le privilège exclu-
sif» (article 36(2))—mais ressort aussi de l'exi-
gence posée à l'article 35 selon laquelle le
demandeur doit transmettre le mémoire descrip-
tif «en double exemplaire» et «une copie addi-
tionnelle ou troisième copie de la revendication
ou des revendications». En outre, comme l'a
indiqué le président Thorson (suite, comme
nous le savons tous, à un examen complet de la
jurisprudence) il a toujours été considéré et jugé
qu'une revendication constituait un moyen de
délimiter précisément les frontières de l'inven-
tion dont l'inventeur revendique le privilège
exclusif (dans le cadre de ce qu'il a décrit en
termes généraux comme son invention dans son
«mémoire descriptif»). On sait très bien que
lorsqu'un brevet est délivré, le mémoire descrip-
tif se terminant par une ou plusieurs revendica-
tions en constitue la partie essentielle.
J'ai analysé de façon assez détaillée cet
aspect de l'économie de la Loi sur les brevets
parce qu'il montre avec quel soin le Parlement a
fait en sorte que l'inventeur, comme condition
préalable à l'obtention de son monopole, expose
clairement au public en quoi consiste son inven
tion et comment en tirer profit. Selon moi, se
conformer pleinement et explicitement à l'arti-
de 36(1), c'est-à-dire fournir un mémoire des-
criptif indiquant au public en quoi consiste l'in-
vention et comment l'utiliser, constitue une
condition préalable à tout monopole' accordé
sous le régime de la Loi sur les brevets. Voir
l'article 46 de la Loi sur les brevets qui assujettit
la concession de brevet aux «conditions prescri-
tes dans la présente loi».
Dans la présente espèce, selon moi, le
mémoire descriptif ne se conformait pas vérita-
blement à l'article 36(1). La première partie du
mémoire descriptif' (allant jusqu'au paragraphe
commençant par les mots «parmi les dessins
annexés ...») énonce les buts et objets de l'«in-
vention» et en quoi elle «consiste» mais ne la
décrit pas, et encore moins n'expose comment
la construire, n'explique son «principe» ni n'in-
dique ou revendique «la partie, le perfectionne-
ment ou la combinaison» que l'inventeur
réclame comme son invention. Dès que le
«mémoire descriptif» commence à se référer
aux dessins, il ne fait qu'expliquer la machine
illustrée par ces dessins et indique très claire-
ment qu'ils «ne représentent, aux fins d'illustra-
tion, qu'une version préférentielle de l'inven-
tion», ce qui signifie dans le jargon des brevets
qu'ils sont l'accomplissement de l'exigence
selon laquelle le demandeur doit expliquer «la
meilleure manière» dont il conçoit «l'applica-
tion» du principe de la machine.
Selon moi, le mémoire descriptif de ce brevet
ne satisfait pas, à proprement parler, aux exi-
gences posées par l'article 36(1) et, compte tenu
du rôle essentiel joué par le mémoire descriptif
visé à l'article 36(1) qui accorde au public la
contrepartie du monopole, le fait que le
«mémoire descriptif» ne satisfait nullement,
sous aucun rapport important, aux exigences
posées par l'article 36(1) constitue, à mon avis,
un motif suffisant pour déclarer que le brevet
est invalide.
J'en viens maintenant à la seconde remarque
que je ne peux m'empêcher de faire après lec
ture du dossier en l'espèce.
Le savant juge de première instance a cité le mémoire
descriptif dans ses motifs de jugement et je n'ai pas l'inten-
tion de le citer à nouveau.
