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A-16-74
In re la Loi sur le pilotage et in re le capitaine Colin Darnel (Requérant)
Cour d'appel, les juges Thurlow, Pratte et Urie—Vancouver, les 8, 9, 10, 11 et 17 octobre 1974.
Examen judiciaire—Droit maritime—Abordage—Suspen- sion du brevet d'un pilote prononcée par le président de l'Administration de pilotage du Pacifique—Confirmation de la suspension par l'Administration de pilotage—Cette confir mation relève de sa compétence—Prorogation de la suspen sion du pilote imposée par l'Administration—L'avis étant irrégulier, la suspension est invalide—Loi sur le pilotage, S.C. 1970-71-72, c. 52, art. 17 et 18(2)—Art. 28 de la Loi sur la Cour fédérale.
Suite à l'abordage de deux navires, le requérant, pilote d'un des deux, s'est vu imposer une suspension de son brevet, pour une période de 15 jours, par le président de l'Administration de pilotage du Pacifique. Cette dernière a confirmé la suspension et signifié un avis au requérant portant que a) il avait été négligent en rendant possible l'abordage b) qu'il n'avait pas fourni à l'Administration d'explication satisfaisante sur les circonstances à l'origine de l'abordage. L'avis contenait une liste d'au moins 50 docu ments pertinents détenus par l'Administration. Après le rejet de sa requête demandant la communication des documents, le requérant ne sollicita pas d'audience. Il présenta une demande en vertu de l'article 28 visant l'examen et l'annula- tion des décisions.
Arrêt: la demande est accueillie en partie; la confirmation par l'Administration, aux termes de l'article 17(4)a) de la Loi sur le pilotage, de la suspension prononcée par le président, en vertu de l'article 17(1), mettait en jeu un pouvoir s'exerçant sans donner au détenteur du brevet la possibilité d'être entendu; il ne s'agit pas d'un pouvoir soumis au processus judiciaire ou quasi judiciaire. Elle ne pouvait donc faire l'objet d'un examen en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale. Mais l'omission des actes ou manquements du requérant dans l'avis émis par l'Admi- nistration à son endroit en vertu de l'article 17(4) sur lequel se fondait le président pour exercer son pouvoir, permettait à l'Administration de découvrir des actes ou des manque- ments différents ou complémentaires, imputables au requé- rant et constitutifs de sa négligence. Le caractère vague et général des termes de l'avis ne remplit pas le but énoncé à l'article 17(4), à savoir informer le pilote des mesures que l'Administration se proposait de prendre concernant son brevet et des motifs de ces mesures, de sorte qu'il puisse décider des dispositions à prendre pour se défendre. L'avis a comporté des lacunes jusqu'à la fin du délai imparti pour la période de suspension en application de l'article 17(4). L'or- donnance de l'Administration visant une autre période de suspension est annulée.
EXAMEN judiciaire.
AVOCATS:
D. Brander Smith pour le requérant. W. O'Malley Forbes pour l'intimée.
PROCUREURS:
Bull, Housser & Tupper, Vancouver, pour
le requérant.
Owen, Bird, Vancouver, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés par
LE JUGE THURLOW: Il s'agit d'une demande introduite en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, visant l'examen et l'annulation d'une décision de l'Administration de pilotage du Pacifique qui a confirmé une suspension de quinze jours du brevet de pilotage du requérant, le capitaine Colin Darnel; cette suspension avait été imposée le 3 octobre 1973, en vertu de l'article 17(1) de la Loi sur le pilotage S.C. 1970-71-72, c. 52,' par le président de l'Admi- nistration qui, aux termes de l'article 17(4) de la Loi, en avait imposé une supplémentaire pour une période de quinze jours à compter du 9 janvier 1974.
' 17. (1) Le président d'une Administration peut suspen- dre un brevet ou un certificat de pilotage pour une période de quinze jours au maximum lorsqu'il a des raisons de croire que le pilote breveté ou le titulaire d'un certificat de pilotage
a) a contrevenu à une disposition des paragraphes (3) ou
(4) de l'article 16, pendant qu'il assurait la conduite d'un navire ou était de service à bord d'un navire en applica tion d'un règlement général d'une Administration exigeant qu'un navire ait un pilote breveté ou un titulaire de certificat de pilotage à son bord;
b) s'est présenté au travail dans des conditions telles que, s'il avait été de service, il y aurait eu de sa part violation d'une disposition du paragraphe (3) de l'article 16;
c) a été négligent dans ses fonctions; ou
cl) ne remplit pas les conditions exigées du titulaire d'un
brevet ou d'un certificat de pilotage.
