T-2507-72
Thyssen Mining Construction of Canada Ltd.
(Demanderesse)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Addy —
Ottawa, le 5 décembre 1974; le 17 janvier 1975.
Droits de douanes—Demande de reclassification des mar-
chandises importées—Délai à compter de la date de la décla-
ration en douane—Loi sur les douanes, S.R.C. 1970, c. C-40,
art. 20, 21, 27, 46, 51, 106 et 112 à 114—Tarif des douanes,
S.R.C. 1970, c. C-41, numéros tarifaires 41012-1 et 44603-1—
Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, c. I-23, art. 28.
Une compagnie minière importait des cuvelages servant au
revêtement des puits de mines et payait des droits de douanes
sous le numéro tarifaire 44603-l. La cargaison en cause devait
être utilisée dans des puits de la Saskatchewan et avait été
importée aux termes d'une entente écrite le 16 mai 1969, après
paiement de droits selon le même numéro tarifaire. Quatre
mois plus tard, la compagnie introduisit une demande de
remboursement au motif que ces marchandises pouvaient être
importées en franchise sous le numéro tarifaire 41012-1. En ce
qui concerne les autres cargaisons, la Commission du tarif
rendit une décision favorable à la compagnie dans le litige
relatif à l'application du numéro tarifaire 44603-1 (imposé par
le ministère du Revenu national, Douanes et Accise) et le
numéro tarifaire 41012-1 (invoqué par la compagnie). Le
Ministère remboursa alors tous les droits payés par la compa-
gnie sur les cuvelages, excepté une cargaison. Il refusa de
rembourser les droits perçus le 16 mai 1969 parce que la
demande de nouvelle détermination de la classification tarifaire
aurait dû être faite dans les quatre-vingt-dix jours. La compa-
gnie réclame le remboursement des droits en cause, soit la
somme de $106,175.
Arrêt: l'action est rejetée; la demanderesse était liée par
l'article 46(1) de la Loi sur les douanes prévoyant notamment
que la classification ou l'estimation des marchandises faite au
moment de la déclaration en douane était «définitive et péremp-
toire à moins que l'importateur, dans les quatre-vingt-dix jours
de la date de la déclaration en douane, ne fasse une
demande ...n. Cette disposition l'emporte sur les termes de
l'article 46(4) qui expriment une faculté et autorisent une
nouvelle détermination de la classification dans les deux ans.
Les mêmes délais étaient prévus pour l'application de l'article
114 de la Loi à l'article 113, mais ce dernier ne visait que
l'importation de marchandises destinées à un usage particulier
et affectées à un autre usage. Les marchandises en cause ont
été affectées à l'usage pour lequel elles avaient été commandées
et importées.
Arrêts appliqués: Julius c. Lord Bishop of Oxford (1880)
5 App. Cas. 214, [1874-18801 All E.R. (Rep.) 43 et Re
Pentagon Construction Co. Ltd. (1960) 20 D.L.R. (2°)
485.
ACTION.
AVOCATS:
L'hon. C. H. Locke, c.r., et J. M. Coyne, c.r.,
pour la demanderesse.
A. C. ,Pennington et R. Côté pour la
défenderesse.
PROCUREURS:
Herridge, Tolmie, Gray, Coyne et Blair,
Ottawa, pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE ADDY: Depuis plusieurs années, la
demanderesse importe au Canada des cuvelages
provenant d'Allemagne, servant au revêtement des
puits de mine; elle s'occupe principalement ' de
l'établissement des plans et du creusement des
puits de mine dans la province de la Saskatchewan.
Pour creuser un puits dans du sable boulant, il faut
que le sol soit gelé et le cuvelage sert à empêcher
que les formations de haute pression inondent les
puits après le dégel du sol.
Pendant un certain temps, ces cuvelages ont été
importés et déclarés aux douanes sous le numéro
tarifaire 44603-1, et des droits étaient perçus au
taux de 22 1 / 2 % ad valorem, en conformité des
instructions d'un appréciateur fédéral des douanes,
obtenues par l'intermédiaire des courtiers en
douane de la demanderesse. On demanda à plu-
sieurs reprises la modification de ces instructions,
mais sans succès.