En dehors des différents éléments explicite-
ment énoncés dans la définition du mot «inven-
tion» donnée dans la Loi, c'est-à-dire la nou-
veauté, l'utilité, etc., il existe une autre exigence
selon laquelle la chose revendiquée comme
étant une invention doit être le fruit d'une ingé-
niosité inventive et non pas d'un simple perfec-
tionnement ou amélioration «technique». Voir la
décision du juge Judson (rendant le jugement au
nom de la Cour suprême du Canada) dans l'af-
faire Le commissaire des brevets c. Farbwerke
Hoechst Aktiengesellschaft Vormals Meister
Lucius & Bruning 8 aux pages 56 et 57. Toute-
fois, dès qu'un brevet est accordé, il est prima
facie valide 9 . D'après la pratique qui semble
avoir toujours été suivie en cas de contestation
sur la validité du brevet pour manque d'ingénio-
sité inventive, pratique suivie en l'espèce, il
s'agit simplement d'indiquer au cours des plai-
doiries que la «prétendue invention» était «évi-
dente» et [TRADUCTION] «n'impliquait aucune
activité inventive». Dans cette optique, cette
allégation n'est pas suffisante, à mon avis, dans
l'hypothèse où elle est contestée par voie de
procédure préalable. La question de savoir si la
prétendue invention implique une ingéniosité
inventive ne peut être tranchée qu'en examinant
l'invention (telle qu'elle figure dans le mémoire
descriptif) en regard de l'état de choses existant
juste avant la date où elle aurait été inventée,
cet état de choses étant généralement appelé
«état antérieur de la technique» dans le jargon
des brevets. Cependant, bien que l'interpréta-
tion du mémoire descriptif soit une question de
droit, «l'état de la technique», selon moi, est une
question de fait qui devrait être invoquée, de
sorte que les questions en litige à cet égard
peuvent (avant l'audience, grâce aux plaidoiries)
être réduites à leurs aspects, quels qu'ils soient,
faisant l'objet d'un litige réel entre les parties. Je
suggère aux membres de la profession intéres-
8 [1964] R.C.S. 49.
9 Voir l'article 47 de la Loi sur les brevets:
47. Tout brevet accordé conformément à la présente loi
doit être délivré sous la signature du commissaire et le
sceau du Bureau des brevets. Le brevet doit porter à sa
face la date à laquelle il a été accordé et délivré, et il est
par la suite prima facie valide et acquis au titulaire et à ses
représentants légaux pour la période y mentionnée,
laquelle doit être déterminée suivant les articles 48 et 49.
sés à ce type de litige ainsi qu'à la Division de
première instance de prêter une attention toute
particulière à l'application des Règles de cette
cour concernant cette partie des plaidoiries lors-
que des affaires de ce genre se présenteront,
même si, à d'autres époques plus calmes, il
convenait de laisser ces questions en suspens
jusqu'à ce qu'elles soient soumises au tribunal
de dernière instance. 10
L'audition de cette affaire sans aucune plai-
doirie portant sur «l'état de la technique»
donne, selon moi, un dossier très diffus et
embrouillé à partir duquel il est difficile, sinon
impossible, de tirer une conclusion sur l'aspect
de l'«ingéniosité inventive», même en supposant
que l'«invention», que le savant juge de pre-
mière instance a pris tant de peine à dégager du
mémoire descriptif pour l'appelant (ou la forme
quelque peu différente que nous ont proposée
les avocats de l'appelant), pouvait être considé-
rée comme divulguée par le mémoire
descriptif."
10 A ce propos, on pourrait se reporter à la Règle 408(3), à
l'ouvrage de Odgers, Pleading and Practice, 20e éd., à la
page 96, et au chapitre du «Livre blanc» traitant des «condi-
tions préalables», c.-à-d. le volume publié en 1965 aux pages
372 et 373.
11 Après l'examen le plus minutieux que j'ai pu faire de la
question et après avoir entendu les avocats de l'appelant sur
ce point, j'estime que, suivant la prépondérance des probabi-
lités, aucune ingéniosité inventive n'a été mise en jeu pour
assembler les pièces de ce qui est devenu la machine fabri-
quée par le titulaire du brevet (aucune de ces pièces n'est
d'ailleurs revendiquée comme étant une invention). Même si
l'on n'a pas insisté beaucoup sur ce fait, il semble clair qu'un
changement récent dans l'industrie à ce moment-là a provo-
qué une demande justifiant une nouvelle machine, que l'«in-
venteur» a reçu une commande pour une telle machine et
qu'il l'a mise au point. Par conséquent, il ne s'agit pas d'un
besoin existant depuis longtemps et auquel personne ne
pouvait trouver de solution simple. (En vérité, on n'a fait
état d'aucun résultat obtenu de la combinaison revendiquée
comme invention qui se serait ajouté à l'ensemble des
résultats obtenus de ses éléments pris séparément, aucun de
ces éléments n'a d'ailleurs été revendiqué comme impliquant
en lui-même une ingéniosité inventive.) Selon moi, tel qu'il
appert de la déposition du témoin expert cité par la défende-
resse, la combinaison des éléments de cette machine ne
semble pas impliquer d'ingéniosité inventive mais simple-
ment une habilité et une compétence techniques.
