T-3664-73
Mme G. Simons (Demanderesse)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge suppléant
Lacroix—Montréal, les 11 juin et 24 août 1974.
Services postaux—Envoi d'épreuves en sérigraphie—Colis
assuré—Conteneur très endommagé à l'arrivée—Faute lour-
de—La clause d'exonération prévue dans la Loi ne s'appli-
que pas—Loi sur les postes, S.R.C. 1970, c. P-14, art. 42—
Règlement sur les droits postaux de services 'spéciaux, Partie
VIII, art. 22(5)b).
La demanderesse envoya par la poste un colis contenant
quatre épreuves numérotées en sérigraphie et l'assura pour
un montant de $200. A sa réception le colis était «déchiré et
enfoncé à l'extérieur—très endommagé». La Couronne
défenderesse invoqua la clause d'exonération contenue à
l'article 42 de la Loi sur les postes et les dispositions
réglementaires relatives aux objets fragiles.
Arrêt: dans le cas d'objets fragiles endommagés au cours
d'une manutention normale et d'un transport adéquat, il y
aurait lieu d'appliquer la clause d'exonération, mais, en
l'espèce, les dommages ne sont aucunement liés à la fragilité
des articles envoyés par la demanderesse. Ils résultent de la
manipulation du colis, lors de son transport, par les
employés des postes. Vu la preuve, une faute lourde (gross
negligence) a été commise lors de la manutention, ce qui
rend inapplicables les clauses d'exonération prévues dans la
législation. La demanderesse a donc droit au paiement de
$200.
Arrêts examinés: Glengoil S.S. Co. c. Pilkington (1897)
28 R.C.S. 146; La Reine c. Grenier (1899) 30 R.C.S. 42;
Canadian Northern Ry. Co. c. Argenteuil Lumber Co.
(1918) 28 B.R. (Qué.); Copping c. Le Roi [1949] Rev.
Leg. 61 (Cour de l'Échiquier, le juge Angers); Lavoie c.
Lesage (1939) 77 C.S. (Qué.) 150: Vachon c. McColl
Frontenac Oil Company Limited, C.S. (Qué.) 71-975, le
28 juin 1955; confirmé [1956] B.R. (Qué.) 814.
ACTION.
AVOCATS:
La demanderesse pour elle-même.
Yvon Brisson pour la défenderesse.
PROCUREURS:
La demanderesse, Pointe Claire (Québec).
Le sous-procureur général du Canada pour
la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés par
LE JUGE SUPPLÉANT LACROIX: Par voie de
déclaration, en date du 28 août 1973 et déposée
le 10 septembre 1973, la demanderesse affirme
avoir expédié un colis contenant quatre (4)
épreuves numérotées en sérigraphie à l'univer-
sité Carleton (Ottawa) et avoir assuré ce colis
pour le montant de $200.
La demanderesse prétend que ledit colis était
endommagé lorsqu'il arriva à destination, en
raison du défaut de diligence des employés des
postes et que par suite de leur négligence, elle a
subi des dommages se chiffrant à $200, dont
elle réclame le remboursement par la
défenderesse.
Dans sa défense modifiée du 11 janvier 1974,
la défenderesse invoqua les dispositions de l'ar-
ticle 42 de la Loi sur les postes, S.R.C. 1970, c.
P-14, qui dispose que «Sa Majesté ...n'est
[pas] responsable envers qui que ce soit, à
l'égard d'une réclamation découlant de la perte,
du retard ou du traitement défectueux de tout
objet déposé à un bureau de poste ...». En
outre, la défenderesse invoque le bénéfice des
dispositions du paragraphe (7) de l'article 7 de la
politique générale des Postes ou Règlement
numéro 413-3-12, portant sur le cas des objets
fragiles, catégorie dans laquelle, selon la défen-
deresse, entrent les objets postés par la deman-
deresse. La défenderesse nie toute responsabi-
lité en se fondant aussi sur le Règlement sur les
droits postaux de services spéciaux (partie VIII,
article 22(5)(b) et suivants).
La demanderesse, Mme G. Simons, n'était pas
représentée par un avocat et lorsqu'elle expli-
qua, en son propre nom, quels étaient les faits,
la Cour exigea qu'elle prête serment comme
témoin sur les faits.
