T-265-75
Brywall Manufacturing Ltd. (Demanderesse)
c.
Try -1 International Ltd. et Frank Tizel, Ed Gaer-
ber, J. A. Martineau (Défendeurs)
Division de première instance, le juge Walsh—
Montréal, le 10 février; Ottawa, le 14 février 1975.
Marques de commerce—Pratique—Requête aux fins d'in-
tervention et d'injonction interlocutoire—La demanderesse
dépose une demande d'enregistrement des marques de com
merce «Ego» et «Chego» pour vêtements féminins—Demande
d'injonction interdisant la vente au Canada, par la défende-
resse, d'articles similaires portant la marque de commerce
américaine «Cheffo»—La Chego International Inc., titulaire de
la marque aux Etats-Unis dont elle demande l'enregistrement
au Canada, veut intervenir—L'intervention est-elle recevable
en vertu de la Règle 1716(2)b) de la Cour fédérale?—L'inter-
vention est recevable en vertu de la Règle 5 de la Cour
fédérale, conjointement avec les articles 208 et 209 du Code de
procédure civile du Québec—Intervenante autorisée à déposer
une défense, une demande reconventionnelle et une requête aux
fins d'injonction interlocutoire—Règles 5, 1716(2)6) et 1721 de
la Cour fédérale—Code de procédure civile du Québec, art.
208 et 209—Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, c.
T-10, art. 7b), c) et e).
La demanderesse a déposé une demande d'enregistrement
des marques de commerce «Ego» et «Chego» et sollicite mainte-
nant une injonction interdisant la vente au Canada, par la
défenderesse, d'articles similaires portant la marque de com
merce américaine «Chego». L'intervenante éventuelle, la Chego
International Inc., titulaire aux États-Unis de la marque dont
elle demande l'enregistrement au Canada, avait passé un con-
trat de licence avec la défenderesse, après des pourparlers avec
la demanderesse. Tout en sachant que la Chego International
avait l'intention d'employer la marque au Canada, la demande-
resse déposa quand même une demande d'enregistrement. L'in-
tervenante soutient que la demande d'enregistrement, faite par
la demanderesse en parfaite connaissance de la situation, cons-
titue un acte de concurrence déloyale, en violation de l'article
7e) de la Loi. Elle soutient aussi que l'ordonnance provisoire
confirmant l'engagement pris par la défenderesse de ne pas
employer la marque au Canada, en attendant l'issue de la
requête aux fins d'injonction de la demanderesse, lui causerait
un grave préjudice. L'intervenante a aussi avisé formellement la
demanderesse, avant le début de ces procédures, qu'elle s'était
irrégulièrement appropriée la marque en déposant une demande
d'enregistrement après avoir été mise au courant de la situation
au cours des pourparlers relatifs au contrat de licence, et
sollicite une injonction interlocutoire contre la demanderesse.
Arrêt: l'intervention est admise; l'intervenante peut déposer
une défense, une demande reconventionnelle et une requête aux
fins d'injonction interlocutoire. Les Règles de la Cour fédérale
ne prévoient pas précisément une telle intervention. Cependant,
la Règle 5 dispose que, lorsque se pose une question non
autrement prévue, la pratique et la procédure à suivre seront
déterminées par analogie avec la pratique et la procédure
prévues pour les questions semblables en vigueur dans la pro
vince à laquelle se rapporte l'objet des procédures. L'interven-
tion entre dans le cadre des articles 208 et 209 du Code de
procédure civile du Québec. L'intervenante est une personne
qui a un intérêt dans un procès auquel elle n'est pas partie et
qui désire faire une intervention agressive, invoquant un droit
contre la demanderesse. Elle veut aussi se joindre à la défende-
resse pour l'aider dans sa défense. Même si la procédure
d'intervention est considérée au Québec comme une instance
distincte, encore qu'elle soit jointe à l'instance originaire, l'une
et l'autre sont entendues en même temps et un seul jugement
est rendu. Donc, même si l'intervention n'est pas recevable en
raison de la Règle 1716(2)b), elle peut l'être par application de
la Règle 5, conjointement avec les articles 208 et 209. Ainsi la
Règle 1721 entre en jeu pour rendre applicables à la demande
reconventionnelle, les autres dispositions des Règles avec les
modifications idoines.