Enfin, et ce sera ma dernière remarque, il
m'apparaît opportun de dire quelques mots sur
l'utilisation des affidavits des «experts» en l'es-
pèce. La Règle 482 a été introduite aux fins de
réduire la longueur et les frais des audiences
impliquant le recours à des «experts» et de
favoriser le règlement avant l'audience. Le
résultat souhaité n'est atteint que lorsque les
avocats essaient bona fide de l'appliquer et ne
retombent pas inconsciemment, ou autrement,
dans leurs vieilles habitudes de «joueurs de
poker» consistant à garder leurs meilleures
cartes dans leur jeu jusqu'à l'appel final, à
moins qu'ils ne soient forcés de les abattre plus
tôt. Dans cette affaire, j'ai l'impression, à la
lecture du dossier, qu'une grande partie de l'au-
dience a été consacrée à entendre les experts
donner des explications et présenter des dessins
qui auraient pu et auraient dû figurer plus utile-
ment et plus efficacement dans les affidavits
eux-mêmes. Si l'on autorise progressivement les
avocats à ne se conformer qu'en apparence à la
Règle 482, elle deviendra une simple étape sup-
plémentaire dans la procédure qui devra, selon
moi, être abrogée 12.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés oralement par
LE JUGE THURLOW: L'appelant Leithiser a
inventé et construit une machine destinée à
obtenir une traction uniforme pendant la pose
de câbles conducteurs d'électricité et à éviter
tout risque de dommage au câble quand on le
déroule d'un touret débiteur. Lorsqu'elle fonc-
tionne, la machine s'intercale entre le touret
débiteur et le pylône ou l'ouvrage sur lequel le
câble est en voie de pose. En absorbant la force
exercée pour tendre le câble entre les pylônes
ou les ouvrages, elle règle la tension exercée sur
i 2 Un exemple de la façon dont on peut abuser de la Règle
est fourni par la requête présentée au cours de l'audience
aux fins de radier des parties de l'affidavit d'un expert au
motif que son contre-interrogatoire avait révélé que sa dépo-
sition principale n'était pas pertinente. L'avocat n'aurait
jamais eu l'idée de présenter une telle requête si la déposi-
tion principale avait été faite sans l'aide d'un affidavit
déposé en vertu de la Règle.
le câble entre elle et le pylône ou l'ouvrage et
élimine la pression exercée sur le câble qui
garnit le touret débiteur. Elle est équipée d'un
mécanisme permettant d'aligner automatique-
ment une gorge du réa-frein récepteur avec le
câble en voie de déroulage du touret débiteur.
Grâce à ce mécanisme, elle accomplit ce qu'on a
appelé l'enroulement de niveau. Inversement, la
machine peut être utilisée pour permettre l'en-
roulement régulier ou de niveau du câble sur un
touret.
Les principales caractéristiques de l'invention
de l'appelant consistent en un châssis assorti
d'un support monté sur un pivot, de sorte qu'on
peut incliner le support latéralement par rapport
à sa position verticale. Le support comprend
deux réas-freins, montés en tandem, dotés de
trois ou plusieurs gorges lisses semi-circulaires
ou en forme de U destinées à recevoir les spires
du câble. Un groupe hydraulique, fonctionnant
sur le principe de l'ouverture d'une valve lors-
que la pression hydraulique à l'intérieur de ce
groupe atteint un niveau prédéterminé, est des-
tiné à retarder la rotation des réas-freins et, par
la friction du câble et des réas-freins, à augmen-
ter la traction exercée sur le câble tendu grâce à
ce mécanisme. Ces mécanismes hydrauliques
sont conçus pour engendrer automatiquement
un déplacement latéral du support par rapport à
son axe, de façon à aligner la gorge désirée du
réa-frein lui correspondant avec le câble en voie
de déroulage du touret débiteur. Ce groupe
fonctionne automatiquement grâce à des détec-
teurs, placés de chaque côté du câble à son
point de contact avec le dispositif, qui action-
nent mécaniquement le groupe hydraulique pour
déplacer le support latéralement.
