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A-212-73
George L. Leithiser, The Timberland Ellicott Limited (Appelants)
c.
Pengo Hydra-Pull of Canada, Limited (Intimée)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, le juge Thurlow et le juge suppléant MacKay —Ottawa, du 19 au 22 novembre 1974.
Brevets—Action en contrefaçon—Invention d'un procédé permettant , d'exerçer une traction uniforme sur des câbles conducteurs d'électricité—Revendications invalides—S'agit- il d'une invention «en vente au Canada» ?— Loi sur les bre- vets, S.R.C. 1970, c. P-4, art. 2,28, 35, 36, 46 et 47—Règles 408(3) et 482 de la Cour fédérale.
L'appelant Leithiser a inventé et construit une «frei- neuse» destinée à obtenir une traction uniforme pendant la pose de câbles conducteurs d'électricité et à éviter tout risque de dommage au câble quand on le déroule d'un touret débiteur. La Division de première instance a rejeté l'action en contrefaçon intentée par l'inventeur et son cessionnaire contre la défenderesse et a déclaré les revendications invali- des pour deux motifs (arrêt non publié, du greffe: T-1738-71): a) les divulgations du mémoire descriptif n'étayaient pas les revendications; b) la condition posée à l'article 28(1)c) de la Loi sur les brevets, à savoir que l'«invention» faisant l'objet du litige n'avait pas été «en vente au Canada» plus de deux ans avant le dépôt de la demande de brevet, n'a pas été remplie.
Arrêt: l'appel est rejeté. En ce qui concerne le premier motif, la question était de savoir avant tout si les revendica- tions de l'appelant étaient plus larges que l'invention; pour ce qui est du second motif, il s'agissait de déterminer si les revendications étaient plus larges que la description de l'invention dans le mémoire descriptif. Toute réponse affir mative à l'une ou l'autre de ces questions entraînait la nullité des revendications. La réponse a été affirmative dans les deux cas pour chacune des huit revendications du brevet. Le brevet de l'appelant est invalide. Il n'est pas nécessaire d'exprimer une opinion sur le second motif.
Arrêts suivis: Radio Corporation of America c. Ray- theon Mfg. Co. (1957) 16 Fox Pat. C. 122; Smith Incubator Company c. Albert Seiling [1937] R.C.S. 251 et le Commissaire des brevets c. Farbwerke Hoechst Aktiengesellschaft Vormals Meister Lucius & Bruning [1964] R.C.S. 49.
APPEL. AVOCATS:
R. G. McClenahan, c.r., et A. M. Butler pour les appelants.
I. Goldsmith, c.r., et D. J. Bellehumeur pour l'intimée.
PROCUREURS:
Gowling & Henderson, Ottawa, pour les appelants.
Goldsmith & Carswell, Toronto, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés oralement par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Je souscris aux motifs du jugement prononcés par le juge Thur - low et à sa décision dans cette affaire. Tout en partageant son opinion, je me propose toutefois de présenter un certain nombre de remarques complémentaires à cet égard.
Il s'agit d'un appel interjeté d'un jugement de la Division de première instance rejetant une action en contrefaçon d'un brevet et déclarant que les revendications dudit brevet prétendu- ment contrefait sont nulles et de nul effet.
Le savant juge de première instance a fondé sa décision sur une conc usion selon laquelle les revendications dans le brevet prétendument contrefait sont invalides pour deux motifs dis- tincts, savoir:
a) les «divulgations» du «mémoire descriptif» n'étayent pas les «revendications»; et
b) la condition exigée à l'article 28(1)c) de la Loi sur les brevets, à savoir que l'«invention» faisant l'objet du litige n'avait pas été «en vente au Canada» plus de deux ans avant le dépôt de la demande de brevet, n'a pas été remplie.
Pour ce qui est du second motif, je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'exprimer d'opinion à cet égard et je vais différer mon opinion sur la signification des mots «en vente au Canada» pris dans le contexte de l'article 28(1)c) jusqu'à ce qu'il soit nécessaire de le faire. Je ne suis pas disposé actuellement à faire mienne l'acception large que le savant juge de première instance a donner à ces mots pour conclure qu'ils s'ap- pliquaient aux faits de la présente espèce.
En ce qui concerne le premier motif sur lequel s'est fondé le savant juge de première instance, j'adopte, comme il l'a fait, le principe de droit énoncé par le président Thorson dans
l'affaire Radio Corporation of America c. Raytheon Mfg. Co.' dans les termes suivants:
[TRADUCTION] Suivant un principe essentiel du droit des brevets, l'inventeur ne peut revendiquer ce qu'il n'a pas décrit. Cela veut dire dans le jargon juridique des brevets que les divulgations du mémoire descriptif doivent étayer les revendications. Dans le cas contraire, ces revendications sont invalides. 2
En outre, quelle que soit l'invention, s'il en est, que les «divulgations» du mémoire descriptif sont censées avoir décrite, je partage l'opinion du savant juge de première instance selon laquelle chaque revendication du brevet invoqué était trop large, entraînant ainsi son invalidité au sens du principe de droit énoncé par le président Thorson dans la citation précédente. Comme je l'ai déjà indiqué, je souscris aux motifs de mon collègue le juge Thurlow sur cet aspect de la question.
Cela suffit, selon moi, à justifier ma conclu sion selon laquelle l'appel doit être rejeté avec dépens. Toutefois, je ne peux m'empêcher de faire quelques commentaires sur la façon dont le nombre relativement faible des questions de fait et de droit en litige entre les parties, dans cette affaire, a donné lieu à un procès couvrant quelque douze jours d'audition des témoins et quelque quatre jours de débats, se chiffrant, j'en ai bien peur, à des milliers de dollars par jour, ni d'exprimer mes conclusions sur certains autres aspects de l'affaire qui découlent des commen- taires précédents.
