T-4749-73
La Reine (Demanderesse)
c.
Harold H. McKay (Défendeur)
Division de première instance, le juge Collier—
Vancouver, les 15 avril et 9 mai 1975.
Impôt sur le revenu—Calcul du revenu—Revenu provenant
d'activités criminelles—Nouvelles cotisations établies par le
Ministre incluant des dépôts bancaires qui résulteraient d'es-
croqueries—La Commission ordonne d'exclure lesdits dépôts
du revenu—Appel du Ministre—Plaidoiries sur des questions
autres que les points discutés—Le défendeur a-t-il connais-
sance de la cause à laquelle il doit répondre?—La charge de la
preuve incombe-t-elle toujours au contribuable?—Loi de l'im-
pôt de guerre sur le revenu, S.R.C. 1927, c. 97 modifié, art. 58,
63(2), 69 et 69A—Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c.
148, art. 46 et 56(2); S.C. 1970-71-72, c. 63, art. 152(8) et
175(3)—Règles 494(2), 461 et 800 de la Cour fédérale.
Le Ministre établit de nouvelles cotisations sur le revenu du
défendeur pour les années 1964 à 1967 partir de renseigne-
ments obtenus au cours de la vérification des comptes d'un
certain Whitworth, indiquant qu'à la suite d'escroqueries, le
défendeur avait fait des dépôts bancaires. En appel, le Ministre
ne s'appuya pas sur l'état de l'avoir net et la Commission de
révision de l'impôt estimant qu'il s'agissait simplement d'un
défaut de signaler les montants déposés ordonna que ces fonds
ne soient pas inclus dans son revenu. Même après la modifica
tion de la déclaration, il semblait que la cause du Ministre était
fondée sur l'existence de fonds provenant d'activités criminelles,
alors qu'en fait, il s'agissait essentiellement de comparaisons de
l'avoir net. Le défendeur choisit de continuer les procédures
comme si en fait, on avait plaidé sur la base de l'avoir net.
Lorsqu'il devint évident que la Cour n'admettrait pas la preuve
soumise par la demanderesse au sujet desdites activités crimi-
nelles, le procès se poursuivit selon le principe qu'il incombait
au contribuable de prouver que les cotisations étaient erronées.
Le défendeur soutint que les dépôts correspondaient à a) des
gains au jeu, b) au solde de sommes emmenées aux États-Unis
à l'occasion de divers voyages et c) au remboursement de prêts.
Arrêt: l'appel du défendeur est accueilli en partie, en ce qui
concerne l'année d'imposition 1964 et l'annulation des pénali-
tés; pour le reste, ses appels sont rejetés. Les explications du
défendeur ne changent pas la charge de la preuve; il n'a pas
démontré que les cotisations étaient erronées. Toutefois, on n'a
pas démontré non plus que le défendeur a sciemment omis de
révéler les dépôts ni qu'il a commis une faute lourde en ne le
faisant pas.
Dans un procès de novo, la charge de la preuve incombe
traditionnellement au contribuable; et il doit présenter sa cause
en premier. La prétendue règle voulant que la charge de la
preuve soit au contribuable n'est pas rigide et peut connaître
des exceptions. Dans les cas où la Reine est demanderesse, cette
règle ne devrait pas être appliquée systématiquement. Dans des
affaires de ce genre, lorsque la Reine, en tant que demande-
resse, invoque de graves infractions criminelles, il incombe à
l'auteur de ces allégations de démontrer leur véracité.
Arrêts discutés: Pashovitz c. M.R.N. [1961] R.C.É. 365;
Johnston c. M.R.N. [1948] R.C.S. 486; MacDonald c.
Canada Kelp Co. Ltd. (1974) 39 D.L.R. (3') 617 et
Contini c. Canarium Investment Corporation Ltd. [1974]
5 W.W.R. 709.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
S. A. Hynes pour la demanderesse.
J. A. Wener pour le défendeur.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la
demanderesse.
Goldman, Kemp, Craig et Wener, Vancouver,
pour le défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE COLLIER: La demanderesse interjette
appel d'une décision de la Commission de révision
de l'impôt, en date du 19 juillet 1973. Cette affaire
porte sur de nouvelles cotisations établies par le
ministre du Revenu national à l'égard du revenu
du défendeur pour les années d'imposition 1964 à
1967 incluses.
Je me propose tout d'abord d'examiner en détail
un certain nombre de circonstances qui ont mené
aux cotisations en litige, le déroulement des procé-
dures devant la Commission de révision de l'impôt,
les plaidoiries présentées à la Commission et à la
présente Cour, ainsi que le déroulement de l'ins-
tance devant cette cour. Le rappel de tous ces faits
a pour but:
a) de rendre les motifs du jugement plus intelli-
gibles au cas où l'affaire serait portée devant des
instances supérieures;
b) de rendre plus intelligibles aux parties les
commentaires que je ferai au sujet de la charge
de la preuve.
Le défendeur est maintenant âgé de 74 ans.
Pendant des années il s'est consacré à diverses
entreprises ou activités. Il est évident que le minis-
tre du Revenu national pense que certaines d'entre
elles, au moins, étaient de nature criminelle ou
frauduleuse. Le défendeur témoigna s'être occupé
d'entreprises hôtelières jusqu'en 1941, ayant été le
propriétaire, à titre personnel, ou à titre d'associé,
de plusieurs hôtels en Colombie-Britannique. Le
dernier hôtel dans lequel il eut une participation
était l'Eldorado à Vancouver, qui fut vendu en
1961. Il se considère à la retraite depuis cette date.
Dans ses plaidoiries, le Ministre conteste cette
définition du statut du défendeur. Il allègue, entre
autres choses, qu'avant 1961 et depuis cette
année-là, le défendeur a versé dans l'escroquerie,
et plus particulièrement l'escroquerie dite «de la
machine à billets». Il n'est pas nécessaire de
décrire en détail cette fable incroyable et les
manoeuvres servant à soutirer de l'argent à des
hommes d'affaires trop cupides.
Le défendeur produisit des déclarations de
revenu indiquant, pour les années en cause, les
revenus nets suivants:
1964 — $16,129.58
1965 — $15,418.31
1966 — $10,972.33
1967 — $ 8,239.90
Tout d'abord, le Ministre accepta ces déclarations.
Un peu avant 1968, lors de la vérification des
comptes d'une compagnie connue sous la raison
sociale Sears Construction Ltd. (appartenant à un
certain Hilton Whitworth), le Ministre découvrit
que Whitworth avait effectué un retrait de $300,-
000 en espèces sur les fonds de la compagnie.
Whitworth fut par la suite déclaré coupable de
détournement de fonds. A un moment donné, il
déclara aux fonctionnaires du ministère avoir
perdu les fonds de la compagnie à la suite d'une
escroquerie dite de «la machine à billets». Il donna
même certains noms. Le Ministre imposa alors la
part du produit de l'escroquerie touchée par un
certain John L. Morgan, à titre d'instigateur ou de
participant. Dans une nouvelle cotisation ulté-
rieure, on ajouta au revenu de Morgan certains
dépôts bancaires en monnaie américaine, d'origine
inconnue. Morgan interjeta appel de cette nouvelle
cotisation devant la Cour de l'Échiquier. Il consen-
tit finalement à un jugement qui ajoutait à son
revenu un quart des fonds frauduleusement souti-
rés à Whitworth. Lors de la transaction avec les
fonctionnaires du fisc, Morgan aurait nommé le
défendeur et d'autres personnes comme ses compli-
ces dans l'escroquerie dont Whitworth fut la
victime'.
