A-212-74
Vernon Morris (Requérant)
c.
Le Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Inunigra-
tion (Intime')
Cour d'appel, le juge Thurlow, les juges sup
pléants MacKay et Sweet —Toronto, les 3 octo-
bre et 18 novembre 1974.
Examen judiciaire—Immigration—Enquête spéciale
ordonnée—Retrait de la demande d'admission—Le requérant
demande une enquête par la suite—Renouvellement du retrait
en cours d'enquête—Compétence de l'enquêteur spécial non
affectée—Ordonnance d'expulsion confirmée—Loi sur l'im-
migration, S.R.C. 1970, c. I-2, art. .5p), 14, 18, 19, 22, 23, 26
et 27—Loi sur l'immigration, S.R.C. 1952, c. 325, art. 19,
20, 23, 24 et 26—Loi sur la Cour fédérale, art. 28.
Le requérant, venant de la Trinité et cherchant à entrer au
Canada comme visiteur non immigrant, a fait l'objet d'un
rapport prévu à l'article 22 de la Loi sur l'immigration; un
enquêteur spécial ordonna que le requérant soit détenu pour
enquête. Le lendemain, un autre enquêteur spécial a été
désigné pour mener l'enquête. Le requérant a alors signé
une lettre demandant l'autorisation de • retirer sa demande
d'admission au Canada. Par la suite, il fit savoir qu'il désirait
une enquête. Le lendemain, l'enquête reprit devant un troi-
sième enquêteur spécial qui reçut les témoignages. L'enquê-
teur spécial exposa les raisons pour lesquelles, à son avis, le
requérant n'était pas un non-immigrant authentique au sens
de l'article 5p) de la Loi. Rejetant une demande d'ajourne-
ment et une demande d'autorisation à quitter volontairement
le pays, l'enquêteur spécial ordonna l'expulsion. Le requé-
rant demanda l'examen de la décision en vertu de l'article 28
de la Loi sur la Cour fédérale.
Arrêt (le juge suppléant Sweet dissident): la demande doit
être rejetée.
Le juge Thurlow (le juge suppléant MacKay y souscri-
vant): quand l'enquêteur spécial a reçu un rapport sur le
requérant en tant que personne «qui cherche à entrer au
Canada» (l'expression se trouve aux articles 19(1), 22, 23(1)
et 27 de la Loi sur l'immigration), il avait le pouvoir de le
faire détenir pour enquête en vertu de l'article 23(2). Cette
décision, une fois prise le premier jour, ne pouvait être
touchée par les dispositions prises le lendemain. Quand le
requérant se présenta devant l'enquêteur spécial le troisième
jour, cet enquêteur était encore compétent et il l'est resté
lorsque le requérant déclara qu'il ne cherchait plus à entrer
au Canada. Après que l'enquêteur spécial eut décidé, en
vertu de l'article 27(1), que le requérant appartenait à une
catégorie interdite prévue à l'article 5p) de la Loi, il avait le
devoir d'ordonner l'expulsion en vertu de l'article 27(3) et le
maintien en détention du requérant en vertu de l'article
14(2).
Arrêt appliqué: Moore c. Le ministre de la Main-d'œu-
vre et de l'Immigration [1968] R.C.S. 839.
Le juge suppléant Sweet (dissident): avant de rendre sa
décision à la fin de l'enquête, l'enquêteur spécial savait que
le requérant ne cherchait plus à entrer au Canada. Il n'avait
nul besoin de déterminer si le requérant avait droit à l'admis-
sion. L'enquêteur avait perdu le pouvoir de rendre une
décision et ainsi il avait perdu le pouvoir d'ordonner
l'expulsion.
Distinction établie avec l'arrêt: Moore c. Le ministre de
la Main-d'oeuvre et de l'Immigration (précité).
EXAMEN judiciaire.
AVOCATS:
T. J. O'Sullivan pour le requérant.
K. F. Braid pour l'intimé.
PROCUREURS:
Les Services juridiques de la communauté
de Parkdale, Toronto, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés par
LE JUGE THURLOW: Il s'agit d'une demande
d'examen et d'annulation d'une ordonnance
d'expulsion rendue contre le requérant par l'en-
quêteur spécial Carmen DeCarlo en vertu de la
Loi sur l'immigration à la suite d'une enquête
tenue le 27 juillet 1974. Cette demande pose la
question de savoir si l'enquêteur spécial avait
encore qualité pour terminer l'enquête et rendre
une ordonnance d'expulsion après que le requé-
rant a fait savoir, au cours de l'enquête, qu'il ne
cherchait plus à entrer au Canada et a demandé
l'autorisation de partir.
