T-2940-72
Jean Des Rosiers (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Decary—
Montréal, les 15 et 16 mai 1974; le 5 février 1975.
Impôt sur le revenu—Déductions—Le demandeur et d'au-
tres personnes constituent une compagnie aux fins d'acheter un
immeuble—Location de l'immeuble à titre personnel à la
compagnie et sous-location subséquente au nom de la compa-
gnie—Pertes d'exploitation—S'agit-il d'une réduction indue
ou factice de revenu?—Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C.
1952, c. 148, art. 11, 12, 27(1)c), 137(1), 138(1) et 138 A —Loi
de l'impôt de guerre sur le revenu, S.C. 1932-33, c. 41, art.
6(2), S.C. 1939-40, 2' session, c. 34, art. 6(2)—Loi de l'impôt
sur le revenu, S.C. 1948, c. 52, art. 12(2), 125(1)—Loi d'inter-
prétation, S.R.C. 1952, c. 158, art. 13.
Le demandeur, employé d'une compagnie de courtage,
décida d'acheter un immeuble avec deux autres collègues. Ils
constituèrent une compagnie dont tous trois étaient actionnai-
res, l'objet premier de cette compagnie étant d'acquérir l'im-
meuble. Suite à l'achat, les trois actionnaires louèrent l'immeu-
ble à titre personnel à la compagnie en vertu d'un «net net
lease». Les co-actionnaires entreprirent alors de sous-louer l'im-
meuble. Puisqu'ils étaient tous trois courtiers et qu'ils n'au-
raient pu obtenir l'aide d'autres courtiers pour trouver des
sous-locataires si l'on avait su qu'ils étaient locataires, ils
sous-louèrent l'immeuble au nom de la compagnie. La sous-
location présenta des difficultés; en 1968 et 1969, les dépenses
excédèrent les revenus provenant de la location, ce qui entraîna
des pertes d'exploitation. Chaque actionnaire imputa le 1 de
ces pertes à son revenu provenant d'autres sources en vertu de
l'article 27(1)e) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Subséquem-
ment, le demandeur acheta à perte les actions des deux autres.
La Commission de révision de l'impôt conclut qu'en vertu de
l'article 137(1), de telles déductions réduisaient indûment et de
façon factice le revenu du demandeur, décision dont ce dernier
interjeta appel.
Arrêt: l'appel est accueilli; aux fins de l'article 137(1) c'est le
caractère même du motif du débours ou de la dépense, c'est-à-
dire l'affaire ou l'opération, qui détermine si une déduction
entraîne une réduction indue ou factice. C'est donc ce caractère
découlant de l'affaire ou de l'opération qu'il faut retenir pour
décider ce qui est indu ou factice. C'est l'affaire ou l'opération
qui caractérise la déduction et ce caractère provient des mots
«réduirait indûment ou de façon factice le revenu». L'article
137(1) porte sur une «affaire ou opération» par opposition à
«une opération ou série d'opérations», termes utilisés à l'article
138(1); en l'espèce, il s'agissait d'une série d'opérations. Les
faits ne permettent pas de conférer à l'opération un caractère
Factice ou indu. Il n'est pas question d'opération fictive ou de
fraude, il n'y a non plus aucune preuve de «dissimulation» ou
«d'évasion».
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
H.-P. Lemay, c.r., et M. Gilbert pour le
demandeur.
B. Schneiderman et C. Bonneau pour la
défenderesse.
PROCUREURS:
Lemay, Paquin & Gilbert, Montréal, pour le
demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE DECARY: Il s'agit de déterminer si une
perte subie par trois actionnaires d'une compagnie
propriétaire d'un immeuble, à cause de dépenses
encourues par eux en tant que locataires dudit
immeuble, est une perte déductible aux fins de
l'article 27(1)e) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Le Bureau de Revision de l'Impôt a jugé que la
déduction de ces dépenses avait réduit indûment et
de façon factice le revenu du demandeur.
Le demandeur en a appelé devant cette Cour de
cette décision du Bureau de Revision de l'Impôt.
Cet appel est un procès de novo et est, en fait et en
droit, un appel de la notification du Ministre.
Le demandeur fut le premier témoin entendu. Il
est un comptable agréé, non en exercice, et est un
officier de la maison de courtage immobilier
Armand Des Rosiers Inc. La maison Armand Des
Rosiers Inc. était mandatée pour vendre un
immeuble appartenant à Engineering Products of
Canada Limited et monsieur Denis de ladite
maison de courtage était celui à qui l'exécution de
ce mandat avait été confiée vu qu'il est spécialisé
dans la vente d'immeubles à fins industrielles
depuis de nombreuses années.
La maison Armand Des Rosiers Inc. ne parve-
nant pas à vendre l'immeuble et d'un autre côté
Engineering Products of Canada Limited rédui-
sant son prix, le demandeur considéra et finale-
ment décida d'acheter l'immeuble. La compagnie-
venderesse consentit un prix de $300,001 aux con
ditions suivantes: payer $1.00 comptant et assumer
une hypothèque de $300,000 à un intérêt de 7 1 / 2 %
par année.
