T-724-74
Gilles Thibault (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Walsh—
Ottawa, le 9 septembre et le 17 octobre 1975.
Impôt sur le revenu—Calcul du revenu—Impôt sur un
montant servant à payer l'impôt—Peut-on établir une cotisa-
tion à l'impôt sur des montants qu'un contribuable est en droit
de réclamer en vertu d'un contrat, mais qu'il est dans l'impos-
sibilité de percevoir—L'entente sur le remboursement au con-
tribuable de tout impôt n'entre-t-il en jeu que lorsque la
cotisation a été établie—Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le
revenu, S.C. 1952-1953, c. 40, art. 43.
Le demandeur a vendu des actions dont le prix d'achat était
payé par versements mensuels. Des paiements mensuels furent
versés en 1968 et 1969 et, bien que le contribuable ait déclaré
que les montants représentaient des versements à compte de
capital, le Ministre considéra, vu que le prix d'achat devait être
payé par versements mensuels, dont le montant était calculé
selon un système d'annuité, que l'élément intérêt de chaque
paiement était imposable à titre de revenu. On a aussi imposé
un montant supplémentaire qu'en vertu d'une entente, les ache-
teurs s'étaient engagés à verser au demandeur pour le rembour-
ser des impôts qui seraient exigibles.
Arrêt: l'appel est rejeté. Rien dans l'article 43 des S.C.
1952-1953, c. 40, n'indique qu'aucun impôt ne peut être perçu
sur les montants versés en vertu d'un contrat de remboursement
de tout impôt dû. Il s'agit d'une confirmation de l'usage actuel
qui consiste à ajouter au revenu l'impôt ainsi payé au nom du
contribuable. Le demandeur prétend que le fait qu'il avait le
droit en 1968 et 1969 de réclamer le remboursement n'ajoute
pas .ce montant à son revenu s'il n'a jamais reçu la somme
équivalente; il semble cependant qu'une partie de cette somme
lui fut effectivement versée, peut-être même sa totalité. Deuxiè-
mement, même si ledit impôt n'a été imposé qu'en 1971, et que
le demandeur ne pouvait se prévaloir du contrat qu'après
l'établissement de la nouvelle cotisation, les impôts supplémen-
taires étaient payables à l'égard des années 1968 et 1969 aux
termes du contrat de remboursement, et le droit de réclamer
ladite somme au répondant constituait un revenu supplémen-
taire pour ces années, même si le montant exact n'en fut
déterminé qu'après l'établissement de la nouvelle cotisation.
Arrêts examinés: New York Central Railroad Company c.
Le ministre du Revenu national (1952-53) 7 Tax A.B.C.
334; Commissioners of Inland Revenue c. The Granite
City Steamship Co. Ltd. (1927-28) 13 T.C. 1; Hartland c.
Diggines [1926] A.C. 289; Salter c. M.R.N. [1946]
R.C.E. 634; Commissioners of Inland Revenue c. Baillie
(1933-37) 20 T.C. 187; In re Kemp [1940] R.C.S. 353; Re
Wood [1943] C.T.C. 199; Le Roi c. Montreal Telegraph
Company [1925] R.C.E. 79; Michelham's Executors c.
Commissioners of Inland Revenue (1928-31) 15 T.C. 737;
Kliman c. Winckworth (1928-1933) 17 T.C. 569.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
S. P. Mendell pour le demandeur.
B. Schneiderman pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Phillips & Vineberg, Montréal, pour le
demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Voici la version française des motifs du juge-
ment rendus par
LE JUGE WALSH: Appel est interjeté d'une nou-
velle cotisation à l'impôt sur le revenu du deman-
deur, en date du 20 mai 1971, où sont incluses à
son revenu imposable pour les années d'imposition
1968 et 1969, les sommes de $4,804.90 et
$5,765.88 respectivement, au titre d'éléments
revenu dans certains paiements considérés comme
des annuités; en outre elle imposait un montant
supplémentaire qu'en vertu d'une entente conclue
avec le demandeur, les acheteurs des actions d'une
compagnie s'engageaient à verser pour le rembour-
ser de tout impôt sur le revenu qui serait exigible
en raison des termes mêmes dudit contrat d'achat.