A l'époque en cause, le 3 mars 1958, aucune
de ces caractéristiques ne constituait en elle-
même une innovation. L'état de la technique
dans le domaine des dispositifs destinés à la
pose des câbles sous tension consistait à utiliser
des réas-freins fixes, montés en tandem, dotés
de plusieurs gorges ainsi que des dispositifs
actionnés manuellement pour obtenir l'enroule-
ment de niveau en guidant le câble dans la gorge
réceptrice. Dans certains domaines connexes
mettant en jeu l'enroulement d'un câble, on
utilisait des dispositifs commandés mécanique-
ment pour guider le câble de façon à obtenir un
enroulement de niveau. On n'ignorait pas aussi
qu'en raison d'une surface de contact plus
importante entre le câble et les côtés, une gorge
en forme de V entraînerait une friction plus
importante qu'une gorge semi-circulaire en
forme de U.
Selon les plaidoiries des avocats des appe-
lants, aucune des machines relevant de ce
domaine ne possédait jusqu'à l'époque en cause
(1) des réas-freins montés à pivot ou mobiles,
(2) un système de contrôle agissant sur le sup
port mobile du réa-frein grâce à un mécanisme
de détection automatique commandé par le
déplacement latéral du câble ou (3) un système
de contrôle hydraulique destiné à retarder la
rotation des réas. Si je comprends bien le point
de vue de l'appelant, sa machine constituait une
innovation et son invention consistait à doter sa
machine de la combinaison suivante:
(1) des réas-freins montés sur un support
mobile;
(2) le contrôle du mouvement grâce à un dis-
positif de détection automatique commandé
par le déplacement latéral du câble se dérou-
lant du touret débiteur; et
(3) un mécanisme hydraulique destiné à con-
trôler l'oscillation du support et à retarder la
rotation des réas-freins.
Deux questions se posent à cet égard.
Le première est de savoir si les revendica-
tions du brevet de l'appelant sont plus larges
que ce qu'il a inventé. La seconde consiste à
déterminer si les revendications sont plus larges
que l'invention qui est décrite dans le mémoire
descriptif. Si la réponse à l'une ou l'autre de ces
questions est affirmative, selon mon interpréta-
tion des principes de droit applicables, les
revendications sont invalides.
La partie du mémoire descriptif correspon-
dant à la divulgation du brevet est exposée en
entier, à l'exception des dessins, dans les motifs
de jugement du savant juge de première ins
tance et je ne me propose que de la résumer.
Elle fait état de l'invention de l'appelant appelée
«freineuse» et indique que la divulgation con-
tient une description exacte et complète de l'in-
vention et de la meilleure manière, selon l'inven-
teur, de l'exploiter. Elle indique par ailleurs que
l'invention consiste en un matériel destiné à
exercer une traction uniforme sur des conduc-
teurs d'électricité pendant leur pose sur des
ouvrages porteurs de lignes de transport d'éner-
gie. Les trois paragraphes qui suivent décrivent
les inconvénients des dispositifs existants et les
problèmes qu'il faut résoudre, puis le mémoire
descriptif poursuit:
[TRADUCTION] La présente invention fournit un matériel
mobile, de la classe des semi-remorques, qui peut être
facilement amené à pied d'oeuvre et qui est en mesure
d'exercer un effort de freinage constant et contrôlé sur le
conducteur même, au point de contact avec la surface des
gorges lisses des réas-freins montés en tandem, le méca-
nisme étant conçu de manière que ces réas-freins s'alignent
automatiquement sur l'axe de déroulement du conducteur,
de sorte que ce conducteur n'aille pas frotter sur la spire
contiguë qui garnit le touret débiteur.
L'invention a par ailleurs pour objet d'assurer une frei-
neuse capable de réaliser une mise en tension suffisante
pour la pose de lignes de transport d'énergie, dans les cas où
les tensions à acheminer, les caractéristiques du conducteur
et les conditions de raidissage appellent une mise en tension
uniforme et sans à-coup.
L'invention a encore pour objet d'assurer une freineuse
qui puisse être utilisée avec des porte-tourets automoteurs
ou tractés.
Les autres fins et avantages de la présente invention
deviendront évidents à mesure que nous en poursuivrons la
description détaillée.