Le requérant est arrivé à l'Aéroport interna
tional de Toronto venant de la Trinité le 25
juillet 1974 et a essayé d'entrer comme visiteur
non-immigrant. Cependant, le fonctionnaire à
l'immigration qui l'a interrogé n'a pas été con-
vaincu qu'il était un non-immigrant authentique
et a rédigé un rapport prévu par l'article 22 de la
Loi sur l'immigration. Ce rapport a été examiné
par C. A. Page, un enquêteur spécial, qui
ordonna que le requérant soit détenu en vue
d'une enquête qui devait se tenir le lendemain
matin à 8h00. La preuve montre qu'un autre
enquêteur spécial, Ian Williams, a été désigné
pour mener l'enquête au cours de laquelle, à la
suite d'un appel téléphonique à une personne à
New York, le requérant fit savoir qu'il désirait
retirer sa demande d'admission au Canada et
signa à cet effet une lettre où il s'engageait à
demeurer volontairement dans les bureaux de
l'immigration canadienne jusqu'à ce que son
voyage de retour par avion soit réglé. Cela était
conforme à la pratique du Ministère. Le requé-
rant fut alors renvoyé au centre de détention
local. Cependant, au cours de l'après-midi un
certain Whitman Solomon arriva à l'aéroport et
eut une conversation avec le requérant, après
quoi ce dernier indiqua à Williams qu'il voulait
une enquête. L'enquête a été cette fois fixée au
lendemain matin à 9h00. Il était entendu que
Solomon devait comparaître comme avocat du
requérant. L'enquête a été réouverts le 27 juillet
devant DeCarlo. Le requérant était présent,
accompagné d'un avocat, Me Hoffe des Services
juridiques de la communauté de Parkdale. Solo-
mon ne se présenta pas.
L'enquêteur spécial interrogea le requérant
sur des formalités et sur des matières relatives à
son admissibilité au Canada puis appela Wil-
liams à témoigner au sujet des conversations
qu'il avait eues avec le requérant et de ce qui
s'était passé la veille. Le témoin a été contre-
interrogé par l'avocat du requérant. Par la suite,
au cours d'un interrogatoire plus poussé du
requérant par l'enquêteur spécial qui s'efforçait
visiblement de vérifier la crédibilité des répon-
ses du requérant, l'avocat de ce dernier fit l'in-
tervention suivante:
[TmADucnoN] M. DeCarlo, à ce moment je voudrais vous
faire remarquer que nous avons reçu un long rapport de
renseignements concernant la famille de Morris à la Trinité,
sa situation et celle de Mile Lockhart. Je voudrais dire à ce
moment que je n'ai pas d'objection aux efforts que vous
faites pour mettre à l'épreuve la crédibilité de Morris et en
fait j'apprécie ces efforts, cependant je dois dire que notre
position à cette enquête est que, puisqu'elle a été ouverte
dans le but de déterminer si le requérant peut être admis au
Canada, cette discussion en ce qui nous concerne devient
irrégulière à ce moment. Nous disons que Morris ne désire
plus entrer au Canada et qu'il ne cherche pas à entrer au
Canada et qu'il n'y a pas lieu d'enquêter sur ses activités
passées. Notre position est qu'il désire partir, je me
demande si on ne pourrait pas activer les choses—si vous
voulez continuer votre enquête. Comme le témoin l'a dit, on
a donné à Morris la possibilité de retirer sa demande et il a
signé la formule de retrait le 25 juillet 1974, cependant cette
même personne, a déclaré qu'il voulait aller à l'enquête à
l'arrivée de son ami.
Une discussion s'ensuivit au cours de laquelle le
requérant lui-même déclara qu'il voulait quitter
le pays mais, après le plaidoyer de l'avocat,
l'enquêteur spécial rendit une décision dans
laquelle il expliquait pourquoi il pensait que le
requérant n'était pas un non-immigrant authenti-
que. L'avocat demanda alors que l'enquête soit
ajournée et que le requérant soit autorisé à se
désister volontairement, mais cette demande fut
rejetée et une ordonnance d'expulsion rendue.
Le requérant conteste le pouvoir de l'enquê-
teur spécial de rendre l'ordonnance en se basant
sur l'expression «quiconque cherche à entrer au
Canada» qu'on trouve aux articles 19(1) et 22'
de la Loi sur l'immigration, et sur les expres
sions similaires contenues dans les articles 23 et
27 2 . On a soutenu que le paragraphe 23(2)
n'oblige pas l'enquêteur spécial à détenir pour
enquête un requérant sur lequel il reçoit un
rapport prévu à l'article 22, mais qu'il ne com-
porte qu'une autorisation de le faire même lors-
qu'il n'admet pas le requérant; que son pouvoir
de tenir une enquête et d'ordonner l'expulsion
dépend, à tous les stades de la procédure, de la
volonté du requérant de continuer à être une
personne cherchant à être admise au Canada et
que, si au cours de l'enquête le requérant mani-
feste la volonté de quitter le Canada, il n'est
plus une telle personne et le pouvoir d'ordonner
son expulsion disparaît.
1 19. (1) Quiconque, y compris un citoyen canadien et
une personne ayant un domicile canadien, cherche à entrer
au Canada doit, en premier lieu, paraître devant un fonction-
naire à l'immigration, à un port d'entrée ou à tel autre
endroit que désigne un fonctionnaire supérieur de l'immigra-
tion, pour un examen permettant de déterminer s'il est
admissible ou non au Canada ou s'il est une personne
pouvant y entrer de droit.