(2) Lorsque le président d'une Administration suspend verbalement un brevet ou un certificat de pilotage il doit, dans les quarante-huit heures de la suspension, la confirmer par écrit, en en fournissant les raisons, au pilote breveté ou au titulaire du certificat de pilotage, à l'adresse qu'indique le registre tenu par l'Administration en application de l'article 21.
(3) Lorsque le président d'une Administration suspend un brevet ou un certificat de pilotage il doit, dans les quarante- huit heures de la suspension, en faire rapport à l'Administration.
(Suite à la page suivante)
Le dernier paragraphe dispose qu'aucune mesure ne peut être prise pour imposer une période supplémentaire de suspension
... à moins qu'avant l'expiration de la suspension autorisée par le président en vertu du paragraphe (1) l'Administration ne donne avis par écrit au pilote breveté ou au titulaire d'un certificat de pilotage des mesures qu'elle se propose de prendre et des motifs sur lesquels elle se fonde.
En l'espèce, on a donné avis avant la fin de la première période de suspension et en voici le paragraphe pertinent:
[TRADUCTION] 1 . . .
a) que l'Administration est fondée à croire que vous avez été négligent dans vos fonctions en laissant le navire «SUN DIAMOND» aborder le navire «ERAWAN» au large de Pointe- Grey près de Vancouver (Colombie-Britannique) le 25 septembre 1973 et
b) que vous n'avez pas donné à l'Administration d'expli- cations satisfaisantes sur les circonstances à l'origine de cet abordage.
La teneur de l'alinéa a) différait de ce qui avait été énoncé dans l'avis de suspension émis par le président en vertu de l'article 17(1), en ce sens qu'il omettait de déclarer les actes ou man- quements du requérant sur lesquels on se fon- dait pour conclure que ce dernier avait été négli- gent dans ses fonctions au sens de l'article
(Suite de la page précedente)
(4) Lorsque l'Administration reçoit un rapport en applica tion du paragraphe (3), elle peut
a) confirmer ou annuler la suspension prononcée en vertu du paragraphe (1),
b) suspendre le brevet ou le certificat de pilotage
(i) pour une période supplémentaire ne dépassant pas une année, ou
(ii) pour une période indéterminée, jusqu'à ce que le pilote breveté ou le titulaire d'un certificat de pilotage démontre qu'il est en mesure de remplir les conditions prescrites par les règlements généraux, ou
c) annuler le brevet ou le certificat de pilotage,
mais aucune mesure ne peut être prise en application des alinéas b) ou c) à moins qu'avant l'expiration de la suspen sion autorisée par le président en vertu du paragraphe (1) l'Administration ne donne avis par écrit au pilote breveté ou au titulaire d'un certificat de pilotage des mesures qu'elle se propose de prendre et des motifs sur lesquels elle se fonde.
18. (2) Lorsque l'Administration avise par écrit un pilote breveté ou le titulaire d'un certificat de pilotage qu'elle se propose de suspendre pour une période supplémentaire ou d'annuler son brevet ou son certificat de pilotage en applica tion du paragraphe (4) de l'article 17, elle doit donner au titulaire du brevet ou du certificat de pilotage ou à son représentant toute pdssibilité raisonnable de se faire enten- dre avant que les mesures ne soient prises.
17(1). L'omission de cette déclaration semble avoir été délibérée pour permettre à l'Adminis- tration de découvrir, au moyen de renseigne- ments supplémentaires éventuels, des actes ou des manquements différents ou complémentai- res imputables au requérant et constitutifs de négligence dans ses fonctions. C'est ce qui s'est finalement produit en l'espèce.
Conformément à une disposition des règle- ments établis en vertu de la. Loi, l'avis contenait également une liste d'au moins cinquante docu ments que détenait l'Administration et qui s'ap- pliquaient à l'affaire. Une requête demandant la communication immédiate de ces documents fut rejetée et, sur ce, le requérant ne sollicita pas d'audience.