Le demandeur se joignit à deux courtiers de la
maison Armand Des Rosiers Inc. pour acheter
l'immeuble, messieurs Denis et Lefebvre qui ne
disposaient pas de mêmes moyens financiers que
ceux du demandeur. Le demandeur voulut donc se
protéger en agissant de telle sorte que lui-même et
messieurs Denis et Lefebvre seraient obligés per-
sonnellement à faire des paiements. Le plan sui-
vant fut établi: une compagnie est incorporée dont
l'objet principal est d'être propriétaire de la
bâtisse; le demandeur et messieurs Denis et Lefeb-
vre deviennent actionnaires de cette compagnie; ils
louent personnellement la bâtisse achetée par la
compagnie à un loyer établi par un bail net com-
prenant, comme tous les baux de cette nature,
plusieurs dépenses à être assumées par eux.
La compagnie Placements Ronis Inc. fut incor-
porée le 7 mars 1967; le 15 mars 1967 elle acheta
l'immeuble; le contrat de vente ne contient aucune
clause dérogeant à l'usage; le demandeur, mes
sieurs Denis et Lefebvre ont souscrit chacun cent
vingt-six actions ordinaires de la valeur nominale
de $1.00 chacune de la compagnie pour totaliser
un montant de $378 de capital-actions émis et
payé sur une capitalisation autorisée de $40,000; le
capital émis et payé et même le capital autorisé
peuvent sembler, à première vue, être inadéquats à
l'achat d'un immeuble de $300,000 mais je crois
que les dispositions du bail passé le lendemain
entre la compagnie et ses trois actionnaires démon-
trent que la capitalisation était, au fait, suffisante
pour les fins poursuivies par les actionnaires.
Il est important de noter dès maintenant que la
preuve révèle que le loyer établi entre la compa-
gnie et les actionnaires équivaut à un loyer normal
vu qu'il correspond à la valeur au marché d'un
loyer dans l'immeuble. Ce témoignage de l'appe-
lant et de monsieur Denis est corroboré par le fait
que le loyer des baux consentis dans l'édifice
dépassent par seulement cinq ou six sous le pied
carré celui payé par l'appelant et ses co-actionnai-
res à la compagnie.
Dans le bail entre la compagnie et les co-action-
naires, il est prévu que Placements Ronis Inc.
servirait de prête-nom pour l'octroi des baux à être
donnés. La raison invoquée, pour ce faire, était que
les trois actionnaires, étant des courtiers de la
maison Des Rosiers, n'auraient pas eu l'aide d'au-
tres courtiers pour obtenir des sous-locataires si
l'on avait su qu'ils étaient locataires. A mon avis,
une telle raison est valable.
Quant à la faible capitalisation de Placements
Ronis Inc., je crois que la nature du bail justifie
cet état de choses: les actionnaires ont loué toute la
bâtisse à un loyer qui tient compte des obligations
hypothécaires de la compagnie et conséquemment
la compagnie n'avait pas besoin de capital pour
faire face à ses obligations puisqu'elles étaient
rencontrées par le montant du loyer payé par les
trois co-actionnaires.
Le loyer auquel s'étaient engagés de payer les
trois co-actionnaires s'est avéré onéreux parce
qu'ils n'ont pas pu sous-louer des parties de l'im-
meuble aussi rapidement qu'ils avaient escompté le
faire. La raison donnée est que l'activité économi-
que pré -Expo '67 était terminée.
Placements Ronis Inc. fut partie à un contrat
confiant la gérance de l'immeuble à la maison
Armand Des Rosiers Inc. Aucun montant ne fut
jamais payé à cette maison pour la gérance. Ce
contrat aurait dû normalement être passé entre les
trois locataires et Armand Des Rosiers Inc. On a
fait grand état de ce fait durant l'audition mais je
ne crois pas que ce contrat soit de quelque impor
tance que ce soit pour décider de la question.
Pour les années 1968 et 1969 les dépenses
encourues par les trois co-locataires excédèrent les
revenus de loyer et conséquemment ils ont encouru
une perte d'exploitation. Ce sont ces pertes que
chacun des trois actionnaires a appliquées, chacun
pour un tiers, contre son revenu d'autres sources en
vertu des dispositions de l'article 27(1)e) de la Loi.
Le savant procureur du demandeur a prétendu
que le fait que Placements Ronis Inc. n'a été que
propriétaire recevant un loyer, excédant quelque
peu au début ses obligations, n'indique pas que la
compagnie n'avait pas sa raison d'être, à savoir
être l'unique propriétaire de l'immeuble afin d'évi-
ter les ennuis inhérents à la co-propriété et l'indivis
et à l'obligation hypothécaire conjointe et soli-
daire. Conséquemment, la création de la compa-
gnie n'était pas un élément d'une affaire ou opéra-
tion dont la déduction des dépenses ou déboursés y
afférents, si permise réduirait indûment ou de
façon factice le revenu du demandeur.
Le savant procureur du Ministre a prétendu que
le bail aux actionnaires était une opération ou
affaire causant une déduction indue et factice du
revenu et que les dépenses payées par les locataires
étaient des dépenses qui auraient dû être encou-
rues par la compagnie et conséquemment que si la
déduction des dépenses était permise, elle réduirait
leur revenu indûment et de façon factice; que ces
dépenses étaient encourues afin de protéger un
bien de nature capital: les actions du demandeur.
