T-1608-72
Le ministre du Revenu national (Appelant)
c.
Anthony Thomas Leon (Intimé)
et
T-1609-72
Le ministre du Revenu national (Appelant)
c.
Edward Leon (Intimé)
et
T-1611-72
Le ministre du Revenu national (Appelant)
c.
Lewie Leon (Intimé)
et
T-1612-72
Le ministre du Revenu national (Appelant)
c.
Norman Leon (Intimé)
et
T-1610-72
Le ministre du Revenu national (Appelant)
c.
Frank Ahman (Intime)
Division de première instance, le juge suppléant
Sweet —Toronto, les 18, 19, 22 à 26 avril et 9
juillet 1974.
Impôt sur le revenu—Cinq compagnies détenues majoritai-
rement par cinq contribuables—Imposition sur des honorai-
res versés aux compagnies—Les compagnies sont-elles des
corporations personnelles—Loi de l'impôt sur le revenu, art.
68.
Les contribuables intimés exploitaient différents services
d'une entreprise de meubles qu'ils dirigeaient par le biais de
la société en commandite Ablan Leon Distributors. Cette
dernière employait cinq compagnies pour exécuter ces servi
ces (dans trois cas, il s'agissait manifestement de services de
gestion). Aucune des compagnies n'avait d'employé impor
tant, mis à part l'intimé qui la contrôlait, et les compagnies
ne disposaient pas de l'équipement habituel d'entreprise.
Pour les années 1968 et 1969, le Ministre inclut dans la
cotisation de chacun des intimés les honoraires versés par
l'Ablan Leon Distributors aux compagnies employées. Les
intimés prétendirent qu'ils exécutaient les services pour le
compte des compagnies employées qui leur versaient une
rémunération. La Commission de révision de l'impôt donna
gain de cause aux intimés. Le Ministre interjeta appel.
Arrêt: 1. L'appel du Ministre dans les affaires Anthony
Thomas Leon, Edward Leon et Lewie Leon est rejeté;
l'intervention des trois compagnies de gestion a pour effet
de réduire l'assujettissement à l'impôt des intimés. Les plans
impliquant les compagnies de gestion ont été mis à exécu-
tion et le projet fut effectivement réalisé. Les intimés ont
prouvé, comme il leur incombait de le faire, que chacune des
compagnies de gestion exploitait une «entreprise commer-
ciale active», qui ne relevait pas de la définition d'une
«corporation personnelle» à l'article 68(1)c) de la Loi de
l'impôt sur le revenu et qui, par conséquent, n'était pas
assujettie aux articles 67 et suivants de la Loi, relatifs aux
corporations personnelles.
2. L'appel est accueilli quant à l'intimé Norman Leon;
celui-ci détenait une participation majoritaire dans une com-
pagnie qui, aux termes d'un contrat avec l'Ablan Leon
Distributors, devait s'occuper de relations publiques. L'in-
timé a fourni à ladite compagnie des services de gestion qui
s'étendaient bien au-delà des relations publiques. Le mon-
tant que cette compagnie a versé à l'intimé incluait des
services de gestion. Tous les postes de paiements versés par
l'Ablan Leon Distributors à la compagnie représentaient des
services exécutés par Norman Leon, qui n'a pas réussi à
prouver que, dans sa cotisation, le Ministre était mal fondé à
considérer ces postes comme un revenu entre les mains du
contribuable.
3. L'appel est accueilli contre l'intimé Frank Ahman: ce
dernier détenait une participation majoritaire dans une com-
pagnie qui n'avait aucun contrat écrit ou autre preuve d'un
contrat de gestion qui, selon lui, existait entre l'Ablan Leon
Distributors et la compagnie employée. Les honoraires de
gestion que l'Ablan Leon Distributors a versés à la compa-
gnie employée corroboraient le point de vue du Ministre
selon lequel l'Ablan Leon Distributors a versé les honoraires
à la demande de l'intimé, Frank Ahman. Ce dernier n'a pas
réussi à prouver que le Ministre avait commis une erreur en
établissant la cotisation; il faut donc conclure qu'il a reçu les
honoraires en contrepartie des services fournis à l'Ablan
Leon Distributors.
Arrêts examinés: Foreign Power Securities Corporation
Ltd. c. M.R.N. [1966] R.C.É. 358; Rose c. M.R.N.
[1973] C.F. 65; Sazio c. M.R.N. [1969] 1 R.C.É. 373 et
Cameron c. M.R.N. 71 DTC 5068.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
N. A. Chalmers, c.r., et R. G. Pyne pour
l'appelant.