Dans ces circonstances, il s'agit de déterminer si l'Administration s'est conformée à l'exigence de la Loi de donner avis, dans les délais impartis par le paragraphe, des mesures qu'elle se propo- sait de prendre et des motifs sur lesquels elle se fondait.
Selon moi, le but de l'avis prévu à l'article 17(4) et des exigences réglementaires quant à son contenu, au regard de la procédure envisa gée par la loi, est clair. Il s'agit d'informer le pilote en cause des mesures que l'Administra- tion se propose de prendre concernant son brevet et des motifs de ces mesures de sorte qu'il puisse décider des dispositions à prendre pour se défendre. Par contre, ce but ne peut être atteint lorsque les motifs des mesures projetées énoncés dans l'avis le sont de façon si générale qu'ils ne donnent pas la moindre information sur les éléments de la conduite du pilote en cause qui ont constitué une négligence dans ses fonc- tions et qui entraîneront la suspension de son brevet s'il n'y répond pas ou s'il ne fournit pas de réponse satisfaisante.
Dans la présente affaire, l'énoncé de l'avis cité précédemment laisse vaguement entrevoir qu'on n'a pas pris certaines mesures de dernière minute non spécifiées afin d'éviter l'abordage, mais même une interprétation dans ce sens pré- sente un caractère spéculatif. Selon moi, une lecture objective de cet avis n'apporterait à aucun lecteur, même au requérant qui a eu connaissance des événements, de renseignement
précis sur le fondement des mesures que l'Ad- ministration se propose de prendre, à supposer qu'il existe vraiment un autre motif que celui visé au paragraphe b) qui ne constitue pas une des questions pour laquelle l'Administration peut prononcer la suspension en vertu de l'arti- cle 17(4). Selon moi, l'avis ne se conforme donc pas aux exigences de la Loi et, même si l'ac- quiescement à la demande du requérant sollici- tant des copies des documents avant la fin de la suspension imposée en vertu de l'article 17(1) avait pu remédier au vice de procédure, point sur lequel je n'exprime aucune opinion, l'avis a comporté des lacunes jusqu'à la fin du délai imparti pour donner un avis valable.
Il s'ensuit, selon moi, que l'Administration n'avait pas compétence pour ordonner une autre période de suspension du brevet du requérant en vertu de l'article 17(4) et que l'ordonnance de suspension doit être annulée.
Par contre, la confirmation de la première période de suspension porte sur un fondement différent. Il me semble que le pouvoir de confir- mer cette suspension peut s'exercer sans donner au détenteur du brevet la possibilité d'être entendu et ne constitue pas un pouvoir qui est légalement soumis à l'exercice d'un processus judiciaire ou quasi-judiciaire. Par conséquent, la confirmation ne peut faire l'objet d'un examen en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale.
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Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés par
LE JUGE PRATTE: Je tranche la présente demande dans le même sens que l'a suggéré M. le juge Thurlow.
La décision de l'Administration de pilotage du Pacifique que l'on conteste ici contient en fait deux décisions:
a) La décision confirmant l'ordonnance du président qui suspendait le brevet du requé- rant pour une période de quinze jours; et
b) la décision suspendant le brevet du requé- rant pour une période supplémentaire de quinze jours.
Si l'Administration pouvait, en vertu de la Loi, confirmer la suspension déjà imposée par le président sans donner au requérant la possibi- lité d'être entendu, il s'ensuivrait, semble-t-il, que cette décision «n'était pas soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire» et, par conséquent, qu'elle ne peut faire l'objet d'un examen en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale. Toutefois, il ne m'est pas néces- saire d'exprimer une opinion sur cette question puisque, même en admettant que la décision puisse faire l'objet d'un examen, j'estime que le requérant n'a fourni aucune explication en justi- fiant un.
La décision de suspendre le brevet du requé- rant pour une période supplémentaire de quinze jours a un fondement différent. Elle peut nette- ment faire l'objet d'un examen en vertu de l'article 28, puisque l'article 18 de la Loi sur le pilotage impose à l'Administration désirant rendre une telle décision l'obligation de donner au pilote en cause «toute possibilité raisonnable de se faire entendre avant que les mesures ne soient prises». En outre, en vertu de l'article 17(4) de la Loi sur le pilotage, l'Administration ne peut suspendre un brevet si elle n'a pas, dans le délai imparti, donné «avis par écrit au pilote breveté ... des mesures qu'elle se propose de prendre et des motifs sur lesquels elle se fonde».