' Ces allégations sont tirées de la réponse à l'avis d'appel
produit à la Commission de révision de l'impôt (29 janvier
1973), la déclaration déposée auprès de la présente Cour (16
Suite à la page suivante
Le 10 juin 1969, le Ministre établit de nouvelles
cotisations. Il ajouta aux revenus déclarés les
sommes suivantes:
1964 — $54,255.01 (dépôts bancaires)
1965 — $23,487.96 (dépôts bancaires)
$10,000.00 (paiements sur hypothèque)
1966 — $47,738.34 (dépôts bancaires)
$ 143.76 (revenus divers)
1967 — $ 9,226.54 (dépôts bancaires)
$144,851.61
En vertu du paragraphe 56(2) de la Loi de l'impôt
sur le revenu et de l'article 19 de la B.C. Income
Tax Act, on ajouta au titre des pénalités la somme
totale de $17,916.99, ainsi que $14,463.22, au titre
d'intérêts.
Le contribuable déposa des avis d'opposition.
Vinrent ensuite des échanges de lettres et de ren-
seignements entre le défendeur, par l'intermédiaire
de son comptable, Foster, le ministère (voir la
pièce 5-B). Le ministère accepta ou estima suffi-
santes les explications données pour un certain
nombre de ces dépôts et réduisit les sommes sus-
mentionnées de la manière suivante:
1964 — $51,021.55 (13 dépôts)
1965 — $17,207.96 (9 dépôts)
1966 — $ 4,205.00 (3 dépôts)
1967 — $ 2,700.00 (4 dépôts)
$75,134.51
Il établit en conséquence de nouvelles cotisations
(datées du 18 mai 1971).
Le défendeur interjeta appel devant la Commis
sion de révision de l'impôt. A ce stade des procédu-
res, le Ministre n'avait pas préparé l'état de l'avoir
net pour la période en cause, et ne tint pas compte
des formules relatives à l'état de l'avoir net soumi-
ses par Foster, à la demande du ministère et datées
du 19 mars 1970. La Commission de révision de
Suite de la page précédente
novembre 1973) et la déclaration modifiée déposée aussi auprès
de cette Cour (6 mars 1975). Morgan et les autres escrocs ainsi
nommés sont maintenant tous décédés excepté le défendeur et
deux autres. Ces deux derniers n'ont pas témoigné devant la
Commission de révision de l'impôt ni devant cette Cour.
l'impôt entendit l'appel le 19 juin 1973. Dans ses
motifs, le Président déclara:
... Le Ministre, à mon point de vue, a adopté une méthode peu
courante en effectuant des cotisations au sujet de cet homme de
la manière qu'il l'a fait.
Dès le début, j'avais pensé qu'il s'agissait d'une cotisation de la
valeur nette, mais ce n'est pas le cas, et l'affaire a été traitée
purement et simplement comme un défaut de signaler les
montants déposés.
Il semble cependant qu'on avait soumis certaines
preuves à la Commission pour tenter de démontrer
que le défendeur avait participé à l'escroquerie dite
de la machine à billets dont Whitworth avait été la
victime. Le Président, pour diverses raisons, décida
que la preuve (qui, pour l'essentiel, n'était qu'ouï-
dire) était irrecevable. La Commission accepta
alors la preuve fournie par le défendeur, ou en son
nom, relativement à des sources importantes de
capitaux grâce auxquels ce dernier aurait pu se
procurer les fonds correspondant aux dépôts ban-
caires prétendument inexplicables. La Commission
décida donc que ces dépôts bancaires ne devaient
pas être inclus dans le revenu imposable du
défendeur.
La déclaration initialement déposée devant cette
Cour est, pour l'essentiel, similaire à la réponse
déposée par le Ministre auprès de la Commission
de révision de l'impôt. Elle indique en premier lieu
que le Ministre avait inclus dans le revenu du
défendeur certains dépôts bancaires représentant
le montant total précité. Voici maintenant le para-
graphe 2 de cette déclaration:
[TRADUCTION] 2. Ce montant représente une partie ou la tota-
lité de la part du défendeur sur le produit de diverses manœu-
vres frauduleuses ou autres infractions criminelles perpétrées
par lui et par d'autres individus à l'encontre d'un certain
nombre de personnes, par une escroquerie dite de la machine à
billets, notamment en deux occasions contre un certain Hilton
Whitworth de Vancouver (Colombie-Britannique).
Je cite aussi une partie du paragraphe 3 qui
comprend 20 alinéas:
[TRADUCTION] 3. En établissant une nouvelle cotisation à
l'égard du défendeur pour ses années d'imposition 1964 1967,
le ministre du Revenu national a présumé entre autres que:
a) pendant plusieurs années, jusqu'en 1964 inclusivement, et
les années suivantes, le défendeur s'est employé à soutirer de
l'argent à plusieurs personnes par l'escroquerie dite de la
machine à billets. Les compères du défendeur étaient:
John Chmelyk — décédé le 29 août 1961
John Polonich — décédé le 5 novembre 1964
Fred Collins — décédé le 13 mars 1965
James Gray — décédé le 10 juin 1965
Joseph Eror — décédé le 20 décembre 1966
John L. Morgan — décédé en 1972
Raymond Outtrim — toujours en vie (voir para-
graphe 528-58 DTC 395)
L. Ackerman — situation inconnue
b) pendant son année d'imposition 1964, le défendeur et ses
compères ont soutiré $298,000.00 audit Hilton Whitworth,
par l'escroquerie en question;
Les alinéas c), d), e) et g) décrivent en détail ces
prétendues escroqueries dites de la machine à bil
lets dont Whitworth fut victime en novembre 1963
et de nouveau en octobre 1964, le défendeur et
d'autres personnes en étant les auteurs. Certains
de ces alinéas, ainsi que d'autres, expliquent la
répartition des produits de cette escroquerie dans
un certain nombre de comptes bancaires. On a
affirmé que le défendeur et ses prétendus compères
avaient été propriétaires de ces divers comptes.
Les alinéas 3o) et p) indiquent jusqu'à quel
point Sa Majesté se propose de poursuivre l'affaire
afin de prouver que le contribuable est assujetti à
des impôts supplémentaires et à des pénalités. Je
cite:
[TRADUCTION] 3. o) le défendeur a aussi conclu avec Gray et
Polonich, susmentionnés, un certain nombre d'opérations
financières dont nous donnerons les détails lors de l'audition
du présent appel;
p) depuis plusieurs années, diverses autorités de police soup-
çonnent le défendeur de participation à des escroqueries dites
de la machine à billets. En 1950, il fut arrêté, détenu
jusqu'au matin et interrogé par la police municipale de
Vancouver au sujet d'une escroquerie de ce genre, mais ne
fut pas inculpé. Il avait été l'associé et l'ami d'un certain
Joseph Eror, qui fut arrêté en même temps que Raymond
Outtrim et Fred Collins et inculpé comme eux en 1967 pour
manoeuvres frauduleuses relatives à une telle escroquerie à
Richmond (Colombie-Britannique). Eror fut déclaré coupa-
ble. Il mourut peu de temps après sa sortie du pénitencier de
Colombie-Britannique. Avant sa mort, Eror nomma le défen-
deur comme un de ses associés et complices dans un certain
nombre d'escroqueries dites de la machine à billets;
Le procès débuta le 5 décembre 1974, sur la
base de ces plaidoiries. Avant la présentation de la
preuve, l'avocat du contribuable indiqua quelles
étaient selon lui les questions en litige. A son avis,
la question la plus importante concerne l'exacti-
tude de l'état de l'avoir net établi par le Ministre,
et celle de l'état de l'avoir net établi en réponse au
nom du contribuable, ainsi que les conclusions que
l'on peut tirer de la preuve à l'égard dudit avoir
net. L'avocat de la demanderesse, au cours d'une
discussion antérieure aux dépositions, indiqua que
le ministère avait préparé l'état de l'avoir net pour
le Ministre en fonction de la décision rendue par la
Commission de révision de l'impôt:
[TRADUCTION] ... afin de justifier la cotisation, et nous soute-
nons que ces états de l'avoir net indiquent en fait une différence
de $83,000 avec le revenu déclaré, somme que le contribuable a
omis d'inclure dans son revenu pour les années d'imposition
1964 1967.