A ce stade et jusqu'à la fin de la partie du
mémoire descriptif correspondant à la divulga-
tion, comme j'ai pu la lire, on trouve une des
cription détaillée des réas-freins de l'appelant
montés en tandem, considérés non pas comme
constituant l'invention mais comme en étant la
version préférentielle. On ne décrit absolument
aucune machine dotée d'un réa-frein unique ni
la manière dont cette machine pourrait être
conçue ou comment elle pourrait fonctionner. Il
n'y a aucune description d'un mécanisme com-
portant des réas-freins dotés d'une gorge
unique, ou d'un dispositif de montage du sup
port du réa-frein pour assurer l'oscillation laté-
rale autre que le montage sur pivot.
Néanmoins, six revendications sur huit, à
savoir les revendications 2, 3, 4, 5, 7 et 8,
décrivent des machines dotées d'un réa-frein
unique et sept des revendications, à savoir les
revendications 1, 2, 3, 4, 6, 7 et 8 envisagent
n'importe quel dispositif de montage du support
des réas-freins pour assurer l'oscillation latérale.
Les huit revendications se lisent comme suit:
[TRADUCTION] 1. Dans une freineuse, la combinaison d'un
châssis porteur, d'un support, d'un dispositif pour le mon
tage du support sur ledit châssis de manière qu'il puisse y
accuser un mouvement oscillant latéral, d'un certain nombre
de réas-freins montés à pivot sur ledit support, par l'entre-
mise d'axes parallèles disposés transversalement sur le sup
port, les réas étant orientés selon le même plan, d'un groupe
hydraulique monté sur le châssis et le support pour freiner la
rotation desdits réas-freins, et d'un dispositif commandé par
le déroulement du conducteur, à partir d'un dispositif débi-
teur, en direction desdits réas-freins, et servant à régler le
mouvement oscillant latéral dudit support à réas-freins.
2. Dans une freineuse, en combinaison avec le touret
débiteur du conducteur, garni du conducteur enroulé en
spires, et un dispositif pour le montage à pivot du touret
débiteur de sorte qu'il puisse tourner, un châssis porteur, un
support monté sur le châssis de manière qu'il puisse y
accuser un mouvement oscillant latéral, un réa-frein monté à
pivot sur le support, ledit réa-frein étant façonné à gorges
destinées à recevoir les spires de conducteur en provenance
dudit touret débiteur, à mesure qu'il se déroule dudit touret
débiteur, des dispositifs de guidage articulés sur ledit sup
port et dotés d'éléments disposés aux côtés opposés du
conducteur tendu entre le touret débiteur et le réa-frein, et
un dispositif actionné par les doigts des dispositifs de gui-
dage au moment où ces doigts entrent en contact avec le
conducteur pour diriger le mouvement oscillant latéral dudit
support afin d'aligner les gorges du réa-frein sur la spire du
conducteur en voie de déroulage dudit touret débiteur.
3. Une freineuse, telle qu'elle est décrite à la revendica-
tion 2, dans laquelle le dispositif commandé par lesdits
dispositifs de guidage comprend un ensemble cylindre/pis-
ton hydraulique à double effet, articulé sur lesdits châssis et
support, une valve régulatrice de débit du fluide hydrauli-
que, en direction et en provenance du cylindre, aux extrémi-
tés opposées de son piston, et un dispositif qui raccorde les
dispositifs de guidage à ladite valve pour assurer la régula-
tion de cette valve sous l'effet du mouvement des doigts des
dispositifs de guidage.
4. Dans une freineuse, la combinaison d'un châssis por-
teur, d'un support, d'un dispositif pour le montage articulé
du support sur le châssis de sorte qu'il puisse y accuser un
mouvement oscillant latéral, d'un réa-frein monté à pivot sur
ledit support par l'entremise d'un axe transversal et capable
de suivre le mouvement du support dans son oscillation
latérale, ledit réa-frein étant façonné à gorges destinées à
recevoir les spires d'un conducteur en voie de déroulage
sous l'effet d'un effort de traction exercé à distance de la
freineuse, d'un moteur-pompe à commande hydraulique, ce
moteur-pompe étant accouplé à pignons audit réa-frein pour
retarder la rotation de ce dernier de façon à mettre le
conducteur en tension à mesure qu'il se déroule du réa-frein,
d'un groupe hydraulique pour engendrer l'effort de freinage
souhaité, par l'entremise du fluide hydraulique à l'endroit du
moteur-pompe, d'un groupe hydraulique raccordé au corps
du moteur et au châssis pour imprimer un mouvement
oscillant latéral au support et au réa-frein, sur le châssis qui
les porte, et d'un dispositif de régulation du débit de fluide
du dernier groupe hydraulique mentionné, pour régler l'am-
pleur de l'oscillation latérale du support, y compris une
commande actionnée par le conducteur à la position qui lui
est propre, à mesure que ledit conducteur s'engage sur ledit
réa-frein.