22. Lorsqu'un fonctionnaire à l'immigration, après avoir
examiné une personne qui cherche à entrer au Canada,
estime qu'il serait ou qu'il peut être contraire à quelque
disposition de la présente loi ou des règlements de lui
accorder l'admission ou de lui permettre autrement de venir
au Canada, il doit la faire détenir et la signaler à un enquê-
teur spécial.
2 23. (1) Lorsque l'enquêteur spécial reçoit un rapport
prévu à l'article 22 sur une personne qui cherche à venir au
Canada des États-Unis ou de Saint-Pierre-et-Miquelon, il
doit, après l'enquête complémentaire qu'il juge nécessaire et
sous réserve de tous règlements établis à cet égard, admettre
cette personne ou lui permettre d'entrer au Canada, ou
(Suite à la page suivante)
Que le pouvoir de l'enquêteur spécial en vertu
du paragraphe 23(2) de détenir une personne
pour enquête soit discrétionnaire ou pas, il est à
noter que, dans le cas présent, Page, un enquê-
teur spécial, avait examiné le rapport prévu à
l'article 22 et avait ordonné que le requérant
soit détenu pour enquête. Je ne vois aucune
raison de douter qu'à ce moment le requérant
était en fait une personne cherchant être admise
au Canada. Donc la discrétion, si discrétion il y
avait, a été exercée pour détenir le requérant
aux fins d'enquête. Il faut se demander si, après
cette décision, Williams pouvait une nouvelle
fois exercer sa discrétion le lendemain soit pour
annuler ou rétablir l'ordre de détention, soit
pour ordonner de détenir le requérant aux fins
d'une enquête, mais de toute façon je ne pense
pas que ce qui s'est passé le 26 juillet ait eu un
effet quelconque sur la décision de Page. Cela
ne constituait qu'une suspension de la procé-
dure, accordée à la demande et dans l'intérêt du
requérant, pour lui permettre de partir comme il
en avait alors manifesté l'intention.
(Suite de la page précedente)
rendre contre elle une ordonnance d'expulsion et, dans ce
dernier cas, ladite personne doit, le plus tôt possible, être
renvoyée au lieu d'où elle est venue au Canada.
(2) Lorsque l'enquêteur spécial reçoit un rapport prévu
par l'article 22 sur une personne autre qu'une personne
mentionnée au paragraphe (1), il doit l'admettre ou la laisser
entrer au Canada, ou il peut la faire détenir en vue d'une
enquête immédiate sous le régime de la présente loi.
27. (1) A la conclusion de l'audition d'une enquête, l'en-
quêteur spécial doit rendre sa décision le plus tôt possible et,
si les circonstances le permettent, en présence de la per-
sonne intéressée.
(2) Lorsque l'enquêteur spécial décide que la personne
intéressée
a) peut de droit entrer ou demeurer au Canada;
b) dans le cas d'une personne cherchant l'admission au
Canada, n'est pas membre d'une catégorie interdite; ou
c) dans le cas d'une personne au Canada, n'est pas recon-
nue, par preuve, une personne décrite à l'alinéa 18(1)a),
b), c), d) ou e),
il doit, en rendant sa décision, admettre ou laisser entrer
cette personne au Canada, ou y demeurer, selon le cas.
(3) Dans le cas d'une personne autre que celle dont le
paragraphe (2) fait mention, l'enquêteur spécial doit, en
rendant sa décision, émettre contre elle une ordonnance
d'expulsion.
(4) Nulle décision rendue en vertu du présent article ne
doit empêcher la tenue d'une enquête ultérieure si elle est
requise en raison d'un rapport subséquent sous le régime de
l'article 18 ou conformément à l'article 24.
Il s'ensuit, d'après moi, que l'enquêteur spé-
cial avait le pouvoir de procéder à l'enquête et
la seule question qui reste à résoudre est celle
de savoir s'il a perdu ce pouvoir quand le requé-
rant, par l'intermédiaire de son avocat, a déclaré
qu'il ne cherchait plus à entrer au Canada.
Bien que l'enquête ait pour objet de détermi-
ner si la personne concernée est admissible
d'après la loi (voir les paragraphes 11(2), 23(2)
et 26(4)) et qu'il semble absurde qu'une enquête
spéciale doive être menée à son terme et aboutir
à une ordonnance d'expulsion contre une per-
sonne qui, à ce stade de la procédure, cherchait
seulement à partir, je ne pense pas que le pro-
blème puisse être résolu par de telles considéra-
tions. Je ne pense pas non plus que le pouvoir
de poursuivre une enquête jusqu'à son terme et
de rendre alors une ordonnance d'expulsion
dépende du fait que la personne concernée per-
siste, pendant toute l'enquête, à chercher à
entrer au Canada. Pour faire l'objet d'un rapport
prévu à l'article 22, elle doit d'abord être une
personne qui cherche à entrer au Canada et si,
avant l'examen du rapport par un enquêteur
spécial et l'émission de l'ordre de détention aux
fins d'enquête, la personne concernée demande
à être autorisée à partir et, ainsi, ne cherche plus
à entrer au Canada, il peut s'agir d'une situation
que l'enquêteur spécial pourrait considérer
comme l'autorisant à ne pas ordonner la déten-
tion. En effet, autoriser la personne concernée à
partir peut être la voie raisonnable à suivre dans
certains cas, particulièrement quand sa présence
résulte d'une erreur de bonne foi sur les condi
tions d'entrée.