Par contrat daté du 9 octobre 1968, cinq des fils de
feu Pierre Thibault vendirent les actions dans la
Pierre Thibault Canada Ltée, dont ils avaient
hérité, à la Guy Charron Limitée agissant en son
nom et au nom de la Finco Limitée pour la somme
de $610,000 comptant. Par contrat daté du 11
mars 1968, les quatre autres fils, savoir le deman-
deur Gilles, ses frères Pierre-Paul, Réjean et Guy,
vendirent les actions qu'ils avaient eux aussi hérité
de leur père aux mêmes acheteurs, pour la somme
totale de $560,000, soit $140,000 chacun. Par un
deuxième contrat daté du 11 mars 1968, la fille de
feu Pierre Thibault et sa veuve vendirent aux
mêmes acheteurs les actions qu'elles détenaient
conjointement pour $100,000 (elles ne détenaient
pas le même nombre d'actions). Les deux contrats
du 11 mars 1968 prévoyaient que le demandeur
actuel Gilles, ses frères Pierre-Paul, Réjean et
Guy, sa mère Julia Thibault et sa sœur Pierrette
Thibault Dufault recevraient le prix d'achat au
moyen d'une annuité payée par versements men-
suels, garantie pour une durée de quinze ans;
comme les frères n'étaient pas tous du même âge
et que le montant payable à la sœur et à la mère
était moins élevé, les paiements mensuels d'annuité
étaient différents; cependant, si, dans chaque cas,
les paiements d'annuité avaient été versés pendant
la période minimum de quinze années chaque
bénéficiaire aurait reçu une somme bien supérieure
au prix de vente de ses actions. Les deux femmes
demandèrent et obtinrent une rente viagère garan-
tie pour une durée de quinze ans, que la Finco
Limitée et Guy Charron Limitée achetèrent pour
elles à Provincial Life Assurance Company Lim
ited, après paiement d'une prime unique de $103,-
873. Les quatre frères en cause, qui n'avaient pas
vendu leurs actions au comptant, se contentèrent
de recevoir directement des acheteurs leurs paie-
ments mensuels d'annuité. Ces paiements mensuels
furent versés à tous les vendeurs pendant les
années d'imposition 1968 et 1969; bien que les
contribuables déclarent que les montants ainsi
reçus représentaient des versements à compte du
capital reçu pour la vente de leurs actions, le
Ministre considéra, compte tenu du fait que le prix
d'achat devait être payé par versements mensuels,
dont le montant était calculé selon un système
d'annuité, que l'élément intérêt de chaque paie-
ment était imposable à titre de revenu; la nouvelle
cotisation résulte des calculs effectués en consé-
quence. L'appel interjeté de ces nouvelles cotisa-
tions fut rejeté par la Commission de révision de
l'impôt. Les contribuables introduisirent alors le
présent appel devant la Cour.
Au début des audiences, il fut convenu que la
décision dans la présente affaire s'appliquerait aux
cinq autres appels. L'avocat du demandeur déclara
que ce dernier ne contestait plus en appel la cotisa-
tion portant sur l'élément intérêt des paiements
effectués selon le système des annuités, mais atta-
quait seulement la cotisation relative au montant
devant servir à payer l'impôt, en vertu du troisième
contrat.
Ce contrat lui aussi daté du 11 mars 1968 se lit
comme suit:
Guy Charron Limitée, Finco Limitée et Guy Charron person-
nellement s'engagent conjointement et solidairement vis-à-vis
Messieurs Pierre Paul Thibault, Gilles Thibault, Réjean Thi-
bault et Guy Thibault, tous de Pierreville, comté de Yamaska,
que le mode de paiement que vous avez accepté pour le
transfert de vos actions, soit une rente capital payable mensuel-
lement avec un terme garantie de quinze (15) ans, sur la base
indiquée au paragraphe 2 de la convention signée le 11 mars
1968, ne sera jamais imposable en vertu des lois de l'impôt sur
le revenu. Au cas contraire, nous nous engageons à vous
indemniser. Nous nous portons fort de la présente. Le présent
engagement vaut quant à la rente payable à mesdames Thi-
bault et Dufault.
