A-343-74
In re le Code canadien du travail et in re une
ordonnance du Conseil canadien des relations du
travail accréditant la section 419 des camionneurs ,
comme agent négociateur d'une unité d'employés
de la Cannet Freight Cartage Limited
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, le juge
Heald et le juge suppléant Hyde—Ottawa, les 26
et 27 juin 1975.
Examen judiciaire—Relations du travail—Conseil canadien
des relations du travail accréditant un agent négociateur d'une
unité d'employés s'occupant de l'expédition de marchandises—
Le Conseil a-t-il compétence?—Les employés travaillent-ils
«dans le cadre d'une entreprise fédérale»?—Code canadien du
travail, S.R.C. 1970, c. L-1, art. 2, 108—Acte de l'Amérique
du Nord britannique, art. 92(10)a)—Loi sur les relations
industrielles et sur les enquêtes visant les différends du travail,
S. C. 1948, c. 54, art. 53.
Le Conseil a accrédité un agent négociateur d'une unité
d'employés qui chargent dans des wagons des marchandises
devant être transportées par le Canadien National. La requé-
rante, qui exploite avec une compagnie associée une entreprise
d'expédition de marchandises, s'est opposée, alléguant que le
Conseil n'avait pas compétence. On a fait valoir un double
argument en faveur du maintien de la décision. (1) Le charge-
ment des wagons constitue une partie intégrante ou nécessaire-
ment accessoire de l'exploitation efficace des chemins de fer.
(2) Les employés, dans la mesure où ils prenaient part à un
service intégré mettant en jeu les deux compagnies, partici-
paient à une entreprise engagée dans la distribution interpro-
vinciale de marchandises.
Arrêt: l'ordonnance du Conseil est rejetée; celui-ci n'avait pas
compétence.
Le juge en chef Jackett: (1) les employés ne travaillaient pas
dans le cadre du C.N. Ils étaient au service de la requérante
pour placer les marchandises en vertu d'accords prévoyant que
le chargement serait fait par l'expéditeur et non par les
employés du chemin de fer. (2) Les activités ne constituent pas
une entreprise relevant de l'article 92(10)a) de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique ou de la définition d'.entre-
prise, affaire ou ouvrage de compétence fédérale» du Code
canadien du travail; la seule entreprise interprovinciale est le
chemin de fer interprovincial du Canadien National.
Le juge Heald: (1) toute la zone d'activité de la requérante
avait un caractère purement local; c'était le C.N. qui s'occupait
d'acheminer les wagons à travers les provinces. Les employés de
la Cannet font partie de l'entreprise de la Cannet et non de
celle du C.N. (2) Un expéditeur utilisant le chemin de fer d'une
province à une autre ne devient pas de ce fait l'exploitant du
chemin de fer; il n'est pas nécessaire de décider si l'on doit
considérer les deux compagnies d'expédition de marchandises
comme' des entités distinctes ou comme faisant partie d'une
opération intégrée.
Le juge suppléant Hyde: (1) la situation est semblable à celle
exposée dans l'affaire Murray Hill Limousine. Le C.N. ne
fournissait pas à ses clients les services de la requérante.
Contrairement à la situation dans l'affaire Eastern Canada
Stevedoring, les services fournis ne l'étaient pas «en vertu, de
contrats avec ... les compagnies de navigation pour effectuer le
chargement et le déchargement de leurs navires.»
Distinction faite avec les arrêts: In re la validité et l'appli-
cabilité de la Loi sur les relations industrielles et sur les
enquêtes visant les différends du travail [1955] R.C.S.
529 et Union des facteurs du Canada c. Syndicat des
postiers du Canada [1975] 1 R.C.S. 178. Arrêts suivis:
Harris c. Best Ryley & Co. (1) 7 Asp. M.C. 274; Butler
Aviation of Canada Ltd. c. Association internationale des
machinistes et des travailleurs de l'aéroastronautique
[1975] C.F. 590. Arrêt approuvé: Murray Hill Limousine
Service Ltd. c. Batson [1965] B.R. 778.