J'eus ensuite avec l'avocat la discussion suivante:
[TRADUCTION] M` HYNES: Dans la mesure où l'affaire qui
nous occupe est différente de la cause soumise à la
Commission de révision de l'impôt, nous ne vous deman-
dons pas, monsieur le juge, de confirmer ou d'infirmer la
décision de la Commission fondée sur la même preuve.
Nous ferons aussi appel à d'autres témoins, y compris
le sergent Steenson dont il est fait mention dans la
décision de la Commission de révision de l'impôt afin
d'essayer d'établir le lien entre le contribuable et d'autres
personnes impliquées dans les escroqueries dites de la
machine à billets.
Maintenant je voudrais attirer votre attention, Mon
sieur, sur deux points mentionnés dans la déclaration
soumise par le Ministre et je pense que .. .
LA COUR: Puis-je vous demander si vous rejetez toutes les
présomptions du Ministre dans les plaidoiries?
M' HYNES: Non, Monsieur.
LA COUR: Je vois. Vous affirmez toujours que ces dépôts
représentent une partie de l'argent soutiré grâce aux
escroqueries dites de la machine à billets?
M` HYNES: Oui, Monsieur, je suis heureux que vous souleviez
ce point, car il n'incombe pas vraiment à la Couronne de
révéler l'origine encore inexpliquée de ces fonds; il lui
suffit en effet de dire que ces fonds existent; vous n'avez
pas su démontrer qu'ils provenaient de capitaux et nous
devons donc présumer qu'il s'agit de revenus; nous nous
en tenons à cela.
LA COUR: Vous savez que nous devons être équitables; la
Couronne a longuement exposé ses présomptions devant
deux tribunaux; je sais qu'elles ne lient pas le Ministre,
mais si la Couronne déclare maintenant ne pas avoir à
approfondir ce point, j'estime pour ma part que le dossier
devrait comprendre des indications expresses à cet égard
et même qu'il aurait fallu le faire avant le début de la
présente audition. Je pense qu'il n'est pas équitable de
dire «bon, nous avons quatre pages d'allégations d'infrac-
tions criminelles et, maintenant, puisque nous portons le
litige devant la cour fédérale, nous ne sommes pas vrai-
ment tenus de prouver le bien-fondé de toutes ces alléga-
tions et il nous suffit de soumettre des états de l'avoir net
puis d'établir leur bien-fondé; un point c'est tout.. En
d'autres termes, le contribuable se trouve face à une
affaire tout à fait différente de celle qui avait été soumise
à la Commission d'appel de l'impôt et de ce qui est
actuellement indiqué dans les plaidoiries. Bien sûr, je
n'oublie pas la question de la charge de la preuve; je sais
tout cela.
M` HYNES: Monsieur, le contribuable sait depuis très long-
temps ce qu'il doit affronter.
LA COUR: D'après les plaidoiries?
M` HYNES: Non, Monsieur, mais en raison des procédures,
des interrogatoires et le fait que tous ces états ont été ...
LA COUR: Pourquoi n'en fait-on pas mention dans les
plaidoiries?
M` HYNES: En effet, Monsieur le juge, c'est vrai; le Ministre
pourrait peut-être ... aurait dû modifier les plaidoiries
pour indiquer qu'il s'appuyait sur les états de l'avoir net.
LA COUR: Bon, continuons. Mais je pense qu'il s'agit là d'une
bien mauvaise pratique.
A la suite de cette discussion et d'autres échan-
ges, il y eut un ajournement après l'audition de
trois témoins. Il avait été entendu que la déclara-
tion serait modifiée. Le 16 décembre 1974, on fixa
la reprise du procès au 15 avril 1975. Une déclara-
tion modifiée fut déposée le 6 mars 1975. Il est
souhaitable à mon avis d'en citer aussi certains
paragraphes:
[TRADUCTION] 1. Le 18 mai 1971, le ministre du Revenu
national (ci-après appelé de Ministre») établissait une nouvelle
cotisation à l'impôt sur le revenu du défendeur pour les années
d'imposition 1964, 1965, 1966 et 1967 afin d'y inclure un
certain nombre de dépôts bancaires au sujet duquel le défen-
deur se déclara incapable de donner des explications et se
chiffrant au total à $75,134.51, pour l'ensemble desdites années
d'imposition. Dans cette cotisation, le Ministre ajouta des
pénalités prévues par certaines dispositions de la Loi de l'impôt
sur le revenu et de la British Columbia Income Tax Act.
2. Le défendeur, lors du dépôt de son avis d'opposition et de
l'avis d'appel à la Commission de révision de l'impôt, continua
de soutenir qu'il était incapable d'expliquer l'origine de ces
dépôts bancaires. A une audition tenue par la suite devant la
Commission de révision de l'impôt, il prétendit que les dépôts
correspondaient à des gains au jeu et au retour des fonds qu'il
avait emportés aux États-Unis pour les risquer dans des jeux du
hasard.
3. Le montant susmentionné représente en fait une partie de la
part du défendeur sur le produit de diverses manoeuvres fraudu-
leuses et autres infractions criminelles perpétrées par lui et par
d'autres individus à l'encontre d'un certain nombre de person-
nes par une escroquerie dite de la machine à billets, notamment
en deux occasions contre un certain Hilton Whitworth de
Vancouver (Colombie-Britannique) 2 .
4. En établissant une nouvelle cotisation à l'égard du défendeur
pour ses années d'imposition 1964 1967, le ministre du
Revenu national présuma entre autres que:
2 Je dois faire remarquer que ces allégations vagues et mal
définies ont été reprises dans ladite déclaration modifiée et
qu'aucun détail ne fut donné sur les manoeuvres frauduleuses»,
«infractions criminelles» ou sur les prétendues victimes.
a) De 1930 à 1964 inclusivement et même par la suite, le
défendeur en collaboration avec certains des individus
nommés ci-après s'était lancé dans une entreprise consistant
à soutirer de l'argent à certaines personnes, par différents
types d'escroquerie ou abus de confiance, y compris l'escro-
querie dite de la machine à billets:
John Chmelyk — décédé le 29 août 1961
John Polonich — décédé le 5 novembre 1964
Fred Collins — décédé le 13 mars 1965
James Gray — décédé le 10 juin 1965
Joseph Eror — décédé le 20 décembre 1966
John L. Morgan — décédé en 1972
Raymond Outtrim — toujours en vie (voir para-
graphe 528-58 DTC 395)
Louis Ackerman — situation inconnue
Le défendeur s'est déjà personnellement illustré dans
diverses escroqueries'.
b) , En 1964, le défendeur, Morgan, Polonich et Gray soutirè-
rent à un certain Hilton Whitworth la somme de $298,000.00
grâce à l'escroquerie de la machine à billets.
Les autres alinéas du paragraphe 4 retracent l'ori-
gine des renseignements fournis au Ministre sur la
participation du défendeur aux escroqueries dites
de la machine à billets dont Whitworth fut vic-
time. Les alinéas f), g) et h) reprennent l'essentiel
des alinéas 3o) et p) des plaidoiries précédentes.