En premier lieu, selon moi, il était clair, dès le départ, même sans preuve, que le brevet était invalide car il ne révélait aucune invention' et on aurait très bien pu trancher toute l'affaire sur ce fondement par voie de procédure préalable.
(1957) 16 Fox Pat. C. 122, aux pages 133 et 134.
2 Voir également la décision du juge en chef Duff dans l'affaire The Smith Incubator Company c. Albert Seiling [1937] R.C.S. 251, à la page 257, et l'ouvrage de Fox, Canadian Patent Law and Practice 4e édition à la page 216.
Voir l'article 2 de la Loi sur les brevets:
2. Dans la présente loi, ainsi que dans tout règlement ou
règle établie, ou ordonnance rendue, sous son autorité,
«invention» signifie toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi qu'un perfectionnement quelconque de l'un des susdits, présentant le caractère de la nouveauté et de l'utilité;
Pour faire comprendre qu'il ne s'agit pas d'une simple considération d'ordre technique et avant d'expliquer le fondement de la conclusion précédente, je vais rappeler l'économie générale de la Loi sur les brevets. La Loi sur les brevets est une loi qui concède un monopole de dix-sept ans, relativement à l'utilisation de l'«invention», à un inventeur qui divulgue son invention au public de telle sorte que, sous réserve du mono- pole, l'invention sera connue du public. (Cette loi vise l'intérêt du public et non l'intérêt exclu- sif des inventeurs.) La concession d'un brevet, en vertu de l'article 28 de la Loi 4 , réalise cet objectif, l'inventeur s'étant au préalable con formé «à toutes les autres prescriptions de la présente loi». Ces prescriptions sur lesquelles repose toute l'économie de la Loi sont des pres criptions relatives au «mémoire descriptif» et à «la revendication ou (aux) revendications» qui en temps opportun sont rendues publiques. (Voir les articles 35, 36 et 46.) 5 Avec sa demande de brevet, le demandeur doit transmet- tre un «mémoire descriptif ... de l'invention»
4 Voir l'article 28:
28. (1) Sous réserve des dispositions subséquentes du présent article, l'auteur de toute invention ou le représen- tant légal de l'auteur d'une invention qui
(a) n'était pas connue ou utilisée par une autre per- sonne avant que lui-même l'ait faite,
(b) n'était pas décrite dans quelque brevet ou dans quelque publication imprimée au Canada ou dans tout autre pays plus de deux ans avant la présentation de la pétition ci-après mentionnée, et
(c) n'était pas en usage public ou en vente au Canada plus de deux ans avant le dépôt de sa demande au Canada,
peut, sur présentation au commissaire d'une pétition expo- sant les faits (ce que la présente loi indique comme »le dépôt de la demande») et en se conformant à toutes les autres prescriptions de la présente loi, obtenir un brevet qui lui accorde l'exclusive propriété de cette invention.
5 Voir les articles 35, 36 et 46 de la Loi sur les brevets:
35. Le demandeur doit insérer, dans sa demande de brevet, le titre ou nom de l'invention et transmettre, avec sa demande, un mémoire descriptif en double exemplaire de l'invention et une copie additionnelle ou troisième copie de la revendication ou des revendications.
36. (1) Dans le mémoire descriptif, le demandeur doit décrire d'une façon exacte et complète l'invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues l'in- venteur, et exposer clairement les diverses phases d'un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d'utilisation d'une machine, d'un objet
(article 35). Dans le mémoire descriptif d'une invention portant sur une machine 6 , le deman- deur doit:
a) décrire d'une façon exacte et complète la machine qui constitue l'invention, et son application ou exploitation telles que les a conçues l'inventeur,
b) exposer clairement le mode de construc tion de la machine «dans des termes com- plets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l'art ou la science dont relève l'invention, ou dans l'art ou la science qui s'en rapproche le plus», de la construire,
c) expliquer le principe de la machine,
d) expliquer «la meilleure manière» dont il a conçu l'application de ce principe et
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manufacturé ou d'un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l'art ou la science dont relève l'invention, ou dans l'art ou la science qui s'en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l'objet de l'invention. S'il s'agit d'une machine, le deman- deur doit en expliquer le principe et la meilleure manière dont il a conçu l'application de ce principe. S'il s'agit d'un procédé, il doit expliquer la suite nécessaire, s'il en est, des diverses phases du procédé, de façon à distinguer l'invention d'autres inventions. Il doit particulièrement indiquer et distinctement revendiquer la partie, le perfec- tionnement ou la combinaison qu'il réclame comme son invention.
(2) Le mémoire descriptif doit se terminer par une ou plusieurs revendications exposant distinctement et en termes explicites les choses ou combinaisons que le demandeur considère comme nouvelles et dont il revendi- que la propriété ou le privilège exclusif.
46. Tout brevet concédé en vertu de la présente loi doit contenir le titre ou nom de l'invention, avec renvoi au mémoire descriptif, et accorder, sous réserve des condi tions prescrites dans la présente loi, au breveté et à ses représentants légaux, pour la durée y mentionnée, à partir de la date de la concession du brevet, le droit, la faculté et le privilège exclusifs de fabriquer, construire, exploiter et vendre à d'autres, pour qu'ils l'exploitent, l'objet de ladite invention, sauf jugement en l'espèce par un tribunal compétent.
