T-1205-74
Bendix Automotive of Canada Limited (Deman-
deresse)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Walsh—
Montréal, le 25 juin; Ottawa, le 29 juillet 1975.
Impôt sur le revenu—Évaluation d'actions—La compagnie-
mère conclut un accord avec Control Data Corporation pré-
voyant l'échange de ses actions contre les actions de Comput
ing Devices of Canada—Conformément à l'accord, la deman-
deresse (une filiale) doit donc déclarer un dividende—Valeur
des actions distribuées aux fins de la retenue d'impôt payable
par les non-résidents—Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C.
1952, c. 148, art. 106(1a), 139(1)a).
En août 1969, la demanderesse distribua un dividende à
Bendix Corporation, sa compagnie-mère, en exécution d'un
accord relatif à un échange d'actions, conclu par la compagnie-
mère et Control Data Corporation, à raison d'une action de
Control Data contre chaque 5 actions de Computing Devices
détenues par la demanderesse. La demanderesse prétend que
pour déterminer la valeur des actions, aux fins de la retenue
d'impôt de 15%, il faut considérer la valeur des actions de
Control Data acquises par la compagnie-mère, Bendix Corpo
ration, en tenant compte des restrictions relatives à l'aliénation
desdites actions stipulées dans l'offre. La défenderesse évalue
les actions au prix auquel une tranche d'actions de Computing
Devices a été négociée à la Bourse de Toronto, en août 1969.
La demanderesse soutient que cette évaluation reflète l'aug-
mentation de la valeur des actions depuis l'annonce de l'offre
d'échange, en mai 1969.
Arrêt: l'appel est rejeté; on ne peut soutenir, sans donner une
interprétation erronée de la Loi, qu'en raison d'un accord
intervenu entre le bénéficiaire des dividendes et un tiers (sans
lien de dépendance) et qui influe sur la valeur monétaire du
dividende reçu, la compagnie canadienne payant le dividende
devrait, pour calculer la retenue d'impôt de 15%, accepter cette
valeur, plutôt que la déterminer elle-même en fonction des
renseignements disponibles à l'égard de la valeur monétaire du
dividende, sans tenir compte d'un engagement que le bénéfi-
ciaire aurait pu contracter, quant à l'aliénation du dividende
ainsi reçu, de manière, à en augmenter ou réduire la valeur.
Arrêts analysés: La succession Untermyer c. Le procureur
général de la Colombie-Britannique [1929] R.C.S. 84;
Lawson c. M.R.N. 64 DTC 5147; Crabtree c. Hinchcliffe
[1971] 3 All E.R. 967; Dobieco Limited -c. M.R.N. [1963]
R.C.É. 348; et La succession Henderson c. M.R.N. 73
DTC 5471. Distinction faite avec l'arrêt La succession
Beament c. M.R.N. [ 1970] R.C.S. 680.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
R. W. Pound et H. Stikeman, c.r., pour la
demanderesse.
R. Pyne pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Stikeman, Elliot, Tamaki, Mercier & Robb,
Montréal, pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Appel est interjeté d'un avis
de cotisation daté du 5 mai 1972 concernant un
impôt de 15% payable par les non-résidents en
vertu de la Partie III de la Loi de l'impôt sur le
revenu'. La demanderesse appela de la cotisation
relative à son année d'imposition 1969 devant la
Commission de révision de l'impôt qui rejeta l'ap-
pel par un jugement daté du 29 novembre 1973.
Le litige résulte de l'évaluation de 517,313
actions ordinaires de Computing Devices of
Canada, Limited (ci-après appelée «CDC») payées
à titre de dividende par la demanderesse, le 7 août
1969, à sa compagnie-mère; cette dernière, la
Bendix Corporation (ci-après appelée «Bendix»),
est sise aux Etats-Unis et détenait la totalité de ses
actions. Bendix contrôle la demanderesse et la fit
déclarer et distribuer le dividende en nature, con-
formément à l'accord conclu le 1e 1 mai 1969 avec
Control Data Corporation (ci-après appelée «Con-
trol Data»), une autre compagnie américaine avec
laquelle elle négociait en toute indépendance; cet
accord prévoyait l'échange des actions de CDC, à
raison d'une action ordinaire de Control Data
contre cinq actions de CDC. La demanderesse
prétend que pour déterminer la valeur des actions
de CDC qu'elle a distribuées à titre de dividende,
afin de calculer la retenue d'impôt de 15% payable
en vertu des dispositions des articles 106(la)a) et
139(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, il faut
considérer la valeur des actions de Control Data
acquises par Bendix en échange des actions de
CDC en tenant compte des restrictions relatives à
l'aliénation des actions stipulées dans l'offre
d'échange; se fondant sur le témoignage d'experts,
S.R.C. 1952, c. 148.
elle évalue leur valeur à $130 (en monnaie améri-
caine), soit $26 pour chacune des actions de CDC.