Le paragraphe 6 que voici y a été ajouté:
[TRADUCTION] 6. Le président de la Commission de révision
de l'impôt, dans ses motifs du jugement, déclara que, puisque le
défendeur avait vendu ses participations dans un certain
nombre d'entreprises, pendant les années en cause dans l'appel,
et certaines années antérieures, ces ventes représentaient une
source potentielle de fonds dont pouvait disposer le défendeur
pour constituer les dépôts en cause; le ministre du Revenu
national n'en avait pas tenu compte. Depuis que cette décision a
été rendue, le ministre du Revenu national, par l'intermédiaire
de ses fonctionnaires, a préparé des états de l'avoir net du
défendeur; il en résulte notamment que les fonds reçus par le
défendeur en contrepartie de la vente desdites participations ont
été comptabilisés et ne peuvent donc lui permettre d'expliquer
valablement ces dépôts bancaires. Ces états confirment aussi,
grâce à la méthode utilisée pour calculer l'avoir net, que le
défendeur reçut environ $75,000 en espèces de sources occultes.
A mon avis, l'ensemble des plaidoiries (soumises
à la présente Cour et à la Commission de révision
de l'impôt) indiquait au contribuable qu'il devait
répondre à des allégations selon lesquelles de 1964
à 1967, il avait déposé en banque des fonds (reve-
nus) provenant de prétendues escroqueries contre
Je dois faire remarquer que cet alinéa allègue (c'est la
première fois dans ce litige) que le demandeur en collaboration
avec d'autres escrocs s'était livré à .diverses escroqueries» y
compris l'escroquerie dite de la machine à billets. De nouveau,
on ne donne aucun détail.
Whitworth. Il est vrai que, techniquement,
l'énoncé du paragraphe 3 modifié inclut une allé-
gation selon laquelle les fonds inexpliqués prove-
naient de
[TRADUCTION] ... diverses manœuvres frauduleuses et autres
infractions criminelles ... par une escroquerie dite de la
machine à billets ...
sans restreindre ladite escroquerie à celle dont fut
victime Whitworth. Cependant il ressort claire-
ment de la déclaration que l'on allègue en fait que
la somme correspondant aux dépôts «non identi-
fiés» provient des escroqueries «Whitworth».
L'addition du paragraphe 6 indique simplement,
à mon avis, que la demanderesse se proposait de
s'appuyer sur les états de l'avoir net pour confir-
mer la question principale dans cette affaire. A
mon sens, la déclaration modifiée revient encore à
fonder la réclamation contre le contribuable sur
des dépôts bancaires «inexpliqués», dont l'origine
serait deux escroqueries. La demanderesse cherche
donc à nous en faire déduire que les dépôts en
cause représentent un revenu et non des gains en
capital. Les modifications ne répondent pas vrai-
ment à l'objection que j'avais faite lors de la
première audition: si l'affaire tournait autour de
comparaisons de l'avoir net, il aurait alors fallu
l'indiquer dans les plaidoiries; le contribuable est
en droit de savoir ce à quoi il doit répondre. Ce
point fut de nouveau débattu à la reprise de l'audi-
tion. L'avocat du contribuable choisit de continuer
les procédures comme si, en fait, on avait plaidé
sur la base de l'avoir net, ce qui est compréhensi-
ble, au lieu de demander d'autres ajournements
pour que de nouvelles modifications soient
apportées.
Je ferai maintenant quelques commentaires sur
le déroulement du procès. En décembre, l'avocat
du contribuable avait accepté sans discussion la
thèse traditionnelle voulant que, puisqu'il s'agissait
d'un procès de novo et puisque «la charge de la
preuve incombait au contribuable», le défendeur
devait présenter sa cause en premier 4 .
4 Pour autant que je sache, la pratique voulant qu'un contri-
buable intimé (dans un appel en matière d'impôt sur le revenu
interjeté devant cette Cour) «passe en premier» prend son
origine dans les remarques du juge Rand dans l'affaire Johns-
ton c. M.R.N. [1948] R.C.S. 486, aux pages 489 et 490:
[TRADUCTION] Même si l'article 63(2) en parle comme
d'une action pouvant être instruite ou entendue, il s'agit en
fait d'un appel d'une cotisation en matière d'impôt; puisque
l'imposition dépend de certains faits et certaines dispositions
Suite de la note de la page précédente
légales, ces faits ou l'application de la loi font l'objet du
litige. Toute conclusion ou présomption de faits retenue par
le répartiteur ou par le Ministre doit alors être admise
comme telle à moins que l'appelant ne la conteste. Si le
contribuable en l'espèce avait l'intention de contester le fait
qu'il avait subvenu aux besoins de son épouse, au sens où
l'entendent les Règles mentionnées, il aurait dû soulever ce
point dans sa plaidoirie, et il lui aurait incombé, comme à
tout appelant, de démontrer que la conclusion en cause
n'était pas justifiée. A cette fin, il aurait pu présenter des
preuves à la Cour même s'il n'en avait pas saisi le répartiteur
ni le Ministre, mais il lui incombait d'établir l'inexactitude
du fait principal sur lequel l'imposition était fondée.
Par contre, ce n'est pas ce que le contribuable a fait. La
défense n'a pas soulevé ce point à titre de fait dans ses
plaidoiries, bien qu'il ressorte du renvoi à la règle de l'annexe
appliquée par le répartiteur. Toutefois ce point fut nié en tant
que fait dans la réponse. C'est à ce moment qu'on a men-
tionné pour la première fois une allégation qui aurait dû
figurer dans la déclaration; par principe, je dois souligner
que, si le contribuable souhaite soulever ce point en appel,
l'autoriser à remédier ainsi à une déclaration défectueuse
constitue une faveur. L'énoncé du texte de loi correspond mal
à ces considérations d'ordre technique, mais son but est clair:
il incombe à la Cour de faire en sorte que l'on étudie le fond
du litige et non sa forme.
En conséquence, je ne peux admettre l'opinion selon
laquelle les procédures changent fondamentalement selon
l'orientation des plaidoiries. Les allégations nécessaires à
l'appel dépendent de l'interprétation de la loi et de son
application aux faits; le rôle des plaidoiries est de permettre
d'arriver à une décision. Il faut bien sûr supposer que la
Couronne a révélé entièrement au contribuable, comme elle a
le devoir de le faire, les conclusions de fait et les conclusions
de droit qui ont donné lieu à la controverse. A moins que la
Couronne ne soit la demanderesse ou l'appelante, je ne vois
pas comment les plaidoiries peuvent changer la charge de la
preuve de ce qu'elle serait sans ces dernières. Puisque le
contribuable en l'espèce doit établir quelque chose, il me
semble qu'il doit démontrer l'existence de faits ou points de
droit qui démontrent que la cotisation est erronée.
Le juge Kellock déclarait à la page 492:
[TRADUCTION] A la lecture des dispositions de la loi, à
partir de l'article 58, il ressort qu'une personne qui s'oppose à
une cotisation est tenue de soumettre au Ministre, lors de
l'appel, les preuves et les motifs à l'appui de son opposition. Il
lui appartient d'étayer son opposition. S'il ne le fait pas,
l'appel doit à mon avis échouer. Cela ne veut évidemment pas
dire que s'il soumet au Ministre des faits qui devraient lui
permettre d'obtenir gain de cause, le Ministre peut arbitrai-
rement rejeter l'appel. Ce n'est pas du tout le cas en l'espèce
et je ne me prononce pas à cet égard.