5. Une freineuse, telle qu'elle est définie à la revendica-
tion 4, dans laquelle le support animé d'un mouvement
oscillant latéral est monté à pivot sur ledit châssis, son axe
étant orienté longitudinalement par rapport au conducteur à
mesure que ce dernier se déroule du réa-frein.
6. Dans une freineuse, la combinaison d'un châssis por-
teur, d'un support, d'un certain nombre de réas-freins récep-
teurs du conducteur, montés à pivot sur le support par
l'entremise d'axes parallèles, d'un dispositif de montage du
support sur ledit châssis de manière qu'il puisse y accuser
un mouvement oscillant latéral selon un plan transversal au
plan d'orientation des réas-freins, d'un moteur-pompe
hydraulique, monté sur ledit support, pour chacun des réas-
freins, d'un dispositif à pignons accouplant le moteur-pompe
hydraulique aux réas-freins respectifs, d'un groupe hydrauli-
que qui commande les moteurs-pompes hydrauliques desti-
nés à freiner le déroulement du conducteur des réas-freins,
d'un dispositif régulateur de l'acheminement du fluide
hydraulique sous pression vers lesdits moteurs-pompes de
manière à assurer la régulation sélective de la rotation
desdits réas-freins en résistant à l'effort de traction qui se
traduit par le déroulage du conducteur desdits réas-freins, et
d'un groupe hydraulique normalement actionné par le con-
ducteur à la position latérale qui lui est propre, au moment
où il s'engage sur les réas-freins, pour commander le mouve-
ment oscillant latéral des réas-freins sur le support monté
sur le châssis.
7. En combinaison avec un touret débiteur de conducteur,
garni du conducteur enroulé en spires, une freineuse com-
prenant un châssis porteur, un support monté sur le châssis
porteur, un réa-frein monté à pivot sur ledit support et
façonné à gorges destinées à recevoir le conducteur déroulé
du touret débiteur sur lequel il est enroulé en spires, un
moteur-pompe hydraulique, un groupe hydraulique qui ali-
mente le moteur-pompe en fluide, une valve pour faire
varier le débit du fluide hydraulique acheminé vers ledit
moteur-pompe, un dispositif à pignons accouplant le moteur-
pompe au réa-frein et destiné à freiner sélectivement la
rotation du réa d'où se déroule le conducteur, selon l'inten-
sité de la pression exercée sur le fluide dudit moteur-pompe,
un dispositif pour animer le réa-frein d'un mouvement oscil-
lant latéral sur ledit support, lequel dispositif comporte un
ensemble cylindre/piston hydraulique qui relie le support du
réa-frein audit châssis, et un dispositif hydraulique pour
actionner le piston dudit cylindre afin d'imprimer un mouve-
ment oscillant latéral au support sur le châssis.
8. Une freineuse, telle qu'elle est décrite à la revendica-
tion 7, qui comporte un dispositif régulateur de débit du
fluide hydraulique vers le piston dudit cylindre, sous l'effet
de la commande automatique exercée par le conducteur à la
position latérale qui lui est propre, à mesure qu'il se déroule
du touret débiteur pour s'engager sur le réa-frein.
Abordons la première de ces revendications.
Selon moi, il est manifeste que pour permettre
au câble de s'enrouler régulièrement sur un réa
horizontal, il faudra soit déplacer le câble latéra-
lement pour le guider vers le réa ou déplacer ce
dernier latéralement par rapport au câble.