Mais on ne prévoit pas le cas d'une personne
qui est effectivement au pays parce qu'elle est
venue y demander son admission et qui, parce
qu'elle doit être soumise aux procédures pré-
vues par la Loi, renonce à demander son admis
sion. Aux fins de la Loi, à mon avis, elle
demeure dans la catégorie où elle se trouvait
initialement, c'est-à-dire, celle d'une personne
cherchant à être admise et, dès qu'une décision
a été prise ou, dans tous les cas, dès l'enquête
commencée, elle n'a pas le pouvoir de l'arrêter
en changeant d'avis en ce qui concerne son
désir d'entrer au Canada. A ce sujet, la décision
de l'enquêteur spécial après examen d'un rap-
port prévu par l'article 22 équivaut, à mon avis,
à un ordre d'enquête donné par le directeur de
l'immigration après examen d'un rapport prévu
par l'article 18 et le raisonnement du juge en
chef Cartwright dans l'arrêt Moore c. Le minis-
tre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration 3 me
semble s'appliquer et mener à la même
conclusion.
La Loi prévoit que toute personne cherchant
à entrer au Canada, c'est-à-dire toute personne
arrivant de l'étranger, doit comparaître devant
un fonctionnaire à l'immigration au port d'en-
trée pour un examen permettant de déterminer
si elle est admissible ou non au Canada ou si elle
est une personne pouvant y entrer de droit.
Après cet examen, le fonctionnaire à l'immigra-
tion peut admettre la personne, mais il est aussi
autorisé par l'article 22, s'il estime que la per-
sonne peut ne pas être admissible, à la faire
détenir et la signaler à un enquêteur spécial. Ici
l'article 23 prévoit une procédure différente sui-
vant qu'il s'agit de personnes arrivant soit des
États-Unis ou de Saint-Pierre-et-Miquelon, soit
d'ailleurs.
S'il s'agit de personnes venant des États-Unis
ou de Saint-Pierre-et-Miquelon, l'enquêteur spé-
cial doit simplement mener l'enquête complé-
mentaire qu'il juge nécessaire et, sous réserve
des règlements applicables, il doit admettre la
personne ou lui permettre d'entrer au Canada ou
rendre contre elle une ordonnance d'expulsion.
Cette disposition est impérative.
S'il s'agit de personnes venant d'ailleurs, le
paragraphe 23(2) donne à l'enquêteur spécial le
pouvoir d'admettre la personne ou de la laisser
entrer au Canada ou de la faire détenir en vue
d'une enquête immédiate sur son admissibilité.
Au cours de l'enquête, l'enquêteur spécial, s'il
estime que la personne concernée n'est pas
admissible, doit rendre une ordonnance d'expul-
sion à son égard. Dans ce cas, le paragraphe
14(2) autorise l'enquêteur spécial à prolonger la
détention de la personne.
Il me semble que l'on pourrait contourner et
rendre inapplicables les dispositions de la Loi
qui ont pour but d'empêcher l'entrée au Canada
3 [1968] R.C.S. 839.
de personnes inadmissibles si la personne qui
fait l'objet d'une enquête spéciale pouvait à
volonté mettre fin au pouvoir de l'enquêteur
spécial de tenir une enquête et de rendre une
ordonnance d'expulsion. Une telle interprétation
de la Loi entraînerait une situation où la per-
sonne concernée, quoique inadmissible, serait
en fait au Canada mais ne serait même plus
soumise à la détention pour s'assurer de son
départ. Ce raisonnement montre la nécessité
d'adopter une interprétation de la Loi qui rende
le système utilisable et efficace et, à mon avis,
offre un argument supplémentaire en faveur de
la conclusion que j'ai adoptée.
Je rejette la demande.
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY: J'y souscris.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés par
LE JUGE SUPPLÉANT SWEET: Il s'agit d'une
demande, en vertu de l'article 28 de la Loi sur la
Cour fédérale, portant sur l'examen et l'annula-
tion d'une ordonnance d'expulsion du requérant
rendue par un enquêteur spécial le 27 juillet
1974.
Le 25 juillet 1974, le requérant, résident de la
Trinité, est arrivé à l'Aéroport international de
Toronto, cherchant à entrer au Canada. Il y a
été interrogé par un fonctionnaire à l'immigra-
tion qui l'a signalé à un enquêteur spécial, con-
formément à l'article 22 de la Loi sur
l'immigration.
Avant la tenue de l'enquête par l'enquêteur
spécial, le requérant a signé, sur papier portant
l'en-tête «Main-d'oeuvre et Immigration», un
document en date du 26 juillet 1974 contenant
ce qui suit:
[TRADUCTION] Par la présente je retire volontairement ma
demande d'admission au Canada qui a été faite le 25 juillet
1974 à l'Aéroport international de Toronto et en outre
j'accepte de demeurer volontairement dans les bureaux de
l'immigration canadienne jusqu'à ce que mon retour par
avion puisse être réglé. Je me rends pleinement compte que
cela peut ne pas se faire avant demain.