En 1968, de nouveaux courtiers en douane de la
demanderesse estimant que les cuvelages devraient
être importés en franchise puisqu'ils pouvaient
relever du numéro tarifaire 41012-1 à titre de
«cadres en métal pour le soutènement des murs»,
demandèrent au Ministère de confirmer leur opi
nion. Avant l'obtention d'une réponse du Minis-
tère, on importa sous ledit numéro tarifaire huit
cargaisons de cuvelages sur lesquels ne fut perçu
aucun droit. Un appréciateur fédéral des douanes
informa alors les courtiers en douane de la deman-
deresse que, selon le Ministère, les cuvelages en
cause n'étaient pas exempts de droits mais étaient
frappés de droits au taux de 20% selon le numéro
tarifaire mentionné plus haut, savoir, le numéro
44603-1.
Malgré cette réponse, les courtiers en douane de
la demanderesse déclarèrent deux autres cargai-
sons au titre de la catégorie de marchandises en
franchise. Par la suite, et plus précisément le 16
mai 1969, une nouvelle cargaison fut déclarée sous
le numéro tarifaire 44603-1; on paya $106,175.61
à titre de droits et $79,799.35 titre de taxes de
vente. Cette cargaison de cuvelages était en fait
importée pour être utilisée dans des puits de mines
de la Saskatchewan, selon les termes d'un contrat
écrit conclu antérieurement par la demanderesse.
Le 22 octobre 1969, c'est-à-dire quatre mois plus
tard, la demanderesse introduisit une demande de
remboursement.
Dans l'intervalle, le 14 août 1969, le ministère
du Revenu national, Douanes et Accise, informa la
demanderesse qu'il y avait eu à son avis une fausse
déclaration à l'égard des dix cargaisons mention-
nées précédemment, importées en franchise sous le
numéro tarifaire 41012-1, et qu'il y avait eu saisie
de marchandises; le Ministère réclamait les droits
payables et considérait en outre l'imposition d'une
peine. Tout en contestant l'obligation de payer, la
demanderesse acquitta les droits, sous réserves, et
par la suite importa trois autres cargaisons des
mêmes marchandises sur lesquelles elle paya des
droits.
La demanderesse demanda une nouvelle déter-
mination de la classification des trois dernières
déclarations et reçut une réponse défavorable du
sous-ministre; elle interjeta appel devant la Com
mission du tarif qui accueillit sa demande et
infirma la décision en cause. A la suite de la
décision de la Commission, le Ministère remboursa
la demanderesse des droits payés sur toutes les
importations de cuvelages susmentionnées excepté
celle du 16 mai 1969. En ce qui concerne cette
importation, bien qu'elle ait remboursé les sommes
versées au titre de taxes de vente, la défenderesse
refusa de rembourser la somme de $106,175.61
versée au titre des droits de douanes, en fondant
son refus sur les dispositions de l'article 46(1) de la
Loi sur les douanes' qui prévoit qu'une demande
de nouvelle détermination ou estimation doit être
' S.R.C. 1970, c. C-40.
introduite dans les quatre-vingt-dix jours.
Sur ce, la demanderesse introduisit la présente
action pour recouvrer de la défenderesse la somme
de $106,175.61, soit le montant versé au titre des
droits de douanes sur les cuvelages susmentionnés,
importés le 16 mai 1969. La demanderesse
réclame aussi des intérêts au taux de 5% par an sur
ladite somme à compter du 21 octobre 1969 jus-
qu'à la date du jugement.
Il est évident que les cuvelages en cause, impor
tés via le port de Winnipeg, avaient été à l'origine
commandés et importés pour être exclusivement
utilisés comme revêtement de puits dans une mine
de potasse située près de Rocanville (Saskatche-
wan), et furent effectivement installés et utilisés à
cet endroit, comme la demanderesse, à toutes les
époques en cause, avait l'intention de le faire, et
n'avaient pas été commandés pour être mis en
stock puis installés à Rocanville.