J'estime en outre que cette situation persiste jusqu'au
moment où l'affaire est soumise à la Cour de l'Échiquier en
vertu des dispositions de l'article 63. Je considère que les
plaidoiries dont une ordonnance peut exiger le dépôt, en
vertu du paragraphe 2 de cet article, ne font qu'énoncer les
questions soulevées par les documents devant être déposés à
la cour, sans changer la charge de la preuve existant avant la
Suite à la page suivante
Un comptable agréé (Foster) fit une déposition
et déclara être en désaccord pour différents motifs
avec un certain nombre de postes inclus par les
représentants du Ministre, dans les états de l'avoir
net établis le 4 juillet 1974 (Pièce 18) et le 20
septembre 1974 (Pièce 5) ou exclus de ceux-ci. Ces
Suite de la page précédente
délivrance d'une telle ordonnance. A mon avis donc, le savant
juge du tribunal d'instance inférieure avait raison d'affirmer
que la charge de la preuve incombait à l'appelant.
Dans l'affaire Johnston, les articles mentionnés par le juge
Rand sont ceux de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu,
S.R.C. 1927, c. 97, et ses modifications. Le juge Thurlow dans
l'affaire Pashovitz c. M.R.N. [1961] R.C.É. 365, affirmait à la
page 371, propos de la loi de 1948:
[TRADUCTION] Lorsque les cotisations à l'impôt sur le revenu
sont établies, elles le sont en conformité de l'article 42
(maintenant article 46) et la Cour a décidé, sous le régime
des dispositions équivalentes de la Loi de l'impôt de guerre
sur le revenu qu'en appel d'une telle cotisation devant la
présente Cour, c'est au contribuable de prouver qu'il existe
une erreur dans ladite cotisation.
Il cita alors à peu près les mêmes extraits de l'arrêt Johnston
que ceux que je viens de citer.
Je remarque que le paragraphe 175(3) de la «nouvelle» Loi
prévoit que:
Un appel interjeté en vertu du présent article est réputé être
une action en Cour fédérale à laquelle s'appliquent la Loi sur
la Cour fédérale et les Règles de la Cour fédérale concernant
une action ordinaire, ... [voir aussi la Règle 800 des Règles
de la Cour fédérale].
La Règle 494(2) prévoit qu'en général, dans l'ordre de présen-
tation des preuves, le demandeur vient en premier, puis le
défendeur:
(... ont le droit de présenter des preuves ... dans l'ordre
suivant ...).
Il est possible que les motifs alors dissidents du juge Locke,
dans l'affaire Johnston (aux pages 495 à 497), soient mainte-
nant pertinents vu la procédure et la charge de la preuve dans
les appels régis par le paragraphe 175(3). Je n'exprimerai
aucune opinion sur ce point. En l'espèce, les deux parties ont
toujours admis que la charge de la preuve incombait au contri-
buable. L'affaire Johnston portait sur la loi applicable pour
l'année d'imposition 1944. L'article 69 de la Loi de l'impôt de
guerre sur le revenu n'a pas été mentionné. Il ne s'appliquait
pas puisque les avis d'appel et d'opposition avaient été déposés
dans les délais requis. Le paragraphe 69A(4) fut ajouté en
1946. Je ne néglige pas la différence entre le paragraphe 42(6)
de la Loi de 1948 (devenu le paragraphe 46(7)) et l'article
152(8) de la «nouvelle» Loi quant à leur énoncé et à leurs effets
respectifs. Je n'exprimerai aucune opinion sur le sens que nous
devons donner à l'expression « ... est réputé être valide ...» ni
sur son effet quant à la charge de la preuve de l'existence d'une
erreur dans la cotisation. Je suggérerais cependant que le
paragraphe 152(8) est de peu d'utilité pour déterminer qui
devrait «passer en premier». On pourrait soutenir que la prati-
que actuelle (dans un cas comme celui de l'affaire McKay)
signifie que la demanderesse a renoncé à son droit de produire
la preuve principale et qu'elle se limite aux questions soulevées
dans la réponse.
deux états comprenaient aussi des estimations de
l'origine et de l'affectation des fonds, pour la
période de quatre ans. Dans le premier, les fonds
de source inconnue avaient été estimés à
$77,449.26 et dans le second à $84,324.26. Je
reviendrai plus tard à ces deux états de l'avoir net.
Le contribuable fut alors appelé à témoigner. Sa
déposition corrobore les hypothèses formulées par
Foster à l'égard de l'état de l'avoir net que ce
témoin avait préparé (Pièce 4). Ce document tend
à montrer qu'il n'existe pas de fonds de source
inconnue, et même que les fonds identifiés dépas-
saient de $20,175.74 les fonds affectés. McKay,
dans son témoignage principal, nia catégorique-
ment avoir jamais participé à une escroquerie dite
de la machine à billets.
Lors du contre-interrogatoire, la demanderesse
chercha à interroger le contribuable sur d'autres
prétendues escroqueries de ce genre et d'autres
manoeuvres frauduleuses perpétrées avant 1963 et
dont il aurait été l'auteur. Certaines des questions
posées portaient sur des activités criminelles
remontant aux années 30. On affirma que ce genre
de contre-interrogatoire était admissible en vertu
du prétendu principe des «actes similaires» en
matière de preuve. Il y eut un certain nombre de
joutes oratoires sur des questions juridiques. En
toute justice, il faut souligner que la plupart oppo-
sèrent l'avocat de la demanderesse et la Cour et
que je les ai presque toutes suscitées. L'avocat du
Ministre déclara franchement avoir exhumé, peu
de temps avant la reprise du procès, des preuves
abondantes relatives à de prétendues activités cri-
minelles ou frauduleuses du contribuable, remon-
tant à plusieurs années. Il affirma que toute la
preuve documentaire relative à ces questions (il ne
s'agit pas nécessairement d'escroqueries du même
type) avait été communiquée à l'avocat du contri-
buable aussitôt que possible, et j'ai accepté sa
déclaration. Cependant, les plaidoiries n'ont pas
été modifiées pour inclure ces nouvelles questions
(en précisant les prétentions ou en apportant des
détails) et les preuves documentaires additionnelles
n'ont pas été traitées de la manière prévue à la
Règle 461.
A mon sens, Sa Majesté la Reine, qu'elle soit
représentée par le ministre du Revenu national ou
par tout autre fonctionnaire de la Couronne,
devrait s'astreindre à exposer dans ses plaidoiries
tous les éléments qu'elle se propose de faire valoir
à l'appui d'une cotisation attaquée, et se conformer
aux règles relatives à l'interrogatoire et à la com
munication des documents de manière à ce que le
contribuable puisse demander un ajournement ou
de nouveaux interrogatoires préalables. A mon
avis, elle ne s'est conformée ni aux Règles de la
Cour ni aux principes généraux d'équité en faisant
parvenir à l'avocat de la partie adverse, la veille du
procès, une preuve documentaire abondante et
pouvant en outre lui être très préjudiciable. Cela
est d'autant plus vrai dans une affaire telle que la
présente où les allégations portent sur des graves
infractions criminelles.
Après une longue discussion, l'avocat du Minis-
tre présuma à juste titre que la Cour allait décider
irrecevable la majeure partie de la preuve relative
à des «actes similaires» pour un certain nombre de
raisons'. Il nous informa que le Ministre n'avait
pas l'intention de continuer à invoquer ce genre de
preuve ni à poursuivre ce genre d'interrogatoire
pour démontrer la participation du défendeur à
l'escroquerie dont Whitworth fut victime ou pour
attaquer sa crédibilité. 6
' Si ce procès avait eu lieu devant un jury, je n'aurais
aucunement hésité à rejeter immédiatement tous ces éléments
de preuve, car manifestement la possibilité qu'ils soient préjudi-
ciables dépasse largement toute valeur probante qu'ils auraient
pu autrement avoir. Il est bien établi que la preuve relative à
des «actes similaires» n'est pas admissible pour démontrer qu'il
existait une propension générale ou (plus précisément, en l'es-
pèce) pour démontrer que le défendeur avait peut-être déjà
participé à des escroqueries dites de la machine à billets, et
qu'il était donc probablement impliqué dans l'escroquerie Whit-
worth. Deux jugements de la Cour d'appel de la Colombie-Bri-
tannique ont examiné, de façon exhaustive l'ensemble du pro-
blème de l'utilisation de la preuve relative à des «actes
similaires» dans les affaires civiles: MacDonald c. Canada Kelp
Co. Ltd. (1974) 39 D.L.R. (3') 617 et Contini c. Canarim
Investment Corporation Ltd. [1974] 5 W.W.R. 709.