Malheureusement pour les quatre frères en cause
dans ces appels, ceux qui n'ont pas vendu les
actions au comptant ni demandé aux acheteurs de
leur procurer des annuités auprès d'une compagnie
d'assurance, comme le firent Julia Thibault et
Pierrette Thibault Dufault, ces versements prirent
fin en juin 1972. La Guy Charron Limitée fit
faillite et la Finco Limitée n'avait jamais possédé
d'actif. Lorsque fut établie la cotisation ajoutant à
l'impôt payable la somme de $10,925.20, les six
Thibault payèrent, puis formèrent leurs réclama-
tions dans les procédures de faillite. En outre, tous
les demandeurs, à l'exception de Pierrette Thibault
Dufault, dont la nouvelle cotisation portait sur un
montant relativement faible, introduisirent des
procédures en 1971 devant la Cour supérieure ou
la cour provinciale, selon le cas, à Montréal, contre
Guy Charron lui-même en raison de la garantie
personnelle dont il avait assumé les paiements
d'annuité et le paiement des impôts dus le cas
échéant sur ces derniers. Dans son témoignage,
Guy Charron déclara qu'il n'était pas plus en
mesure d'effectuer lui-même les paiements que la
compagnie en faillite; il menaça de se mettre lui-
même en faillite, mais parvint à un règlement le 11
avril 1973, avec les quatre frères, Gilles, Pierre-
Paul, Réjean et Guy, ainsi que la mère, Julia
Thibault; en vertu de ce règlement, il leur versa la
somme de $17,000 pour quittance totale et défini-
tive de toutes les réclamations existantes ou futu
res à l'égard des contrats du 11 mars 1968. Les
poursuites engagées devant les tribunaux du
Québec furent abandonnées et Charron convint de
payer les honoraires d'avocats relatifs aux avis
d'opposition aux cotisations à l'impôt sur le
revenu, et convint en outre que tout montant éven-
tuellement versé aux Thibault par le ministre du
Revenu national, à la suite desdites oppositions ou
de toute autre opposition à venir, demeurerait leur
propriété pleine et entière. Puisque Gilles Thibault
devait recevoir $1,016 par mois, Pierre-Paul
$1,130, Réjean $937 et Guy $930 à vie et puisque
l'impôt en cause dans les cotisations de 1968 et
1969 se chiffrait à $10,925.20, comme nous l'avons
déjà dit, il est bien évident que le règlement ne
devait pas même couvrir deux paiements mensuels
d'annuité en plus du montant cotisé à titre d'élé-
ment revenu des paiements d'annuité de 1968 et
1969. On n'essaya même pas de déterminer quelle
part du règlement était imputable aux paiements
d'impôt et quelle part l'était aux paiements d'an-
nuité, ces preuves n'ayant été soumises que dans le
but d'établir que tous les efforts possibles avaient
été faits pour recouvrer non seulement les paie-
ments d'annuité mais aussi la nouvelle imposition
des impôts établis à l'égard de l'élément revenu
desdits paiements, et que tous ces efforts n'avaient
donné que des résultats minimes, puisqu'ils
n'avaient reçu aucun dividende, ni ne s'attendaient
à en recevoir, à la suite des réclamations contre
Guy Charron Limitée.
La Cour doit donc déterminer dans cet appel si,
en premier lieu, on peut établir une cotisation à
l'impôt sur des montants qu'un contribuable est en
droit de réclamer en vertu d'un contrat, mais qu'il
est dans l'impossibilité de percevoir, et si, en
second lieu, l'accord sur le remboursement au
contribuable de tout impôt sur le revenu résultant
des paiements d'annuité n'entre en jeu que lorsque
la cotisation a été établie—en l'espèce, en 1971—
ou si le droit de réclamer le remboursement devrait
être considéré comme applicable aux années, 1968
et 1969, parce que l'impôt était prétendument
payable à l'égard de ces années-là, bien que le
ministre du Revenu national n'ait établi aucune
nouvelle cotisation avant 1971.
La jurisprudence, sans traiter exactement du
point en cause, éclaire cependant la question. L'af-
faire la plus pertinente à cet égard est le jugement
rendu par la Commission d'appel de l'impôt, The
New York Central Railroad Company c. Le
ministre du Revenu national' qui examine soi-
gneusement la jurisprudence canadienne et britan-
nique' à l'égard de l'imposition supplémentaire
d'impôts. Le sommaire décrit les faits de la
manière suivante:
[TRADUCTION] L'appelante était locataire de biens apparte-
nant à une autre compagnie de chemins de fer; à ce titre, elle
s'occupait de la gestion de biens appartenant à deux autres
compagnies et s'obligeait donc, entre autres, à payer tous les
impôts exigibles desdites compagnies. Dans la cotisation de
l'appelante, à l'égard de l'année 1948, établie en 1950, le
montant total de tous les impôts payables au nom des deux
compagnies fut ajouté au revenu imposable des compagnies;
l'appelante fut donc amenée à payer des impôts sur des impôts.