Il paraît que le Ministère a l'habitude d'accepter
qu'un tel document lui soit remis avant le début
d'une enquête par des personnes qui, cherchant
à entrer au Canada, sont signalées à un enquê-
teur spécial mais ne veulent pas faire l'objet
d'une enquête et sont prêtes à quitter volontai-
rement le Canada.
Dans cette affaire, une enquête a été tenue le
27 juillet 1974. Ian Williams, un enquêteur spé-
cial qui a déclaré avoir été désigné pour s'occu-
per de cette affaire, mais ne fut pas l'enquêteur
spécial qui a mené l'enquête, a été un témoin à
l'enquête. Voici un extrait de la transcription de
son témoignage:
[TRADUCTION] Plus tard dans l'après-midi, un homme du
nom de Whitman Solomon est arrivé à l'aéroport. Je pense
avoir laissé sur le dossier une note indiquant ses nom,
adresse et numéro de téléphone. Solomon a fait savoir qu'il
désirait parler à Morris et on l'a fait conduire de l'hôtel à
l'aéroport. Ils ont parlé longuement et après quelque discus
sion, Morris a alors déclaré qu'il voulait une enquête. Après
discussion, Solomon, Morris et moi-même y avons consenti
à condition que Solomon revienne aujourd'hui, le 27 juillet,
en qualité d'avocat, condition que Morris et Solomon ont
acceptée à 9h00 du matin.
L'enquêteur spécial menant l'enquête était C.
W. DeCarlo. L'avocat du requérant était alors
Me Carter Hoppe. Au cours de l'enquête, Me
Hoppe déclara d'après la transcription:
[TRADUCTION] Je dois dire que notre position à cette enquête
est que, puisqu'elle a été ouverte dans le but de déterminer
si le requérant peut être admis au Canada, cette discussion
en ce qui nous concerne revient irrégulière à ce moment.
Nous disons que Morris ne désire plus entrer au Canada et
qu'il ne cherche pas à entrer au Canada et qu'il n'y a pas lieu
d'enquêter sur ses activités passées. Notre position est qu'il
désire partir, je me demande si on ne pourrait pas activer les
choses—si vous voulez continuer votre enquête.
Voici un extrait de la transcription de
l'audience:
[TRADUCTION] L'enquêteur spécial:
Il y a une chose qu'il faut se rappeler, maître. Le
retrait d'une demande est un privilège accordé par le
Ministère aux personnes qui ne veulent pas entrer au
pays. On a donné cette possibilité à votre client et il a
changé d'avis. Il avait le privilège d'aller à l'enquête.
L'article 23(2) de la Loi déclare que les personnes qui
cherchent à être admises au Canada et qui ne sont pas
déclarées admissibles et à l'égard desquelles un rap
port prévu par l'article 22 a été établi, doivent faire
l'objet d'une enquête immédiate. Les choses ont été à
peu près comme Morris le voulait. Dès le début, on lui
a accordé le retrait de sa demande, il a changé d'avis et
a voulu aller à l'enquête. Comme je l'ai dit plus tôt, ce
retrait est un privilège accordé à la personne concer-
née. Un enquêteur spécial a le droit de mener une
enquête sur toute personne. Il n'y a pas de légalité—
L'avocat:
S'il n'y a pas de légalité dans une formule de retrait, je
me demande pourquoi de telles formules se trouvent
dans les imprimés de votre ministère.
L'enquêteur spécial:
A l'usage des personnes qui cherchent à retirer leur
demande.
Voici un extrait de la transcription de la suite
de l'enquête:
[TRADUCTION] L'enquêteur spécial:
La séance est reprise.
Q. M. Morris, au cas où une ordonnance d'expulsion
serait rendue contre vous, existe-t-il des raisons pour
qu'on vous permette de rester au Canada?
R. Bien, je retourne chez moi, je suis prêt à retourner
chez moi volontairement.
Q. Au cas où une ordonnance d'expulsion serait rendue
contre vous, existe-t-il des raisons pour que vous ne
soyez pas expulsé?
R. Je veux être expulsé parce que j'ai dit volontairement
que je retournais chez moi et j'y retourne.
L'avocat:
En toute déférence, la raison pour laquelle il donne ces
réponses c'est que nous soutenons que vous n'avez
pas le pouvoir de rendre une ordonnance d'expulsion
parce que nous ne voulons pas entrer au Canada. Mon
client veut retourner chez lui.
L'enquêteur spécial:
Maître, au vu d'un rapport prévu par l'article 22, un
enquêteur spécial doit tenir une enquête. J'ai déjà dit
que votre client avait été autorisé à retirer sa demande.
Il a changé d'avis probablement après avoir consulté
un ami et il a alors décidé d'aller à l'enquête.
Q. Après les conseils que je vous ai donnés ce matin,
quelle est votre intention maintenant: voulez-vous
entrer au Canada oui ou non?
R. Je ne veux pas rester au Canada. Je préfère rentrer
chez moi et reprendre mes cours. Je veux retourner
chez moi.
L'enquêteur spécial à la personne concernée:
Q. M. Morris, avez-vous d'autres preuves à produire, ou
quelque chose qui puisse m'aider à prendre une
décision?