Selon moi, l'«avis des mesures que l'Adminis- tration se propose de prendre» qui a été donné au requérant, n'était pas l'avis prévu à l'article 17(4). Il n'indiquait pas les mesures, mais seule- ment le genre de mesures que l'Administration se proposait de prendre et il n'indiquait pas de façon suffisamment précise les motifs sur les- quelles elle se fondait. Étant donné que cet avis, selon moi, ne satisfaisait pas aux exigences de l'article 17(4), j'estime que l'Administration n'avait pas le pouvoir de suspendre le brevet du requérant pour une période supplémentaire de quinze jours. Par conséquent, j'annule sa décision.
Je ne veux pas insinuer que les mesures prises par l'Administration répondaient à des motifs incorrects. Le dossier qui nous est soumis montre que l'Administration a agi ainsi par souci d'équité envers le requérant. Après avoir appris
que le président avait suspendu le requérant, les membres de l'Administration ont tenu une réu- nion ils ont exprimé l'opinion que [TRADUC- TION] «il leur manquait des renseignements per- tinents pour rendre une décision en vertu de l'article 17(4) de la Loi sur le pilotage». Ils demandèrent alors au président d'obtenir du requérant des réponses à certaines questions. Ce n'est qu'après le refus du requérant de les renseigner sur les circonstances entourant l'abordage dans lequel il avait été impliqué que, le dernier jour de la suspension ordonnée par le président, on lui a signifié un avis assez vague. Les membres de l'Administration, selon toute vraisemblance, ont estimé à ce moment que l'avis ne pouvait être plus précis puisqu'ils ne disposaient pas de faits suffisants pour détermi- ner si une période de suspension supplémentaire était justifiée. En dépit de toutes les bonnes intentions manifestées par les membres de l'Ad- ministration, il n'en reste pas moins que l'avis n'était pas assez précis.
Lorsque le président, agissant en vertu de l'article 17(1), suspend un brevet et en fait rap port à l'Administration comme l'exige l'article 17(3), cette dernière doit, avant l'expiration de cette suspension, déterminer si le brevet, ainsi suspendu, doit l'être pour une période supplé- mentaire. L'Administration est tenue d'y pour- voir rapidement sur le fondement des renseigne- ments dont elle dispose. Si l'Administration parvient à la conclusion qu'une période supplé- mentaire est justifiée, elle doit, dans le délai imparti, aviser le pilote en cause de la durée de la suspension supplémentaire proposée et des motifs qui l'ont amenée à l'imposer. Selon moi, lorsque le président fait rapport d'une suspen sion conformément à l'article 17(3), l'Adminis- tration ne peut alors, en vertu de la Loi, adres- ser un avis assez vague faisant état des mesures incertaines qu'elle se propose de prendre et par la suite, postérieurement au délai prévu par l'ar- ticle 17(4), tenir une enquête aux fins de déter- miner si en fait une suspension supplémentaire est justifiée.
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Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés par
LE JUGE URIE: J'ai eu l'avantage de lire les motifs du jugement prononcés par le juge Thur - low et je tranche la demande dans le même sens que lui, mais je désire ajouter une ou deux remarques à ce sujet.
En premier lieu, l'Administration de pilotage de Colombie-Britannique dans son avis intitulé: mesures que l'Administration se propose de prendre, a notifié au présent requérant qu'elle se proposait de «suspendre [son] brevet pour une période supplémentaire ne dépassant pas une année». Ce faisant, elle se conformait en tous points à l'énoncé du sous-alinéa (i) de l'article 17(4)b) de la Loi sur le pilotage. Le paragraphe (4) se lit intégralement comme suit:
(4) Lorsque l'Administration reçoit un rapport en applica tion du paragraphe (3), elle peut
a) confirmer ou annuler la suspension prononcée en vertu 'du paragraphe (1),
b) suspendre le brevet ou le certificat de pilotage
(i) pour une période supplémentaire ne dépassant pas une année, ou
(ii) pour une période indéterminée, jusqu'à ce que le pilote breveté ou le titulaire d'un certificât de pilotage démontre qu'il est en mesure de remplir les conditions prescrites par les règlements généraux, ou
c) annuler le brevet ou le certificat de pilotage,
mais aucune mesure ne peut être prise en application des alinéas b) ou c) à moins qu'avant l'expiration de la suspen sion autorisée par le président en vertu du paragraphe (1) l'Administration ne donne avis par écrit au pilote breveté ou au titulaire d'un certificat de pilotage des mesures qu'elle se propose de prendre et des motifs sur lesquels elle se fonde.