Le fait que les tubes en cause, importés le 16 mai
1969, relèvent de l'exemption prévue sous le
numéro tarifaire 41012-1 n'est pas contesté par la
défenderesse. Le seul point en litige concerne le
droit de la demanderesse à un remboursement des
droits versés alors qu'elle n'a pas présenté sa
demande de nouvelle détermination de la classifi
cation tarifaire dans les délais prévus par la Loi.
La classification tarifaire des cuvelages indique
clairement qu'ils relèvent de l'exemption des droits
de douanes uniquement en raison de leur utilisa
tion finale comme partie du soutènement métalli-
que d'un mur de mine et non pas parce qu'il existe
une exemption portant sur les cuvelages
eux-mêmes.
Les articles 20, 21, 27(3) et 51 de la Loi, fixant
les conditions que doivent remplir les déclarations
de douanes et les renseignements à fournir ainsi
que la description et le contenu des factures qui
doivent être jointes aux déclarations de douanes,
n'exigent aucunement que l'on indique l'utilisation
finale des marchandises concernées. Cependant,
lorsqu'une marchandise portant intrinsèquement
une classification tarifaire, sujette à un certain
taux de droits, est importée à des fins spécifiques
où pour une personne jouissant soit d'une exemp
tion, soit d'un taux d'imposition inférieur, et doit
bénéficier d'un taux préférentiel ou même d'une
exemption, il est évident que cet usage spécifique
privilégié auquel elle sera employée doit être men-
tionné dans la déclaration si l'importateur veut
bénéficier, au moment de la déclaration en douane,
du taux préférentiel ou de l'exemption, selon le
cas. Et si cet usage spécifique n'est pas déclaré,
rien ne peut alors justifier l'application d'un taux
inférieur ou d'une exemption au moment de la
déclaration en douane. Par exemple, l'article
106(1) de la Loi prévoit le cas des marchandises
exemptées en vertu d'une autre Loi et exige que
ces marchandises soient décrites dans les mêmes
termes que dans cette Loi.
Lorsque les marchandises ne sont pas importées
à une fin justifiant une exemption ou un taux
inférieur d'imposition et sont par la suite affectées
à cet usage, l'article 113 de la Loi prévoit le
remboursement des droits perçus lorsqu'il s'agit
d'une utilisation entraînant une exemption totale
de droits, ou le remboursement de la différence
lorsque l'utilisation en cause entraîne un taux infé-
rieur d'imposition. Cet article se lit comme suit:
113. Lorsqu'un droit a été payé sur des marchandises impor-
tées au Canada et que, avant qu'une utilisation ne soit faite de
ces marchandises au Canada, autrement que par leur incorpo
ration dans d'autres marchandises, ces marchandises, ou toutes
marchandises dans lesquelles elles ont été incorporées, sont
affectées
a) à l'usage d'une personne qui aurait eu le droit, de par la
loi, d'importer ces marchandises pour son propre usage, sans
avoir à faire de déclaration spéciale selon la formule et de la
manière prescrites par le Ministre, libres de droits ou selon
un tarif de droits moins élevé que celui qui a été appliqué au
moment de l'importation, ou
b) à un usage particulier qui aurait donné à l'importateur
des marchandises, le droit d'importer celles-ci sans avoir à
faire de déclaration spéciale selon la formule et de la manière
prescrites par le Ministre, libres de droits ou selon un tarif de
droits moins élevé que celui qui a été appliqué au moment de
l'importation,
sous réserve des dispositions du paragraphe 114(1), il peut être
remboursé à l'importateur de ces marchandises, un montant
égal à la différence entre les droits payés sur ces marchandises
et les droits, s'il en est, qui auraient été payables sur ces
marchandises au moment de leur déclaration pour consomma-
tion domestique, si les marchandises avaient été importées
comme étant destinées à l'usage auquel elles ont été ainsi
affectées.