6 Comme il s'agit d'un brevet portant sur une machine, je me contente de faire allusion aux prescriptions relatives à une invention portant sur une «machine».
e) indiquer particulièrement et «distinctement revendiquer la partie, le perfectionnement ou la combinaison qu'il réclame» comme son invention.
(Voir l'article 36(1)). Après avoir ainsi rédigé son mémoire descriptif, le demandeur est tenu de le terminer par «une ou plusieurs revendica- tions exposant distinctement et en termes expli- cites les choses ou combinaisons que le deman- deur considère comme nouvelles et dont il revendique la propriété ou le privilège exclusif» (voir l'article 36(2)). «La revendication ou les revendications» forment une partie complète- ment différente de celle du «mémoire descrip- tif» visée à l'article 36(1) le demandeur indi- que ce qu'il revendique comme son invention; cette différence ressort non seulement de l'utili- sation d'une terminologie différente—savoir «la partie, le perfectionnement ou la combinaison qu'il réclame comme son invention» (article 36(1)) et «les choses ou combinaisons que le demandeur considère comme nouvelles et dont il revendique la propriété ou le privilège exclu- sif» (article 36(2))—mais ressort aussi de l'exi- gence posée à l'article 35 selon laquelle le demandeur doit transmettre le mémoire descrip- tif «en double exemplaire» et «une copie addi- tionnelle ou troisième copie de la revendication ou des revendications». En outre, comme l'a indiqué le président Thorson (suite, comme nous le savons tous, à un examen complet de la jurisprudence) il a toujours été considéré et jugé qu'une revendication constituait un moyen de délimiter précisément les frontières de l'inven- tion dont l'inventeur revendique le privilège exclusif (dans le cadre de ce qu'il a décrit en termes généraux comme son invention dans son «mémoire descriptif»). On sait très bien que lorsqu'un brevet est délivré, le mémoire descrip- tif se terminant par une ou plusieurs revendica- tions en constitue la partie essentielle.
J'ai analysé de façon assez détaillée cet aspect de l'économie de la Loi sur les brevets parce qu'il montre avec quel soin le Parlement a fait en sorte que l'inventeur, comme condition préalable à l'obtention de son monopole, expose clairement au public en quoi consiste son inven tion et comment en tirer profit. Selon moi, se conformer pleinement et explicitement à l'arti-
de 36(1), c'est-à-dire fournir un mémoire des- criptif indiquant au public en quoi consiste l'in- vention et comment l'utiliser, constitue une condition préalable à tout monopole' accordé sous le régime de la Loi sur les brevets. Voir l'article 46 de la Loi sur les brevets qui assujettit la concession de brevet aux «conditions prescri- tes dans la présente loi».
Dans la présente espèce, selon moi, le mémoire descriptif ne se conformait pas vérita- blement à l'article 36(1). La première partie du mémoire descriptif' (allant jusqu'au paragraphe commençant par les mots «parmi les dessins annexés ...») énonce les buts et objets de l'«in- vention» et en quoi elle «consiste» mais ne la décrit pas, et encore moins n'expose comment la construire, n'explique son «principe» ni n'in- dique ou revendique «la partie, le perfectionne- ment ou la combinaison» que l'inventeur réclame comme son invention. Dès que le «mémoire descriptif» commence à se référer aux dessins, il ne fait qu'expliquer la machine illustrée par ces dessins et indique très claire- ment qu'ils «ne représentent, aux fins d'illustra- tion, qu'une version préférentielle de l'inven- tion», ce qui signifie dans le jargon des brevets qu'ils sont l'accomplissement de l'exigence selon laquelle le demandeur doit expliquer «la meilleure manière» dont il conçoit «l'applica- tion» du principe de la machine.
Selon moi, le mémoire descriptif de ce brevet ne satisfait pas, à proprement parler, aux exi- gences posées par l'article 36(1) et, compte tenu du rôle essentiel joué par le mémoire descriptif visé à l'article 36(1) qui accorde au public la contrepartie du monopole, le fait que le «mémoire descriptif» ne satisfait nullement, sous aucun rapport important, aux exigences posées par l'article 36(1) constitue, à mon avis, un motif suffisant pour déclarer que le brevet est invalide.
J'en viens maintenant à la seconde remarque que je ne peux m'empêcher de faire après lec ture du dossier en l'espèce.
Le savant juge de première instance a cité le mémoire descriptif dans ses motifs de jugement et je n'ai pas l'inten- tion de le citer à nouveau.
En dehors des différents éléments explicite- ment énoncés dans la définition du mot «inven- tion» donnée dans la Loi, c'est-à-dire la nou- veauté, l'utilité, etc., il existe une autre exigence selon laquelle la chose revendiquée comme étant une invention doit être le fruit d'une ingé- niosité inventive et non pas d'un simple perfec- tionnement ou amélioration «technique». Voir la décision du juge Judson (rendant le jugement au nom de la Cour suprême du Canada) dans l'af- faire Le commissaire des brevets c. Farbwerke Hoechst Aktiengesellschaft Vormals Meister Lucius & Bruning 8 aux pages 56 et 57. Toute- fois, dès qu'un brevet est accordé, il est prima facie valide 9 . D'après la pratique qui semble avoir toujours été suivie en cas de contestation sur la validité du brevet pour manque d'ingénio- sité inventive, pratique suivie en l'espèce, il s'agit simplement d'indiquer au cours des plai- doiries que la «prétendue invention» était «évi- dente» et [TRADUCTION] «n'impliquait aucune activité inventive». Dans cette optique, cette allégation n'est pas suffisante, à mon avis, dans l'hypothèse elle est contestée par voie de procédure préalable. La question de savoir si la prétendue invention implique une ingéniosité inventive ne peut être tranchée qu'en examinant l'invention (telle qu'elle figure dans le mémoire descriptif) en regard de l'état de choses existant juste avant la date elle aurait été inventée, cet état de choses étant généralement appelé «état antérieur de la technique» dans le jargon des brevets. Cependant, bien que l'interpréta- tion du mémoire descriptif soit une question de droit, «l'état de la technique», selon moi, est une question de fait qui devrait être invoquée, de sorte que les questions en litige à cet égard peuvent (avant l'audience, grâce aux plaidoiries) être réduites à leurs aspects, quels qu'ils soient, faisant l'objet d'un litige réel entre les parties. Je suggère aux membres de la profession intéres-
8 [1964] R.C.S. 49.