On s'apercevra immédiatement que l'avis donné au requérant ne lui apportait aucune idée précise sur la période supplémentaire de suspen sion qu'on se proposait de prononcer contre lui et, selon moi, cette omission peut très bien avoir constitué une lacune fatale dans l'avis, particu- lièrement lorsqu'on la rapproche de l'omission de l'Administration de donner les motifs des mesures qu'elle se proposait de prendre. J'exa- minerai plus tard cette irrégularité de l'avis.
Pour apprécier la gravité de l'omission de l'Administration d'aviser le requérant de la période précise de suspension supplémentaire
envisagée, on doit examiner l'économie de la Loi par rapport aux pouvoirs d'attribuer un brevet qui sont énoncés aux articles 15 à 21 inclusivement. Dans l'ensemble, nul n'assurera la conduite d'un navire à l'intérieur d'une zone de pilotage obligatoire s'il n'est un pilote breveté ou si, à titre de membre de l'effectif d'un navire, il n'est titulaire d'un certificat de pilotage pour cette zone. Ce brevet ou ce certificat est attri- bué par l'Administration de pilotage dont relève la zone en question et peut faire l'objet d'une suspension dans les circonstances prévues à l'article 17.
En vertu du paragraphe (1) dudit article, le président de l'Administration peut suspendre un brevet pour une période de quinze jours au maximum «lorsqu'il a des raisons de croire que le pilote breveté» a contrevenu à certaines dis positions de la Loi, qu'il ne remplit pas les conditions exigées du titulaire d'un brevet ou, en vertu de l'alinéa c), qu'il «a été négligent dans ses fonctions». Dans la présente affaire, le président a suspendu le brevet du requérant pour une période de quinze jours en se fondant sur ce dernier motif.
L'article 17(2) prévoit que, lorsque le prési- dent a suspendu verbalement le brevet du pilote, il doit, dans les quarante-huit heures, en confir- mer par écrit la suspension au pilote «en en fournissant les raisons». Le paragraphe (3) exige alors que le président, dans les quarante- huit heures de la suspension, en fasse rapport à l'Administration. Le paragraphe (4) s'applique à son tour et l'Administration peut confirmer ou annuler la suspension prononcée par le prési- dent, ou encore suspendre le brevet pour une période supplémentaire en vertu de l'alinéa b), ou enfin annuler le brevet en vertu de l'alinéa c). Toutefois, comme on peut le voir, aucune mesure ne peut être prise en application des alinéas b) ou c) du paragraphe (4) à moins qu'avant l'expiration de la suspension autorisée par le président, l'Administration ne donne avis par écrit au pilote breveté des mesures qu'elle se propose de prendre et des motifs sur lesquels elle se fonde.
On remarquera qu'en vertu du sous-alinéa (i) de l'alinéa b), l'expression «période supplémen- taire» est utilisée en corrélation avec une
période de suspension dont on fixe le maximum, à savoir une année, alors que l'alinéa b) utilise l'expression «période indéterminée» dans les circonstances y applicables. Selon moi, le Parle- ment, en utilisant le mot «supplémentaire» au sous-alinéa (i) et le mot «indéterminée» au sous- alinéa (ii), a clairement demandé à l'Administra- tion, dans les circonstances, de prévoir expres- sément la durée de la suspension qu'elle se proposait de prononcer en vertu du sous-alinéa (i). Je crois que cela tient à deux raisons:
a) Étant donné que le Parlement a utilisé les mots «période indéterminée» dans le sous-alinéa b)(ii), il est clair que s'il avait voulu investir l'Administration du pouvoir d'imposer une période indéterminée pour la suspension supplé- mentaire en vertu du sous-alinéa b)(i) il aurait utilisé ces mots. Cependant, en utilisant l'ex- pression «période supplémentaire» dans ce sous-alinéa, par opposition à l'expression «période indéterminée» figurant au sous-alinéa b)(ii), il donnait certainement à entendre que la période de prolongation devait être précisée. Si ce n'était pas le cas, l'effet du sous-alinéa b)(i) serait identique à celui de l'autre sous-alinéa de l'alinéa b) l'exception du maximum fixé par le sous-alinéa b)(i)) nonobstant l'utilisation de deux expressions différentes, c'est-à-dire habili- ter l'Administration à aviser le pilote d'une sus pension supplémentaire pour une période indé- terminée dans chaque cas. Selon moi, un tel résultat serait contraire à une sage interprétation de la Loi.