R. Je veux retourner chez moi. Je ne veux pas être
déporté chez moi parce qu'en voyageant j'ai perdu
mon premier passeport comme pièce d'identité. Ils me
disent que si ce passeport—que je ne peux pas obtenir
un autre passeport si celui-ci est marqué. J'ai l'inten-
tion d'obtenir mon diplôme et de travailler à la Trinité.
Si je veux quitter la Trinité, je ne peux pas le faire
parce que mon passeport n'est pas valable.
Q. Pourquoi votre passeport n'est-il pas valable?
R. Si je suis expulsé, ce que je ne veux pas, je veux partir
volontairement. Si le cachet d'expulsion est apposé sur
mon passeport, on le reconnaîtra. Si je rentre chez moi
volontairement mon passeport sera considéré comme
un passeport très utile.
Q. Avez-vous quelque chose à dire pour votre défense?
R. Pour ma défense, je veux retourner chez moi volontai-
rement. Maintenant, à ce moment présent, je veux
retourner chez moi.
Malgré tout ceci, l'enquête s'est poursuivie.
D'après la transcription, l'enquêteur a
déclaré:
[TRADUCTION] M. Morris, me fondant sur les preuves
produites à cette enquête tenue ici aujourd'hui, le 27
juillet 1974, à l'Aéroport international de Toronto, j'ai
décidé que vous ne pouvez pas entrer au Canada ni y
demeurer de droit parce que:
(1) vous n'êtes pas un citoyen canadien;
(2) vous n'avez pas acquis un domicile canadien et
que
(3) vous faites partie de la catégorie interdite définie à
l'alinéa 5p) de la Loi sur l'immigration parce qu'à mon
avis, vous n'êtes pas un non-immigrant authentique.
Par la présente j'ordonne que vous soyez détenu et
expulsé.
Il ressort très clairement de la transcription
que, entre le début et la fin de l'audience et
avant le prononcé de la décision par l'enquêteur
spécial, celui-ci, en raison des déclarations
faites par le requérant et en son nom, devait
savoir d'une manière non équivoque que le
requérant avait retiré sa demande d'admission
au Canada et qu'il ne cherchait plus à entrer au
Canada. Il s'agit de déterminer si, dans ces
circonstances, l'enquêteur spécial avait le pou-
voir d'ordonner l'expulsion.
Il est nécessaire d'examiner le but et l'objet
d'ensemble de la Loi sur l'immigration et le
libellé de ses dispositions applicables.
Voici un extrait des articles applicables:
19. (1) Quiconque, y compris un citoyen canadien et une
personne ayant un domicile canadien, cherche à entrer au
Canada doit, en premier lieu, paraître devant un fonction-
naire à l'immigration, à un port d'entrée ou à tel autre
endroit que désigne un fonctionnaire supérieur de l'immigra-
tion, pour un examen permettant de déterminer s'il est
admissible ou non au Canada ou s'il est une personne
pouvant y entrer de droit.
22. Lorsqu'un fonctionnaire à l'immigration, après avoir
examiné une personne qui cherche à entrer au Canada,
estime qu'il serait ou qu'il peut être contraire à quelque
disposition de la présente loi ou des règlements de lui
accorder l'admission ou de lui permettre autrement de venir
au Canada, il doit la faire détenir et la signaler à un enquê-
teur spécial.
23. (2) Lorsque l'enquêteur spécial reçoit un rapport
prévu par l'article 22 sur une personne autre qu'une per-
sonne mentionnée au paragraphe (1), il doit l'admettre ou la
laisser entrer au Canada, ou il peut la faire détenir en vue
d'une enquête immédiate sous le régime de la présente loi.
27. (1) A la conclusion de l'audition d'une enquête, l'en-
quêteur spécial doit rendre sa décision le plus tôt possible et,
si les circonstances le permettent, en présence de la per-
sonne intéressée.
(3) Dans le cas d'une personne autre que celle dont le
paragraphe (2) fait mention, l'enquêteur spécial doit, en
rendant sa décision, émettre contre elle une ordonnance
d'expulsion.
La Loi sur l'immigration a pour but et objet
principaux d'exposer les circonstances où des
personnes peuvent entrer au Canada et (ou) y
séjourner ainsi que les conditions auxquelles
elles le peuvent et d'établir les critères des
entrées autorisées en fonction des raisons qui
les motivent. Le corollaire consiste à empêcher
l'entrée et le séjour de personnes non autori-
sées. Pour réaliser son but et son objet, la Loi
prévoit du personnel, des mécanismes et des
mesures réparatrices. Le pouvoir d'expulser,
dans les circonstances prévues par la Loi, en
fait partie.
La Loi n'est pas de nature répressive. Sous
certains aspects importants, elle est même indul-
gente. Elle permet l'entrée de beaucoup de per-
sonnes qui n'y sont pas habilitées de droit.
A mon avis, ces considérations donnent la
façon correcte d'interpréter les dispositions de
la Loi.
Les dispositions applicables en l'espèce con-
cernent et ne concernent qu'une personne qui,
pour employer la formulation de l'article 19(1),
«cherche à entrer au Canada». Seule une telle
personne est obligée de «paraître devant un
fonctionnaire à l'immigration» comme le prévoit
ce paragraphe.