Cependant, la défenderesse a fondé son évalua-
tion sur le prix auquel une tranche de 50 actions de
CDC avait été négociée à la bourse de Toronto, le
7 août 1969, soit $31 l'action. La défenderesse
soutient que la demanderesse a retenu et remis
$2,017,030 en monnaie américaine, ou $2,175,-
126.89 en monnaie canadienne, à titre d'impôts sur
la somme de $13,450,060 en monnaie américaine
que la demanderesse considérait comme la valeur
des actions, mais prétend que les actions payées à
titre de dividende valaient en réalité $16,036,703
et non $14,500,845.94; l'impôt sur la différence
entre ces deux montants s'élevait à $230,378.56
avec intérêts de $31,101.09 jusqu'au 5 mai 1972,
date à laquelle la défenderesse établit une cotisa-
tion à l'égard de la somme due.
Il y a peu de controverse quant aux faits. L'offre
d'échange conclue par Bendix et Control Data, le
l er mai 1969, dépendait de l'acquisition par Con
trol Data d'au moins 90% des actions en circula
tion de CDC. Les 517,313 actions de CDC déte-
nues à l'époque par la demanderesse et
subséquemment déclarées en dividendes et transfé-
rées à Bendix, représentent approximativement
66.75% du capital-actions de CDC; pour que l'of-
fre d'échange prenne effet, Control Data devait
donc acquérir aussi auprès des autres actionnaires
23.25% des actions en circulation de CDC et obte-
nir une décision favorable des autorités fiscales
américaines. En conséquence, un prospectus et une
circulaire contenant l'offre d'achat assortie d'une
prise de contrôle, datés du 15 mai 1969, rendirent
accessible à tous les actionnaires de CDC l'offre
d'échange de Control Data—c'est-à-dire, l'offre \
d'une action de Control Data pour cinq actions
ordinaires de CDC; dès le 31 juillet 1969, la
condition portant que Control Data devait acquérir
90% du contrôle avait été remplie de sorte que, le 7
août, Bendix entreprit les démarches nécessaires
afin de s'acquitter de son engagement dans l'ac-
cord intervenu le 1 °r mai 1969; elle réunit le Con-
seil d'administration de la demanderesse pour
déclarer les dividendes, puis elle offrit immédiate-
ment ces actions à Control Data, recevant en
retour 103,462 actions de cette dernière. Le cours
de clôture des actions de Control Data à la bourse
de New York, le 7 août 1969, était de $149.50 (en
monnaie américaine). Toutefois, pour certaines
raisons fiscales qui ne nous concernent pas, Con
trol Data,' qui souhaitait tenir une comptabilité
commune, a tenu à ce qu'il soit stipulé dans l'ac-
cord que Bendix ne pourrait vendre plus de 25%
des actions de Control Data, reçues à la suite de
l'échange, au cours de la première annéé de leur
acquisition, et au maximum 50% de ces actions
dans les deux ans de leur acquisition. Alors que,
conformément à l'offre, les actionnaires de CDC
qui avaient échangé leurs actions contre des
actions de Control Data pouvaient vendre à tout
moment les actions ainsi reçues au prix du marché,
Bendix était soumise à certaines restrictions et ne
pouvait vendre que 25% immédiatement et le
solde, tel qu'indiqué, sur une période de deux ans.