Elle affirma avoir déjà souvent envoyé à dif-
férentes expositions (apparemment au Canada
et ailleurs), des objets de même nature qu'elle
avait placés dans des emballages absolument
semblables; voici leur description à la page 6 de
son témoignage.
[TRADUCTION] J'ai emballé les épreuves, c'est-à-dire les
quatre (4) épreuves en sérigraphie, que je tire en séries de
quatre (4) à vingt (20) et qui sont exposées dans des galeries,
partout au Canada; voilà les quatre (4) épreuves que j'ai
placées dans ce carton; je les ai mises dans le papier gaufré
que voici, ce papier gaufré jaune, en plaçant une feuille de
papier blanc entre chaque épreuve; je les ai ensuite placées
ensemble dans cela, puis placé le tout dans ceci, que j'ai
fermé avec un ruban gommé et emballé dans ce papier
fabriqué par la Domtar pour l'emballage de leurs cartons;
c'est très, très, c'est fait pour ça ...
Puis à la page 15 de son témoignage, la
demanderesse décrivit les caractéristiques de
l'emballage et sa solidité:
[TRADUCTION] LA COUR:
Q. Est-ce-là les épreuves originales qui ont été envoyées?
R. Oh oui, ce sont celles-là—si vous voulez les prendre
maintenant, les piétiner et les frapper avec un marteau,
vous verrez que le paquet est très solide, c'est aussi
dur qu'un roc ... C'est certainement quelque chose
d'énorme qui est tombé dessus, il est impossible qu'el-
les se soient cassées comme ça, j'en ai envoyé des
douzaines qui n'ont jamais été cassées—à quoi cela
peut-il être dû si ce n'est à la chute de quelque chose
de très tranchant et de très lourd? Quelque chose a dû
tomber et provoquer un choc terrible.
Le colis fut produit en Cour, mais ne fut pas
déposé au dossier, car l'avocat de la défende-
resse admit que les épreuves avaient été
endommagées.
Après avoir préparé ces épreuves de la
manière décrite, elle les déposa au bureau de
poste et les assura pour une somme de $200.
Une copie du reçu donné à la demanderesse par
le bureau de poste a été déposée comme pièce
D-1. Ce reçu, qui constitue un des éléments de
la défense, stipule que «les objets fragiles ou
périssables ne sont pas assurés contre l'avarie».
Le 8 mai 1974, Mme Simons (page 8 de son
témoignage) déclara, sans opposition ni contra
diction de la part de la défense, que le texte de
la déclaration de l'université Carleton aux auto-
rités du bureau de poste sur la formule qui leur
avait été envoyée, aux fins de l'enquête dans
l'affaire présente, affirmait que:
[TRADUCTION] Q. A sa réception, était-il visiblement
endommagé?—si oui, de quelle manière?
Réponse écrite:
R. Déchiré et enfoncé à l'extérieur—très endommagé.
Lorsque l'affaire fut entendue à Montréal, la
Cour déclara que, si des éléments de preuve
supplémentaires s'avéraient nécessaires, elle
ordonnerait la réouverture de l'enquête, ce
qu'elle fit après la lecture de la transcription des
notes et de la preuve. La réouverture avait
essentiellement pour but d'examiner de nouveau
et plus en détail l'état du colis ou conteneur
dans lequel les épreuves avaient été envoyées à
Ottawa.
La réouverture de l'enquête eut lieu à Mont-
réal le 10 juin 1974, après signification d'un avis
aux parties intéressées et après avoir demandé à
Mme Simons d'apporter à la Cour le conteneur
qu'elle décrivait dans son témoignage, ce qu'elle
avait fait lors de la première audience. Cet
emballage n'avait malheureusement pas été
déposé comme pièce.
A l'audience tenue le jour de la réouverture
de l'enquête, lorsqu'on lui demanda de produire
le conteneur dans lequel elle avait envoyé les
épreuves à Ottawa, Mme Simons découvrit qu'on
les lui avait renvoyées dans un colis de rempla-
cement, de sorte que la Cour n'eût pas l'occa-
sion de voir et d'examiner le conteneur initial
qui avait été décrit comme «déchiré et enfoncé
et très endommagé».