EXAMEN judiciaire.
AVOCATS:
J. Roland pour la requérante.
R. Cumine et G. F. Henderson, c.r., pour
l'intimé.
PROCUREURS:
Osler, Haskin & Harcourt, Toronto, pour la
requérante.
McLean, Lyons & Kerr, Toronto, pour
l'intimé.
Gowling & Henderson, Ottawa, pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés oralement par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: On demande, en
vertu de l'article 28, l'annulation pour défaut de
compétence d'une ordonnance du Conseil canadien
des relations du travail accréditant un agent négo-
ciateur pour une unité des employés de la
requérante.
Les faits ne sont aucunement controversés. La
requérante est une compagnie en relation avec la
Cottrell Forwarding Company Limited, qui
exploite, comme son nom l'indique, une entreprise
relevant de ce qu'on appelle parfois l'expédition de
marchandises. La Cottrell fait des offres sur des
marchandises de clients de la région de Toronto
pour leur transport dans l'ouest du Canada et
s'occupe des formalités nécessaires avec la Compa-
gnie des chemins de fer nationaux du Canada pour
leur acheminement par wagons; la requérante
ramasse ces marchandises avec des camions mis en
service par des entrepreneurs indépendants et les
transporte aux locaux loués au Canadien National
où les employés en cause déchargent les camions
de ramassage, déposent les marchandises sur ' le
quai, les chargent et les arriment dans les wagons
fournis par le Canadien National conformément
aux accords conclus avec la Cottrell. Cette der-
nière accomplit toutes les formalités avec les
clients et le Canadien National puis organise le
déchargement, etc.
Il est admis qu'en vertu de l'article 108 du Code
canadien du travail, le Conseil n'était compétent
pour rendre l'ordonnance incriminée que si les
employés en cause travaillaient «dans le cadre
d'une entreprise fédérale», telle que définie à l'arti-
cle 2 du Code qui se lit en partie comme suit:
«entreprise, affaire ou ouvrage de compétence fédérale» ou
«entreprise fédérale» signifie tout ouvrage, entreprise ou
affaire ressortissant au pouvoir législatif du Parlement du
Canada, y compris, sans restreindre la généralité de ce qui
précède:
b) tout chemin de fer ... ou autre ouvrage ou entreprise
reliant une province à une ou plusieurs autres, ou s'étendant
au-delà des limites d'une province;
L'avocat du syndicat et le Conseil prétendent
que ce dernier était compétent parce que les
employés en cause travaillaient dans le' cadre d'une
entreprise de chemins de fer interprovinciaux et,
subsidiairement, parce qu'ils travaillaient dans le
cadre d'une entreprise (expédition de marchandi-
ses) s'étendant au-delà des limites d'une province.
La première prétention se fonde essentiellement
sur le fait que les employés en cause, en ce qui
concerne l'aspect matériel de leurs activités, s'oc-
cupent de charger dans des wagons des marchandi-
ses devant être transportées par le Canadien
National qui exploite un chemin de fer interpro-
vincial; à l'appui de cette prétention, ils citent
l'arrêt Eastern Canada Stevedoring Company
Limited' ainsi que la décision récente de cette cour
dans l'affaire Butler Aviation 2 .
Selon moi, il faut trancher la question de savoir
si des personnes dont les travaux, d'un point de vue
matériel, se font dans le cadre d'une entreprise de
[1955] R.C.S. 529.