REQUÊTE.
AVOCATS:
J. Léger pour la demanderesse.
J. Miller pour les défendeurs.
M. Lazarus pour l'intervenante.
PROCUREURS:
Léger, Robic & Pichette, Montréal, pour la
demanderesse.
Respitz, Sederoff & Cie, Montréal, pour les
défendeurs.
Lazarus, Lehrer & Baer, Montréal, pour
l'intervenante.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Dans cette double requête, la
Chego International Inc., une compagnie améri-
caine, sollicite la permission d'intervenir dans la
présente procédure pour la contester et demande
également une injonction interlocutoire interdisant
à la demanderesse de vendre les vêtements fémi-
nins et autres en association avec la marque de
commerce «Chego» ou avec tout nom semblable
destiné à tromper le public ou à créer de la confu
sion en attirant l'attention de ce dernier sur lesdits
vêtements au Canada ou en les faisant passer pour
ceux de l'intervenante portant la marque de com
merce «Chego». Pour comprendre la situation, il
est nécessaire de résumer brièvement les faits
exposés dans la déclaration de la demanderesse et
dans son avis de requête aux fins d'injonction
interlocutoire qui a été renvoyé au 10 mars 1975,
et dans la présente requête de l'intervenante
éventuelle.
La demanderesse, une compagnie canadienne, a
été constituée en avril 1973 et s'occupe de l'impor-
tation, de la fabrication et de la distribution de
vêtements féminins, robes, chandails, chemisiers,
écharpes, pantalons, tailleurs-pantalons et vête-
ments de jeu qui sont vendus à travers le Canada.
On allègue que la défenderesse, Try -1 Internation
al Ltd., a, le 17 décembre 1974 ou vers cette date,
commencé à annoncer et à mettre en vente au
Canada des marchandises portant la marque de
commerce «Chego» et que les défendeurs Frank
Tizel, Ed Gaerber et J.A. Martineau étaient ses
représentants de commerce à Toronto, Vancouver
et Montréal respectivement. On allègue en outre
que, depuis avril 1973, la demanderesse utilise la
marque de commerce non enregistrée «Ego» sur ses
produits et la marque de commerce non enregis-
trée «Chego» depuis septembre 1974. Le 14 janvier
1975, huit jours avant l'introduction de la présente
instance, elle a présenté une demande d'enregistre-
ment de la marque de commerce «Ego» au Canada,
en liaison avec les vêtements féminins pour les-
quels elle l'employait prétendument depuis avril
1973; le 21 octobre 1974, elle a présenté une
demande d'enregistrement de la marque de com
merce «Chego» en liaison avec lesdits vêtements
pour lesquels elle l'employait prétendument depuis
septembre 1974. La demanderesse affirme que les
ventes au Canada sous le couvert de la marque de
commerce «Ego» dépassent $3,000,000 par an et
augmentent de telle manière que ladite marque de
commerce a acquis un caractère distinctif bien
établi. Elle prétend avoir utilisé la marque de
commerce «Chego» depuis septembre 1974 pour
certaines de ses marchandises dans le but d'identi-
fier certains types d'articles, spécialement les pan-
talons féminins, mais avoir l'intention d'employer
ladite marque de commerce pour toute la gamme
de ses produits; elle soutient que les deux noms,
«Ego» et «Chego», distinguent véritablement ses
produits. Elle affirme que, dès le 17 décembre
1974, la défenderesse Try -1 a commencé à faire de
la publicité pour des marchandises portant la
marque de commerce «Chego» et à les mettre en
vente au Canada. Elle a en outre fait paraître des
annonces à cet égard dans le magazine de mode
«Style». Ses produits sont prétendument de qualité
inférieure ou différents de ceux de la demande-
resse et l'emploi du nom «Chego» sur ces produits
peut faire croire qu'ils sont fabriqués ou vendus
par cette dernière. En outre, les défendeurs ont
prétendument sollicité les mêmes clients ou la
même catégorie de clients que ceux de la deman-
deresse en faisant passer leurs marchandises pour
celles de la demanderesse et, malgré une lettre
relative à cette prétendue contrefaçon, adressée à
la défenderesse Try -1 le 16 janvier 1975, celle-ci
entend poursuivre ses prétendues activités illégales
au Canada. La demanderesse invoque l'article 7b),
c) et e) de la Loi sur les marques de commerce.