Compte tenu des pages 3 et 4 du témoignage
donné le 10 juin par Mme Simons, il est évident
que, le 8 mai, lorsqu'elle produisit un conteneur,
Mme Simons pensait qu'il s'agissait de l'embal-
lage initial dans lequel elle avait envoyé les
épreuves qui lui furent renvoyées par l'univer-
sité Carleton; ce n'était malheureusement pas le
cas. La preuve soumise à la Cour sur le conte-
neur initial consiste seulement dans le témoi-
gnage donné le 8 mai par Mme Simons, témoi-
gnage que nous avons déjà mentionné; le 10
juin, Mme Simons voulut déposer comme pièce
P-3, une photocopie de la formule que le bureau
de poste avait envoyée à l'université Carleton
aux fins de l'enquête.
On s'opposa au dépôt de cette pièce au motif
qu'il ne s'agissait que d'un ouï-dire; elle ne fut
donc acceptée que sous réserve. Le document
produit par la défenderesse elle-même avait été
signé par Fraser, chef de services administratifs
à l'université Carleton; l'avocat de la défende-
resse était prêt à accepter qu'un questionnaire
soit envoyé à Fraser aux fins de vérification de
ses déclarations, acceptant en même temps que
ses réponses soient déposées au dossier comme
témoignage, au même titre que si ce témoignage
avait été fait devant la Cour.
En premier lieu, la Cour pense que l'objection
soulevée n'est pas fondée, car la preuve sou-
mise n'émane pas de la demanderesse, mais en
réalité de la défenderesse elle-même, qui appa-
remment donna à Mme Simons une copie du
rapport officiel de l'enquête effectuée à l'uni-
versité Carleton. Puisque la preuve provient de
la défenderesse elle-même, elle ne peut être
qualifiée d'ouï-dire; il s'agit seulement de la
production de renseignements donnés à la
demanderesse par la défenderesse.
La Cour autorise donc la production et le
dépôt de cette pièce P-3 ainsi que, le procureur
de la demanderesse y ayant consenti, de la lettre
de Fraser envoyée à Brisson le 23 août 1974.
Cette preuve confirme clairement qu'en premier
lieu, le conteneur était assez solide pour un tel
transport, et que les épreuves auraient dû arri-
ver sans dommage, et en outre qu'à son arrivée
à destination l'extérieur du conteneur était
«déchiré et enfoncé—très endommagé».
Lors de l'audience, la Cour fit quelques
remarques sur le fond de l'affaire qui, au pre
mier abord, semblait porter sur la question de la
fragilité des objets postés. Ces observations
orales ne sont pas complètes, car le litige ne se
limite pas seulement à là fragilité des objets
postés; il porte aussi sur l'interprétation de la
clause d'exonération inscrite sur le reçu d'assu-
rance produit comme pièce D-1, ainsi que sur
l'interprétation des dispositions de l'article 42
de la Loi sur les postes et de la Politique géné-
rale des postes, puisqu'il faut déterminer si ces
dispositions s'appliquent à une affaire de ce
genre.
En invoquant l'application du droit, la défense
prétend que les objets envoyés à Ottawa étaient
fragiles et qu'en conséquence, le bureau de
poste n'était aucunement tenu de payer des
dommages-intérêts.
A notre avis, la question fondamentale con-
siste à déterminer si les dommages résultent de
la fragilité des objets envoyés par la demande-
resse ou résultent d'une intervention extérieure
lors de la manutention de ce conteneur ou colis
par les employés du bureau de poste?
Indubitablement, dans le cas d'objets fragiles
ou d'articles périssables qui se sont détériorés
ou ont subi des dommages au cours d'une manu-
tention normale et d'un transport adéquat, la
clause d'exonération s'appliquerait puisque la
cause apparente des dommages serait alors la
nature ou fragilité des objets ou articles en
cause et n'impliquerait donc pas la responsabi-
lité du bureau de poste.
Le même raisonnement s'applique donc en
droit lorsqu'il apparaît clairement que les dom-
mages résultent d'une manutention inadéquate
du colis ou conteneur et qu'il n'y aurait eu
aucun dommage sans cette manutention inadé-
quate. En d'autres termes, pour appliquer un
principe de droit qui est maintenant générale-
ment accepté, une clause d'exonération de res-
ponsabilité dans un contrat ou dans la législation
est-elle applicable en cas de faute lourde ( gross
negligence)?