2 [1975] C.F. 590.
chemin de fer sont employées «dans le cadre» du
chemin de fer au sens de l'article 108 lu concur-
remment avec l'article 2 du Code canadien du
travail; il faut le faire à la lumière des restrictions
d'ordre constitutionnel apportées aux pouvoirs du
Parlement dans le domaine du travail, selon les
circonstances dans lesquelles sont effectués lesdits
travaux. Il est évident qu'une personne employée
par une compagnie de chemins de fer pour fournir
une partie des services de transport offerts aux
clients relève de cette expression, même si, maté-
riellement, elle n'est pas en rapport avec la ligne de
chemin de fer elle-même ou le matériel roulant. Il
est tout aussi évident qu'une personne travaillant
pour un entrepreneur local dans une province ne
relève pas de cette expression, même si son travail,
dans le cadre de l'entreprise purement locale de
son employeur, exige qu'il accomplisse physique-
ment une grande partie de ces services sur la ligne
de chemin de fer ou le matériel roulant.
Si, par exemple, le chemin de fer fournit dans
une ville un service de ramassage faisant partie de
l'ensemble du service de transport, les personnes en
cause sont, à mon avis, employées dans le cadre du
chemin de fer. Si, par contre, le chemin de fer ne
fait que fournir à ses clients des wagons chargés
par les derniers et déchargés par les destinataires,
les employés de l'expéditeur, lorsqu'ils chargent le
wagon pour leur employeur, continuent, d'un point
de vue constitutionnel, à travailler dans le cadre de
l'entreprise de leur employeur et ne deviennent pas
provisoirement des employés du chemin de fer.
Lorsqu'on aborde le problème sous cet angle, il
ressort clairement, selon moi, que les employés en
question ne travaillaient pas dans le cadre de la
Compagnie des chemins de fer nationaux du
Canada. Ils étaient au service de la requérante
pour placer les marchandises dans les wagons en
vertu d'accords prévoyant que les wagons seraient
chargés par l'expéditeur et non par les employés du
chemin de fer.
J'ai encore moins de difficulté à rejeter la pré-
tention selon laquelle l'expédition de marchandises
était une entreprise reliant une province à une
autre ou s'étendant au-delà des limites d'une pro
vince. Même si l'on considère les activités de la
requérante et celles de la compagnie Cottrell
comme faisant partie intégrante d'un tout, elles ne
constituent pas selon moi une «entreprise» relevant
de l'article 92(10)a) de l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique ou de la définition d'«entreprise,
affaire ou ouvrage de compétence fédérale» du
Code canadien du travail. A mon sens, la seule
entreprise interprovinciale impliquée en l'espèce
est le chemin de fer interprovincial du Canadien
National. Indubitablement, l'expéditeur utilisant
le chemin de fer pour le transport de marchandises
d'une province à une autre ne devient pas, de ce
fait, l'exploitant d'une entreprise interprovinciale.
Si c'est le cas, comme je le crois, le simple fait
qu'une personne s'occupe de ramasser des mar-
chandises dans une province pour les faire expédier
en larges quantités à l'extérieur de la province par
un transporteur public ne fait pas de cette per-
sonne un exploitant d'une entreprise interprovin-
ciale.
Selon moi, vu la preuve soumise en l'espèce, le
Conseil n'était pas compétent pour rendre l'ordon-
nance mise en cause qui devrait donc être annulée.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés oralement par
LE JUGE HEALD: On demande en vertu de
l'article 28, l'examen et l'annulation d'une décision
du Conseil canadien des relations du travail (ci-
après appelé le Conseil) accréditant la section 419
des camionneurs comme agent négociateur d'une
unité d'employés de la Cannet Freight Cartage
Limited (ci-après appelée la Cannet). La seule
question en litige devant le Conseil et dans le cadre
de cette demande est de savoir si le Conseil était
compétent pour rendre l'ordonnance.