R. E. Shibley, c.r., M. L. O'Brien et G. J.
Corn pour les intimés.
PROCUREURS:
Le sous-ministre de la Justice pour
l'appelant.
Shibley, Righton & McCutcheon, Toronto,
pour les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés par
LE JUGE SUPPLÉANT SWEET: Toutes ces
affaires constituent des appels de décisions ren-
dues par la Commission de révision de l'impôt
sur le revenu accueillant les appels interjetés
par les intimés des cotisations établies par
l'appelant.
Les causes dont l'intitulé apparaît ci-haut
seront respectivement appelées l'affaire Antho-
ny Thomas Leon, l'affaire Edward Leon, l'af-
faire Lewie Leon, l'affaire Norman Leon et
l'affaire Frank Ahman.
Les motifs du jugement d'un appel du minis-
tre du Revenu national dans lequel l'Ablan Leon
(1964) Limited est intimée, sont déposés en
même temps que les présents motifs. On l'appel-
lera l'affaire Ablan Leon (1964) Limited.
En vertu d'une ordonnance rendue sur con-
sentement, toute la preuve pertinente déposée
dans l'affaire Ablan Leon (1964) Limited devait
s'appliquer à toutes les causes susmentionnées.
En vertu d'une entente entre les avocats, une
partie de la preuve déposée dans l'affaire
Anthony Thomas Leon devait servir aussi de
preuve dans les affaires Edward Leon et Lewie
Leon.
Bien qu'en fait toutes ces affaires ne soient
pas identiques, il y a entre elles plusieurs points
semblables. En outre, il existe certains principes
juridiques applicables à toutes.
Il est par conséquent préférable de réunir
dans un seul exposé les motifs des jugements
prononcés dans toutes ces affaires.
Il serait utile d'avoir à l'esprit certaines don-
nées sur les entreprises de meubles Leon, y
compris l'Ablan Leon (1964) Limited et l'entre-
prise exploitée sous la raison sociale Ablan
Leon Distributors. Puisque ces données sont
énoncées dans l'affaire Ablan Leon (1964) Lim
ited, il n'est pas nécessaire de les répéter ici.
Dans l'affaire Anthony Thomas Leon, voici
les postes de cotisations à l'impôt sur le revenu
sur lesquels porte le litige:
1965 — $43,250
1966 — $45,000
1967 — $86,750
1968 — $56,000
Le Ministre allègue que, ayant conclu une
entente avec l'Ablan Leon Distributors et
s'étant consacré exclusivement à la gestion, à la
surveillance, au contrôle et à la direction des
opérations de certains magasins de l'Ablan Leon
Distributors pendant les années d'imposition
1965, 1966, 1967 et 1968, Anthony Thomas
Leon a acquis le droit de recevoir les montants
susmentionnés et qu'à sa demande, l'Ablan
Leon Distributors les a versés à l'Antomel
Limited.
L'intimé Anthony Thomas Leon allègue
notamment que durant les années d'imposition
1965, 1966, 1967 et 1968, il fut employé par
l'Antomel Limited qui lui versa un salaire et que
cette compagnie, en vertu d'une entente conclue
avec l'Ablan Leon Distributors, fournissait à
cette dernière des services de gestion et recevait
en contrepartie des honoraires de gestion. L'in-
timé prétend qu'à titre d'employé de l'Antomel
Limited, il consacra une partie de son temps à la
gestion, à la surveillance, au contrôle et à la
direction des opérations de certains magasins de
l'Ablan Leon Distributors et que l'Antomel Lim
ited a reçu ces montants en paiement de ces
services.
Dans l'affaire Edward Leon, voici les postes
de cotisations à l'impôt sur le revenu d'où pro-
vient le litige:
1965 — $61,000
1966 — $69,000
1967 — $91,000
1968 — $68,000
Le Ministre allègue que, ayant conclu une
entente avec l'Ablan Leon Distributors et
s'étant consacré exclusivement à la gestion, à la
surveillance, au contrôle et à la direction des
opérations de certains magasins de l'Ablan Leon
Distributors pendant les années d'imposition
1965, 1966, 1967 et 1968, Edward Leon a
acquis le droit de recevoir ces montants et qu'à
sa demande, l'Ablan Leon Distributors les a
versés à la Timmyal Limited.
L'intimé Edward Leon allègue notamment
que durant les années d'imposition 1965, 1966,
1967 et 1968, il fut employé par la Timmyal
Limited qui lui versa un salaire et que cette
compagnie, en vertu d'une entente conclue avec
l'Ablan Leon Distributors, fournissait à cette
dernière des services de gestion et recevait en
contrepartie des honoraires de gestion. L'intimé
prétend qu'à titre d'employé de la Timmyal
Limited, il consacra une partie de son temps à la
gestion, à la surveillance, au contrôle et à la
direction des opérations de certains magasins de
l'Ablan Leon Distributors et que la Timmyal
Limited a reçu ces montants en paiement de ces
services.