b) L'Administration, en n'indiquant pas au requérant les autres sanctions auxquelles il était exposé, ne lui donnait pas la moindre indication de l'importance que l'Administration accordait à sa prétendue négligence. A mon sens, cela est tout à fait contraire à l'esprit de l'article 17 qui semble conçu pour exiger du président qu'il procède à une enquête approfondie sur la con- duite du pilote en son nom propre aussi bien qu'au nom de l'Administration avant de prendre toute mesure en vertu de l'Article 17(1) et qu'il informe de façon précise le pilote des motifs à l'origine des mesures prises. L'Administration dispose, en raison des délais très stricts qui lui sont impartis, de peu d@ temps ou n'avait même
pas le temps de procéder à son enquête et prend alors simplement les autres mesures précises proposées, sous réserve du droit conféré au pilote d'être entendu à ce sujet.
La deuxième remarque que je désire faire est la suivante: lorsque, dans l'avis, l'omission de signaler au pilote la sanction plus sévère s'allie à l'omission de l'Administration d'aviser le pilote des motifs sur lesquels se fondent les mesures augmentant la période de suspension envisagée, ce qui constitue encore, selon moi, une disposi tion impérative du paragraphe (4) de l'article 17, l'avis adressé au requérant en l'espèce était for- cément incomplet et privait l'Administration de sa compétence pour prononcer une autre sanc tion. Comme on l'a indiqué précédemment, selon moi, les derniers mots du paragraphe, à savoir «et des motifs sur lesquels elle se fonde» se rapportent aux «mesures» qu'elle se propose de prendre, à savoir la prorogation de la période de suspension.
Si cette façon de voir est juste, on se serait attendu à ce que l'avis des mesures révélât que la faute du pilote était de nature si grave que l'Administration n'estimait pas assez longue la période de suspension initiale ou qu'elle possé- dait d'autres éléments de preuve justifiant cette prorogation ou que cette période devait être modifiée pour tout autre motif se rapportant aux mesures qu'elle se proposait de prendre. Par conséquent, même si on accepte la thèse de l'avocat de l'intimée selon laquelle les mots «l'Administration est fondée à croire que vous avez été négligent dans vos fonctions en laissant le navire Sun Diamond aborder le navire Erawan» révèlent un motif suffisant aux fins de l'avis de suspension exigé par l'article 17(2) et qui doit être communiqué au pilote breveté, ce que je n'admets pas, ils ne se rapportaient pas aux mesures qu'elle se proposait de prendre comme l'exige le paragraphe (4). Sans cette explication, le pilote ne connaissait en aucune manière les raisons pour lesquelles l'Administra- tion se proposait de proroger sa période de suspension. L'avis en cause qui avait pour but de donner compétence à l'Administration était donc forcément incomplet et, pour ces motifs de même que pour ceux prononcés par les juges
Thurlow et Pratte, l'ordonnance imposant la suspension supplémentaire doit être rejetée.
En concluant de la sorte, je ne veux pas que l'on en déduise qu'à mon avis, la conduite des audiences d'après les dossiers qui nous sont soumis était en quelque façon injuste à l'endroit du requérant. En fait, il m'a semblé que l'Admi- nistration a débordé le cadre de ses attributions par souci d'équité à son endroit. Si le requérant, avec le concours de son avocat, avait témoigné du même esprit de coopération beaucoup plus tôt qu'il ne le fît en définitive, on aurait, selon toute vraisemblance, évité le recours à l'au- dience publique et aux présentes procédures introduites en vertu de l'article 28.
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