Selon la preuve soumise au Conseil, lorsqu'il
conclut à sa compétence, la Cannet, compagnie
ontarienne, a commencé à exploiter en 1969 une
entreprise de camionnage de marchandises. La
Cannet exerce son activité conformément à un
permis d'exploitation de véhicule commercial
public délivré par le ministère des Transports et
des Communications de l'Ontario, l'autorisant à
transporter des marchandises dans les limites
d'une zone décrite dans le permis comme la région
de Toronto y compris la région métropolitaine. La
Cannet transporte des marchandises des locaux de
ses clients jusqu'à ses propres locaux commer-
ciaux, sis à Concord (Ontario), où ses employés les
déchargent sur les quais et les chargent ensuite
dans des wagons de marchandises fournis par le
CN et garés sur trois embranchements le long
desdits quais. La Cannet organise le groupage par
wagons, qui contiennent donc souvent des mar-
chandises de plusieurs clients, puis les expédie dans
l'ouest du Canada, le lieu de destination de la
plupart. Les locaux qu'utilise la Cannet sont loués
au CN en fonction du nombre de tonnes de mar-
chandises manutentionnées et la Cannet paie éga-
lement le CN, tant pour les embranchements que
pour les wagons. Le camionnage est assuré pour le
compte de la Cannet par des camionneurs indépen-
dants qui sont propriétaires des véhicules utilisés.
Ces véhicules sont toutefois munis d'un permis
conformément au permis d'exploitation de la
Cannet délivré par le ministère des Transports de
l'Ontario.
Un répartiteur au service de la Cannet, mais qui
ne fait pas partie de l'unité de négociation accrédi-
tée en l'espèce, indique auxdits camionneurs indé-
pendants leur destination. Si la Cannet a besoin de
prendre des marchandises à l'extérieur de la zone
fixée dans son permis, elle fait appel à d'autres
transporteurs, mais tout le ramassage des mar-
chandises se fait dans les limites de l'Ontario. La
Cannet est en rapport avec la Cottrell Forwarding
Company Limited (ci-après appelée la Cottrell)
bien qu'on n'ait pas clairement établi à l'audience
du Conseil la nature exacte de leurs relations, si ce
n'est qu'apparemment le président de la Cannet
est le vice-président de la Cottrell. La Cottrell fait
des offres sur les marchandises de clients voulant
les faire expédier dans l'ouest du Canada. La
Cannet fournit les services de chargement et de
camionnage sous la forme décrite précédemment,
contre rémunération versée par la Cottrell. Cette
dernière facture au client toutes les prestations de
services y compris le ramassage, le chargement, le
transport et le déchargement. La Cottrell reçoit de
ses clients des ordres d'expédition et s'occupe
entièrement de la comptabilité, de la gestion et de
la vente.
Selon moi, le Conseil a commis une erreur de
droit en concluant, au vu de la preuve qui lui était
soumise, qu'il était compétent en vertu de l'article
108 du Code canadien du travail à l'égard des
employés de la Cannet. En conséquence, la déci-
Sion du Conseil accréditant la section 419 des
camionneurs comme agent négociateur des
employés de la Cannet devrait être annulée.
L'avocat nous a fait valoir un double argument
en faveur de la compétence du Conseil en l'espèce.
En premier, il affirme que le chargement des
wagons tel qu'effectué par la Cannet constitue une
partie intégrante ou nécessairement accessoire de
l'exploitation efficace de ces chemins de fer et que
le Parlement du Canada est seul compétent pour
légiférer dans ce domaine. L'arrêt Eastern Canada
Stevedoring Co.' fut cité comme faisant jurispru
dence à l'appui de cette prétention et notamment
les décisions du juge Estey aux pages 568 et 569,
du juge Locke à la page 578 et du juge Taschereau
à la page 543. Dans cette affaire, la Eastern
Canada Stevedoring s'occupait de l'arrimage et
des services de manutention à Toronto, c'est-à-dire
exclusivement les services de chargement et de
déchargement des navires conformément aux con-
trats conclus avec sept compagnies de navigation
pour la manutention, le chargement et le déchar-
gement de leurs navires à leur arrivée et à leur
départ, pendant la saison. Tous ces navires sui-
vaient un horaire régulier et reliaient des ports
canadiens à des ports situés à l'extérieur du
Canada.