Dans l'affaire Lewie Leon, voici les postes de
cotisations à l'impôt sur le revenu d'où provient
le litige:
1965 — $22,000
1966 — $50,000
1967 — $89,000
1968 — $64,000
Le Ministre allègue que, ayant conclu une
entente avec l'Ablan Leon Distributors et
s'étant consacré exclusivement à la gestion, à la
surveillance, au contrôle et à la direction des
opérations de certains magasins de l'Ablan Leon
Distributors pendant les années d'imposition
1965, 1966, 1967 et 1968, Lewie Leon a acquis
le droit de recevoir ces montants et qu'à sa
demande, l'Ablan Leon Distributors les a versés
à la Midgemar Limited.
L'intimé Lewie Leon allègue notamment que
durant les années d'imposition 1965, 1966, 1967
et 1968, il fut employé par la Midgemar Limited
qui lui versa un salaire et que cette compagnie,
en vertu d'une entente avec l'Ablan Leon Dis
tributors, fournissait à cette dernière des servi
ces de gestion et recevait en contrepartie des
frais de gestion. L'intimé prétend qu'à titre
d'employé de la Midgemar Limited, il consacra
une partie de son temps à la gestion, à la surveil
lance, au contrôle et à la direction des opéra-
tions de certains magasins de l'Ablan Leon Dis
tributors et que la Midgemar Limited a reçu ces
montants en paiement de ces services.
Dans l'affaire Norman Leon, voici les postes
de cotisations à l'impôt sur le revenu d'où pro-
vient le litige:
1968 — $ 8,000
1969 — $39,000
Le Ministre allègue que, ayant conclu une
entente avec l'Ablan Leon Distributors et
s'étant consacré exclusivement à la gestion, à la
surveillance, au contrôle et à la direction des
opérations de certains magasins de l'Ablan Leon
Distributors pendant les années d'imposition
1968 et 1969, Norman Leon a acquis le droit de
recevoir ces montants et qu'à sa demande,
l'Ablan Leon Distributors les a versés à la Nor-
Mar Projects Limited.
L'intimé, Norman Leon, allègue notamment
que durant les années d'imposition 1968 et
1969, il fut employé par la Nor-Mar Projects
Limited qui lui versa un salaire et que cette
compagnie, en vertu d'une entente conclue avec
l'Ablan Leon Distributors, fournissait à cette
dernière des services de gestion et recevait en
contrepartie des honoraires de gestion. L'intimé
prétend qu'à titre d'employé de la Nor-Mar
Projects Limited, il consacra une partie de son
temps à la gestion, à la surveillance, au contrôle
et à la direction des opérations de certains
magasins de l'Ablan Leon Distributors et que la
Nor-Mar Projects Limited a reçu ces montants
en paiement de ces services.
Dans l'affaire Frank Ahman, voici les postes
de cotisations à l'impôt sur le revenu d'où pro-
vient le litige:
1968 — $13,600
1969 — $18,700
Le Ministre allègue que, ayant conclu une
entente avec l'Ablan Leon Distributors et
s'étant consacré exclusivement à la gestion, à la
surveillance, au contrôle et à la direction des
opérations de certains magasins de l'Ablan Leon
Distributors pendant les années d'imposition
1968 et 1969, Frank Ahman a acquis le droit de
recevoir ces montants et qu'à sa demande,
l'Ablan Leon Distributors les a versés à la
Frank Ahman Ltd.
L'intimé allègue notamment que durant les
années d'imposition 1968 et 1969, il fut
employé par la Frank Ahman Ltd. qui lui versa
un salaire et que cette compagnie, en vertu
d'une entente conclue avec l'Ablan Leon Dis
tributors, fournissait à cette dernière des servi
ces de gestion et recevait en contrepartie des
honoraires de gestion. L'intimé prétend qu'à
titre d'employé de la Frank Ahman Ltd., il con-
sacra une partie de son temps à la gestion, à la
surveillance, au contrôle et à la direction des
opérations de certains magasins de l'Ablan Leon
Distributors et que la Frank Ahman Ltd. a reçu
ces montants en paiement de ces services.
Dans l'affaire Frank Ahman, le Ministre a en
outre interjeté appel du montant de $62 que
l'intimé reçut à titre de dividendes sur des
actions détenues dans la Compagnie de Télé-
phone Bell du Canada. Le Ministre s'est désisté
de ce poste de l'appel.