Vu les faits et la preuve non contestée, en
particulier la preuve qui fut l'objet d'une vérifi-
cation lors de la réouverture de l'enquête, la
Cour doit conclure que les dommages ne sem-
blent aucunement liés à la nature ou à la fragilité
des objets ou articles envoyés par Mme Simons,
savoir les quatre (4) épreuves en sérigraphie
envoyées à l'université Carleton, et que les
dommages résultent de la manipulation du colis
ou conteneur par les employés du bureau de
poste lors du transport. Cette manutention, vu la
preuve, ne peut être décrite que comme une
faute lourde (ou gross negligence), si nous nous
rapportons à la description du conteneur lors de
sa réception à l'université Carleton: «déchiré et
enfoncé à l'extérieur—très endommagé» (P-3).
La doctrine et la jurisprudence en matière de
faute lourde (ou gross negligence) sont bien éta-
blies, et je cite maintenant certains extraits tirés
de décisions s'y rapportant.
Ces extraits sont tirés de jugements qui, à
mon humble avis, reprennent les principes fon-
' Voir Vachon c. McColl Frontenac Oil Company Ltd.
C.S. (Que.) 71-975, le 28 juin 1955.
damentaux les plus importants applicables à des
affaires de ce genre lorsqu'il s'agit d'établir une
distinction entre une clause d'exonération de
responsabilité dans un contrat et les cas de
fautes lourdes (gross negligence); voici ces
extraits:
(J'ai cité le texte français original et me suis aventuré par la
suite à en faire une traduction libre, parce que la demande-
resse est anglophone).
Perrault, dans son ouvrage «Des stipulations de non-respon-
sabilité», paragraphes 175 et 176, commente les décisions
des tribunaux sur cette question et met en lumière, particu-
lièrement au paragraphe 176, cette distinction qui doit se
faire dans l'application d'une telle clause en fonction d'une
faute légère ou involontaire d'une part et, en fonction d'une
faute lourde ou d'une négligence grossière, d'autre part:
176.—Avant la décision de Glengoil SS. Co. v. Pilkington,
notre Cour d'appel avait toujours déclaré nulles les clau
ses de non-responsabilité. Faut-il suivre encore de nos
jours cette jurisprudence? L'hon. juge McDougall, en
1936, dans la cause citée plus haut (74 C.S., p. 451, à la
page 455) semble être d'avis que l'on ne peut pas s'exoné-
rer de sa responsabilité délictuelle due à son fait person
nel. Cette théorie doit-elle être admise?
Je crois que l'on peut s'autoriser des principes posés par
la Cour suprême dans Glengoil SS. Co., Regina v. Grenier
par la Cour d'appel dans Canadian Northern Ry. Co. v.
Argenteuil Lumber Co. pour ne plus suivre l'ancienne
jurisprudence de la Cour d'appel, celle d'avant 1898.
Lorsque la responsabilité délictuelle d'une personne est
encourue par un quasi-délit, qui ne constitue ni une faute
lourde, ni une négligence grossière, nous croyons qu'elle
peut être repoussée par une clause de non-responsabilité,
sans qu'il faille distinguer s'il s'agit d'une faute du débi-
teur ou de son employé.
Il n'y a rien de contraire à l'ordre public dans le fait de se
prémunir contre une distraction possible, ou un manque
d'habileté.
Nous ne voyons rien de contraire à l'ordre public dans
cette solution, théorique il est vrai, du problème. Il nous
semble que les conventions d'irresponsabilité délictuelle,
quand il s'agit du fait personnel, devraient être tenues
pour valides en autant qu'il s'agit de fautes involontaires
et légères.
L'appréciation du degré de la faute variera suivant les
circonstances. Ce sera au tribunal à décider si la faute
involontaire, personnelle, est assez légère pour qu'on
puisse s'en exonérer par une convention.
Le respect de la convention des parties ne peut pas s'éten-
dre cependant jusqu'à l'octroi d'une protection qui couvri-
rait un acte absolument délictuel et ayant le caractère d'une
négligence grossière ou d'une faute lourde. Donner une telle
protection serait presque reconnaître le droit au délit et
prendrait, dans bien des cas, couleur d'une action contraire à
l'ordre public.