Cette restriction au droit d'aliéner ces actions
diminua leur valeur au-dessous de celles qui n'y
étaient pas soumises et d'après les experts, la
valeur moyenne des actions de Control Data acqui-
ses par • Bendix tomba donc à $130 (en monnaie
américaine). Cette évaluation fut établie d'après
les estimations de trois experts; l'un d'eux, Madi-
son H. Haythé, vice-président de Morgan Stanley
& Co., société de placements bien connue, a témoi-
gné. Son affidavit à titre d'expert fut considéré
comme déjà lu et, avec le consentement des par
ties, fut accordée une dispense de présenter l'affi-
davit dans le délai prévu à, la Règle 482(1)d). Son
évaluation ne fut pas contestée. La défenderesse
n'a fourni aucune preuve relative à la valeur des
actions de Control Data assorties desdites restric
tions, puisqu'elle affirmait que la valeur des
actions de CDC distribuées à titre de dividende
par la demanderesse n'avait aucun rapport, avec la
valeur des actions de Control Data. On souleva
une objection à la présentation du témoignage de
Haythe; elle fut acceptée sous réserve car tout le
litige dépend de la question de savoir si la valeur
des actions de Control Data, reçues en échange des
actions de CDC, peut avoir une incidence sur
l'évaluation de ces actions, déclarées comme divi-
dende par la demanderesse à Bendix et échangées
par elle le même jour contre les actions de Control
Data.
La demanderesse soutient que l'évaluation des
actions de CDC par la défenderesse à $31 l'action,
fondée sur la vente de 50 actions le 7 août 1969,
était imputable à l'augmentation de valeur des
actions à la suite de l'offre d'échange, car leur
cours avait accusé une forte hausse après l'annonce
de l'offre d'échange, et avait donc atteint $31.
Étant donné que le 7 août 1969 Control Data
contrôlait effectivement 97.9% des actions en cir
culation de CDC à la suite de l'offre d'échange, le
marché des actions encore disponibles était très
limité. La demanderesse a plaidé que, compte tenu
des restrictions au droit d'aliéner les actions de
Control Data échangées par Bendix contre les
siennes, cette évaluation d'après la situation du
marché ne devrait pas s'appliquer aux actions
reçues par Bendix à titre de dividende, car si elle
avait voulu réaliser la valeur monétaire à la date
de leur déclaration, elle n'aurait pas obtenu plus de
$26 l'action (en monnaie américaine). Elle n'au-
rait pas pu vendre les actions de CDC à la bourse
de Toronto puisqu'elle s'était engagée à les échan-
ger contre les actions de Control Data.
Par contre, la défenderesse soutient que le fait
que Bendix ait pris certains engagements sur l'uti-
lisation future du dividende ainsi reçu, n'a aucune
influence sur la valeur du dividende réel payé par
la demanderesse et qu'il s'agit d'une opération
commerciale distincte et indépendante de celle que
nous devons examiner pour déterminer le montant
de la retenue d'impôt payable par la
demanderesse.
Les deux parties ont déposé une argumentation
écrite et bien que la jurisprudence concernant
l'évaluation des actions aux fins d'impôt soit utile,
aucune des causes citées ne contient des faits
identiques à cette opération commerciale assez
inhabituelle. Les extraits pertinents des articles de
la Loi se lisaient alors comme suit:
106. '( la) Chaque personne non résidante
a) doit payer un impôt sur le revenu de 15 p. 100 sur tout
montant qu'une personne résidant au Canada ... lui paie ...
en acquittement d'un dividende ....
139. (1) Dans la présente loi,
a) «montant» signifie des sommes d'argent, droits ou choses
exprimés en fonction du montant d'argent, ou la valeur en
argent du droit ou de la chose;
La défenderesse prétend qu'on ne peut interpréter
l'article 106(1a) comme permettant l'évaluation
d'un dividende en nature à partir d'autre chose que
l'objet du dividende lui-même. Le paiement du
dividende par la demanderesse à Bendix était une
opération commerciale totalement distincte de
l'échange des actions de CDC reçues par Bendix à
titre de dividende pour celles de Control Data, et
la demanderesse n'était pas juridiquement une
partie à la seconde opération même si elle savait
sans aucun doute à quoi serviraient les actions de
CDC qu'elle payait à titre de dividende puisqu'elle
était contrôlée par Bendix et que cinq de ses six
administrateurs en étaient des employés de même
que quatre de ses dirigeants, y compris son direc-
teur; en réalité, elle était obligée de déclarer ce
dividende, selon les directives de sa compagnie-
mère, afin que cette dernière respecte les obliga
tions contractuelles qu'elle avait assumées à
l'égard de Control Data. La défenderesse soutient
qu'il serait absurde de prétendre qu'un demandeur,
qui distribue à tous ses actionnaires un dividende
en actions qu'il détient dans une autre compagnie,
soit obligé pour évaluer les actions aux fins de la
retenue d'impôt de 15%, de déterminer ce que ses
actionnaires non-résidents ont reçu par la suite, à
la vente de ces actions. La défenderesse affirme
que sauf dans les cas où le marché est «instable ou
éphémère», le cours du marché constitue le meil-
leur critère pour déterminer la juste valeur mar-
chande. La preuve démontre que les actions de
CDC avaient fait l'objet de nombreuses négocia-
tions à la bourse de Toronto entre le l er janvier et
le 31 août 1969, les cours de clôture variant entre
un minimum de 23 1 / 2 le 28 février et un maximum
de 34, le 20 août. Le volume des ventes s'élevait à
29,772 actions le 24 janvier et à 36,990 actions le
24 mai, et à 3,825 actions, le 11 juillet, dernier
jour où un nombre important d'actions fut négocié.