Dans ses plaidoiries, l'appelant n'allègue pas
la simulation.
En raison de leur similitude, on peut sans
inconvénient examiner conjointement les affai-
res Anthony Thomas Leon, Edward Leon et
Lewie Leon.
Chacune d'elles comporte un «contrat de ges-
tion» portant la date du l er mai 1964 et préten-
dument conclu par toutes les parties dont le
nom apparaît à titre d'employeurs, savoir:
l'Ablan Leon (1964) Limited, la fiducie George
Leon, la fiducie Lewie Leon, la fiducie Anthony
Leon, la fiducie Edward Leon, la fiducie Joseph
M. Leon, la fiducie familiale George Leon et la
fiducie familiale Joseph M. Leon. On indique
également qu'elles opèrent sous le nom d'Ablan
Leon Distributors.
Dans l'affaire Anthony Thomas Leon, la
«compagnie de gestion» est l'Antomel Limited.
Dans l'affaire Edward Leon, c'est la Timmyal
Limited. Dans l'affaire Lewie Leon, c'est la
Midgemar Limited.
Les trois contrats contiennent des disposi
tions portant que:
les employeurs utiliseront les différentes
compagnies de gestion pour gérer, surveiller,
contrôler et diriger les opérations de certains
magasins de vente au détail de meubles,
d'ameublements et d'appareils ménagers,
magasins que l'employeur désignera à l'occa-
sion, même s'ils n'existent pas ou ne sont pas
exploités réellement à cette époque et ne sont
acquis et exploités que plus tard par
l'employeur;
la compagnie de gestion consacrera tout
son temps et toutes ses énergies à exercer et à
remplir, comme il se doit, toutes les fonctions
qui sont habituellement attribuées à un gérant,
à un surveillant, à un contrôleur et à un diri-
geant et se rapportant plus précisément aux
magasins pratiquant le commerce susmen-
tionné;
la compagnie de gestion sera entièrement
responsable de toutes les décisions qui seront
prises dans lesdits magasins concernant la
gestion et l'exploitation, y compris la question
de l'achat d'articles de commerce et de mar-
chandises qui seront offerts en vente dans
lesdits magasins, sous réserve que, s'il sur-
vient un conflit entre l'employée et l'em-
ployeur, la décision de l'employeur doit tou-
jours prévaloir;
la compagnie de gestion sera en outre res-
ponsable et chargée de toute la publicité se
rapportant auxdits magasins, que ce soit par
les journaux, la radio ou autrement.
Chacun de ces contrats prévoit que la compa-
gnie de gestion sera rémunérée pour ces servi
ces suivant le montant qui y est stipulé et
chacun prévoit une prime. Les montants de la
rémunération varient.
Le contrat d'Anthony Thomas Leon corn-
porte une disposition additionnelle suivant
laquelle la compagnie de gestion sera également
responsable de la surveillance du siège social de
l'«Ablan Leon Distributors», situé au 65 rue
State, Welland (Ontario).
Trois contrats de travail portent la date du lei
mai 1964. En vertu de ces contrats, l'Antomel
Limited, la Timmyal Limited et la Midgemar
Limited retiennent respectivement les services
d'Anthony Leon, d'Edward Leon et de Lewie
Leon. Chacun prévoit que l'employeur affecte
l'employé à la gestion, à la surveillance, au
contrôle et à la direction des opérations de tous
les magasins dont l'Ablan Leon Distributors lui
confie la charge. Chacun des contrats de travail
prévoit la rémunération des services de l'em-
ployé. Tous ces contrats semblent avoir été
signés et chacun comporte une disposition pré-
voyant le paiement d'une prime.
Durant les années d'imposition 1965, 1967,
1968 et 1969:
a) Anthony Thomas Leon était l'actionnaire
majoritaire de l'Antomel Limited. Je ne crois
pas que la participation de son épouse dans
cette compagnie ait une quelconque incidence
sur cette participation.
b) Edward Leon était l'actionnaire majori-
taire de la Timmyal Limited.
c) Lewie Leon était l'actionnaire majoritaire
de la Midgemar Limited.
Il s'agit donc d'une situation où Anthony
Thomas Leon, Edward Leon et Lewie Leon qui,
ensemble, détenaient la majorité des actions de
l'Ablan Leon (1964) Limited, étaient en mesure
d'exercer leur influence sur la question impor-
tante des primes à verser aux compagnies de
gestion. A toutes fins pratiques, chacun était en
mesure de contrôler le salaire que lui payait sa
compagnie de gestion.