Seule «une personne qui cherche à entrer au
Canada» doit être signalée à un enquêteur spé-
cial par un fonctionnaire à l'immigration dans
les cas prévus à l'article 22.
En conséquence, «lorsque l'enquêteur spécial
reçoit un rapport prévu à l'article 22», ce rap
port ne peut viser qu'une personne qui cherche
à entrer au Canada. Ce rapport visant une telle
personne constitue une condition préalable,
avant que l'enquêteur spécial puisse «Ia faire
détenir en vue d'une enquête immédiate» en
vertu de l'article 23(2). Ainsi l'enquête faisant
suite au rapport établi conformément à l'article
22 ne peut concerner qu'une personne cher-
chant à entrer au Canada.
A mon avis, pour qu'une telle enquête
(c'est-à-dire celle qui fait suite à un rapport
prévu à l'article 22) puisse se poursuivre jus-
qu'au stade où l'enquêteur spécial est à même
d'ordonner l'expulsion, la personne qui fait l'ob-
jet de l'audience doit persister à chercher à
entrer au Canada jusqu'au moment de la
décision.
Le pouvoir d'expulsion est accordé à un
enquêteur spécial par l'article 27 qui en fixe les
limites. C'est «en rendant sa décision» que l'en-
quêteur spécial peut «émettre... une ordon-
nance d'expulsion.» (Article 27(3)). C'est «à la
conclusion de l'audition d'une enquête» que
«l'enquêteur spécial doit rendre sa décision.»
(Article 27(1)).
Avant la conclusion de l'audience, l'enquêteur
spécial a été avisé que le requérant n'était plus
une personne cherchant à entrer au Canada. A
partir de ce moment, son enquête devenait sans
objet. Il n'avait pas besoin de décider si le
requérant avait le droit d'entrer. Dans la mesure
où le requérant devait retourner volontairement,
une décision sur le point de savoir s'il avait le
droit d'entrer était sans objet. A mon avis, l'en-
quêteur spécial avait alors perdu le pouvoir de
rendre une décision et il avait ainsi perdu le
pouvoir d'ordonner l'expulsion. A mon avis, il
n'aurait pas dû aller jusqu'à rendre une décision
et, ce faisant, il a commis une erreur de droit.
A mon avis, une telle enquête n'est pas une
procédure répressive. Au contraire, je considère
qu'une enquête faisant suite à un rapport prévu
à l'article 22 a pour but de donner à un éventuel
«immigrant» ou «non-immigrant», que le fonc-
tionnaire à l'immigration n'est pas disposé à
admettre au Canada, la possibilité d'établir, s'il
le désire et s'il le peut, qu'il a le droit d'entrer au
Canada. Le but principal de cette audience n'est
pas d'obtenir l'expulsion. Son but principal est
de déterminer si le requérant peut être autorisé
à entrer au Canada comme il le désire. Le
Parlement n'avait pas besoin d'établir la procé-
dure d'enquête pour qu'un étranger puisse être
expulsé. Le Parlement du Canada, réglementant
l'immigration comme il le fait, pourrait assez
facilement faire expulser sans enquête un étran-
ger cherchant à entrer au Canada.
Si une personne désireuse d'immigrer au
Canada ou d'y venir en touriste pouvait seule-
ment faire l'objet d'une enquête impliquant le
risque d'expulsion, avec les conséquences
qu'elle comporte d'après la Loi, sans avoir le
droit de retirer sa demande avant la conclusion
de l'audience et ainsi de partir sans être expul-
sée, cela constituerait une atteinte grave et inu-
tile aux privilèges que l'enquête est destinée à
accorder au requérant. En tout cas, d'après mon
interprétation, la Loi, telle qu'elle est rédigée,
n'accule pas le requérant à un tel dilemme.
Je considère qu'il faut faire une distinction
avec l'arrêt Moore c. Le ministre de la Main-
d'oeuvre et de l'Immigration, [1968] R.C.S. 839.
Néanmoins, j'estime qu'il y a lieu de le com-
menter, principalement en raison de la déclara-
tion qu'y a faite le juge en chef Cartwright (à la
page 844):
[TRAnucTioN] Une personne qui se trouve illégalement au
Canada ne peut, en manifestant le désir de quitter le Canada
volontairement, éviter de faire l'objet d'une enquête et d'une
ordonnance d'expulsion.
et de la déclaration du juge Judson (page 845):
[TRADUCTION] On soutient que l'enquêteur spécial n'avait
pas compétence puisque l'appelant ne cherchait ni à entrer
au Canada ni à y demeurer. La réponse à cet argument est
que l'appelant se trouvait illégalement au Canada, en viola
tion de la Loi sur l'immigration.
Naturellement ces déclarations doivent être
analysées dans le contexte de l'ensemble des
motifs de leurs seigneuries et des circonstances
de l'affaire Moore.