9 Voir l'article 47 de la Loi sur les brevets:
47. Tout brevet accordé conformément à la présente loi doit être délivré sous la signature du commissaire et le sceau du Bureau des brevets. Le brevet doit porter à sa face la date à laquelle il a été accordé et délivré, et il est par la suite prima facie valide et acquis au titulaire et à ses représentants légaux pour la période y mentionnée, laquelle doit être déterminée suivant les articles 48 et 49.
sés à ce type de litige ainsi qu'à la Division de première instance de prêter une attention toute particulière à l'application des Règles de cette cour concernant cette partie des plaidoiries lors- que des affaires de ce genre se présenteront, même si, à d'autres époques plus calmes, il convenait de laisser ces questions en suspens jusqu'à ce qu'elles soient soumises au tribunal de dernière instance. 10
L'audition de cette affaire sans aucune plai- doirie portant sur «l'état de la technique» donne, selon moi, un dossier très diffus et embrouillé à partir duquel il est difficile, sinon impossible, de tirer une conclusion sur l'aspect de l'«ingéniosité inventive», même en supposant que l'«invention», que le savant juge de pre- mière instance a pris tant de peine à dégager du mémoire descriptif pour l'appelant (ou la forme quelque peu différente que nous ont proposée les avocats de l'appelant), pouvait être considé- rée comme divulguée par le mémoire descriptif."
10 A ce propos, on pourrait se reporter à la Règle 408(3), à l'ouvrage de Odgers, Pleading and Practice, 20e éd., à la page 96, et au chapitre du «Livre blanc» traitant des «condi- tions préalables», c.-à-d. le volume publié en 1965 aux pages 372 et 373.
11 Après l'examen le plus minutieux que j'ai pu faire de la question et après avoir entendu les avocats de l'appelant sur ce point, j'estime que, suivant la prépondérance des probabi- lités, aucune ingéniosité inventive n'a été mise en jeu pour assembler les pièces de ce qui est devenu la machine fabri- quée par le titulaire du brevet (aucune de ces pièces n'est d'ailleurs revendiquée comme étant une invention). Même si l'on n'a pas insisté beaucoup sur ce fait, il semble clair qu'un changement récent dans l'industrie à ce moment-là a provo- qué une demande justifiant une nouvelle machine, que l'«in- venteur» a reçu une commande pour une telle machine et qu'il l'a mise au point. Par conséquent, il ne s'agit pas d'un besoin existant depuis longtemps et auquel personne ne pouvait trouver de solution simple. (En vérité, on n'a fait état d'aucun résultat obtenu de la combinaison revendiquée comme invention qui se serait ajouté à l'ensemble des résultats obtenus de ses éléments pris séparément, aucun de ces éléments n'a d'ailleurs été revendiqué comme impliquant en lui-même une ingéniosité inventive.) Selon moi, tel qu'il appert de la déposition du témoin expert cité par la défende- resse, la combinaison des éléments de cette machine ne semble pas impliquer d'ingéniosité inventive mais simple- ment une habilité et une compétence techniques.
Enfin, et ce sera ma dernière remarque, il m'apparaît opportun de dire quelques mots sur l'utilisation des affidavits des «experts» en l'es- pèce. La Règle 482 a été introduite aux fins de réduire la longueur et les frais des audiences impliquant le recours à des «experts» et de favoriser le règlement avant l'audience. Le résultat souhaité n'est atteint que lorsque les avocats essaient bona fide de l'appliquer et ne retombent pas inconsciemment, ou autrement, dans leurs vieilles habitudes de «joueurs de poker» consistant à garder leurs meilleures cartes dans leur jeu jusqu'à l'appel final, à moins qu'ils ne soient forcés de les abattre plus tôt. Dans cette affaire, j'ai l'impression, à la lecture du dossier, qu'une grande partie de l'au- dience a été consacrée à entendre les experts donner des explications et présenter des dessins qui auraient pu et auraient figurer plus utile- ment et plus efficacement dans les affidavits eux-mêmes. Si l'on autorise progressivement les avocats à ne se conformer qu'en apparence à la Règle 482, elle deviendra une simple étape sup- plémentaire dans la procédure qui devra, selon moi, être abrogée 12.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés oralement par
LE JUGE THURLOW: L'appelant Leithiser a inventé et construit une machine destinée à obtenir une traction uniforme pendant la pose de câbles conducteurs d'électricité et à éviter tout risque de dommage au câble quand on le déroule d'un touret débiteur. Lorsqu'elle fonc- tionne, la machine s'intercale entre le touret débiteur et le pylône ou l'ouvrage sur lequel le câble est en voie de pose. En absorbant la force exercée pour tendre le câble entre les pylônes ou les ouvrages, elle règle la tension exercée sur
i 2 Un exemple de la façon dont on peut abuser de la Règle est fourni par la requête présentée au cours de l'audience aux fins de radier des parties de l'affidavit d'un expert au motif que son contre-interrogatoire avait révélé que sa dépo- sition principale n'était pas pertinente. L'avocat n'aurait jamais eu l'idée de présenter une telle requête si la déposi- tion principale avait été faite sans l'aide d'un affidavit déposé en vertu de la Règle.
le câble entre elle et le pylône ou l'ouvrage et élimine la pression exercée sur le câble qui garnit le touret débiteur. Elle est équipée d'un mécanisme permettant d'aligner automatique- ment une gorge du réa-frein récepteur avec le câble en voie de déroulage du touret débiteur. Grâce à ce mécanisme, elle accomplit ce qu'on a appelé l'enroulement de niveau. Inversement, la machine peut être utilisée pour permettre l'en- roulement régulier ou de niveau du câble sur un touret.