Afin de décider si une déduction réduit indû-
ment et de façon factice le revenu, je crois qu'il est
nécessaire de bien étaler les faits qui me semblent,
à moi, pertinents: les témoignages des trois deman-
deurs sont substantiellement identiques; il s'est
avéré impossible à la maison Armand Des Rosiers
Inc. d'exécuter le mandat qui lui avait été confié
par Engineering Products of Canada Limited de
vendre l'immeuble; le demandeur et messieurs
Denis et Lefebvre étudièrent la possibilité d'ache-
ter la bâtisse; ils ont examiné les lieux mais, à
cause de la présence de machinerie lourde, ils n'ont
pu se rendre compte de l'état réel de l'édifice et ils
n'ont pas eu recours à des ingénieurs pour ce faire;
les lieux n'étaient pas tel qu'ils croyaient et néces-
sitèrent des réparations et rénovations comme il
s'est avéré par la suite; le demandeur et messieurs
Lefebvre et Denis considéraient que tout l'édifice
pourrait être loué facilement et que cette opération
serait profitable, ce qui s'avéra être une seconde
erreur de leur part parce que l'édifice ne fut pas
loué entièrement avant la fin de 1968; avant d'ef-
fectuer l'achat, le demandeur, messieurs Denis et
Lefebvre virent à ce qu'une compagnie soit incor-
porée où chacun souscrit cent vingt-six actions
d'une valeur nominale de un dollar chacune ce qui
donne à Placements Ronis Inc. un capital émis et
payé de $378 sur un capital autorisé de $40,000; il
s'agit là d'une capitalisation émise mince, «thin»; le
rôle que la compagnie devait jouer: être proprié-
taire de l'édifice et le louer aux actionnaires sous
forme de «net net lease» afin que la compagnie
puisse rencontrer ses obligations hypothécaires; la
bâtisse fut achetée le 15 mars 1967 pour $300,001
payable aux conditions suivantes: payer $1.00
comptant et assumer les obligations d'une créance
hypothécaire de $300,000; le lendemain de l'achat,
Placements Ronis Inc. louait tout l'immeuble à ses
trois actionnaires à un loyer établi suivant les
normes d'un «net net lease» équivalent à $1.00 du
pied carré; ce montant du loyer était celui du
marché comme il s'avère des baux accordés par la
compagnie vu que les mêmes locaux furent reloués
pour 5 ou 6 sous de plus le pied carré; la compa-
gnie agissait comme prête-nom de trois actionnai-
res pour la raison que ceux-ci étant tous des agents
d'immeuble travaillant pour la même maison,
Armand Des Rosiers Inc. et ne voulaient pas que
ce fait soit connu afin de pouvoir requérir les
services d'agents d'immeuble autres que ceux
d'Armand Des Rosiers Inc.; au fait, la première
location fut due aux efforts d'une autre compagnie
de courtage immobilier; c'est à la fin de 1968
seulement que tout l'immeuble fut loué; les rénova-
tions et réparations coûtèrent beaucoup plus que
$50,000, somme que le demandeur, messieurs
Denis et Lefebvre avaient prévue; les emprunts
bancaires et les avances des actionnaires à la com-
pagnie devinrent trop coûteux pour deux des
actionnaires qui durent vendre leurs actions, à
perte, au demandeur parce qu'ils s'étaient endettés
au delà de leur capacité de remboursement.
La version française de l'article 137(1) se lit:
137. (1) Dans le calcul du revenu aux fins de la présente loi,
aucune déduction ne peut être faite à l'égard d'un déboursé fait
ou d'une dépense contractée, relativement à une affaire ou
opération qui, si elle était permise, réduirait indûment ou de
façon factice le revenu.
Le sujet du verbe réduirait, à mon avis, est le
pronom «qui». Bien que l'expression «affaire ou
opération» précède immédiatement le pronom
«qui», ce pronom tient la place de «déduction»
parce que c'est une «déduction» qui réduit le
revenu, non une «opération ou affaire». Dans un
état de profits et pertes il y a des postes indiquant
des déductions mais aucun indiquant des affaires
ou opérations. La déduction est constituée par un
ou des items de dépense ou déboursé; les dépenses
et déboursés sont marqués du caractère de l'affaire
ou de l'opération qui les a causés. La dépense ou le
déboursé sera déductible ou non selon le caractère
de l'affaire ou de l'opération qui en est la cause:
dépense ou déboursé d'une nature courante selon
les principes comptables reconnus; dépense ou
déboursé déductible en vertu d'une disposition de
la loi; dépense ou déboursé d'une nature capital
selon les principes comptables reconnus; dépense
ou déboursé d'autre nature refusé comme déduc-
tion en computant le revenu par une disposition
expresse de la loi. Dans chaque cas c'est la cause
de la dépense ou du déboursé, c'est-à-dire, l'opéra-
tion ou l'affaire, qui détermine si la dépense ou le
déboursé peut être admis comme déduction en
computant le revenu.