6 J'ai déjà indiqué qu'une partie de la preuve contestée
pourrait éclairer la question générale de la crédibilité, ou
pourrait être pertinente à l'égard de certaines autres allégations
des plaidoiries. Le paragraphe 4k) de la déclaration modifiée
allègue que les dépôts bancaires correspondaient au revenu tiré
par le défendeur des [TRADUCTION] «activités criminelles sus-
mentionnées». Le paragraphe 4(1) allègue que:
[TRADUCTION] ... les montants précités représentent un
revenu tiré de l'entreprise du défendeur.
Le ministre décida de ne pas essayer de soumettre de preuve à
l'appui des autres allégations, ou relative à la question de la
crédibilité.
Le procès s'est alors poursuivi étant entendu
qu'il incombait au défendeur de démontrer que les
cotisations en cause étaient erronées, que la preuve
indiquait l'existence de dépôts bancaires se chif-
frant au total au montant susmentionné pour les
années en cause et que les explications du défen-
deur étaient soit inacceptables soit insuffisantes.
Les deux parties se sont appuyées sur leurs évalua-
tions respectives de l'avoir net. Le Ministre
affirma que l'état de l'avoir net établi par ses
services indiquait des fonds d'origine inexpliquée
se chiffrant au moins à $84,000, ce qui confirmait
que les dépôts en espèces d'origine inconnue, se
chiffrant à environ $75,000, provenaient d'une
source autre que celle mentionnée dans le témoi-
gnage du défendeur.
Ceci conclut l'examen (malheureusement un peu
long) dont je parlais au second paragraphe des
présents motifs.
Je me propose maintenant d'examiner en détail
les «dépôts». Sur 13 dépôts en 1964, 10 avaient été
effectués auprès de la Banque de Commerce-
Canadienne Impériale et 3 auprès de la Banque
royale du Canada. Il s'agissait de dépôts en espè-
ces, excepté celui du 9 novembre 1964 qui était un
transfert de fonds d'un compte en banque de San
Francisco. Le montant transféré était de $11,500
en monnaie américaine. On lui crédita une prime
de change de $819.37. Je suis convaincu, compte
tenu du témoignage du contribuable étayé par
certains documents, que l'essentiel du montant
transféré le 9 novembre correspondait au rembour-
sement en espèces de sommes qui lui revenaient
sur une hypothèque (de $13,000 à l'origine) sur un
navire (le North Coaster N° 1). D'après les souve
nirs du défendeur, Morgan, de la Skeena Towing
Ltd., lui remboursa $10,000 ce mois-là, à San
Francisco. Il déposa cette somme, ainsi que cer-
tains gains au jeu à Las Vegas ou à Reno dans son
compte en banque de San Francisco, puis fit trans-
férer les fonds à Vancouver. J'accepte l'explication
du défendeur à cet égard, y compris sa déclaration
selon laquelle le solde du dépôt ($1,500) avait
probablement été gagné au jeu. Comme nous le
verrons plus tard dans ces motifs, je ne puis accep-
ter globalement la déposition du défendeur relative
à ses gains et pertes au jeu, parce qu'elle est trop
vague. En ce qui concerne ce dépôt particulier,
j'estime que nous pouvons nous fier à son témoi-
gnage. Il se rappelle avoir déposé un certain mon-
tant de ses gains au jeu en même temps que le
remboursement en espèces. La demanderesse
devra donc déduire la somme de $12,319.37 du
revenu du défendeur tel que calculé par le Ministre
pour 1964.
Le solde du dépôt de 1964 et les dépôts corres-
pondant aux trois autres années ont été effectués
en espèces (à deux ou trois exceptions près), habi-
tuellement en monnaie américaine, et avec de rela-
tivement gros billets (Pièce 5-45 et 14). Le plus
gros dépôt se chiffrait à environ $16,000. Les
autres variaient d'environ $5,000 à $4,000 ou
$2,000, et même moins. Comme je l'ai déjà indi-
qué, les parties ont plaidé étant entendu au départ
qu'il incombait au défendeur de réfuter la pré-
somption du Ministre, selon laquelle il fallait con-
sidérer ces fonds, en l'absence d'une explication
raisonnable et acceptable, comme un revenu'. Le
défendeur (dans sa déposition orale seulement) a
expliqué que tous ces dépôts correspondaient à des
recettes en espèces provenant d'une ou de plusieurs
des sources suivantes:
a) gains au jeu;
b) le solde de sommes d'argent utilisées à l'oc-
casion de voyages aux $tats -Unis pour rendre
visite à des parents ou pour jouer;
c) diverses sommes versées en espèces, par des
personnes lui devant ou lui remboursant de
l'argent.
Je ne peux admettre les explications du défen-
deur. Je ne veux pas dire qu'elles sont foncière-
ment fausses. A mon sens, la nature et la source de
ces rentrées d'argent et leurs dates restent trop
vagues. Dans le raisonnement que j'ai suivi pour
parvenir à cette conclusion, j'ai essayé, afin d'être
équitable à l'égard du défendeur, de tenir large-
ment compte du fait qu'à la suite de cotisations
tout d'abord simultanées, puis de nouvelles cotisa-
tions arbitraires en 1969, d'une autre nouvelle
cotisation en 1971 et enfin du litige en découlant,
on lui a demandé d'essayer d'expliquer de façon
satisfaisante des opérations bancaires remontant à
nombre d'années et dont il n'a pas gardé trace.
Cependant son témoignage à l'égard de ses gains
' Le dépôt de $380.20 (coupons), le 24 juin 1965, correspond
évidemment à un revenu.
et pertes au jeu est contradictoire et à mon sens
insuffisant pour réfuter les présomptions du Minis-
tre ou, en d'autres termes, renverser la charge de
la preuve'.
Le défendeur déclara avoir ou avoir eu un cer
tain nombre de parents en Californie. Il n'est pas
douteux qu'il aime le jeu. Il s'est rendu plusieurs
fois dans les salles de jeux de Las Vegas et de
Reno. A mon avis, ce n'est aucunement illicite,
immoral ni scandaleux. A l'interrogatoire préala-
ble, il témoigna avoir perdu au jeu de 1960 la
date dudit interrogatoire (en mars 1974), entre
$25,000 et $50,000. En même temps, il essaya de
démontrer qu'il avait gagné environ $27,000 en
1964 ce qui expliquait plusieurs dépôts en espèces
faits cette année-là, y compris le plus important
d'environ $15,000 en monnaie américaine le 12
février. Dans ses états de l'avoir net, le défendeur
J'ai déjà assez longuement commenté la question de la
charge de la preuve (voir la note 4). Si l'on tient compte des
plaidoiries initiales en l'espèce et de ce que la demanderesse a
tenté de démontrer, les dépôts bancaires proviendraient de
graves infractions criminelles. Si les mêmes allégations à l'en-
contre du défendeur avaient été faites au criminel (comme cela
aurait pu être le cas), il aurait fallu respecter le principe bien
connu de la charge de la preuve au-delà de tout doute raisonna-
ble, ainsi que la présomption d'innocence. Sa Majesté aurait
alors été le ministère public (demanderesse). Le défendeur,
toujours dans l'hypothèque de poursuites au criminel, n'aurait
pas été tenu (à toutes fins pratiques) de se présenter à la barre
des témoins (comme il était tenu de le faire au civil) ni n'aurait
été obligé de peut-être s'incriminer lui-même lors des interroga-
toires faits sous serment pendant l'instruction. En l'espèce, le
défendeur a subi l'interrogatoire préalable. (Je n'ai pris con-
naissance que des questions qui lui ont été posées lors du
procès).