L'intervenante éventuelle de son côté prétend
être titulaire de la marque de commerce déposée
«Chego » qui a été enregistrée à l'Office des brevets
des Etats-Unis en août 1974, et avoir produit le 2
novembre 1974 une demande d'enregistrement de
cette marque de commerce au Canada, après que
ses avocats en brevet l'eurent informée que ladite
marque de commerce était enregistrable. Elle a
déclaré que ladite marque provenait des trois pre-
mières lettres du nom de l'un de ses directeurs,
Richard Chestnov et des deux premières lettres du
nom d'un autre directeur, Harvey Gold. En sep-
tembre et en octobre 1974, elle avait discuté, avec
les représentants de la demanderesse, de la com
mercialisation et de la distribution de ses produits
au Canada après que ceux-ci eurent essayé de
devenir les concessionnaires exclusifs de l'interve-
nante au Canada. Toutefois, ces discussions n'ont
pas abouti à un accord, et l'intervenante éventuelle
avait alors passé un contrat de licence avec la
défenderesse Try -1 International Ltd. Au cours de
ces discussions, tout en sachant pertinemment que
l'intervenante éventuelle avait l'intention d'expé-
dier des marchandises au Canada sous la marque
de commerce «Chego», la demanderesse a néan-
moins produit une demande d'enregistrement de
cette marque, précisant qu'elle l'utilisait déjà
depuis le ler septembre 1974, la date de dépôt de la
demande étant le 21 octobre 1974. On soutient en
outre que l'avocat de la demanderesse, au cours de
la négociation du contrat de licence, connaissait
parfaitement la raison sociale et la marque de
commerce de l'intervenante qui lui avaient été
communiquées, mais qu'il a quand même déposé la
demande d'enregistrement de la marque de com
merce «Chego» au nom de la demanderesse, ce qui
constitue un acte de concurrence déloyale en viola
tion de l'article 7e) de la Loi sur les marques de
commerce. Il est en outre allégué que l'ordonnance
provisoire rendue par cette cour le 27 janvier 1975,
confirmant l'engagement pris par la défenderesse
de n'importer et de ne vendre au Canada des
articles sous la marque de commerce «Chego» en
attendant qu'il soit statué sur la requête aux fins
d'injonction interlocutoire présentée par la deman-
deresse, cause un préjudice considérable à l'inter-
venante. En outre, cette dernière a, le 17 janvier
1975, avant l'introduction de la présente instance,
formellement avisé la demanderesse par écrit de ce
qu'elle s'était appropriée illégalement, irrégulière-
ment et illicitement la marque de commerce
«Chego» en en demandant l'enregistrement après
qu'elle en eut pris connaissance à l'occasion de la
négociation du contrat de licence projeté. Elle
sollicite donc une injonction interlocutoire interdi-
sant à la demanderesse d'utiliser, d'annoncer, de
mettre en vente ou de vendre des articles vestimen-
taires féminins de toutes espèces sous la marque de
commerce «Chego» ou sous toutes autres marques
de commerce similaires, susceptibles de créer de la
confusion avec celle-ci.
Il est évident que cette cour doit trancher un
point litigieux sérieux qui oppose la demanderesse
à l'intervenante éventuelle, la Chego International
Inc. Il faut déterminer maintenant la procédure à
suivre pour amener cette question devant la Cour
d'une manière ordonnée. Le problème de la Chego
International Inc. provient du fait que, selon ses
avocats, elle a été informée par les avocats de la
défenderesse Try -1 International Ltd. que vraisem-
blablement cette compagnie et les autres défen-
deurs ne s'opposeront pas sérieusement à l'action
de la demanderesse, y compris aux droits de cel-
le-ci d'employer les marques de commerce en ques
tion, puisque leurs intérêts en tant que simples
titulaires de licence de la Chego International Inc.