Selon moi, les faits de cette affaire sont tout à
fait différents de ceux qui nous occupent. Il ressort
clairement à la page 578 des motifs du juge Locke
que ce dernier était parvenu à sa conclusion [TRA-
DUCTION] «parce que, vu les faits énoncés, il
semble que le chargement et le déchargement
d'une cargaison fassent partie des activités essen-
tielles au transport de marchandises par mer et
que, comme dans le cas des marins, la législation
sur la réglementation des relations entre
employeurs et employés soit essentiellement et fon-
damentalement une législation en rapport avec la
marine marchande.» De même, le juge Taschereau,
à la page 543, a cité en l'approuvant la déclaration
suivante de lord Esher dans l'arrêt Harris c. Best
Ryley & Co. (1) (7 Asp. M.C. 274):
[TRADUCTION] Le chargement est un acte commun à l'expé-
diteur ou affréteur et au propriétaire du navire; aucun d'eux
n'est tenu de le faire séparément; il s'agit d'un acte commun à
tous ... l'usage veut que l'expéditeur amène la cargaison à quai
de manière à permettre au propriétaire du navire de le char
3 [1955] R.C.S. 529.
ger ... il incombe alors au propriétaire du navire de prendre à
bord ladite cargaison et de l'y arrimer. L'arrimage de la
cargaison constitue le seul acte du propriétaire du navire. [C'est
moi qui souligne.]
Ces deux déclarations soulignent la différence
très nette entre l'entreprise de navigation et l'en-
treprise de chemin de fer. Les faits en l'espèce vont
plutôt à l'opposé des circonstances de l'arrêt East
ern Canada Stevedoring. Dans cette dernière
affaire, les compagnies de navigation avaient fait
appel à la Eastern Canada Stevedoring pour le
chargement et le déchargement tandis que, dans
celle qui nous est soumise, la Cannet, dans le cours
de ses affaires, louait au CN des wagons et y
chargeait des marchandises appartenant à ses
clients dans la région de Toronto. Toute la zone
d'activité de la Cannet avait un caractère pure-
ment local, savoir la région de Toronto (Ontario).
C'était le CN et non la Cannet qui s'occupait
d'acheminer les wagons et leur contenu à travers
les provinces. L'ensemble des faits qui nous sont
actuellement soumis s'apparentent d'une certaine
façon à la situation d'une compagnie d'élévateurs à
grain ou d'un agriculteur indépendant de l'ouest
du Canada qui utilise les services du CN pour
acheminer par wagons des céréales expédiées à
Thunder Bay ou Vancouver. Je doute qu'on puisse
réellement soutenir que les employés de la compa-
gnie d'élévateurs ou l'ouvrier agricole qui chargent
effectivement les céréales dans le wagon relèvent
de la compétence du Conseil canadien des relations
du travail. L'ouvrier agricole fait partie de l'entre-
prise de l'agriculteur et l'employé de la compagnie
d'élévateurs fait partie de l'entreprise de cette
compagnie. De la même façon, les employés de la
Cannet font partie de l'entreprise de la Cannet, qui
n'est pas une entreprise de chemin de fer.
Suivant le second moyen soulevé par l'avocat, les
employés de la Cannet, dans la mesure où ils
prenaient part à un service intégré mettant en jeu
la Cannet ainsi que la Cottrell, participaient à une
entreprise engagée dans la distribution interprovin-
ciale de marchandises, c'est-à-dire, l'achemine-
ment des marchandises de l'est vers l'ouest. A
l'appui de cette allégation, l'avocat nous a cité
l'arrêt Union des facteurs du Canada c. Syndicat
des postiers du Canada 4 .
4 [1975] I R.C.S. 178.