Je ne néglige pas la situation pratique réelle dans la plupart
des affaires fiscales. Habituellement, tous les faits sont connus
du contribuable. Parfois en établissant la cotisation, le fisc n'a
pas connaissance de tous ces faits ni ne sait comment les
obtenir. Il est donc compréhensible que l'on s'appuie sur des
présomptions, dans les plaidoiries, en particulier lorsque Sa
Majesté est défenderesse. Je ne suis pas convaincu cependant
de ce que la prétendue «charge de la preuve incombant au
contribuable» soit une règle rigide, ne souffrant aucune excep
tion. J'estime pour ma part qu'il ne devrait pas y avoir de règle
absolue dans les affaires où Sa Majesté est demanderesse. Il
convient d'examiner chaque litige et ses circonstances propres.
Dans l'affaire qui nous occupe, et dans des affaires analogues,
lorsque Sa Majesté la Reine, en tant que demanderesse, invo-
que de graves infractions criminelles, il incombe à l'auteur de
ces allégations de démontrer leur véracité et de présenter la
preuve principale. Il ne suffit pas à mon avis de dire que les
«affaires fiscales» sont en quelque sorte différentes des autres
affaires civiles soumises à cette Cour.
soutenait qu'il ne fallait tenir compte d'aucune
partie de ces pertes au jeu. Cependant, pour expli-
quer les dépôts effectués en 1964, il insiste sur le
fait qu'il fallait prendre en considération des pré-
tendus gains de cette année-là et les considérer
comme source dudit dépôt. Comme je l'ai déjà dit,
son témoignage sur l'ensemble de cette question
est trop vague et trop contradictoire pour être
retenu. Ces commentaires s'appliquent aussi aux
autres explications selon lesquelles lesdits fonds
pouvaient être le solde des sommes utilisées à
l'occasion de voyages aux États-Unis pour ses
dépenses personnelles ou ses dépenses de jeu, ou
aussi des sommes versées par d'autres personnes
(remboursement de prêts).
Je dois cependant faire preuve d'une certaine
indulgence à l'égard du contribuable et faire cer-
taines critiques au Ministre en ce qui concerne
trois des dépôts de 1967: $500 (chèque), $100
(espèces) et $200 (espèces) respectivement. Ces
sommes sont presque négligeables si on les com
pare avec d'autres montants que l'enquête sur les
affaires du contribuable pendant les années en
question a révélés et permis d'examiner. Je soup-
çonne le percepteur, ainsi que le répartiteur parti-
culier, ou même l'enquêteur dans cette affaire,
d'avoir certainement autant de difficultés (trois,
quatre ou cinq années plus tard) à essayer d'expli-
quer à cette bureaucratie ombrageuse l'origine
d'un dépôt de $100.
Je me propose d'examiner maintenant cette
affaire du point de vue des états de l'avoir net.
Soulignons en commençant qu'on doit les accepter
avec circonspection. Le Ministre fonde essentielle-
ment les montants que conteste le défendeur sur
les souvenirs de ce dernier (nombre d'années plus
tard) à l'égard de son avoir net au ler janvier 1964
et des changements qui se sont produits jusqu'au
31 décembre 1967 inclus. D'après l'état de l'avoir
net soumis par le Ministre (pièce 5), le montant
total des fonds de source inconnue s'élevait
(comme je l'ai déjà mentionné) à environ $84,000.
Au cours des plaidoiries, l'on admit que le rem-
boursement de l'hypothèque sur un navire, le
North Coaster N° 1, aurait probablement dû être
inclus. Je suis enclin en outre à accepter le témoi-
gnage du défendeur selon lequel, à compter du ler
janvier 1964, il détenait des actions de MacLeod-
Cockshutt, d'une valeur de $1,000. Le montant au
crédit du défendeur dans un compte bancaire de
San Francisco, le 31 décembre 1967, est contesté.
La différence entre les chiffres donnés par les
parties est de $9,000. Le ministère utilisa des
renseignements obtenus indirectement d'une
banque canadienne. Ils indiquaient que le solde au
compte du défendeur était d'environ $15,000, ce
qui s'avéra faux. Cette erreur montre toute la
prudence dont il faut faire preuve autant d'utiliser
les états de l'avoir net fondés sur des souvenirs qui
ont leurs faiblesses ou sur la preuve indirecte, ou
avant de leur accorder une certaine importance.
Cependant, au procès il est apparu que pendant les
années en cause, d'importantes sommes avaient été
déposées au compte de San Francisco, se chiffrant
au total à environ $9,000. Le Ministre peut dire
que même si le chiffre de $15,000, pour le solde du
compte en banque, était une erreur, il s'est avéré
par la suite qu'environ $9,000 supplémentaires de
source inconnue avaient fait l'objet de dépôts.
L'explication du défendeur à l'égard de ces dépôts
est similaire aux explications que j'ai déjà décla-
rées inacceptables.
Le Ministre inclut dans son calcul de l'avoir net,
deux chèques tirés par le défendeur, pour un mon-
tant total de $9,500, de source inconnue. Foster les
a exclus. Je ne vois pas comment donner raison à
l'un ou à l'autre.
Le Ministre, en essayant de retracer l'origine et
l'affectation des fonds, a inclus dans ses calculs les
pertes au jeu des quatre années en cause, estimées
à $25,000. Ce chiffre est fondé sur l'interrogatoire
préalable dont j'ai déjà parlé. Foster élimine tout
montant correspondant aux pertes au jeu puisque
le défendeur, selon ses propres dires, avait dans
l'ensemble subi des pertes. Il prétend qu'il n'existe
aucun motif raisonnable d'attribuer aux années en
cause la moitié des pertes calculées selon les esti
mations les plus fortes. Pour ma part, j'estime que
les calculs du ministère sont arbitraires, comme le
serait d'ailleurs l'exclusion de toute perte par le
défendeur. Les deux états de l'avoir net sont donc
suspects.
Le défendeur témoigna avoir reçu environ
$9,000, à titre de remboursement versé par un
certain James. McKay avait prêté des fonds à une
compagnie du nom de Maui Holdings Ltd. Il avait
aussi garanti un prêt bancaire. La compagnie
ayant manqué à ses engagements sur ces opéra-
tions de prêt, c'est James qui fut tenu de rembour-
ser ces fonds à McKay. Le défendeur témoigna
que James lui avait versé $9,000 en «petites
sommes», et toujours en espèces. Le témoignage du
défendeur n'indique pas très clairement les dates
de remboursement de ces fonds. Il suggère appa-
remment que la plupart de ces fonds lui furent
remboursés entre 1964 et 1967. Il affirme avoir
donné des reçus à James. Ce dernier fut appelé à
témoigner au nom du défendeur. Ses souvenirs des
faits ne m'inspirent pas confiance. Il estima avoir
remboursé personnellement de $5,000 à $10,000
et, selon son secrétaire, en 1964 ou en 1965. Il ne
produisit pas de reçus ni ne proposa de le faire. Je
ne peux accorder une valeur suffisante au témoi-
gnage de James ni à celui du défendeur à l'égard
de cette opération, pour conclure que selon toutes
probabilités le défendeur reçut $9,000 pendant la
période en cause à titre de remboursement.