ne justifient pas, à leur avis, qu'ils s'engagent dans
un procès coûteux. D'autre part, la demanderesse
a le droit d'assigner qui elle veut et on ne peut pas
l'obliger à appeler la Chego International Inc. en
tant que partie à l'instance engagée contre les
défendeurs actuels. De son côté, la Chego Interna
tional Inc. peut entamer des procédures contre la
demanderesse pour les motifs qu'elle veut soulever
dans la présente intervention et dans la requête
aux fins d'injonction interlocutoire contre la
demanderesse; mais la Cour serait alors saisie de
deux actions distinctes. Celles-ci pourraient proba-
blement être jointes sur requête appropriée à cet
effet, mais il faudrait alors vraisemblablement
déterminer si cela entraînerait la suspension des
procédures intentées par la Brywall Manufactur
ing Ltd. contre la Try -1 International Ltd. et les
autres défendeurs qui y sont désignés, en attendant
qu'il soit statué sur la question des marques de
commerce qui oppose la Brywall Manufacturing
Ltd. et la Chego International Inc., particulière-
ment au cas où les défendeurs ne voudraient pas
collaborer avec la Chego International Inc. pour
demander la suspension de ces procédures. La
Chego International Inc. n'y étant pas partie, si
elle poursuit la demanderesse par voie d'une action
distincte, elle ne pourra pas en obtenir la suspen
sion à moins d'être autorisée à intervenir. Un
jugement par défaut rendu contre les défendeurs
en l'espèce équivaudrait à la reconnaissance de la
validité de la marque de commerce non enregistrée
de la demanderesse et toute décision rendue dans
les procédures entre la Chego International Inc. et
la demanderesse Brywall Manufacturing Ltd.
pourrait alors donner lieu à un jugement contra-
dictoire. En définitive, je conclus donc qu'il est de
l'intérêt de la justice de permettre à la Chego
International Inc. de devenir partie aux présentes
procédures en y intervenant, puisque le principal
point litigieux concerne celle-ci et la demanderesse
Brywall Manufacturing Ltd., et non la demande-
resse et les défendeurs cités. Toutefois la demande-
resse avait parfaitement le droit de les assigner
pourvu que les allégations contenues dans sa décla-
ration, au sujet de ses marques de commerce,
puissent être prouvées.
Le problème découle du fait que les Règles de la
Cour fédérale ne contiennent aucune disposition
spéciale prévoyant une telle intervention. Les
Règles 300, 304(3), 318 et 320, invoquées dans la
requête de la Chego International Inc. aux fins
d'obtenir l'autorisation d'intervenir, traitent de
questions différentes et on ne peut nullement con-
sidérer qu'elles établissent ce droit d'intervention.
Dans les règles de la Cour, la seule référence à
l'intervention d'une partie qui n'est pas défende-
resse, mais qui prétend avoir un droit à protéger,
est la Règle 1010 qui ne s'applique qu'en matière
maritime. Les Règles 1714 et 1715 traitent du
cumul de causes d'action ou de jonction de parties.
La Règle 1714 permet au demandeur dans une
action de réclamer un redressement contre le
même défendeur pour plus d'une cause d'action, et
la Règle 1715 autorise seulement la jonction de
deux personnes ou plus en tant que codemandeurs
ou en tant que codéfendeurs lorsqu'une même
question de droit ou de fait se pose si chacune de
ces personnes intente des actions ou est poursuivie,
ou lorsque tous les droits au redressement
demandé concernent le même fait, la même ques
tion ou la même chose ou en découlent. Il semble
qu'aucune de ces Règles ne s'applique directement
ici. La Règle 1716(2)b) autorise la Cour à ordon-
ner que soit constituée partie une personne dont la
présence devant elle est nécessaire pour assurer
qu'on pourra valablement et complètement juger
toutes les questions en litige dans l'action et sta-
tuer sur elles. On pourrait probablement l'appli-
quer quoique, ce faisant, on exagérerait la néces-
sité de constituer partie l'intervenante éventuelle
pour s'assurer qu'on statuera sur toutes les ques
tions en litige, compte tenu du fait que si les
défendeurs voulaient soulever la question de la
validité des marques de commerce de la demande-
resse, ils pourraient le faire dans leur défense. Il
paraît qu'ils ne le veulent pas, mais on pourrait se
demander si cette attitude rend «nécessaire» l'inter-
vention de la Chego International Inc., quoique
cette dernière considère l'intervention comme
nécessaire et souhaitable.