Dans chaque cas, les compagnies de gestion
n'avaient pas d'employé ou d'autre employé
véritable que l'intimé majoritaire. Aucune ne
disposait de l'équipement habituel et ordinaire
d'une entreprise, tel que le téléphone ou son
propre bureau.
Tous les services que les compagnies de ges-
tion devaient fournir en vertu des contrats de
gestion ont été exécutés par les intimés. L'entre-
prise de l'Ablan Leon Distributors était davan-
tage intéressée aux services des intimés qu'à
ceux des compagnies de gestion. Je suis con-
vaincu que les intimés auraient insisté pour
fournir eux-mêmes les services qu'ils ont exécu-
tés à cause de leurs intérêts financiers dans
l'Ablan Leon Distributors et de la rémunération
découlant de leur exécution.
Je conclus que l'intervention des compagnies
de gestion avait pour unique but de réduire
l'assujettissement à l'impôt sur le revenu des
intimés. Je conclus en outre que l'utilisation des
compagnies de gestion à cette fin s'est réalisée
par le contrôle qu'exerçaient les intimés sur
l'Ablan Leon Distributors de même que par la
collaboration de George Leon et Joseph Leon
qui y détenaient également des intérêts
financiers.
Les motifs du jugement prononcés dans l'af-
faire Ablan Leon (1964) Limited étudient cer-
tains principes juridiques applicables aux pré-
sentes actions. Néanmoins, il serait utile de citer
à nouveau deux déclarations qui, à mon avis,
indiquent la ligne à suivre en l'espèce.
Voici ce que le juge Noël (maintenant juge en
chef adjoint) déclarait dans l'affaire Foreign
Power Securities Corporation Ltd. c. M.R.N.
[1966] R.C.É. 358 aux pages 386 et 387:
[Txavucnox] En fait, la Loi de l'impôt sur le revenu, ne
comporte aucune disposition prévoyant que, lorsqu'il appert
que le but principal ou l'un des buts pour lesquels on a
effectué une ou plusieurs opérations était d'éviter ou de
réduire l'assujettissement à l'impôt sur le revenu, la Cour
peut, si elle le juge à propos, ordonner d'apporter les rajus-
tements qu'elle estime appropriés concernant l'assujettisse-
ment à l'impôt sur le revenu de façon à neutraliser la
suppression ou la réduction de cet assujettissement que, par
ailleurs, ces opérations réaliseraient.
Voici maintenant ce que déclarait le juge en
chef Jackett dans l'arrêt Rose c. M.R.N. [1973]
C.F. 65, à la page 69:
11 ne semble pas faire de doute que l'objet de l'arrangement
en vertu duquel les compagnies en question devaient se
former en société pour fournir des services de gestion à la
Central Park Estates Limited, était d'obtenir des avantages
fiscaux par les actionnaires de ces compagnies. Bien que cet
élément ne change rien au résultat auquel ces opérations ont
effectivement abouti, j'estime cependant qu'il justifie une
appréciation très prudente des témoignages sur le point de
savoir si les mesures prévues pour atteindre ce but ont
vraiment été prises.
En l'espèce, il faut également examiner les
témoignages de très près pour déterminer si le
plan projeté fut effectivement mis à exécution.
Les motifs du jugement prononcés par le juge
Cattanach dans l'arrêt Sazio c. M.R.N. [1969] 1
R.C.É. 373 et dans l'affaire Cameron c. M.R.N.
71 DTC 5068 sont intéressants.
Dans l'affaire Ablan Leon (1964) Limited, on
a prétendu que l'entreprise exploitée sous la
raison sociale Ablan Leon Distributors était une
société en commandite. J'ai conclu que la
société n'existait pas. Les présents intimés
n'étaient pas parties à cette action. A mon avis,
cette conclusion ne s'applique pas à la présente
action. Il s'agissait d'une entreprise de meubles
exploitée sous le nom d'Ablan Leon Distribu
tors et quels que soient les contrats qui ont été
conclus, ils l'ont été avec le ou les exploitants
de cette entreprise.
L'Antomel Limited, la Timmyal Limited et la
Midgemar Limited étaient des entités séparées,
distinctes et réelles. Il est reconnu que bien
qu'un actionnaire détienne une participation
majoritaire dans une compagnie, l'actionnaire et
la compagnie constituent quand même des enti-
tés distinctes et séparées.
Je conclus:
a) que l'Ablan Leon Distributors a conclu un
contrat avec chacune des trois compagnies,
savoir l'Antomel Limited, la Timmyal Limited
et la Midgemar Limited, en vertu duquel ces
compagnies devaient fournir des services de
gestion à l'Ablan Leon Distributors;
b) que ces compagnies ont fourni à l'Ablan
Leon Distributors les services qu'elles se sont
engagées à fournir; et
c) que ces compagnies avaient droit d'être
rémunérées pour ces services et qu'elles l'ont
été.