Aux fins de l'article 137(1) c'est donc le carac-
tère de la cause du déboursé ou de la dépense,
c'est-à-dire, l'affaire ou l'opération, qui détermine
si une déduction cause une réduction indue ou
factice. Il s'ensuit que ce caractère acquis de l'af-
faire ou de l'opération par le déboursé ou la
dépense est celui qui doit être retenu pour décider
de l'indu ou du factice, étant donné que l'indu ou
le factice de l'affaire ou opération est la cause
première du déboursé ou de la dépense, lequel
déboursé ou dépense est la cause de la déduction,
et laquelle déduction est la cause de la réduction.
Quant à l'emploi de l'expression «si elle était
permise», il est à noter qu'aux articles 11 et 12 de
la Loi, lorsqu'on réfère à «déduction» on emploi les
mots «déduction admise>» et «déduction non
admise» et non pas «déduction permise» ou «non
permise». Le sens de «permettre» qui est de laisser
faire ou de ne pas empêcher s'applique à une
déduction plutôt qu'à une opération ou affaire. Le
verbe «permettre» ne peut pas, à mon avis, s'appli-
quer à une affaire ou opération car il n'est pas du
ressort du Ministre de permettre ou non une
affaire ou opération, mais il est de son ressort de
permettre ou non la déduction d'un déboursé ou
d'une dépense.
Il faut préciser la signification des mots-clefs
«indûment» et «de façon factice» qui donnent le
caractère à l'affaire ou à l'opération, lequel carac-
tère sera celui qui marquera la réduction.
Dans Robert, Dictionnaire de la langue
française:
INDÛMENT: adv... D'une manière indue ... .
INDU, UE: adj... Qui va à l'encontre des exigences de la
raison, de la règle, de l'usage ... .
FACTICE: adj... 1° Vx. Qui n'est pas de création naturelle. V.
Artificiel, . .
... 2° Mod. Qui est fait artificiellement, à l'imitation de la
nature...
... 3° Fig. Qui n'est pas naturel
«Indu» connote l'idée d'être à l'encontre de la
raison, de la règle, de l'usage; «factice» connote
l'idée de faux.
Voyons maintenant la version anglaise de l'arti-
cle 137(1):
137. (1) In computing income for the purposes of this Act,
no deduction may be made in respect of a disbursement or
expense made or incurred in respect of a transaction or opera
tion that, if allowed, would unduly or artificially reduce the
income.
La version anglaise de l'article 137(1) emploie le
mot «if allowed» lequel mot a également été
employé aux articles 11 et 12 de la Loi. Le verbe
«to allow» est défini dans The Shorter Oxford
English Dictionary on Historical Principles:
Allow: v... 2. To accept as true or valid, to admit 1548... 3.
trans. To concede, permit (an action, etc.) 1558... II. Fr.
allouer .. .
1. to assign as a right or due-1596; to give, or let any one
have, as his share, or as what he needs ME; to portion,
endow -1712.
2. To place to one's credit, count to one-1667; hence, to
deduct from the debit, to abate -1530; gen. to add or deduct
(so much) on account of something not formally appearing
1663....
Je crois qu'il y a une certaine variante entre les
deux versions: la version française a employé le
mot «permise» bien qu'aux articles 11 et 12 qui
traitent des déductions on a employé le mot
«admettre». La version anglaise, en employant le
verbe «allowed», qui vient du français «allouer», à
l'article 137(1) et aux articles 11 et 12, ne laisse
aucun doute qu'on réfère à «deduction». Je conclus
qu'il faut interpréter les deux versions à l'effet que
«permise» se rapporte à «déduction» comme
«allowed» se rapporte à «deduction».
Dans la version anglaise les mots-clefs «unduly»
et «artificially» sont définis dans The Shorter
Oxford English Dictionary on Historical
Principles:
Artificially: Adv. artificial.
Artificial: ... adj. I. Opp. to natural. 1. made by or resulting
from art or artifice; not natural. 2. Made by art in imitation of,
or as substitute for, what is natural or real 1577. 3. Factitious;
hence, feigned, fictitious 1650. 4. Affected 1598.. .
Unduly: ... adv. late ME ... 1. Without due cause or justifi
cation; unrightfully, undeservedly. 2. To excess; beyond the due
degree 1779 ... .
Quant à la définition de «artificially» je ne crois
pas que l'on puisse raisonnablement dire que des
dépenses ne sont pas naturelles ou dire qu'elles
sont «feigned», mais on peut le dire pour une
opération ou une affaire. «Unduly» connote l'idée
d'absence de justification ou l'idée d'excès. Ce
deuxième sens d'excès n'apparaît pas dans la défi-
nition française d'«indûment»; ce sens rejoint l'idée
présente à l'article 12(2) de la Loi, à savoir la
raisonnabilité du quantum d'une dépense ou d'un
déboursé. Dans la version anglaise comme dans la
version française, les mots «indûment» et «de façon
factice» et les mots «unduly» et «artificially» quali-
fient de ce caractère l'opération ou l'affaire, cause
des déboursés ou dépenses, et l'opération ou l'af-
faire qualifie ces déboursés et dépenses du même
caractère; les dépenses et déboursés qualifient de
ce même caractère la déduction qui, elle, qualifie,
toujours de ce même caractère, la réduction.