Les principales caractéristiques de l'invention de l'appelant consistent en un châssis assorti d'un support monté sur un pivot, de sorte qu'on peut incliner le support latéralement par rapport à sa position verticale. Le support comprend deux réas-freins, montés en tandem, dotés de trois ou plusieurs gorges lisses semi-circulaires ou en forme de U destinées à recevoir les spires du câble. Un groupe hydraulique, fonctionnant sur le principe de l'ouverture d'une valve lors- que la pression hydraulique à l'intérieur de ce groupe atteint un niveau prédéterminé, est des- tiné à retarder la rotation des réas-freins et, par la friction du câble et des réas-freins, à augmen- ter la traction exercée sur le câble tendu grâce à ce mécanisme. Ces mécanismes hydrauliques sont conçus pour engendrer automatiquement un déplacement latéral du support par rapport à son axe, de façon à aligner la gorge désirée du réa-frein lui correspondant avec le câble en voie de déroulage du touret débiteur. Ce groupe fonctionne automatiquement grâce à des détec- teurs, placés de chaque côté du câble à son point de contact avec le dispositif, qui action- nent mécaniquement le groupe hydraulique pour déplacer le support latéralement.
A l'époque en cause, le 3 mars 1958, aucune de ces caractéristiques ne constituait en elle- même une innovation. L'état de la technique dans le domaine des dispositifs destinés à la pose des câbles sous tension consistait à utiliser des réas-freins fixes, montés en tandem, dotés de plusieurs gorges ainsi que des dispositifs actionnés manuellement pour obtenir l'enroule- ment de niveau en guidant le câble dans la gorge réceptrice. Dans certains domaines connexes mettant en jeu l'enroulement d'un câble, on utilisait des dispositifs commandés mécanique-
ment pour guider le câble de façon à obtenir un enroulement de niveau. On n'ignorait pas aussi qu'en raison d'une surface de contact plus importante entre le câble et les côtés, une gorge en forme de V entraînerait une friction plus importante qu'une gorge semi-circulaire en forme de U.
Selon les plaidoiries des avocats des appe- lants, aucune des machines relevant de ce domaine ne possédait jusqu'à l'époque en cause
(1) des réas-freins montés à pivot ou mobiles,
(2) un système de contrôle agissant sur le sup port mobile du réa-frein grâce à un mécanisme de détection automatique commandé par le déplacement latéral du câble ou (3) un système de contrôle hydraulique destiné à retarder la rotation des réas. Si je comprends bien le point de vue de l'appelant, sa machine constituait une innovation et son invention consistait à doter sa machine de la combinaison suivante:
(1) des réas-freins montés sur un support mobile;
(2) le contrôle du mouvement grâce à un dis- positif de détection automatique commandé par le déplacement latéral du câble se dérou- lant du touret débiteur; et
(3) un mécanisme hydraulique destiné à con- trôler l'oscillation du support et à retarder la rotation des réas-freins.
Deux questions se posent à cet égard.
Le première est de savoir si les revendica- tions du brevet de l'appelant sont plus larges que ce qu'il a inventé. La seconde consiste à déterminer si les revendications sont plus larges que l'invention qui est décrite dans le mémoire descriptif. Si la réponse à l'une ou l'autre de ces questions est affirmative, selon mon interpréta- tion des principes de droit applicables, les revendications sont invalides.
La partie du mémoire descriptif correspon- dant à la divulgation du brevet est exposée en entier, à l'exception des dessins, dans les motifs de jugement du savant juge de première ins tance et je ne me propose que de la résumer. Elle fait état de l'invention de l'appelant appelée «freineuse» et indique que la divulgation con- tient une description exacte et complète de l'in- vention et de la meilleure manière, selon l'inven-
teur, de l'exploiter. Elle indique par ailleurs que l'invention consiste en un matériel destiné à exercer une traction uniforme sur des conduc- teurs d'électricité pendant leur pose sur des ouvrages porteurs de lignes de transport d'éner- gie. Les trois paragraphes qui suivent décrivent les inconvénients des dispositifs existants et les problèmes qu'il faut résoudre, puis le mémoire descriptif poursuit:
[TRADUCTION] La présente invention fournit un matériel mobile, de la classe des semi-remorques, qui peut être facilement amené à pied d'oeuvre et qui est en mesure d'exercer un effort de freinage constant et contrôlé sur le conducteur même, au point de contact avec la surface des gorges lisses des réas-freins montés en tandem, le méca- nisme étant conçu de manière que ces réas-freins s'alignent automatiquement sur l'axe de déroulement du conducteur, de sorte que ce conducteur n'aille pas frotter sur la spire contiguë qui garnit le touret débiteur.
L'invention a par ailleurs pour objet d'assurer une frei- neuse capable de réaliser une mise en tension suffisante pour la pose de lignes de transport d'énergie, dans les cas les tensions à acheminer, les caractéristiques du conducteur et les conditions de raidissage appellent une mise en tension uniforme et sans à-coup.