L'article 114(1) exige que toutes les demandes
de remboursement pour une raison autre qu'une
erreur dans la classification tarifaire ou dans l'esti-
mation soient présentées dans les deux ans. L'arti-
cle 112, qui s'applique au cas d'un remboursement
pour déficit dans la quantité, prévoit qu'un rapport
doit être présenté au receveur dans les quatre-
vingt-dix jours de la date de la déclaration et
l'article 115, s'appliquant au cas des fausses dési-
gnations, exige de même qu'elles soient rapportées
par écrit dans les quatre-vingt-dix jours. Le délai
général de deux ans prévu à l'article 114 s'appli-
querait donc à l'article 113.
La demanderesse soutient que l'article 113 s'ap-
plique en l'espèce, car le terme «affecté» peut
signifier «utilisé».
Si le terme «affecté» était ambigu, il devrait
alors être interprété en faveur de la demanderesse
et au désavantage du fisc. A mon avis, cependant,
le terme «diverted», en français «affecté», n'est pas
ambigu, ni en lui-même ni dans le contexte de
l'article 113. Ordinairement «divert» (rendu en
français par «affecter») signifie: «écarter d'une
direction ou d'un chemin, détourner, changer de
destination»; tous les sens donnés à ce terme ren-
ferment le concept d'un changement de cours ou
de direction. Dans le contexte de l'article 113, ce
terme a bien évidemment ce sens puisqu'il traite de
marchandises qui ont été importées à une certaine
fin et ont été affectées à une autre utilisation. Ce
sens est évident aux alinéas a) et b) et est encore
plus évident dans la proposition finale de l'article
113 «... si les marchandises avaient été importées
comme étant destinées à l'usage auquel elles ont
été ainsi affectées». Il est donc évident que l'article
113 s'applique seulement au cas où les marchandi-
ses ont été importées dans un certain but et ont été
par la suite affectées à un autre usage. Dans ce
cas, si l'autre usage implique une exemption de
droits ou un tarif inférieur, la personne qui a versé
les droits de douanes peut réclamer un rembourse-
ment de l'ensemble des droits payés ou d'une
partie de ceux-ci, selon le cas, pourvu qu'elle pré-
sente la demande dans un délai de deux ans,
conformément à l'article 114.
En l'espèce, on ne conteste pas que les marchan-
dises ont finalement été utilisées à des fins identi-
ques à celles pour lesquelles elles avaient été à
l'origine commandées et importées. On ne peut
donc considérer qu'il y a eu dans ce cas «affecta-
tion» des marchandises. Il convient de remarquer
en l'espèce qu'au moment de la déclaration en
douane, la facture jointe aux marchandises les
décrivait, en allemand, comme [TRADUCTION]
«cuvelages, segments, fonte pour le revêtement de
puits de mines». L'usage particulier auquel elles
étaient destinées avait été spécifié au moment de la
déclaration en douane. Cet usage relève de
l'exemption totale de droits prévue au numéro
tarifaire 41012-1, mais la déclaration, comme nous
l'avons déjà dit, mentionnait en fait le numéro
44603-1. Il s'agit donc d'une question de classifica
tion tarifaire.
Je vais examiner maintenant l'article 46 de la
Loi, dont les passages pertinents se lisent comme
suit:
46. (1) Sous réserve du présent article, une détermination de
la classification tarifaire ou une estimation de la valeur imposa-
ble d'effets quelconques, faite au moment de leur déclaration en
douane, est définitive et péremptoire à moins que l'importateur,
dans les quatre-vingt-dix jours de la date de déclaration en
douane, ne fasse une demande écrite, selon la forme et de la
manière prescrites, à un appréciateur fédéral des douanes en
vue d'une nouvelle détermination ou estimation.