Je crois qu'il est impossible d'interpréter cet
article autrement qu'en déterminant le caractère
de l'affaire ou opération qui a donné lieu à une
dépense ou un déboursé, laquelle dépense ou lequel
déboursé sera entaché de ce caractère tout comme
le sera la déduction réclamée. Je suis donc d'ac-
cord avec l'interprétation de l'article 137(1) à
l'effet que c'est l'affaire ou l'opération qui caracté-
rise la déduction et ce caractère est celui provenant
des mots «réduirait indûment ou de façon factice le
revenu».
Je crois que l'article 137(1) justifie de recourir
au même dictionnaire: Robert, Dictionnaire de la
langue française, pour la définition des mots:
«affaire», «opération», «permettre».
AFFAIRE: sens (II)
1° Convention, marché, négociation, tractation, traité, tran
saction. Entreprise, opération commerciale, spéculation. Une
bonne (elliptiqt. une «affaire»: un marché avantageux) affaire,
une affaire d'or. Une mauvaise affaire. Une grosse, une petite
affaire. Proposer une affaire à quelqu'un. S'intéresser, prendre
part à une affaire. Entreprendre, lancer une affaire. Prendre
une affaire en main. Etre à la tête d'une affaire. Administrer,
conduire, diriger, gérer une affaire. S'occuper d'une affaire.
Conclure, régler, terminer une affaire. L'affaire est dans le sac.
V. Sac. Réussir, manquer, rater, une affaire. Se retirer de son
affaire. Son affaire va bien, va mal, marche bien, marche mal.
Entendre son affaire, connaître son métier.
Je pense que cette définition connote l'idée de
différentes étapes d'un plan constituant une
«affaire». Ibid:
OPERATION: sens (II) est ainsi défini.—
Démarche de l'esprit, acte ou série d'actes, supposant
réflexion et combinaison de moyens* en vue d'obtenir un
résultat déterminé. V. Accomplissement, entreprise, exécution,
travail. Les opérations essentielles de la médecine (cit. 7)
clinique. La première opération en histoire consiste à se mettre
à la place des hommes que l'on veut juger (Cf. Entrer, cit. 50).
L'analyse est l'opération qui ramène l'objet à des éléments
déjà connus (Cf. Intuition, cit. 2). Opérations industrielles,
chimiques, pharmaceutiques, techniques. V. Manipulation,
traitement. Les opérations qui conduisent de l'obtention de la
matière première à la fabrication du produit fini (Cf. Intégra-
tion, cit. 1). Machine (cit. 15) qui se charge de la plupart des
opérations.
OPERATION: sens (VI) est ainsi défini. —
(XVIII' s.) V. Affaire (II, 1°), spéculation. Opération com-
merciale (Cf. Courtier, cit. 4; effet, cit. 40), financière, immo-
bilière (Cf. Idéal 2, cit. 23). Opérations de bourse, ventes et
achats réalisés dans une bourse* de marchandises ou de
valeurs. Opération au comptant, à court terme, à long terme.
Combiner une opération. Opération d'envergure (cit. 6), auda-
cieuse (Cf. Marché, cit. 28), imprudente, malhonnête. Opéra-
tion avantageuse, désastreuse.—Fam. Vous n'avez pas fait là
une belle opération!—Par anal. La guerre, mauvaise opération
et qui ne rapporte rien (Cf. Dommage, cit. 6).— Opération de
banque: ensemble des actes juridiques accomplis à l'occasion du
commerce des banques. —Opérations comptables, de compta-
bilité. Opérations de dépenses et de recettes (Cf. Exercise, cit.
22; et aussi Journal, cit. 1).
Il faut remarquer les expressions: «acte ou série
d'actes» au sens (II), et «l'ensemble des actes juri-
diques» au sens (VI), car chaque expression con
note l'idée de plan et d'étapes d'une opération.
Ibid.
PERMETTRE:
Laisser* faire quelque chose, accepter qu'une chose soit, se
produise ... , ne pas l'empêcher.
PERMETTRE DE ... :
Suivi de l'infinitif. Donner le droit*, la liberté, le pouvoir de ...
Entre laisser faire quelque chose et donner le
droit de faire quelque chose, je choisis le sens «de
donner le droit de» pour être retenu pour l'inter-
prétation de l'article. Rien dans la Loi permet au
Ministre de ne pas reconnaître l'existence juridi-
que d'une affaire ou opération, mais les dépenses
et déboursés y afférents peuvent être admis,
permis, ou non, en computant le revenu.
Dans le Shorter Oxford Dictionary le mot
«transaction» est ainsi défini:
Transaction:
[ad. L. transactionem, f. transigere; see prec.] 1. Roman and
Civil Law. The adjustment of a dispute between parties by
mutual concession; compromise; hence gen. an arrangement, an
agreement, a covenant. Now Hist. exc. as in 3b. 2. The action
of transacting or fact of being transacted —1655. 3. That
which is or .has been transacted; a piece of business; in pl.
doings, proceedings, dealings —1647. b. Theol. In ref. to the
Atonement, `transaction' has senses ranging from 1 to 3. (In
sense 1 chiefly in deprecation.) 1861. 4. The action of passing
or making over a thing from one person, thing, or state to
another —1691. 5. pl. The record of its proceedings published
by a learned society. Rarely in sing. —1665.