D'après moi, le choix d'un procédé consistant à
déplacer le réa, pour répondre au but recherché,
ne pourrait constituer une invention. A mon
avis, si l'on veut dérouler le câble du touret
débiteur de façon à réduire les éraflures, il est
encore plus évident qu'un procédé consistant à
déplacer le dispositif récepteur par rapport au
câble se déroulant du touret débiteur a plus de
chances d'atteindre le but recherché qu'un pro-
cédé où le câble subit des pressions latérales. Si,
par conséquent, le déplacement latéral du sup
port du réa-frein dans la machine de l'appelante
comporte un élément inventif, il doit, me sem-
ble-t-il, reposer dans le choix ou l'application
d'un dispositif particulier conçu pour assurer ce
déplacement latéral, combiné aux autres carac-
téristiques de la machine. Le seul dispositif
inventé par l'appelant pour réaliser ce déplace-
ment latéral, combiné aux autres caractéristi-
ques de sa machine, seul dispositif à cette fin
qu'on puisse trouver dans le mémoire descriptif,
est le montage du support sur un pivot. D'autres
dispositifs sont concevables et semblent avoir
été examinés, comme par exemple monter le
support sur un rail, des roues ou des roues
dentées, ou l'y suspendre, mais aucune machine
comportant ce mécanisme combiné aux autres
caractéristiques n'a jamais été conçue ou cons-
truite. Il n'y a aucune description de l'utilisation
d'un mécanisme de ce genre dans la combinai-
son. Néanmoins, la revendication 1, dans sa
formulation, est assez large pour couvrir une
combinaison incluant tout mécanisme, quel qu'il
soit, destiné au montage mobile du support du
réa-frein.
Bien que ce qui présente le caractère de la
nouveauté et de l'innovation dans une réalisa-
tion, un procédé, une machine, une fabrication
ou une composition de matières!' puisse légiti-
mement faire l'objet d'une revendication de
brevet et bien que cette nouveauté puisse rési-
" Voir la définition du mot «invention» donnée à l'article
2 de la Loi sur les brevets.
der dans une combinaison d'éléments connus, il
ne faut pas oublier, à mon avis, que ces élé-
ments, dans le cas d'une machine, ne consti
tuent pas des notions intangibles, comme la
mobilité, mais des parties tangibles de la
machine elle-même. L'invention en cause, si
invention il y a, est une machine (ou peut-être
une fabrication) et puisque la mobilité du sup
port n'est ni une innovation ni un élément de la
machine, rien, à part le dispositif particulier
choisi pour le montage du support mobile, ne
peut constituer une partie de la nouvelle combi-
naison. Selon moi, en revendiquant une combi-
naison englobant tout mécanisme de montage du
support du réa-frein sur le châssis pour assurer
un mouvement latéral, la revendication 1 est
beaucoup plus large que ce qui a été inventé et
décrit et est invalide pour ces deux motifs.
Le même raisonnement s'applique aux reven-
dications 2, 3, 4, 6,7et8.
Passons maintenant aux différentes revendi-
cations relatives aux combinaisons qui compor-
tent l'utilisation d'un seul réa-frein, à savoir les
revendications 2, 3, 4, 5, 7 et 8. Selon moi, la
formulation de ces revendications envisage un
dispositif dont le nombre de réas-freins peut
être réduit à un seul mais, qu'il y en ait un ou
plusieurs, ce ou ces réas-freins seront assortis
de gorges afin de recevoir, dans le cas des
revendications 2, 3, 4 et 5, plusieurs enroule-
ments ou spires du câble et, dans le cas des
revendications 7 et 8, au moins un enroulement
complet du câble.
Il ressort de la preuve que le montage d'un
seul réa-frein ne peut fonctionner, sauf en utili-
sant une gorge unique et, puisque le câble
qu'elle supportera ne sera en contact qu'avec la
moitié de la circonférence de la roue, cette
gorge ne produira pas une friction suffisante
pour tendre le câble, à moins d'utiliser une
gorge en forme de V. Dans ce dernier cas, il y a
beaucoup plus de chances que se produise un
phénomène indésirable connu sous le nom de
«séparation» des torons qui peut endommager le
câble. Ainsi, selon moi, on devait apporter une
solution à ces problèmes particuliers, si on vou-
lait inventer une freineuse dotée d'un seul
réa-frein.
Voici un extrait de la déposition de l'appelant
Leithiser recueillie lors de l'interrogatoire préa-
lable, dont on a donné lecture à l'audience:
[TRADUCTION] Q. Est-ce que l'une des machines que vous
avez fabriquées ou utilisées comme partie de votre
invention avait, à un quelconque moment, moins de
quatre gorges?