Après cela, le volume des ventes a considérable-
ment baissé, ne dépassant pas 50 ou 100 actions
par jour, bien que 590 et 540 actions aient été
vendues les 1 er et 5 août respectivement. Comme
nous l'avons déjà dit, le 7 août, le jour en cause, il
n'y eut qu'une seule vente de 50 actions à $31. Tel
qu'indiqué, l'accord entre Bendix et Control Data
est intervenu le ler mai et le prospectus de Control
Data offrant un échange à tous les actionnaires de
CDC fut lancé le 15 mai. Les cours de clôture des
actions de CDC étaient de 29 le l er mai et de 30 le
15 mai. Bien qu'après le 11 juillet le marché ait été
limité, comme on l'a souligné, les cours ont conti-
nué à augmenter même après le 7 août et, à
quelques exceptions près, restèrent supérieurs à
$31 durant le reste du mois d'août. Cependant il
ne faut pas oublier que ces actions étaient mises en
vente par des actionnaires qui avaient le droit
d'échanger leurs actions pour des actions de Con
trol Data, négociables sans restriction, ces derniè-
res se vendant, le 7 août, $148 3 / 4 (en monnaie
américaine). En ce qui concerne la vente des
actions de CDC, personne, à l'exception de Bendix
pour les actions de Control Data reçues en
échange, n'avait à aucun moment été assujetti à
des restrictions. En pratique, on n'aurait probable-
ment pas pu vendre une tranche de 517,313
actions, le 7 août 1969, $31 l'action, si elles
avaient toutes été lancées sur le marché à cette
date. D'un autre côté, comme l'a souligné Haythe,
il peut arriver qu'une tranche majoritaire d'actions
se vende à un prix plus élevé, et il pense que cela
aurait pu être le cas pour les actions de CDC
compte tenu de leur hausse progressive jusqu'au
cinquième environ de la valeur des actions de
Control Data, à la suite de la publicité faite aux
clauses de l'offre d'échange. Bien que ces considé-
rations soient d'un certain intérêt, une telle appro-
che en matière d'évaluation est trop imprécise pour
nous permettre de parvenir à une décision
consistante.
A l'appui de son argumentation, la défenderesse
se fonde, entre autres, sur l'arrêt faisant autorité
dans le domaine, La succession Untermyer c. Le
procureur général de la Colombie-Britannique 2 .
Dans cette décision, après avoir étudié un certain
nombre de critères d'évaluation de «la juste valeur
marchande», le juge Mignault a conclu à la page
91:
[TRADUCTION] C'est de l'ensemble de tous ces facteurs positifs
que dépend le prix du marché, lequel, s'il n'est pas l'effet d'une
situation tout à fait temporaire ou d'un caractère exceptionnel,
est le meilleur critère de la juste valeur marchande de biens de
ce genre.
Je suis donc d'avis que le prix du marché, dans un cas comme
celui-ci où l'on peut démontrer qu'il a été relativement stable,
détermine la juste valeur marchande des actions.
Et aux pages 91 et 92:
[TRADUCTION] Je ne déduirais rien de la valeur marchande de
ces actions en me fondant sur l'hypothèse que toutes ces actions
seraient lancées sur le marché au même moment, car je ne
pense pas qu'un actionnaire prudent agirait ainsi.
Dans l'affaire Lawson c. M.R.N. 3 , le juge Cat -
2 [1929] R.C.S. 84.
3 64 DTC 5147.
tanach a rejeté l'argument selon lequel si des
actions ont une valeur intrinsèque inférieure au
prix du marché, c'est cette valeur qu'il faut leur
attribuer plutôt que le prix du marché, c'est-à-dire
le montant payé par ceux qui les négocient en
toute indépendance sur le marché libre.