Pour déterminer exactement l'impôt ainsi payable, il fut néces-
saire d'effectuer seize calculs pour établir le montant de l'impôt
pour chaque dollar payé par l'appelante au nom des deux
(1952-53) 7 Tax A.B.C. 334.
compagnies et considéré comme revenu imposable supplémen-
taire pour ces dernières. L'appelante soutint que cette méthode
n'était pas légitime au vu des dispositions de la Loi et qu'il
s'agissait d'une dérogation aux usages ministériels antérieurs.
Les trois méthodes de calbul sont décrites à la page
337. Dans la première, le locataire n'était pas
autorisé à déduire l'impôt payé au nom des deux
bailleresses et le montant ainsi payé n'était pas
ajouté au revenu imposable de ces dernières. Dans
la deuxième, l'impôt payé pour les deux bailleres-
ses était ajouté à leur revenu et le locataire était
seulement autorisé à déduire l'impôt initial dû et
payé, et non le nouvel impôt. Dans la troisième,
l'impôt était calculé quinze fois avant que le mon-
tant ajouté au revenu des bailleresses devienne
inférieur à un cent et l'impôt finalement déterminé
était ajouté au revenu imposable des bailleresses,
le locataire déduisant alors le montant total versé
au nom de ces dernières. La Commission en fai-
sant remarquer que la troisième méthode ne sem-
blait pas équitable, déclarait à la page 342:
[TRADUCTION] Une telle méthode ne semble pas justifiée et son
adoption à une date aussi tardive, comme s'il s'agissait d'une
réflexion après coup, semble regrettable. Il est déplorable que
la Commission ne soit pas en mesure d'intervenir. De nouvelles
dispositions législatives, si elles s'avéraient nécessaires, seraient
sans doute le seul redressement possible pour l'appelante.
Dans cette affaire furent cités deux jugements
britanniques, à la page 340, savoir Kliman c.
Winckworth ((1933) 17 T.C. 569, la p. 572) où
le juge Finlay déclarait:
[TRADUCTION] Les considérations d'équité n'ont évidemment
pas leur place dans une loi fiscale .... Il appartient bien sûr au
législateur et non aux tribunaux de tenir compte de questions
de ce genre.
Fut aussi citée une déclaration de lord Blackburn
dans l'arrêt The Commissioners of Inland Reve
nue c. The Granite City Steamship Co. Ltd.
((1927-28) 13 T.C. 1, à la p. 16): «équité et impôt
sur le revenu sont des choses bien distinctes». Il est
bien possible que ce soit à la suite de cette décision
que fut modifiée la Loi de l'impôt sur le revenu, en
1953, par S.C. 1952-53, c. 40, art. 43, qui se lit
comme suit:
43. (1) Lorsque, en vertu d'un contrat, d'un testament ou
d'une fiducie conclus, faits ou créés avant l'entrée en vigueur de
la présente Partie, une personne est tenue de faire un paiement,
et est requise, aux termes du contrat, du testament ou de la
fiducie, de payer un montant additionnel calculé en fonction de
l'impôt payable par le bénéficiaire sous le régime de la Partie I
de la Loi de l'impôt sur le revenu, en raison du paiement,
a) l'impôt payable par le bénéficiaire sous le régime de ladite
Partie I pour l'année d'imposition au cours ou à l'égard de
laquelle ledit paiement se trouve fait ou exigible, est le
montant auquel se chiffrerait l'impôt du bénéficiaire sous le
régime de ladite Partie I pour l'année, si aucun montant en
vertu du contrat n'était compris dans le calcul de son revenu
pour l'année, plus
(i) le montant dont son impôt sous le régime de ladite
Partie I serait augmenté par l'inclusion du paiement dans
le calcul de son revenu, et
(ii) le montant dont l'impôt du bénéficiaire sous le régime
de la Partie I pour l'année serait encore augmenté par
l'inclusion, dans le calcul de son revenu pour l'année, du
montant déterminé selon le sous-alinéa (i) ou du paiement
additionnel, en prenant le moindre des deux, et
b) si le payeur avait droit, d'autre part, de déduire les
montants payables en vertu d'un tel contrat, dans le calcul de
son revenu pour une année d'imposition, il n'a pas droit de
déduire le montant déterminé d'après le sous-alinéa (ii) de
l'alinéa a).