3. Discoursing of the Court of France, and the transactions
there Clarendon. Hence Transactional a., ly adv.
Ibid.
Transact:
v. 1584. [f. L. transact—, transigere to drive through, accom
plish, f. TRANS — f agree to drive, do, act.] 1. intr. To carry
through negotiations; to have dealings, do business; to treat;
also, to manage or settle affairs. Now rare. b. fig. (usu.
dyslogistic.) To have to do, to compromise 1888. 2. trans. To
carry through, perform (an action, etc.); to manage (an affair);
now esp. to carry on, do (business) 1635. 3. To deal in or with;
to traffic in, negotiate about; to handle, treat; to discuss. arch.
1654. 4. To transfer —1889. 1.b. In his criticism.. he seems to
us a little to 't.' with cant 1890. 2. A country fully stocked in
proportion to all the business it had to t. Adam Smith.
Je crois que le deuxième sens de «transaction»:
«the action of transacting» et le troisième sens:
«that which has been transacted; a piece of busi
ness,» conviennent à l'article 137(1), bien qu'il
semble que le choix de ce mot n'est pas aussi
heureux que celui de «affaire» ou «opération».
Étudier la génèse de l'article 137(1) et de l'arti-
cle 12(2) peuvent aider à cerner la portée de
l'article 137(1).
L'article 12(2) de la Loi de 1948 est issu de
l'article 6(2) de la Loi de l'impôt de guerre sur le
revenu. Cet article 6(2) vient du c. 41 des Statuts
23-24 Geo. V, et se lit comme suit:
(2) Le ministre peut rejeter comme dépense la totalité ou
toute fraction de traitement, gratification, commission ou d'ho-
noraires d'administrateur qui, à son avis, excède ce qui est
raisonnable pour les services rendus.
La version anglaise était ainsi libellée:
(2) The Minister may disallow as an expense the whole or
any portion of any salary, bonus, commission or director's fee
which in his opinion is in excess of what is reasonable for the
services performed.
Il est patent que ces deux versions avaient pour
objet de déterminer la raisonnabilité du quantum
d'une dépense, ce qui peut être la totalité ou une
portion du montant de la dépense, eu égard aux
services rendus, mais non la dépense elle-même à
cause de son caractère ou nature. C'est donc le
quantum qui est visé et non la dépense.
Par le c. 34 des Statuts 39-40, 2e session, étant 4
Geo. VI, article 17, l'article 6(2) fut abrogé et
remplacé par le suivant:
(2) Le ministre est autorisé à rejeter toute dépense qu'il peut
discrétionnairement déterminer comme excédant ce qui est
raisonnable ou normal en ce qui concerne l'entreprise du contri-
buable, ou faite relativement à une opération ou affaire qui, à
son avis, a indûment ou artificiellement réduit le revenu.
La version anglaise se lit:.
(2) The Minister may disallow any expense which he in his
discretion may determine to be in excess of what is reasonable
or normal for the business carried on by the taxpayer, or which
was incurred in respect of any transaction or operation which in
his opinion has unduly or artificially reduced the income.
L'on remarque d'abord que l'article n'a plus
trait à des dépenses spécifiques: salaires etc ... ;
s'applique à toute dépense; ne mentionne plus le
rejet de la totalité de la dépense spécifique; permet
le rejet de ce qui excède ce qui est raisonnable ou
normal; emploie normal en sus de raisonnable,
créant un choix entre deux critères; la raisonnabi-
lité ou la normalité, deux concepts complémentai-
res. Le nouveau concept de normalité se réfère
sûrement aux usages et coutumes concernant
l'entreprise.
Mais un nouveau concept beaucoup plus impor
tant apparaît dans la Loi: c'est là, la naissance de
l'article 137(1): le rejet de toute dépense faite
relativement à une affaire, laquelle dépense, à
l'avis du Ministre, a indûment ou artificiellement
réduit le revenu.
Je note que le droit de rejeter la totalité du
quantum d'une dépense ou déboursé sous l'ancien
article 6(2) dépend maintenant de l'indu ou de
l'artificiel d'une opération ou affaire, et que le
droit de rejeter une portion de la dépense ou
déboursé dépend de la raisonnabilité ou normalité
de la dépense et que ce n'est que ce qui excède
cette raisonnabilité ou normalité qui peut être
rejeté.
Je crois que ces dispositions de l'article 6(2) du
chapitre 34 indiquent clairement que c'est l'affaire
ou l'opération qui, à cause de son indu ou artificia-
lité, caractérise de cette empreinte la dépense ou
déboursé qui peut être rejeté discrétionnairement
en sa totalité.
Il n'y eut aucune modification dans la Loi jus-
qu'en 1948, lorsque la Loi de l'impôt de guerre sur
le revenu fut abrogée et remplacée par la Loi de
l'impôt sur le revenu, étant le c. 52 des Statuts de
1948.
Les deux concepts qui étaient formulés dans un
même article, l'article 6(2), devinrent l'objet de
deux articles différents: l'article 12(2) et l'article
125(1).
L'article 12(2) se lisait en français:
(2) Dans le calcul du revenu, il n'est opéré aucune déduction
à l'égard d'une mise de fonds ou d'une dépense autrement
déductible, sauf dans la mesure où la mise de fonds ou la
dépense était raisonnable dans les circonstances.