L'invention a encore pour objet d'assurer une freineuse qui puisse être utilisée avec des porte-tourets automoteurs ou tractés.
Les autres fins et avantages de la présente invention deviendront évidents à mesure que nous en poursuivrons la description détaillée.
A ce stade et jusqu'à la fin de la partie du mémoire descriptif correspondant à la divulga- tion, comme j'ai pu la lire, on trouve une des cription détaillée des réas-freins de l'appelant montés en tandem, considérés non pas comme constituant l'invention mais comme en étant la version préférentielle. On ne décrit absolument aucune machine dotée d'un réa-frein unique ni la manière dont cette machine pourrait être conçue ou comment elle pourrait fonctionner. Il n'y a aucune description d'un mécanisme com- portant des réas-freins dotés d'une gorge unique, ou d'un dispositif de montage du sup port du réa-frein pour assurer l'oscillation laté- rale autre que le montage sur pivot.
Néanmoins, six revendications sur huit, à savoir les revendications 2, 3, 4, 5, 7 et 8, décrivent des machines dotées d'un réa-frein unique et sept des revendications, à savoir les revendications 1, 2, 3, 4, 6, 7 et 8 envisagent
n'importe quel dispositif de montage du support des réas-freins pour assurer l'oscillation latérale.
Les huit revendications se lisent comme suit:
[TRADUCTION] 1. Dans une freineuse, la combinaison d'un châssis porteur, d'un support, d'un dispositif pour le mon tage du support sur ledit châssis de manière qu'il puisse y accuser un mouvement oscillant latéral, d'un certain nombre de réas-freins montés à pivot sur ledit support, par l'entre- mise d'axes parallèles disposés transversalement sur le sup port, les réas étant orientés selon le même plan, d'un groupe hydraulique monté sur le châssis et le support pour freiner la rotation desdits réas-freins, et d'un dispositif commandé par le déroulement du conducteur, à partir d'un dispositif débi- teur, en direction desdits réas-freins, et servant à régler le mouvement oscillant latéral dudit support à réas-freins.
2. Dans une freineuse, en combinaison avec le touret débiteur du conducteur, garni du conducteur enroulé en spires, et un dispositif pour le montage à pivot du touret débiteur de sorte qu'il puisse tourner, un châssis porteur, un support monté sur le châssis de manière qu'il puisse y accuser un mouvement oscillant latéral, un réa-frein monté à pivot sur le support, ledit réa-frein étant façonné à gorges destinées à recevoir les spires de conducteur en provenance dudit touret débiteur, à mesure qu'il se déroule dudit touret débiteur, des dispositifs de guidage articulés sur ledit sup port et dotés d'éléments disposés aux côtés opposés du conducteur tendu entre le touret débiteur et le réa-frein, et un dispositif actionné par les doigts des dispositifs de gui- dage au moment ces doigts entrent en contact avec le conducteur pour diriger le mouvement oscillant latéral dudit support afin d'aligner les gorges du réa-frein sur la spire du conducteur en voie de déroulage dudit touret débiteur.
3. Une freineuse, telle qu'elle est décrite à la revendica- tion 2, dans laquelle le dispositif commandé par lesdits dispositifs de guidage comprend un ensemble cylindre/pis- ton hydraulique à double effet, articulé sur lesdits châssis et support, une valve régulatrice de débit du fluide hydrauli- que, en direction et en provenance du cylindre, aux extrémi- tés opposées de son piston, et un dispositif qui raccorde les dispositifs de guidage à ladite valve pour assurer la régula- tion de cette valve sous l'effet du mouvement des doigts des dispositifs de guidage.
4. Dans une freineuse, la combinaison d'un châssis por- teur, d'un support, d'un dispositif pour le montage articulé du support sur le châssis de sorte qu'il puisse y accuser un mouvement oscillant latéral, d'un réa-frein monté à pivot sur ledit support par l'entremise d'un axe transversal et capable de suivre le mouvement du support dans son oscillation latérale, ledit réa-frein étant façonné à gorges destinées à recevoir les spires d'un conducteur en voie de déroulage sous l'effet d'un effort de traction exercé à distance de la freineuse, d'un moteur-pompe à commande hydraulique, ce moteur-pompe étant accouplé à pignons audit réa-frein pour retarder la rotation de ce dernier de façon à mettre le conducteur en tension à mesure qu'il se déroule du réa-frein, d'un groupe hydraulique pour engendrer l'effort de freinage souhaité, par l'entremise du fluide hydraulique à l'endroit du moteur-pompe, d'un groupe hydraulique raccordé au corps du moteur et au châssis pour imprimer un mouvement
oscillant latéral au support et au réa-frein, sur le châssis qui les porte, et d'un dispositif de régulation du débit de fluide du dernier groupe hydraulique mentionné, pour régler l'am- pleur de l'oscillation latérale du support, y compris une commande actionnée par le conducteur à la position qui lui est propre, à mesure que ledit conducteur s'engage sur ledit réa-frein.
5. Une freineuse, telle qu'elle est définie à la revendica- tion 4, dans laquelle le support animé d'un mouvement oscillant latéral est monté à pivot sur ledit châssis, son axe étant orienté longitudinalement par rapport au conducteur à mesure que ce dernier se déroule du réa-frein.