(2) Le présent article s'applique à l'année d'imposition 1953
et aux années d'imposition subséquentes.
Compte tenu des termes «fait ou exigible» à l'égard
du montant additionnel compris dans le calcul du
revenu du contribuable pour une année d'imposi-
tion, il semble que le paiement exigé au cours
d'une année ultérieure augmente néanmoins le
revenu du contribuable pour l'année d'imposition
en question.
L'avocat soutint que le but de cette modification
était d'éliminer la troisième méthode de calcul
utilisée dans l'affaire The New York Central Rail
road Company et ses calculs infinis, et de sanction-
ner aussi par la loi la seconde méthode, où l'impôt
payé ou payable au nom du contribuable est ajouté
à son revenu imposable sur lequel il paiera donc un
impôt, sans qu'il soit besoin de répéter l'opération.
On signala toutefois que l'article 43(1) ne s'appli-
que qu'à «un contrat, un testament ou une fiducie
conclus, faits ou créés avant l'entrée en vigueur de
la présente Partie» (les italiques sont de moi) et
que le paragraphe (2), indiquant que cet article
s'applique à l'année d'imposition 1953 et aux
années suivantes signifie simplement que la
méthode de calcul décrite au paragraphe (1) s'ap-
plique à toute année d'imposition à compter de
1953, mais n'a aucun effet sur la restriction prévue
au paragraphe (1) selon laquelle l'article ne s'ap-
plique qu'aux contrats conclus avant son entrée en
vigueur. Si l'on avait voulu qu'il s'applique à tous
les contrats subséquents, le paragraphe (1) aurait
précisé «avant ou après l'entrée en vigueur de la
présente Partie». Je souscris à cette interprétation
qui cependant n'était pas la prétention du deman-
deur car, même si cet article ne s'appliquait pas à
l'accord en cause, le Ministre a établi la cotisation
à l'impôt selon ce principe, sans procéder à des
opérations successives comme il aurait pu le faire
puisque cet article ne s'appliquait pas en l'espèce.
De toute façon, rien dans cet article n'indique
qu'aucun impôt ne peut être perçu sur les mon-
tants versés à un contribuable en vertu d'un con-
trat de remboursement de tout impôt sur le revenu
dont il pourrait être redevable. Il s'agit plutôt
d'une confirmation de l'usage actuel qui consiste à
ajouter au revenu l'impôt ainsi payé en son nom.
Voir par exemple les arrêts Hartland c. Diggines 2
et Salter c. M.R.N. 3 , qui approuve la décision
Hartland c. Diggines, et Commissioners of Inland
Revenue c. Baillie 4 , toutes citées dans l'affaire The
New York Central Railroad Company, (précitée).
Deux autres affaires, bien que traitant essentiel-
lement de l'interprétation de testaments, méritent
d'être examinées. Dans l'affaire In re les fiducies
en vertu du testament de feu Sir Albert Edward
Kemp', la Cour suprême du Canada décida que
lorsque les administrateurs d'une succession ver-
saient les sommes nécessaires au paiement de l'im-
pôt sur le revenu de la veuve avant l'échéance, ou
lorsqu'ils la dédommageaient ultérieurement, cet
argent était, du point de vue fiscal, une partie de
son revenu en vertu des dispositions de la Loi de
l'impôt de guerre sur le revenu. Dans l'affaire Re
Wood 6 , la veuve recevait une annuité nette de tout
impôt, qui devait être payé chaque année par la
succession; il était prévu en outre qu'au cas où la
veuve payerait des impôts de ce genre sur le
revenu, avant ou après avoir reçu ledit revenu, les
impôts en question lui seraient remboursés par la
succession. On suivit dans cette affaire l'arrêt Re
Kemp (précité) et, bien que la note de l'éditeur
signale que, probablement parce que la question
n'a pas été soulevée, la Cour avait omis d'examiner
si le paiement d'une partie de l'impôt sur le revenu
de la veuve par les exécuteurs constituait à son
égard un revenu imposable supplémentaire, cette
proposition n'est pas nouvelle en droit fiscal cana-
2 [1926] A.C. 289.