Moore est entré au Canada le 24 novembre
1967. Il venait de Panama via le Mexique. Le 26
novembre 1967 il s'est rendu à l'Aéroport inter
national de Toronto pour retourner à Panama. Il
attendait avant de monter à bord de l'avion
quand il a été arrêté. Il a été signalé conformé-
ment à l'article 19 de la Loi sur l'immigration
alors en vigueur. Le 28 novembre 1967, on l'a
avisé que le directeur de l'immigration avait
ordonné une enquête prévue à l'article 26 de la
Loi sur l'immigration d'alors. Le ler février
1968, à la suite de l'enquête, son expulsion a été
ordonnée.
D'après le rapport établi dans l'affaire, une
ordonnance d'expulsion avait été rendue contre
Moore le 8 mai 1959; il a été déporté aux
États-Unis le 22 mai 1959; il était en possession
d'un passeport canadien indiquant qu'il était né
au Canada et qu'il était citoyen canadien alors
qu'il était né aux États-Unis et était un ressortis-
sant de ce pays; quand il a essayé de partir, il a
présenté ce passeport en vue d'obtenir une carte
de touriste lui permettant d'entrer au Mexique à
son voyage de retour; et il avait un casier judi-
ciaire chargé aux États-Unis et c'est ce qui a
motivé son expulsion en 1959.
L'article 26 de la Loi sur l'immigration,
S.R.C. 1952, c. 325, était ainsi libellé:
Sous réserve de tout ordre ou de toutes instructions du
Ministre, le directeur, sur réception d'un rapport écrit prévu
par l'article 19 et s'il estime qu'une enquête est justifiée,
doit faire tenir une enquête au sujet de la personne visée par
le rapport.
L'article 19 de cette loi a servi de modèle à
l'article 18 de la Loi sur l'immigration actuelle-
ment en vigueur.
Il faut noter que l'article 26 visait les rapports
prévus à l'article 19 et non pas les rapports
prévus à l'article 23 de l'ancienne loi. Cet article
23 a servi de modèle à l'actuel article 22. Les
enquêtes faisant suite aux rapports prévus à
l'article 23 faisaient l'objet de l'ancien article 24
qui a servi de modèle à l'actuel article 23.
Voici les extraits de l'article 19 de la Loi sur
l'immigration, S.R.C. 1952, c. 325, dont il est
fait mention dans le rapport établi dans l'affaire
Moore par le fonctionnaire à l'immigration en
vertu de l'article 19:
19. (1) Lorsqu'il en a connaissance, le greffier ou secré-
taire d'une municipalité au Canada, dans laquelle une per-
sonne ci-après décrite réside ou peut se trouver, un fonc-
tionnaire à l'immigration ou un constable ou autre agent de
la paix doit envoyer au directeur un rapport écrit, avec des
détails complets, concernant
e) toute personne, autre qu'un citoyen canadien ou une
personne ayant un domicile canadien, qui
(iv) était un membre d'une catégorie interdite lors de
son admission au Canada,
(viii) est entrée au Canada, ou y demeure, avec un
passeport, un visa, un certificat médical ou autre docu
ment relatif à son admission qui est faux ou irrégulière-
ment délivré, ou par suite de quelque renseignement
faux ou trompeur, par la force, clandestinement ou par
des moyens frauduleux ou irréguliers, exercés ou four-
nis par elle ou par quelque autre personne,
(ix) revient au Canada ou y demeure contrairement aux
dispositions de la présente loi après qu'une ordonnance
d'expulsion a été rendue contre elle ou autrement, ou
Le paragraphe (2) de cet article 19 est ainsi
rédigé:
Quiconque, sur enquête dûment tenue par un enquêteur
spécial, est déclaré une personne décrite au paragraphe (1)
devient sujet à expulsion.
L'article 19(1) vise spécialement une per-
sonne qui réside ou qui peut se trouver dans une
municipalité au Canada comme le fait l'actuel
article 18. Il diffère donc sensiblement de l'arti-
cle 22 de la présente loi qui vise spécialement
«une personne qui cherche à entrer au Canada».
Il s'agit donc d'articles séparés et distincts, trai-
tant de situations différentes et ayant des buts
différents.
D'après mon interprétation de cette affaire,
Moore n'était pas une personne qui cherchait à
entrer au Canada au sens de l'actuel article 22
ou de l'ancien article 20. D'après mon interpré-
tation, il était une personne se trouvant dans
une municipalité au Canada (quoiqu'illégale-
ment) au sens de l'ancien article 19. En tout cas,
il a fait l'objet d'un rapport conformément à
l'article 19.
J'estime que l'affaire Moore n'a rien à voir
avec l'actuel article 22 ni avec les enquêtes
faisant suite aux rapports établis conformément
à cet article.
Morris a fait l'objet du rapport prévu à l'arti-
cle 22 et, à mon avis, un tel rapport entraîne des
résultats différents de ceux qu'entraînerait un
rapport prévu à l'ancien article 19.
Estimant que, si une enquête est tenue à la
suite d'un rapport prévu à l'article 22, l'enquê-
teur spécial menant l'enquête ne peut ordonner
l'expulsion que dans la mesure où la personne
qui demande son admission n'a pas retiré cette
demande avant la conclusion de l'audience, j'an-
nulerais l'ordonnance d'expulsion du requérant
Vernon Morris.
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