Dans l'arrêt anglais Crabtree c. Hinchcliffe
(Inspector of Taxes) 4 le juge Reid a étudié l'argu-
ment à l'effet que lorsque des administrateurs
détiennent des renseignements confidentiels igno-
rés du public, cette circonstance particulière
permet de ne pas considérer la valeur marchande
des actions comme leur juste prix; je cite:
[TRADUCTION] Il doit arriver quotidiennement que les admi-
nistrateurs de plusieurs compagnies détiennent des renseigne-
ments confidentiels qui, à juste titre, ne sont pas divulgués mais
qui, s'ils l'étaient, provoqueraient une modification substantielle
des cours cotés des actions de leurs compagnies. Cela ne
constitue certes pas une «circonstance spéciale» et j'estime que
c'est ce qui s'est produit ici.
En l'espèce rien ne laisse supposer qu'il existait des
renseignements confidentiels ignorés du public.
Dans l'arrêt Dobieco Limited c. M.R.N.S, le
juge Cattanach, se rapportant à l'arrêt Untermyer,
se fonde aussi sur la valeur marchande à titre de
preuve prima facie, qui n'est pas nécessairement
déterminante si elle est réfutée par une preuve
satisfaisante du contraire. Voici un extrait du
sommaire:
[TRADUCTION] 3. Ce cours du marché constitue la meilleure
preuve de la juste valeur marchande, le prix auquel les actions
se vendent sur le marché peut être considéré comme une preuve
prima facie de leur juste valeur marchande bien que cette
dernière ne soit pas nécessairement déterminante si elle est
réfutée par une preuve satisfaisante du contraire; la• seule
preuve fut fournie par un expert intéressé dont les calculs pour
parvenir au montant de la déduction, contenaient de nombreu-
ses erreurs.
En l'espèce, la seule preuve relative à la valeur des
actions de CDC consiste dans la valeur au prix du
marché.
Dans l'arrêt La succession Henderson c. M.R.N.
et The Bank of New York c. M.R.N. 6 ,[appels
rejetés dans les deux cas: A-158-73, et A-47-74] le
juge Cattanach se référant encore une fois à l'arrêt
4 [1971] 3 All E.R. 967, la p. 977.
[1963] R.C.É. 348.
6 73 DTC 5471.
Untermyer, accepta aux fins de l'impôt sur les
biens transmis par décès, la valeur marchande des
actions.
La demanderesse en se fondant sur la définition
du terme «montant» à l'article 139(1)a) de la Loi
(précité) affirme que le montant du dividende
représente la valeur monétaire reçue, cette der-
nière ne pouvant être évaluée que par le prix des
actions de CDC dans des opérations conclues sans
lien de dépendance. Elle affirme que si les actions
avaient été directement transférées par la deman-
deresse à Control Data, en échange des actionsde
cette dernière, les actions de Control Data auraient
fait l'objet de la même restriction relativement au
droit de les aliéner immédiatement et la valeur
reçue par la demanderesse, en échange des actions
de CDC, calculée selon le même principe, aurait
été de $26 l'action. Selon cette hypothèse, évidem-
ment, aucun dividende n'aurait été déclaré et
aucun impôt retenu. Toutefois suite aux recom-
mandations de l'avocat américain de Bendix, spé-
cialiste en droit fiscal, ce procédé fut rejeté car,
pour des raisons fiscales, on lui préférait la décla-
ration d'un dividende par la demanderesse à
Bendix et un échange immédiat des actions de
Bendix pour les actions de Control Data assorties
de restrictions, à raison de cinq actions contre une.
Elle insiste sur le fait qu'une fois les clauses de
l'offre d'échange connues, la tendance du marché
en ce qui concerne des actions de CDC, à la bourse
de Toronto, reflétait simplement le cours du
marché pour les actions de Control Data ne faisant
pas l'objet de restrictions et s'appliquait seulement
aux quelques actionnaires de CDC qui ne s'étaient
pas engagés à échanger leurs actions pour celles de
Control Data. Elle s'appuie sur l'affaire La suc
cession Beament c. M.R.N. 7 , où il s'agissait de
déterminer la juste valeur marchande des actions
aux fins de l'impôt sur les biens transmis par
décès. Dans cette affaire, on avait créé une compa-
gnie privée de portefeuille avec un capital autorisé
comprenant des actions classe A et des actions
classe B. Le défunt a souscrit les actions classe B
et ses enfants les actions classe A. Les lettres
patentes prévoyaient qu'à la dissolution de la com-
pagnie, les détenteurs des actions classe B ne
recevraient que la valeur nominale de leurs actions
7 [ 1970] R.C.S. 680.