Compte tenu des circonstances de ces trois
affaires, il importe peu, me semble-t-il, que les
services que devaient fournir les compagnies
soient exécutés par les intimés.
Je crois que les plans impliquant les compa-
gnies de gestion dans les affaires Anthony
Thomas Leon, Edward Leon et Lewie Leon
furent mis à exécution et que ce que l'on avait
projeté fut effectivement réalisé.
Je suis convaincu qu'Anthony Thomas Leon,
Edward Leon et Lewie Leon se sont tous
acquittés de leur tâche, si lourde qu'elle soit
dans les circonstances de l'espèce.
Il s'ensuit que l'Antomel Limited, la Timmyal
Limited et la Midgemar Limited exploitaient des
entreprises commerciales actives et que les dis
positions de la Loi de l'impôt sur le revenu
relatives aux corporations personnelles ne s'ap-
pliquent pas.
Les appels dans les affaires Anthony Thomas
Leon, Edward Leon et Lewie Leon sont rejetés
avec dépens.
Les affaires Norman Leon et Frank Ahman et
les trois autres affaires présentent des situations
semblables.
Norman Leon détenait une participation
majoritaire dans la Nor-Mar Projects Limited et
Frank Ahman, dans la Frank Ahman Ltd. La
Nor-Mar Projects Limited et la Frank Ahman
Ltd. n'avaient pas d'employé ou d'autre
employé véritable que l'intimé qui en était majo-
ritaire. Aucune de ces compagnies ne disposait
de l'équipement habituel et ordinaire d'une
entreprise. Norman Leon et Frank Ahman
étaient les personnes qui fournissaient active-
ment des services à l'Ablan Leon Distributors.
C'étaient les services des intimés Norman Leon
et Frank Ahman, par opposition à ceux de la
Nor-Mar Projects Limited et de la Frank
Ahman Ltd., qui intéressaient l'entreprise de
l'Ablan Leon Distributors.
Les affaires Norman Leon et Frank Ahman
diffèrent des autres notamment en ce que ni
Norman Leon ni Frank Ahman n'étaient action-
naires de L'Ablan Leon (1964) Limited.
Je conclus que l'intervention de la Nor-Mar
Projects Limited et de la Frank Ahman Ltd.
avait pour seul but de réduire l'assujettissement
à l'impôt sur le revenu de Norman Leon et
Frank Ahman. Je suis convaincu que les action-
naires majoritaires de l'Ablan Leon (1964) Lim
ited consentaient à collaborer avec les intimés
Norman Leon et Frank Ahman à cette fin.
Les principes énoncés par le juge en chef
Jackett dans l'arrêt Rose c. M.R.N. (précité) et
par le juge Noël (maintenant juge en chef
adjoint) dans l'arrêt Foreign Power Securities c.
M.R.N. (précité), s'appliquent également à ces
deux appels.
Le l er mai 1964, la Nor-Mar Projects Limited
conclut un contrat de travail dans lequel le nom
des employeurs était le même que dans les
affaires Anthony Thomas Leon, Edward Leon
et Lewie Leon. Le contrat de la Nor-Mar
Projects Limited diffère de celui que l'on
retrouve dans ces trois autres affaires.
Voici les services que la Nor-Mar Projects
Limited devait fournir aux termes de son con-
trat d'emploi:
[TRADUCTION] 1. La Leon confiera à la Nor-Mar la charge
et la responsabilité de tout le travail de publicité et de
relations extérieures qui peut être nécessaire à l'exploitation
de tous magasins appartenant à la Leon, qu'ils lui appartien-
nent présentement ou qu'ils soient acquis postérieurement.
2. La Nor-Mar consacrera tout son temps et toutes ses
énergies à exercer et à remplir comme il se doit toutes les
fonctions qui sont habituellement attribuées à une personne
ou à une compagnie chargée du travail de publicité ou de
relations extérieures, se rapportant particulièrement aux
magasins pratiquant le commerce susmentionné.
3. La Nor-Mar sera entièrement responsable de toutes les
décisions qui seront prises dans le domaine de la publicité
ou des relations extérieures, mais s'il survient un conflit
entre la Leon et la Nor-Mar quant à une ligne de conduite ou
à une opération donnée concernant l'un des magasins, la
décision de la Leon doit toujours prévaloir.
Par conséquent, la responsabilité de la Nor-
Mar Projects Limited portait uniquement sur la
publicité et les relations extérieures et rien
d'autre.