La dernière opération invoquée par le défendeur
comme source importante de fonds en espèces se
rapporte à la prétendue vente de certaines actions
d'une compagnie privée, la Fire Valley Land and
Cattle Co. Ltd. (Fire Valley). L'actionnaire princi
pal à l'époque était Lloyd Jordan. Il témoigna
aussi au nom du défendeur. Comme le défendeur
et le témoin James, il ne possède ni registre ni
document pouvant servir d'éléments de preuve. La
preuve soumise est suffisante à mon avis pour me
convaincre que le défendeur a effectivement prêté
la somme de $50,000 à Fire Valley et également la
somme de $50,000 à une autre compagnie dans
laquelle Jordan avait une participation. Il semble
qu'à une certaine époque, le prêt de $50,000 à Fire
Valley (à l'origine garantie par une hypothèque) se
soit transformé en un prêt personnel à Jordan.
Comme garantie, Jordan donna à McKay des
certificats d'actions (no 3 à 6 inclusivement),
représentant toutes les actions de la compagnie,
émises et en circulation. Il fut convenu que si
Jordan ne s'acquittait pas des paiements, McKay
pourrait vendre les actions (Pièce 3) après l'avoir
signifié à Jordan. Les défendeurs et Jordan témoi-
gnèrent que le remboursement n'eut pas lieu.
McKay déclara avoir vendu les actions à un cer
tain Cloutier pour $40,000 en espèces, dont
$10,000 lui furent versés en monnaie américaine.
Le défendeur invoque cette somme importante en
espèces comme explication de certains fonds d'ori-
gine inconnue. Je voudrais faire remarquer que le
seul montant en cause (dépôts) pour l'année 1967
se chiffre à la somme relativement modeste de
$2,700. Si les cotisations en cause se fondaient
seulement sur les comparaisons de l'avoir net de
1963 1967, on pourrait sans doute soutenir que
ce montant de $40,000, s'il fut effectivement reçu,
pourrait être réparti sur les quatre années. Les
cotisations en cause portent cependant sur des
dépôts donnés, effectués au cours desdites années.
Je ne vois donc pas comment une prétendue ren-
trée de $40,000 en 1967 pourrait expliquer des
dépôts bancaires remontant à 1964.
De toute façon, j'estime que la preuve soumise
par le défendeur à l'égard de cette opération parti-
culière ne répond pas aux exigences de la charge
de la preuve au civil, c'est-à-dire, qu'elle n'établit
pas une prépondérance des probabilités. Le contri-
buable lui-même ne conserva aucun document
relatif à ces questions. Les registres de la Banque
de Commerce—Canadienne Impériale (Pièce 9)
indiquent que les actions de la Fire Valley avaient
été déposées au coffre-fort de la banque en 1966 et
que le défendeur ne les avaient pas reprises avant
août 1968. Dans sa déposition principale le défen-
deur indiquait que Cloutier les avait achetées en
1967. Il est bien évident que je dois conclure, à
partir de ce témoignage, que les actions avaient été
remises à Cloutier au moment du paiement des
$40,000. Mis en présence de la pièce 4, lors du
contre-interrogatoire, le défendeur a habilement
changé le sujet. Il fit semblant de se rappeler
certains problèmes que présentait à l'époque le
transfert des actions au nom de Cloutier; en fait, il
ne les remit pas immédiatement à Cloutier mais
seulement lorsque ce dernier le menaça de poursui-
tes judiciaires.
Le défendeur témoigna aussi avoir remis à Clou-
tier, à sa demande, un reçu pour les $50,000 alors
qu'en fait il avait seulement payé $40,000. On a
apparemment présumé au procès que le Cloutier
en cause était un certain Joseph Orner Cloutier,
décédé le 13 décembre 1970. Le fils du défunt
témoigna. C'est un témoin fiable dont j'accepte la
déposition. Son père avait été comptable pendant
plusieurs années. Il avait pris sa retraite en 1965,
tout en gardant certaines participations dans des
compagnies minières. Le fils, à la mort de son
père, examina toutes les affaires de son père. Il ne
trouva ni document ni registre se rapportant à
Jordan, au défendeur, ni à la Fire Valley. Son père
ne lui avait jamais parlé d'une telle opération.
Normalement, son père discutait avec lui de toute
affaire de ce genre. Cloutier fils, affirma que son
père était méticuleux lorsqu'il s'agissait d'écritu-
res. Je ne suis pas convaincu que feu Cloutier était
nécessairement le prétendu acheteur des actions de
la Fire Valley. Il s'agissait en fait d'une autre
personne portant le même nom, il me semble que
le défendeur aurait dû appeler cette personne à
témoigner pour corroborer ses déclarations ainsi
que celles de Jordan, ou aurait dû expliquer pour
quelle raison il ne pouvait citer le vrai acheteur. De
toute façon, l'ensemble de l'opération décrite par le
défendeur, Jordan et un autre témoin, Bettin (dont
aucun ne me fit trop bonne impression en ce qui
concerne cette question particulière) est tellement
vague que je ne peux l'admettre comme établis-
sant, selon toutes probabilités, qu'en 1967 le défen-
deur avait reçu $40,000 en espèces.
Voilà qui conclut mes commentaires sur les
allégations du défendeur en ce qui concerne les
états de l'avoir net. A mon avis, la preuve et les
arguments avancés ne réfutent ni ne renversent les
présomptions (selon lesquelles les dépôts corres-
pondaient à un revenu), ni ne démontrent que les
cotisations sont erronées.
Il reste à établir la validité des pénalités impo
sées par le Ministre en conformité du paragraphe
56(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu et de
l'article 19 de la Loi applicable en Colombie-Bri-
tannique. Le Ministre prétend que le défendeur,
sciemment ou dans des circonstances équivalant à
la faute lourde, a fait des déclarations ou omis des
renseignements ce qui l'a mis dans la situation
fiscale envisagée par ledit paragraphe. Si j'en
reviens aux plaidoiries, le Ministre affirme que le
défendeur a sciemment omis de déclarer comme
revenus, les dépôts en cause ou a commis une faute
lourde en négligeant de le faire. S'il incombe au
défendeur de réfuter cette allégation, je dois con-
clure qu'il l'a fait. S'il incombe au Ministre de
prouver le bien fondé de cette prétention, je dois
conclure qu'il ne l'a pas fait. Dans cette affaire, en
somme, je conclus que le défendeur ne s'est pas
acquitté de la charge générale de la preuve que les
cotisations étaient erronées (dans la mesure où
elles ajoutaient les dépôts bancaires au revenu).
Cela ne signifie ni n'implique que lesdites déclara-
tions ou omissions pour les années en cause ont été
faites de propos délibéré ou résultent d'une faute
quelconque du défendeur.
En bref, l'appel du défendeur en ce qui concerne
l'année d'imposition 1964 est partiellement
accueilli. La nouvelle cotisation, en date dû 18 mai
1971, est renvoyée au Ministre pour qu'il déduise
du revenu de cette même année la somme de
$12,319.37. Les pénalités pour chacune des trois
années en cause sont annulées. Les nouvelles coti-
sations, toutes datées du 18 mai 1971, sont ren-
voyées au Ministre accompagnées de ces instruc
tions, y compris celle d'établir une nouvelle
cotisation relative aux intérêts. Pour le reste, les
appels sont rejetés. Puisque la demanderesse a
obtenu gain de cause sur les questions essentielles,
le défendeur paiera tous ses dépens.
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