La version anglaise était:
(2) In computing income, no deduction shall be made in
respect of an outlay or expense otherwise deductible except to
the extent that the outlay or expense was reasonable in the
circumstances.
Cet article conserve le critère de raisonnabilité
mais abandonne celui de normalité; permet de
refuser le montant d'une dépense qui excède ce qui
est raisonnable; élargit le champ d'application du
critère en référant aux circonstances plutôt qu'à
l'entreprise du contribuable.
A mon avis la portée de l'article est plus grande
à cause de l'élimination des critères de normalité
et du genre d'entreprise parce que le critère de
raisonnabilité est caractérisé par les circonstances,
ce qui le rend subjectif.
L'on doit noter l'emploi, en français, de l'expres-
sion «mise de fonds» pour «outlay». Cette coquille
sera corrigée dès 1952.
Le concept d'indu ou d'artificialité est mainte-
nant l'objet de l'article 125(1) de la Loi:
125. (1) Dans le calcul du revenu aux fins de la présente loi,
aucune déduction ne peut être faite à l'égard d'un déboursé fait
ou d'une dépense subie, relativement à une transaction ou
opération qui, si elle était permise, réduirait indûment ou de
façon factice le revenu.
La version anglaise se lit:
125. (1) In computing income for the purposes of this Act,
no deduction may be made in respect of a disbursement or
expense made or incurred in respect of a transaction or opera
tion that, if allowed, would unduly or artificially reduce the
income.
Le fait que les deux concepts aient été énoncés
dans un même article 6(2) indique à mon avis,
qu'il y a eu et qu'il y a encore une certaine relation
entre l'article 12(2) et l'article 125(1) qui devien-
dra 137(1), ne serait-ce que leur origine commune.
L'article 12(2) délimite sa portée à la raisonna-
bilité par rapport aux circonstances et identifie son
objet: le rejet de la portion d'un déboursé ou d'une
dépense; son champ d'application est délimité
clairement.
L'article 137(1) délimite sa portée à l'indu et au
factice et identifie son objet: le rejet de tout
déboursé ou dépense afférent à une opération ou
affaire jugée indue ou factice; son champ d'appli-
cation ne peut pas être facilement circonscrit. En
effet, ces critères d'indu et de factice sont des
critères de moralité nécessairement variables.
Que dans une affaire ou opération il y ait cer-
tains éléments employés à moins bon escient que
d'autres, ne devrait pas avoir pour effet de rendre
toute l'opération ou toute l'affaire factice ou indue,
et toutes les dépenses y afférentes non déductibles.
Les dispositions de l'article 137(1) sont énormes
en accordant au Ministre un pouvoir qui permet
d'abolir, à toutes fins pratiques, les dispositions
spécifiques des articles 11 et 12 de la Loi, puisque
tout déboursé ou dépense y jugé non-déductible est
indu et sa déduction n'est pas fondée, ce qui est un
des sens d'indu.
Cet article 137(1), à mon avis, est l'article qui a
la plus grande portée de tous les articles de la
Partie VI de la Loi car ses points de repère sont les
plus imprécis de ceux de tous les autres articles où
l'on prévoit soit, le jugement du conseil du Trésor
ou soit l'identification de la preuve à établir pour
que l'article puisse s'appliquer. Rien de tel à l'arti-
cle 137(1).
L'article 13 de la Loi d'Interprétation ne permet
pas de recourir à la notation marginale de l'article
137(1), mais il est permis sous l'autorité des arrêts
de recourir à l'en-tête qui, dans le cas présent, est:
«Dissimulation de matière imposable» pour la
Partie VI de la Loi et de recourir également au
contexte de l'article 137(1).
L'en-tête de la Partie VI: «Dissimulation de
matière imposable» souligne, en employant le mot
«dissimulation», un acte conscient de la part du
contribuable afin de tromper le fisc. Ce titre en
anglais est d'ailleurs traduit par «Tax Evasion» ce
qui ne laisse aucun doute quant au fait qu'il s'agit
d'un acte conscient.
Quant au contexte, à l'article 138(1) de la Loi, il
est intéressant de noter «que si l'une des principa-
les fins d'une ou plusieurs opérations ... était d'ir-
régulièrement éviter ou réduire les impôts ... le
conseil du Trésor peut donner les directives qu'il
juge appropriées pour déjouer la dissimulation ou
la réduction de la matière imposable».
Cet article 138(1) a substantiellement le même
objet que l'article 137(1) excepté que le pouvoir
d'agir n'est pas entre les mains du Ministre, mais
entre celles du conseil du Trésor; il s'agit à 138(1)
d'une arme moins dangereuse que celle de 137(1)
puisqu'il faut l'approbation du conseil du Trésor
bien que cette arme, l'article 138(1), a le même
objet, à savoir, nullifier la réduction ou l'«avoid-
ance» de la matière imposable.
A mon avis, «dissimulation» implique le fait de
camoufler, de déguiser un acte pour lui donner une
apparence qui n'est pas la sienne propre, tandis
qu'«avoidance» connote l'idée d'éviter par des
moyens légaux ou, au moins, légalistes, un plus
lourd fardeau fiscal. Il y a sûrement une différence
entre les deux versions.