Les Règles 1717 à 1722 traitent des demandes
reconventionnelles, mais visent des situations où
c'est le défendeur qui a le droit d'intenter de telles
procédures, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Il est
vrai que la Règle 1721 rend applicables aux
demandes reconventionnelles les autres disposi
tions des Règles, avec les modifications idoines, de
sorte que si l'on interprétait la Règle 1716(2)b)
comme autorisant l'intervention de la Chego Inter
national Inc., on pourrait probablement aussi auto-
riser qu'elle fasse une demande reconventionnelle
contre la demanderesse. Enfin il y a les Règles
1726 à 1731 traitant de la procédure relative à
tierce partie et autres procédures similaires. Ici
encore ces règles visent un défendeur qui prend des
mesures pour citer la tierce partie, ce qui n'est pas
le cas en l'espèce puisque les défendeurs n'ont pas
eu recours à de telles procédures, ni manifesté
l'intention d'y avoir recours.
L'intervenante éventuelle s'appuie aussi sur la
Règle 5, qui concerne les lacunes et dispose que,
lorsque se pose une question non autrement visée
par une disposition d'une loi ni par les règles ou
ordonnances générales de la Cour, cette dernière
déterminera la pratique et la procédure à suivre
par analogie avec les autres dispositions des Règles
de la Cour ou avec la pratique et la procédure en
vigueur pour des questions semblables devant les
tribunaux de la province à laquelle se rapporte plus
particulièrement l'objet des procédures. Elle s'est
référée aux articles 208 215 du Code de procé-
dure civile du Québec, relatifs à l'intervention
volontaire et dont voici un extrait:
208. Celui qui a un intérêt dans un procès auquel il n'est pas
partie, ou dont la présence est nécessaire pour autoriser, assister
ou représenter une partie incapable, peut y intervenir en tout
temps avant le jugement.
209. L'intervention volontaire est dite agressive lorsque le
tiers demande que lui soit reconnu, contre les parties ou l'une
d'elles, un droit sur lequel la contestation est engagée; elle est
dite conservatoire lorsque le tiers désire seulement se substituer
à l'une des parties pour la représenter, ou se joindre à elle pour
l'assister, pour soutenir sa demande ou appuyer ses prétentions.
210. L'intervention agressive est elle-même une instance,
encore qu'elle soit jointe à l'instance originaire.
215. Lorsque la demande principale et l'intervention sont
entendues en même temps, un seul jugement statue à la fois sur
l'une et sur l'autre.
En l'espèce, la Chego International Inc. est certai-
nement une personne qui a un intérêt dans un
procès auquel elle n'est pas partie et qui veut faire
une intervention agressive, prétendant qu'elle a,
contre la demanderesse, un droit sur lequel la
contestation est engagée. En même temps, elle veut
se joindre aux défendeurs pour les aider dans leur
défense. Manifestement au Québec, on considère
la procédure d'intervention comme une instance
distincte, encore qu'elle soit jointe à l'instance
originaire, mais la demande principale et l'inter-
vention sont entendues en même temps et un seul
jugement statue à la fois sur l'une et sur l'autre.