L'honorable Juge Angers qui a fait une étude complète de ce
problème dans la cause de Copping v. Sa Majesté le Roi,
(1949, Revue Légale, p. 61) réfère aux cours élémentaires
de Droit Civil Français de Colin et Capitant, où ces derniers
posent la question. «Est-il permis au contractant de stipuler
qu'il ne sera pas responsable de l'inexécution de son obliga
tion dans le cas où cette inexécution proviendrait d'une
cause qui lui est imputable?»
Le Juge Angers note, qu'après avoir indiqué qu'il ne faut pas
confondre cette question avec celle de l'assurance contre les
fautes que l'on peut commettre. L'auteur ajoute: «Cette
observation faite, revenons donc à cette question. Tout
d'abord, il est bien évident qu'un débiteur ne peut pas à
l'avance s'exonérer des conséquences d'une inexécution qui
proviendrait de sa mauvaise volonté, ou de son dol.»
Ce principe, s'il était accepté, équivaudrait à permettre à
quelqu'un en matière contractuelle de s'engager à faire
quelque chose et de stipuler en même temps qu'il ne serait
pas responsable s'il ne le fait pas volontairement. Pas plus
en matière contractuelle qu'en matière délictuelle, les Tribu-
naux ont-ils le droit de sanctionner de telles ententes ou de
telles stipulations?
C'est pourquoi la grande majorité des arrêts sur ce point
nous fait voir que les tribunaux reconnaissent la validité
d'une clause d'exonération lorsqu'il s'agit d'un quasi-délit,
car dans un tel cas il peut y avoir négligence, erreur ou
distraction, mais il n'y a pas d'intention de nuire alors
qu'une telle intention est un élément essentiel du délit.
C'est pourquoi les tribunaux ne reconnaissent pas la validité
d'une clause d'exonération dans les cas de la commission
d'un délit, car comme le dit Perrault (No. 170 Ouvrage cité,
page 155). «Ce serait en somme permettre à quelqu'un de
convenir qu'il fera intentionnellement un acte défendu par la
loi, sans encourir de responsabilité envers celui qui souffrira
du délit.»
Sans élaborer davantage, nous nous appuyons particulière-
ment pour faire cette affirmation sur Lalou, (Traité pratique
de la responsabilité civile, 1949, 4° Édition, pages 301 et
suivantes), l'on voit que l'on n'admet pas l'équipollence de la
faute lourde au dol. [Même texte 6° Édition 1962, n°' 518 et
suivants]. Les auteurs enseignent, en effet, qu'il peut y avoir
faute lourde sans mauvaise intention de son auteur.
Le Juge Pratte dans la cause de Lavoie v. Lesage (77 C.S.Q.
p. 150), avait déjà analysé la portée juridique d'une telle
clause d'exonération et faisait remarquer que «même si la
clause d'exonération précitée pouvait libérer le débiteur de
certaine responsabilité quasi-délictuelle elle serait sans effet
sur la responsabilité découlant de sa faute lourde ...».
Lalou dans son ouvrage déjà cité plus haut, à la page 280,
réfère à Pothier qui voyait une faute lourde «dans le fait de
ne pas apporter aux affaires d'autrui le soin que les person-
nes les moins soigneuses et les plus stupides ne manquent
pas d'apporter à leurs affaires.»
Ces principes, comme je l'ai déjà indiqué plus
haut, one été appliqués dans diverses affaires et
particulièrement dans un jugement prononcé par
le soussigné (C.S. Québec, n° du greffe 71-975,
le 28 juin 1955, Vachon c. McColl Frontenac
Oil Company Limited. Ce jugement fut con
firmé en Cour d'appel [1956] B.R. p. 814).
POUR TOUS CES MOTIFS, la Cour conclut que
la demanderesse a droit au montant des domma-
ges-intérêts réclamés;
La Cour estime utile d'indiquer que la cause a
été mise en état le 24 août seulement lorsque les
derniers documents furent déposés au dossier;
EN CONSÉQUENCE, la Cour accueille l'action
intentée par la demanderesse et CONDAMNE la
défenderesse à lui verser la somme de $200
sans les dépens, la demanderesse n'étant pas un
membre du Barreau, mais avec les frais de
justice effectivement engagés aux fins de la
présente affaire tels que taxés par le registraire.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.