R. Non.
Q. En réalisant votre invention, avez-vous jamais conçu
une machine dans laquelle il y avait moins de quatre
enroulements complets du câble sous tension?
R. Eh bien, oui. Une machine à quatre gorges ne donne
que trois enroulements.
Q. Le premier prototype que vous avez réalisé avait
quatre gorges et trois enroulements?
R. C'est exact.
Q. Est-ce qu'il fonctionnait?
R. Oui.
Q. De façon satisfaisante?
R. A cet égard, oui.
Q. Avez-vous déjà réalisé une machine qui avait moins de
trois éléments?
Votre Seigneurie, il devrait s'agir d'«enroulements». Êtes-
vous d'accord?
M` MCCLENAHAN: Oui.
M` GOLDSMITH:
Q. Avez-vous déjà réalisé une machine qui avait moins de
trois enroulements?
R. Non.
Q. Avez-vous déjà vu des dessins d'une machine avec
moins de trois enroulements?
R. Non.
Q. Avez-vous déjà envisagé d'en utiliser une avec moins
de trois enroulements?
R. Non.
Q. Avez-vous déjà, au cours de la réalisation de votre
invention, utilisé ou envisagé ou même eu les dessins
d'une machine dotée d'une seule gorge en forme de V?
R. Non.
Q. Avez-vous déjà essayé d'utiliser une freineuse dotée
d'un seul réa-frein et de trois gorges ou plus, une
freineuse, avec un câble enroulé autour d'elle?
R. Non.
Q. Pensez-vous que ce mécanisme fonctionnerait?
R. Non.
Q. Vous pensez qu'il ne fonctionnerait pas?
R. Je pense qu'il ne fonctionnerait pas.
Q. Avez-vous déjà, dans le cadre de votre invention, soit
réalisé ou envisagé ou même eu un dessin d'une
machine qui fonctionnerait avec des gorges autres que
les gorges en forme de U, les gorges semi-circulaires?
R. Non.
Dans le même contexte, si vous voulez bien, votre Seigneu-
rie, passer à la page 98, mon savant collègue a posé une
question lors du nouvel interrogatoire: question 574
Q. Au cours de certaines des dernières questions que
vous a posées Me Goldsmith «avez-vous réalisé ou
envisagé», je pense qu'il s'agit bien des mots qu'il a
utilisés et cette question portait sur la construction
d'une machine doté d'une gorge unique. En utilisant le
mot «envisagé», laissez-vous entendre que vous n'y
pensiez pas ou que vous n'utilisiez pas ce type de
construction dans vos machines?
R. Eh bien, j'ai voulu dire que je n'envisageais pas de
l'utiliser.
Q. Pourriez-vous expliquer davantage?
R. J'y ai pensé. J'ai eu l'expérience des machines dotées
d'un seul réa dans le domaine du câble avec une seule
gorge, mais je n'avais pas l'intention de l'utiliser pour
ce genre de matériel particulier.
Selon moi, il ressort, à la lumière de ce témoi-
gnage, que l'appelant n'a jamais inventé de frei-
neuse dotée d'un seul réa-frein avec plusieurs
gorges et que, même si ce dispositif avait été
réalisé, il n'aurait pu fonctionner et que, par
ailleurs, l'appelant n'a jamais inventé ou conçu
une machine dotée d'un seul réa-frein avec une
gorge unique ou une gorge en forme de V. En
outre, ce genre de machine n'est pas décrit dans
le mémoire descriptif. Par conséquent, les
revendications qui visent cette machine dotée
d'un seul réa-frein sont, d'après moi, beaucoup
plus larges que l'invention de l'appelant et que
la description qui en est faite dans le mémoire
descriptif; elles sont donc invalides pour ces
deux motifs.
Puisqu'il découle des conclusions précédentes
que l'appel est irrecevable, il ne m'est pas
nécessaire d'examiner le second motif sur lequel
s'est prononcé le savant juge de première ins
tance, à savoir que l'invention était en vente au
Canada plus de deux ans avant le dépôt de la
demande de brevet et je n'exprimerai aucune
opinion à cet égard.
Je rejette l'appel avec dépens.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY a souscrit à
l'avis.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.