L'on doit souligner également qu'à cet article
138(1) le législateur a employé le mot «irrégulière-
ment éviter ou réduire les impôts». S'il n'est pas de
bon ton d'éviter irrégulièrement des impôts cela
suppose, ipso facto, qu'il est de bon ton d'éviter ou
réduire régulièrement les impôts. «Régulier» et
«irrégulier» doivent s'entendre non pas comme
signifiant d'une façon coutumière ou intermittente,
mais en suivant ou ne suivant pas les règles du jeu.
Il est étonnant que cet article 138(1), qui est
d'une application exceptionnelle, étant donné qu'il
requiert une référence au conseil du Trésor, soit
d'une portée moins étendue que l'article 137(1),
parce que réduire ou éviter selon les règles, ne
tombe pas sous son application. Cette référence à
l'article 138(1), à «irrégulièrement», implique qu'il
s'agit d'une chose qui est contraire aux règles, qui
n'est pas conforme à la norme. Dans Robert, Dic-
tionnaire de la langue française, on définit:
RÉGULIER:
Qui est conforme aux règles, ne fait pas exception à la
norme....
Ibid.
IRRÉGULIER:
2°(Abstrait). Qui n'est pas conforme à la règle établie, à
l'usage commun ....
Cette référence aux normes, à l'usage, aux
règles doit être retenue. Je crois que cet article
138(1) jette une lumière très forte sur l'interpréta-
tion qui doit être donnée à l'article 137(1).
L'article 138A requiert également d'être étudié.
Il s'agit là d'un article donnant discrétion au
Ministre en deux cas: diminution ou dissimulation
de biens d'une corporation dont un des objets est
d'éviter de l'impôt ou bien existence de corpora
tions dont un des motifs de leur existence est de
réduire l'impôt.
Au paragraphe (3) de l'article 138A, le Bureau
de Revision de l'Impôt ou la Cour fédérale peut
conclure dans le premier cas, que l'opération ou la
série d'opérations n'avait pas l'effet que lui a
imputé le Ministre, et dans le deuxième cas, qu'au-
cun des principaux motifs de l'existence des corpo
rations était de diminuer l'impôt. Des critères bien
identifiés sont prévus à cet article.
Ce qui est à mon avis frappant dans les disposi
tions de cet article, c'est que le législateur a pris
soin d'employer pour le premier cas l'expression
«opération ou série d'opérations». A l'article
137(1), l'on emploie le mot «opération ou affaire»,
non l'expression «opération ou série d'opérations».
Une opération et une série d'opérations ne sont pas
la même chose.
Dans le cas que nous étudions, il y a eu une série
d'opérations, non une opération, et l'article 137(1)
ne mentionne qu'une opération. De plus à l'article
138(1) qui est la référence au conseil du Trésor, il
faut que l'on ait réduit ou évité l'impôt d'une façon
irrégulière, c'est-à-dire, par des moyens contraires
à la norme, aux règles et à l'usage par des moyens
légalistes plutôt que légaux.
Je crois qu'il faut se référer à cette norme, ces
règles et ces usages pour déterminer si l'opération
ou affaire présente à été indue ou factice.
A mon avis, les faits en preuve ne permettent
pas de donner un caractère factice ou indu à
l'opération. Le demandeur et ses co-locataires ont
agi comme auraient agi des agents d'immeuble, se
groupant pour acquérir un immeuble et, en ce
faisant, ont suivi la règle, la norme et l'usage. Qui
dit opération ou affaire indue ou artificielle réfère,
à mon avis, à un «sham», un trompe-l'oeil. Il n'y a
rien de tel dans la présente affaire. Le demandeur
et ses co-locataires ont choisi entre plusieurs voies
celle qui est la moins onéreuse quant à leurs
obligations fiscales, mais il n'y a rien d'indu ou de
factice dans la voie choisie.
L'idée, à mon avis, de l'indu et du factice est une
autre façon de désigner le principe bien connu de
la forme et la substance, principe auquel on ne
recourt pas à tout instant, mais seulement quand la
nature d'une transaction bien que libellée «A» est,
en droit et en fait, «B».
Le savant procureur de la Couronne a invoqué
un autre moyen, à savoir, que le demandeur et ses
co-locataires ont encouru ces dépenses non qua
locataires mais qua actionnaires. Je ne puis sous-
crire à ce moyen de droit, car il pourrait s'appli-
quer à toute personne qui est actionnaire d'une
compagnie privée qui encourt des dépenses et agit
d'un chef autre que celui d'actionnaire.
Il serait certes étonnant que les dispositions de
l'article 137(1) qui sont laissées au bon jugement
du Ministre seul, soient interprétées d'une façon
plus sévère que pourraient l'être celles de l'article
138(1), qui elles sont laissées, non au seul juge-
ment du Ministre, mais au jugement du conseil du
Trésor ou, encore, que celles de l'article 138A où la
preuve à établir est clairement identifiée.
L'en-tête de la partie VI, auquel l'on peut avoir
recours, indique «dissimulation» et «evasion». Il n'y
a ni «dissimulation», ni «evasion» dans le cas
présent.
L'appel est admis avec dépens.
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