3 [1946] R.C.É. 634.
4 (1933-37) 20 T.C. 187.
5 [1940] R.C.S. 353.
6 [1943] C.T.C. 199.
dieu. On cite l'arrêt Le Roi c. The Montreal
Telegraph Company ([1925] R.C.É. 79) où le juge
Audette faisait remarquer à la page 83:
[TRADUCTION] L'impôt est un impôt personnel auquel est assu-
jetti le particulier ou la compagnie. Si les entrepreneurs remet-
taient à la compagnie défenderesse, comme elle le prétend,
ladite somme de $165,000, ainsi que $16,599.69 et l'intérêt,
pour couvrir l'impôt sur le revenu payable par ladite défende-
resse, quelle serait alors la situation de cette dernière? Il est
évident que les recettes de la défenderesse seraient augmentées;
elle serait alors tenue de payer un impôt sur les $165,000 et les
$16,599.69, montant de ses recettes ou revenus. Ce point de vue
est étayé par bon nombre de décisions.
Voir aussi l'affaire Aimée Lady Michelham's
Executors c. The Commissioners of Inland
Revenue' où le lord Hanworth, maître des rôles,
déclarait aux pages 748 et 749:
[TRADUCTION] Lady Michelham doit payer un impôt sur le
revenu. Elle doit payer un impôt sur les 125,000 reçues pendant
l'année. Elle doit aussi payer, puisqu'il s'agit d'une partie de
son revenu, le montant dont elle est exonérée, parce que les
administrateurs, pour éviter des détours compliqués, paient
l'impôt sur le revenu dont elle est redevable.
A la lumière de la jurisprudence précitée, je
_conclus que les deux questions doivent être tran-
chées à l'encontre des prétentions du demandeur.
Ce dernier prétend qu'on ne pourrait appliquer la
théorie de la rentrée d'argent que s'il avait effecti-
vement reçu l'impôt payé en son nom par les
acheteurs, et que le fait qu'il avait le droit en 1968
et 1969 de réclamer le remboursement de tout
impôt résultant du contrat de vente, dont le Minis-
tre exigea le paiement en 1971, n'ajoute pas ce
montant à son revenu s'il n'a jamais reçu la somme
équivalente; il semble cependant qu'une partie de
cette somme lui fut effectivement versée à la suite
du règlement intervenu avec Guy Charron, peut-
être même sa totalité, selon la répartition que l'on
peut faire des montants ainsi reçus. En ce qui
concerne la seconde question, même si le Ministre
n'a en réalité imposé ledit impôt que dans la
nouvelle cotisation de 1971, et qu'en conséquence
le demandeur ne pouvait se prévaloir des disposi
tions du contrat de remboursement pour réclamer
le même montant au répondant qu'après l'établis-
sement de cette nouvelle cotisation, il n'en est pas
moins vrai que les impôts supplémentaires ainsi
cotisés étaient payables à l'égard des années d'im-
position 1968 et 1969 respectivement, aux termes
7 (1928-31) 15 T.C. 737.
mêmes dudit contrat de remboursement, et que le
droit de réclamer ladite somme au répondant cons-
tituait pour le demandeur un revenu supplémen-
taire pour chacune de ces années, même si le
montant exact n'en fut déterminé qu'après l'éta-
blissement de la nouvelle cotisation. (Voir, par
exemple, l'affaire The New York Central Railroad
(précitée) où la cotisation maintenue avait été
établie en 1950, et avait ajouté le montant de
l'impôt au revenu de l'année d'imposition 1948.) Je
conclus donc que la nouvelle cotisation était cor-
recte et l'action du demandeur est rejetée avec
dépens. Bien que les cinq autres actions n'aient pas
été entendues par la Cour, les parties ont convenu
qu'elles seraient toutes tranchées de la même
manière excepté dans la mesure où aucun dépens
ne sera adjugé à l'égard de la preuve et de l'audi-
tion dans les cinq autres actions.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.