Toutefois, selon moi, il faut établir une distinc
tion nette avec cette affaire parce que la situation
des facteurs est analogue à la situation des déchar-
geurs; en effet, les Postes ont fait appel à cette
compagnie pour manutentionner et acheminer le
courrier—ce qui légalement fait nécessairement et
intégralement partie de la responsabilité incom-
bant aux Postes; il s'agit de nouveau d'une situa
tion diamétralement opposée à celle qui nous
occupe puisqu'en fait c'est la Cannet qui loue des
wagons au CN. Selon l'opinion formulée par le
juge en chef, et que je partage, la seule entreprise
interprovinciale en l'espèce est celle du CN; un
expéditeur utilisant le chemin de fer pour le trans
port de marchandises d'une province à une autre
ne devient pas de ce fait l'exploitant d'une entre-
prise interprovinciale. Compte tenu de cette con
clusion, il n'est pas nécessaire de décider, selon les
faits de l'espèce, si l'on doit considérer la Cannet
et la Cottrell comme des entités distinctes ou
comme faisant partie d'une opération intégrée.
Pour les motifs précédents, je rejetterais l'ordon-
nance du Conseil.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés oralement par
LE JUGE SUPPLÉANT HYDE: Je partage les vues
du juge en chef selon lequel le conseil intimé
n'était pas compétent pour émettre l'ordonnance
en cause mais, comme j'ai pris part à la décision
dans l'affaire Butler Aviation of Canada Limited 5 ,
rendue le 22 mai 1975, où la Cour, sur la base de
faits différents, a décidé que le Conseil était com-
pétent, j'estime qu'il n'est pas inopportun de for-
muler quelques remarques supplémentaires.
Comme je l'ai souligné dans mes motifs de
l'affaire Butler, le critère appliqué par la Cour
suprême dans les affaires de ce genre, en vertu de
la Loi sur les relations industrielles et sur les
enquêtes visant les différends du travail 6 et du
Code canadien du travail, qui l'a remplacée, con-
siste à déterminer si l'activité ou les services four-
nis par l'employeur «constituent une partie inté-
5 [1975] C.F. 590.
6 S.C. 1948, c. 54, s. 53.
grante d'un ouvrage, entreprise ou affaire fédérale
ou y sont nécessairement accessoires» '.
A l'occasion de cette affaire, nous avons fait une
distinction avec la décision de la Cour d'appel du
Québec dans l'affaire Murray Hill Limousine
Service Limited c. Batson 8 , au terme de laquelle
les porteurs engagés par l'employeur à l'aéroport
de Montréal participaient à une entreprise relevant
de la compétence provinciale, savoir la commodité
des passagers; voici la déclaration du juge Montgo-
mery (page 785):
[TRADUCTION] Les services n'étaient pas fournis aux passa-
gers par les lignes aériennes à titre de services accessoires à
l'achat d'un billet ....
Bien que la situation examinée dans l'affaire
Butler Aviation (précitée) soit différente, il s'agit,
à tous égards, du type de situation qui nous est
soumise aujourd'hui. Le CN ne fournissait pas à
ses clients, les services d'expédition de la Cannet
ou de la Cottrell. Ce sont ces dernières qui les
offraient au public, puis pour le compte de leurs
clients ramassaient les marchandises et les pla-
çaient dans les wagons du CN qui, à cette fin,
avaient été garés le long du quai de déchargement.
Contrairement à la situation que nous devions
examiner dans l'affaire Eastern Canada Stevedo-
ring 9 , les services fournis par la requérante ne
l'étaient pas «en vertu de contrats conclus avec .. .
les compagnies de navigation pour effectuer le
chargement et le déchargement de leurs navires».
Pour ces motifs et pour ceux prononcés par le
juge en chef, je rejetterais l'ordonnance du Conseil
pour défaut de compétence.
7 Voir Renvoi concernant la validité de la Loi sur les rela
tions industrielles et sur les enquêtes visant les différends du
travail [1955] R.C.S. 529 la p. 566 et l'arrêt Union des
facteurs du Canada c. Syndicat des postiers du Canada [1975]
1 R.C.S. 178.
s [1965] B.R. 778.
9 [1955] R.C.S. 529.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.