(4) Le sous-ministre peut déterminer de nouveau la classifi
cation tarifaire, ou établir de nouveau l'estimation de la valeur
imposable, d'effets quelconques
a) en conformité d'une demande prévue par le paragraphe
(3),
b) à toute époque, si l'importateur a fait une fausse représen-
tation ou commis quelque fraude en faisant la déclaration en
douane de ces effets,
c) à toute époque, pour donner suite à une décision de la
Commission du tarif, de la Cour fédérale du Canada ou de la
Cour suprême du Canada en ce qui regarde ces effets, et
d) en tout autre cas où il juge opportun de le faire, dans les
deux ans de la date de déclaration en douane de ces effets.
La demanderesse soutient qu'en vertu de l'alinéa
d) de l'article 46(4) précité, le sous-ministre peut
déterminer de nouveau la classification tarifaire ou
établir de nouveau l'estimation de la valeur impo-
sable d'effets quelconques, dans les deux ans de la
date de déclaration en douane, et qu'en consé-
quence, sa réclamation n'est pas prescrite par le
délai de quatre-vingt-dix jours prévu au paragra-
phe (1) de l'article 46. A l'appui de sa théorie,
l'avocat soutient que le mot «peut» à l'article 46(4)
impose une obligation au Ministre.
Plusieurs précédents ont établi le principe sui-
vant: si un pouvoir est conféré à un fonctionnaire
pour qu'il l'utilise à l'avantage de personnes spéci-
fiquement désignées et si sont spécifiées les condi
tions dans lesquelles ces personnes ont droit de
demander que ce pouvoir soit exercé, ce pouvoir
doit être exercé et le tribunal ordonnera qu'il le
soit. Dans certaines circonstances, un simple pou-
voir peut impliquer le devoir d'exercer ce pouvoir,
même si une telle obligation n'est pas expressé-
ment mentionnée. Les termes exprimant la faculté
sont souvent interprétés comme impliquant l'obli-
gation lorsque l'objet du pouvoir en question est de
donner effet à un droit juridique. Cependant lors-
que, dans leur sens ordinaire, les mots n'expriment
pas que la faculté, il incombe alors à la personne
qui prétend qu'il existe une obligation d'exercer le
pouvoir, de démontrer que certaines circonstances
de l'affaire créent cette obligation. Voir l'affaire
Julius c. Lord Bishop of Oxford 2 .
Une affaire très ancienne, R. c. Barlow 3 , énon-
çait aussi le principe suivant: lorsqu'une loi auto-
rise à faire une chose dans l'intérêt de la justice et
du bien public, le mot «peut» équivaut à un impéra-
tif, bien que Lord Blackburn dans l'affaire Julius
c. Lord Bishop of Oxford, (précitée) ait mis en
doute cette dernière affirmation et ait déclaré qu'à
son avis, la règle s'appliquait en réalité lorsqu'il
s'agissait de droits individuels et non de droits
publics. Il fut aussi décidé qu'une référence
expresse à l'existence d'un pouvoir discrétionnaire
conféré à l'autorité en cause n'en supprime pas
l'aspect impératif et que le terme «peut» suivi d'une
expression comme «s'ils l'estiment nécessaire» peut
encore être considéré comme indiquant qu'il existe
une obligation d'exercer le pouvoir. Voir R. c.
Adamson 4 ; R. c. Cambridges; R. c. Finnist; R. c.
Boteler'; et R. c. Evans'.
Il faut remarquer cependant que dans toutes les
affaires précitées, l'interprétation du terme «peut»
se faisait sur la base des principes de common law
et il semble en outre qu'aucune loi d'interprétation
ne traitait à l'époque de ce sujet. L'article 28 de la
Loi d'interprétation' se lit comme suit:
28. Dans chaque texte législatif
«peut» on «pourra», devant un infinitif, exprime une faculté;
2 [1874-80] All E.R. (Rep.) 43; (1880) 5 App. Cas. 214, aux
pages 225 et 241.
3 (1693) 2 Salk, 609; 91 E.R. 516.