6. Dans une freineuse, la combinaison d'un châssis por- teur, d'un support, d'un certain nombre de réas-freins récep- teurs du conducteur, montés à pivot sur le support par l'entremise d'axes parallèles, d'un dispositif de montage du support sur ledit châssis de manière qu'il puisse y accuser un mouvement oscillant latéral selon un plan transversal au plan d'orientation des réas-freins, d'un moteur-pompe hydraulique, monté sur ledit support, pour chacun des réas- freins, d'un dispositif à pignons accouplant le moteur-pompe hydraulique aux réas-freins respectifs, d'un groupe hydrauli- que qui commande les moteurs-pompes hydrauliques desti- nés à freiner le déroulement du conducteur des réas-freins, d'un dispositif régulateur de l'acheminement du fluide hydraulique sous pression vers lesdits moteurs-pompes de manière à assurer la régulation sélective de la rotation desdits réas-freins en résistant à l'effort de traction qui se traduit par le déroulage du conducteur desdits réas-freins, et d'un groupe hydraulique normalement actionné par le con- ducteur à la position latérale qui lui est propre, au moment il s'engage sur les réas-freins, pour commander le mouve- ment oscillant latéral des réas-freins sur le support monté sur le châssis.
7. En combinaison avec un touret débiteur de conducteur, garni du conducteur enroulé en spires, une freineuse com- prenant un châssis porteur, un support monté sur le châssis porteur, un réa-frein monté à pivot sur ledit support et façonné à gorges destinées à recevoir le conducteur déroulé du touret débiteur sur lequel il est enroulé en spires, un moteur-pompe hydraulique, un groupe hydraulique qui ali- mente le moteur-pompe en fluide, une valve pour faire varier le débit du fluide hydraulique acheminé vers ledit moteur-pompe, un dispositif à pignons accouplant le moteur- pompe au réa-frein et destiné à freiner sélectivement la rotation du réa d'où se déroule le conducteur, selon l'inten- sité de la pression exercée sur le fluide dudit moteur-pompe, un dispositif pour animer le réa-frein d'un mouvement oscil- lant latéral sur ledit support, lequel dispositif comporte un ensemble cylindre/piston hydraulique qui relie le support du réa-frein audit châssis, et un dispositif hydraulique pour actionner le piston dudit cylindre afin d'imprimer un mouve- ment oscillant latéral au support sur le châssis.
8. Une freineuse, telle qu'elle est décrite à la revendica- tion 7, qui comporte un dispositif régulateur de débit du fluide hydraulique vers le piston dudit cylindre, sous l'effet de la commande automatique exercée par le conducteur à la position latérale qui lui est propre, à mesure qu'il se déroule du touret débiteur pour s'engager sur le réa-frein.
Abordons la première de ces revendications. Selon moi, il est manifeste que pour permettre au câble de s'enrouler régulièrement sur un réa horizontal, il faudra soit déplacer le câble latéra- lement pour le guider vers le réa ou déplacer ce dernier latéralement par rapport au câble. D'après moi, le choix d'un procédé consistant à déplacer le réa, pour répondre au but recherché, ne pourrait constituer une invention. A mon avis, si l'on veut dérouler le câble du touret débiteur de façon à réduire les éraflures, il est encore plus évident qu'un procédé consistant à déplacer le dispositif récepteur par rapport au câble se déroulant du touret débiteur a plus de chances d'atteindre le but recherché qu'un pro- cédé le câble subit des pressions latérales. Si, par conséquent, le déplacement latéral du sup port du réa-frein dans la machine de l'appelante comporte un élément inventif, il doit, me sem- ble-t-il, reposer dans le choix ou l'application d'un dispositif particulier conçu pour assurer ce déplacement latéral, combiné aux autres carac- téristiques de la machine. Le seul dispositif inventé par l'appelant pour réaliser ce déplace- ment latéral, combiné aux autres caractéristi- ques de sa machine, seul dispositif à cette fin qu'on puisse trouver dans le mémoire descriptif, est le montage du support sur un pivot. D'autres dispositifs sont concevables et semblent avoir été examinés, comme par exemple monter le support sur un rail, des roues ou des roues dentées, ou l'y suspendre, mais aucune machine comportant ce mécanisme combiné aux autres caractéristiques n'a jamais été conçue ou cons- truite. Il n'y a aucune description de l'utilisation d'un mécanisme de ce genre dans la combinai- son. Néanmoins, la revendication 1, dans sa formulation, est assez large pour couvrir une combinaison incluant tout mécanisme, quel qu'il soit, destiné au montage mobile du support du réa-frein.
Bien que ce qui présente le caractère de la nouveauté et de l'innovation dans une réalisa- tion, un procédé, une machine, une fabrication ou une composition de matières!' puisse légiti- mement faire l'objet d'une revendication de brevet et bien que cette nouveauté puisse rési-
" Voir la définition du mot «invention» donnée à l'article 2 de la Loi sur les brevets.
der dans une combinaison d'éléments connus, il ne faut pas oublier, à mon avis, que ces élé- ments, dans le cas d'une machine, ne consti tuent pas des notions intangibles, comme la mobilité, mais des parties tangibles de la machine elle-même. L'invention en cause, si invention il y a, est une machine (ou peut-être une fabrication) et puisque la mobilité du sup port n'est ni une innovation ni un élément de la machine, rien, à part le dispositif particulier choisi pour le montage du support mobile, ne peut constituer une partie de la nouvelle combi- naison. Selon moi, en revendiquant une combi- naison englobant tout mécanisme de montage du support du réa-frein sur le châssis pour assurer un mouvement latéral, la revendication 1 est beaucoup plus large que ce qui a été inventé et décrit et est invalide pour ces deux motifs.
Le même raisonnement s'applique aux reven- dications 2, 3, 4, 6,7et8.