Je conclus que les services exécutés par
Norman Leon ont excédé de beaucoup ceux que
la Nor-Mar Projects Limited devait fournir en
vertu de son contrat (publicité et relations exté-
rieures). Je conclus que Norman Leon a égale-
ment géré, surveillé, contrôlé et dirigé les opéra-
tions de certains magasins.
Les plaidoiries des intimés montrent, pour-
rait-on également souligner, que les services
effectivement exécutés par Norman Leon
dépassaient le cadre de la publicité et des rela
tions extérieures.
Le paragraphe 4 de la réponse à l'avis d'appel
dans l'affaire Norman Leon se lit comme suit:
[TRADUCTION] Concernant les paragraphes 3 et 4 de l'avis
d'appel, l'intimé déclare qu'à titre d'employé de la Nor-Mar
Projects Limited, il consacra une partie de son temps à la
gestion, à la surveillance, au contrôle et à la direction des
opérations de certains magasins de l'Ablan Leon Distribu
tors, et qu'en paiement de ces services, la Nor-Mar Projects
Limited a reçu les montants de
1968 — $ 8,000
1969 — $39,000
De toute évidence, le contrat de la Nor-Mar
Projects Limited ne prévoyait pas l'exécution de
services ayant trait à «la gestion, à la surveil
lance, au contrôle et à la direction des opéra-
tions de certains magasins».
La disposition prévoyant la rémunération de
la Nor-Mar Projects Limited en conformité de
son contrat était la suivante:
[TRADUCTION] En paiement dès services susmentionnés, la
Nor-Mar recevra le montant de douze cent cinquante dollars
(1,250) par mois et, en plus, une prime calculée d'après le
volume des ventes réalisées dans lesdits magasins ou n'im-
porte quel d'entre eux. Cette prime sera établie et détermi-
née suivant un contrat subséquent conclu entre les parties.
Les «services susmentionnés» dans la clause
de rémunération concernaient, de toute évi-
dence, le travail de publicité et de relations
extérieures que la Nor-Mar Projects Limited
s'engageait à fournir. Ils ne visaient pas la ges-
tion, la surveillance, le contrôle et la direction
des opérations des magasins.
Il ne faut pas prendre pour acquis que les
services de gestion, de surveillance, de contrôle
et de direction des opérations rendus par
Norman Leon ont été ou devaient être exécutés
gratuitement. On est forcé de conclure que les
postes de paiement effectués par l'Ablan Leon
Distributors qui sont en litige, savoir $8,000
pour l'année d'imposition 1968 et $39,000 pour
l'année d'imposition 1969, portaient sur l'en-
semble des services exécutés par Norman Leon,
y compris les services d'ordre administratif.
S'il s'agissait de services relevant uniquement
de la publicité et des relations extérieures joints
aux services d'ordre administratif montrant
ainsi l'opportunité d'une répartition entre ces
services, rien n'a été tenté pour établir cette
répartition. A mon avis, il incomberait à l'intimé
d'établir son droit à une répartition et la nature
de cette répartition. Il ne l'a pas fait.
Quoiqu'il en soit, je suis porté à croire que les
obligations concernant la publicité assumées par
l'Antomel Limited, la Timmyal Limited et la
Midgemar Limited énoncées dans leur contrat
de services, réduiraient de façon importante la
quantité de travail de publicité et de relations
extérieures dont la Nor-Mar Projects Limited
avait la charge aux termes de son contrat.
L'intimé Norman Leon allègue dans sa plai-
doirie [TRADUCTION] «qu'en n'adressant pas un
avis de nouvelle cotisation à la Nor-Mar
Projects Limited, l'appelant, en fait, confirme
que la Nor-Mar Projects Limited est bien impo-
sable sur le revenu qu'elle a reçu. Permettre à
l'appelant d'établir une nouvelle cotisation à
l'encontre de l'intimé et non à l'encontre de la
Nor-Mar Projects Limited équivaudrait à
approuver une double imposition».
Dans l'affaire Frank Ahman, on retrouve une
allégation analogue se rapportant à la Frank
Ahman Ltd.
Dans l'un et l'autre cas, je rejette ces points
de vue. Dans l'affaire Ablan Leon (1964) Limi
ted, j'ai examiné l'effet d'une cotisation établie
par le Ministre à l'encontre d'une personne qui
n'est pas partie à l'action portée devant la Cour.
Je conclus que l'intimé Norman Leon n'a pas
établi, comme il lui incombait de le faire, que la
position de l'appelant dans l'affaire Norman
Leon concernant les cotisations, la base de ces
cotisations ou les hypothèses de l'appelant était
mal fondée.