alors que les détenteurs des actions classe A
avaient droit au solde de l'actif à répartir. Par
convention, le défunt s'est obligé envers ses enfants
à prévoir dans son testament la dissolution de la
compagnie et le partage de son actif en conformité
des dispositions des lettres patentes. Le litige por-
tait sur la question de savoir si la propriété des
actions classe B était transmise du défunt à sa
succession, libre des obligations prises par le
défunt en vertu dudit contrat, auquel cas leur
valeur serait beaucoup plus importante. Dans son
jugement, le juge en chef Cartwright a déclaré à la
page 687:
Dès qu'il est établi (et c'est admis) que le contrat obligeant le
de cujus et ses exécuteurs à la liquidation de la compagnie était
valide, la valeur réelle des actions ne peut excéder le montant
que leur détenteur recevra à la liquidation. Il n'est pas réaliste
d'avancer qu'elles ont en fait une autre valeur. Lorsque la
valeur réelle des actions est aisément vérifiable dans les circons-
tances, je ne puis rien trouver dans la Loi qui exige qu'on
calcule la valeur qu'elles pourraient avoir dans des circons-
tances complètement différentes, pour rechercher ensuite s'il y
a lieu d'y faire quelque déduction.
La demanderesse soutient qu'il s'agit là d'une
façon réaliste de considérer la présente affaire
puisqu'il existe un accord relatif à l'aliénation des
actions de CDC, conclu par Bendix et Control
Data. J'estime toutefois qu'il y a lieu d'établir une
distinction nette. Il s'agissait d'évaluer des actions
ayant appartenu au défunt et l'on décida que cette
évaluation dépendait d'une convention conclue
entre le défunt et ses bénéficiaires testamentaires
en vertu de laquelle la compagnie serait liquidée à
son décès et qu'en conséquence la valeur des
actions serait gelée à leur valeur nominale. En
l'espèce, la demanderesse forme une entité dis-
tincte de Bendix et elle n'a conclu aucune conven
tion avec Control Data relativement à l'aliénation
des actions qu'elle déclarait et payait à Bendix à
titre de dividende.
La demanderesse maintient que l'impôt prévu à
l'article 106(la)a) (précité) est imposé à la per-
sonne non résidence, c'est-à-dire Bendix, mais pré-
cise, qu'en vertu de l'article 109(1) qui se lit
comme suit:
109. (1) Lorsqu'une personne paie, ou crédite ou est censée
avoir payé ou crédité un montant sur lequel un impôt sur le
revenu est exigible aux termes de la présente Partie, elle doit,
nonobstant toute convention ou toute loi à l'effet contraire, en
déduire ou en retenir le montant de l'impôt et le remettre
immédiatement au receveur général du Canada au nom de la
personne non résidante à compte sur l'impôt et l'accompagner
d'un état en la forme prescrite.
l'obligation de retenir et remettre lesdits montants
incombe à la demanderesse qui a déclaré et payé le
dividende. A mon avis, on ne peut soutenir, sans
donner une interprétation erronée de la Loi, qu'en
raison d'un accord, intervenu entre le bénéficiaire
des dividendes et un tiers (sans lien de dépen-
dance) et qui influe sur la valeur monétaire du
dividende reçu, la compagnie canadienne payant le
dividende devrait pour calculer la retenue d'impôt
de 15%, accepter cette valeur, plutôt que la déter-
miner elle-même en fonction des renseignements
disponibles à l'égard de la valeur monétaire du
dividende en actions, sans tenir compte d'un enga
gement que le bénéficiaire aurait pu contracter,
quant à l'aliénation du dividende ainsi reçu de
manière à en augmenter ou réduire la valeur.
Le fait que Bendix se soit ou non toujours
considérée comme le propriétaire réel des actions
de CDC, à cause de son contrôle sur la demande-
resse, pouvant ainsi l'obliger à payer le dividende,
n'est pas pertinent ni d'ailleurs le fait que les états
financiers de Bendix incluaient l'actif, le passif et
les opérations commerciales de la demanderesse.
Pour tous ces motifs, l'appel de la demanderesse
est rejeté avec dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.