Passons maintenant aux différentes revendi- cations relatives aux combinaisons qui compor- tent l'utilisation d'un seul réa-frein, à savoir les revendications 2, 3, 4, 5, 7 et 8. Selon moi, la formulation de ces revendications envisage un dispositif dont le nombre de réas-freins peut être réduit à un seul mais, qu'il y en ait un ou plusieurs, ce ou ces réas-freins seront assortis de gorges afin de recevoir, dans le cas des revendications 2, 3, 4 et 5, plusieurs enroule- ments ou spires du câble et, dans le cas des revendications 7 et 8, au moins un enroulement complet du câble.
Il ressort de la preuve que le montage d'un seul réa-frein ne peut fonctionner, sauf en utili- sant une gorge unique et, puisque le câble qu'elle supportera ne sera en contact qu'avec la moitié de la circonférence de la roue, cette gorge ne produira pas une friction suffisante pour tendre le câble, à moins d'utiliser une gorge en forme de V. Dans ce dernier cas, il y a beaucoup plus de chances que se produise un phénomène indésirable connu sous le nom de «séparation» des torons qui peut endommager le câble. Ainsi, selon moi, on devait apporter une solution à ces problèmes particuliers, si on vou- lait inventer une freineuse dotée d'un seul réa-frein.
Voici un extrait de la déposition de l'appelant Leithiser recueillie lors de l'interrogatoire préa- lable, dont on a donné lecture à l'audience:
[TRADUCTION] Q. Est-ce que l'une des machines que vous avez fabriquées ou utilisées comme partie de votre invention avait, à un quelconque moment, moins de quatre gorges?
R. Non.
Q. En réalisant votre invention, avez-vous jamais conçu une machine dans laquelle il y avait moins de quatre enroulements complets du câble sous tension?
R. Eh bien, oui. Une machine à quatre gorges ne donne que trois enroulements.
Q. Le premier prototype que vous avez réalisé avait quatre gorges et trois enroulements?
R. C'est exact.
Q. Est-ce qu'il fonctionnait?
R. Oui.
Q. De façon satisfaisante?
R. A cet égard, oui.
Q. Avez-vous déjà réalisé une machine qui avait moins de trois éléments?
Votre Seigneurie, il devrait s'agir d'«enroulements». Êtes- vous d'accord?
M` MCCLENAHAN: Oui. M` GOLDSMITH:
Q. Avez-vous déjà réalisé une machine qui avait moins de trois enroulements?
R. Non.
Q. Avez-vous déjà vu des dessins d'une machine avec moins de trois enroulements?
R. Non.
Q. Avez-vous déjà envisagé d'en utiliser une avec moins de trois enroulements?
R. Non.
Q. Avez-vous déjà, au cours de la réalisation de votre invention, utilisé ou envisagé ou même eu les dessins d'une machine dotée d'une seule gorge en forme de V?
R. Non.
Q. Avez-vous déjà essayé d'utiliser une freineuse dotée d'un seul réa-frein et de trois gorges ou plus, une freineuse, avec un câble enroulé autour d'elle?
R. Non.
Q. Pensez-vous que ce mécanisme fonctionnerait?
R. Non.
Q. Vous pensez qu'il ne fonctionnerait pas?
R. Je pense qu'il ne fonctionnerait pas.
Q. Avez-vous déjà, dans le cadre de votre invention, soit réalisé ou envisagé ou même eu un dessin d'une machine qui fonctionnerait avec des gorges autres que les gorges en forme de U, les gorges semi-circulaires?
R. Non.
Dans le même contexte, si vous voulez bien, votre Seigneu- rie, passer à la page 98, mon savant collègue a posé une question lors du nouvel interrogatoire: question 574
Q. Au cours de certaines des dernières questions que vous a posées Me Goldsmith «avez-vous réalisé ou envisagé», je pense qu'il s'agit bien des mots qu'il a utilisés et cette question portait sur la construction d'une machine doté d'une gorge unique. En utilisant le mot «envisagé», laissez-vous entendre que vous n'y pensiez pas ou que vous n'utilisiez pas ce type de construction dans vos machines?
R. Eh bien, j'ai voulu dire que je n'envisageais pas de l'utiliser.
Q. Pourriez-vous expliquer davantage?
R. J'y ai pensé. J'ai eu l'expérience des machines dotées d'un seul réa dans le domaine du câble avec une seule gorge, mais je n'avais pas l'intention de l'utiliser pour ce genre de matériel particulier.
Selon moi, il ressort, à la lumière de ce témoi- gnage, que l'appelant n'a jamais inventé de frei- neuse dotée d'un seul réa-frein avec plusieurs gorges et que, même si ce dispositif avait été réalisé, il n'aurait pu fonctionner et que, par ailleurs, l'appelant n'a jamais inventé ou conçu une machine dotée d'un seul réa-frein avec une gorge unique ou une gorge en forme de V. En outre, ce genre de machine n'est pas décrit dans le mémoire descriptif. Par conséquent, les revendications qui visent cette machine dotée d'un seul réa-frein sont, d'après moi, beaucoup plus larges que l'invention de l'appelant et que la description qui en est faite dans le mémoire descriptif; elles sont donc invalides pour ces deux motifs.
Puisqu'il découle des conclusions précédentes que l'appel est irrecevable, il ne m'est pas nécessaire d'examiner le second motif sur lequel s'est prononcé le savant juge de première ins tance, à savoir que l'invention était en vente au Canada plus de deux ans avant le dépôt de la demande de brevet et je n'exprimerai aucune opinion à cet égard.
Je rejette l'appel avec dépens.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY a souscrit à l'avis.
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