L'appel du ministre du Revenu national dans
l'affaire Norman Leon est accueilli. Les cotisa-
tions établies par l'appelant dans cette affaire
sont rétablies. L'appelant recouvrera ses dépens
du présent appel.
La Frank Ahman Ltd. fut constituée en com-
pagnie en 1963. Depuis ce temps, Frank Ahman
fut la seule personne à y avoir détenu un intérêt
réel. En 1964, il céda à cette compagnie un
magasin qu'il avait exploité à Niagara Falls. En
1968, cette entreprise fut vendue au groupe
Leon. Ahman déclara l'avoir vendue parce que
«Tom Leon» lui avait demandé s'il irait à Wel-
land y gérer leur magasin qui était en difficulté
et qu'il lui avait dit que sa compagnie s'occupe-
rait du magasin de Welland et qu'il recevrait
$20,000 par année ainsi qu'un pourcentage des
bénéfices. Il déclara qu'il se rendait toujours au
magasin de Niagara Falls pour en vérifier les
livres et en assurer l'approvisionnement.
Ahman a témoigné qu'il n'y avait aucune
entente écrite entre la Frank Ahman Ltd. et les
Leon portant sur la gestion du magasin de Wel-
land. Il déclara que les Leon versèrent les
$20,000 et la prime à la Frank Ahman Ltd., que
l'arrangement était toujours en vigueur et que
l'entente existant depuis 1968 entre la Frank
Ahman Ltd. et lui était la même; les Leon
payaient la Frank Ahman Ltd. qui lui versait
son salaire. Il déclara qu'il ne savait pas quelle
compagnie était propriétaire du magasin de
Welland.
En contre-interrogatoire, on montra à Ahman
une photocopie d'un état financier de la Frank
Ahman Ltd. pour l'année se terminant le 31 mai
1969. On y remarque, comme poste de revenu,
des honoraires de gestion au montant de
$22,100. Ahman déclara qu'il était payé par une
des entreprises Leon mais qu'il ne savait pas
laquelle.
Lorsqu'en contre-interrogatoire, on demanda
à Ahman s'il y avait des raisons commerciales
particulières pour lesquelles la Frank Ahman
Ltd. et non lui-même avait conclu un contrat de
gestion avec l'Ablan Leon Distributors, il répon-
dit qu'il ne savait pas s'il y avait une différence.
Aucun contrat écrit de gestion ne fut déposé,
ni aucune résolution de la Frank Ahman Ltd.
portant sur un contrat de ce genre.
Je ne crois pas que l'absence d'un contrat
écrit de gestion ou d'une résolution de la compa-
gnie portant sur un tel contrat soit nécessaire-
ment préjudiciable à la position de l'intimé.
Dans les circonstances de l'espèce toutefois, s'il
existait un contrat de gestion en bonne et due
forme, comme le prétend l'intimé, on pourrait
vraisemblablement disposer d'une certaine
preuve écrite à l'appui de ce contrat. L'absence
d'une telle preuve est, à mon avis, révélatrice.
Les paiements versés à la Frank Ahman Ltd.
corroborent l'allégation de l'appelant selon
laquelle l'Ablan Leon Distributors les a effec-
tués à la demande de l'intimé.
Je conclus que l'intimé n'a pas apporté la
preuve nécessaire en l'espèce.
Je conclus que l'intimé Frank Ahman avait
droit de recevoir de l'Ablan Leon Distributors
les sommes de $13,600 pour l'année d'imposi-
tion 1968 et de $18,700 pour l'année d'imposi-
tion 1969 et ce, en contrepartie des services
qu'il a exécutés à titre d'employé de l'Ablan
Leon Distributors.
L'appel du ministre du Revenu national dans
l'affaire Frank Ahman est rejeté uniquement à
l'égard du poste de $62 dont il s'est désisté, et
qui fut payé à titre de dividendes sur des actions
de la Compagnie de Téléphone Bell du Canada.
A tous autres égards, l'appel du ministre du
Revenu national dans l'affaire Frank Ahman est
accueilli. Les cotisations établies par l'appelant
dans cette affaire sont rétablies, exception faite
du poste de $62. En raison de ce désistement, il
y a lieu d'apporter un rajustement approprié à la
cotisation.
Compte tenu de l'importance du poste de $62
au regard des autres postes en litige et du temps
que ce poste a nécessité pendant le procès en
comparaison des autres postes, je ne crois pas
que l'appelant doit être privé des dépens. L'ap-
pelant recouvrera ses dépens dans l'affaire
Frank Ahman.
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