Tel est en substance le but des présentes procédu-
res, de sorte que même si l'on ne pouvait pas
autoriser l'intervention aux termes de la Règle
1716(2)b) je ne déclare pas que tel est le cas—on
pourrait l'autoriser en invoquant la règle 5 conjoin-
tement avec les articles 208 et 209 du Code de
procédure civile du Québec. On pourrait alors
invoquer la Règle 1721 pour appliquer, à la
demande reconventionnelle, avec les modifications
idoines, les autres dispositions des Règles de la
Cour fédérale. Les règles de pratique sont desti
nées à assurer le déroulement ordonné du procès
jusqu'à l'examen du fond et je suis convaincu qu'il
y va de l'intérêt de la justice d'autoriser en l'espèce
l'intervention et la demande d'injonction interlocu-
toire de la future intervenante, la Chego Interna
tional Inc. Cette cour pourra ainsi valablement
juger toutes les questions en litige. Cependant il est
nécessaire de donner certaines instructions. En
autorisant la Chego International Inc. à intervenir,
on ne relève pas les défendeurs cités des obliga
tions qu'ils peuvent avoir de déposer une défense
dans l'action intentée contre eux ou d'en supporter
les conséquences. Quoique la demanderesse n'ait
naturellement pas pris de conclusions contre l'in-
tervenante dans ses procédures, cette dernière
pourra néanmoins déposer une défense distincte en
l'espèce de manière à contester les droits de la
demanderesse d'utiliser les marques de commerce
en question. La Règle 469(3), traitant de l'injonc-
tion interlocutoire, dispose que le demandeur ne
peut faire une demande en vertu de la présente
règle avant le début de l'action qu'en cas d'urgence
et, dans ce cas, l'injonction peut être accordée à
des conditions prévoyant l'introduction de l'action
et, le cas échéant, aux autres conditions qui sem-
blent justes. L'intervenante à la présente procédure
demande une injonction interlocutoire, mais cela
n'équivaut pas à l'introduction d'une action contre
la demanderesse. Je n'accorde certes pas une
injonction interlocutoire dans cette ordonnance,
mais je pose néanmoins comme condition pour
recevoir la requête à cet égard en même temps que
l'intervention, que l'intervenante dépose rapide-
ment une déclaration contre la demanderesse,
fondée sur les mêmes motifs que ceux de la requête
aux fins d'injonction interlocutoire; cette demande
reconventionnelle devra faire partie du dossier de
la cour en l'espèce et l'intervenante—demande-
resse reconventionnelle devra la signifier à la
demanderesse et aux défendeurs. L'intervenante
doit déposer sa défense auxdites procédures,
accompagnée de sa demande reconventionnelle,
dans les dix jours de ce jugement ou dans tout
délai supplémentaire que la Cour pourra accorder.
La requête de l'intervenante aux fins d'injonction
interlocutoire contre la demanderesse est renvoyée
au 10 mars 1975. La demanderesse aura le droit
d'interroger l'intervenante sur l'affidavit accompa-
gnant sa requête et sur tous autres affidavits
soumis entre temps à l'appui de celle-ci. L'interve-
nante aura le droit de participer, avec les défen-
deurs, à l'interrogatoire des témoins de la deman-
deresse soutenant tout affidavit déposé à l'appui de
la requête de cette dernière aux fins d'injonction
interlocutoire contre les défendeurs. Les dépens
suivront l'issue de la cause.
ORDONNANCE
Par la présente, la Chego International Inc. est
autorisée à intervenir dans les présentes procédures
et à déposer une défense contestant les droits de la
demanderesse à utiliser la marque de commerce
«Chego» ou tout autre nom similaire susceptible de
tromper ou de créer de la confusion. Ladite inter-
venante devra, si elle le désire, dans les dix jours de
cette ordonnance ou dans tout délai supplémen-
taire que la Cour pourra accorder, déposer et
signifier à la demanderesse et aux défendeurs une
déclaration par voie de demande reconventionnelle
dans les présentes procédures contre la demande-
resse en alléguant des pratiques commerciales
déloyales, le passing off et la contrefaçon de sa
marque de commerce «Chego», ladite demande
reconventionnelle devant être déposée et signifiée
en même temps que sa défense. La requête de
l'intervenante aux fins d'injonction interlocutoire
contre la demanderesse est renvoyée au 10 mars
1975, cette dernière ayant le droit entre-temps
d'interroger l'intervenante sur l'affidavit accompa-
gnant ladite requête ou tous autres affidavits
soumis à l'appui de celle-ci. L'intervenante peut
participer avec les défendeurs à l'interrogatoire des
témoins de la demanderesse au sujet des affidavits
qu'ils auront déposés à l'appui de la requête de
cette dernière aux fins d'injonction interlocutoire
contre les défendeurs.
Les dépens suivront l'issue de la cause.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.