4 [1875] 1 Q.B.D. 201.
5 (1839) 8 Dowl. 89.
6 (1859) 28 L.J. 263; M.C. 201.
' (1864) 33 L.J. 129; M.C. 101.
s (1890) 54 J.P. 471.
9 S.R.C. 1970, c. I-23.
Cette disposition était en vigueur au moment de
l'adoption de l'article 46 de la Loi sur les douanes.
Fait plus important encore, si «peut», dans le
contexte de l'article 46, doit être interprété comme
imposant une obligation, on annule alors complète-
ment l'effet des dispositions suivantes: «... une
détermination de la classification tarifaire ou une
estimation de la valeur imposable d'effets quelcon-
ques, faite au moment de leur déclaration en
douane, est définitive et péremptoire, à moins que
l'importateur, dans les quatre-vingt-dix jours de la
date de déclaration en douane, ne fasse une
demande ...» [c'est moi qui souligne]. Si l'on
interprète le verbe «peut» au paragraphe (4) de
l'article 46, comme imposant au Ministre une obli
gation, l'alinéa d) du paragraphe (4) impose alors
nécessairement à ce dernier le devoir d'établir une
nouvelle classification ou une nouvelle estimation
chaque fois que, dans les deux ans de la déclara-
tion en douane, il s'aperçoit qu'il y a eu erreur
dans la classification ou l'estimation au moment de
cette déclaration. Il s'agirait alors en droit d'une
obligation et le délai de quatre-vingt-dix jours
prévu auparavant serait invalide et n'aurait aucun
effet.
Dans toute la législation fiscale, il est d'intérêt
public de donner un certain caractère définitif à
l'assujettissement à l'impôt. A cette fin, les méca-
nismes d'imposition et d'appel prévoient toujours
des délais. L'intention évidente du Parlement, lors-
qu'il adopta l'article 46 de la Loi sur les douanes,
était d'appliquer ce principe général et de prévoir
un délai de quatre-vingt-dix jours pour le nouvel
examen obligatoire de la classification tarifaire ou
de l'évaluation aux fins de l'imposition, sous
réserve de certaines exceptions très limitées pré-
vues dans cet article. Puisque l'interprétation du
terme «peut» dans le sens d'obligation à l'article
46(4) aurait l'effet contraire, il faut considérer que
ce mot n'exprime qu'une faculté.
La même question fut traitée en détail par le
juge Hughes dans l'affaire Re Pentagon Construc
tion Co. Ltd. 10 . Il examinait ce qui était à cette
époque (1959) l'article 48(1) et (2) des S.R.C.
1927, c. 42, un prédécesseur de l'article 46 actuel.
L'article qu'il examinait, était rédigé différemment
' 0 (1960) 20 D.L.R. (2°) 485.
de l'article 46 mais, à mon avis, la différence de
rédaction ne modifie aucunement les éléments en
jeu dans l'interprétation du mot «peut». Après
s'être demandé si le terme «peut» exprimait une
obligation ou une simple faculté, il conclut son
jugement, à la page 493 du recueil susmentionné,
de la manière suivante:
[TRADUCTION] En toute déférence à l'égard de la théorie habile
et experte de M. Henderson, je ne peux comprendre comment
le terme .peut» au paragraphe (2) pourrait être utilisé pour
exprimer autre chose que la faculté et, à mon avis, le paragra-
phe (2) confère simplement au sous-ministre un pouvoir discré-
tionnaire qu'il a décidé de ne pas exercer. Si l'on applique ce
principe à l'affaire McHugh, on ne peut pas dire que l'utilisa-
tion de ce terme pour exprimer la faculté, dans le contexte de
l'article 49, est irrationnelle et dénuée de tout sens; le requérant
n'a pas su me convaincre que la Loi a conféré au sous-ministre
un devoir dont la Cour peut l'obliger à s'acquitter.
Nous devons dire la même chose de l'article 46
dans sa rédaction actuelle.
L'action est donc rejetée avec dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.