T-793-74
Monsanto Company (Demanderesse)
c.
Le Commissaire des brevets (Défendeur)
Division de première instance, le juge Kerr—
Ottawa, les 9 décembre 1974 et 10 janvier 1975.
Compétence—Brevets—Renonciation—Refus d'enregistrer
de la part du commissaire—Le breveté essaie d'obtenir un bref
de mandamus—La décision du commissaire était de nature
quasi judiciaire—Toute demande de redressement doit se faire
par voie d'examen judiciaire et non par voie de mandamus—
Compétence de la Cour d'appel en matière d'examen judiciai-
re—Loi sur les brevets, S.R.C. 1970, c. P-4, art. 51, Loi sur la
Cour fédérale, art. 2, 18 et 28—Règle 337(2)b) de la Cour
fédérale.
La demanderesse, titulaire d'un brevet canadien, voulait
déposer au bureau du commissaire des brevets tun acte de
renonciation», en vertu de l'article 51 de la Loi sur les brevets.
Le commissaire ayant refusé d'enregistrer la renonciation, la
demanderesse demanda la délivrance d'un bref de mandamus
enjoignant le commissaire de l'enregistrer.
Arrêt: l'action est rejetée; certaines prétentions de la deman-
deresse étaient fondées: (1) d'après l'article 51 de la Loi sur les
brevets, interprété de la façon appropriée, une renonciation ne
doit pas nécessairement porter sur l'objet des revendications
complètes, mais peut viser une partie seulement de l'une des
revendications. (2) Le dossier ne justifie pas l'allégation du
commissaire selon laquelle le demandeur, en ayant recours à
l'article 51, cherchait à se soustraire au délai imposé par
l'article 50 (redélivrance de brevets). (3) Il y avait terreur» au
sens de l'expression terreur, accident ou inadvertance» de l'arti-
cle 51, en ce que la demanderesse avait revendiqué, comme
faisant partie de son invention, un certain composé désigné qui,
à l'insu du breveté antérieurement à la délivrance du brevet,
avait été divulgué dans le brevet allemand de 1940. (4) Si le
commissaire avait jugé que le document constituait une renon-
ciation visée par l'article 51 et si les conditions de son enregis-
trement étaient réunies, il était tenu de l'enregistrer. Cependant
la présente demande de redressement relève de l'article 28 de la
Loi sur la Cour fédérale. Le commissaire des brevets joue le
rôle d'un «office, commission ou autre tribunal fédéral», suivant
la définition de l'article 2 de la Loi sur la Cour fédérale. La
décision d'enregistrer ou pas une renonciation est une décision
de nature administrative légalement soumise à un processus
judiciaire ou quasi judiciaire. La Cour d'appel fédérale était
compétente pour connaître d'une demande, présentée en vertu
de l'article 28(1), aux fins d'examen et d'annulation du refus du
commissaire. En conséquence, la Division de première instance
n'était pas compétente pour accorder un redressement, par voie
de mandamus en vertu de l'article 18 de la Loi.
Arrêts appliqués: Canadian Celanese Ltd. c. B.V.D. Com
pany Ltd. (1939) 56 R.P.C. 122; Trubenizing Process
Corporation c. John Forsyth Ltd. (1943-44) 3 Fox Pat. C.
123. Arrêt discuté: AMP Incorporated c. Hellerman Ltd.
[1962] R.P.C. 55. Arrêt examiné: Farbwerke Hoechst
Aktiengesellschaft c. Le commissaire des brevets [1966]
R.C.S. 604. Arrêt suivi: Howarth c. La commission natio-
nale des libérations conditionnelles (1974) 18 C.C.C. (2e
éd.) 385 (Can.).
ACTION.
AVOCATS:
David Watson, c.r., pour la demanderesse.
G. W. Ainslie, c.r., pour le défendeur.
PROCUREURS:
Gowling & Henderson, Ottawa, pour la
demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada, pour
le défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE KERR: Cette action porte sur le refus
du commissaire des brevets d'enregistrer au
Bureau des brevets un document que la demande-
resse voulait déposer et faire enregistrer à titre
d'ente de renonciation», en vertu de l'article 51 de
la Loi sur les brevets, S.R.C. 1970, c. P-4, ainsi
libellé:
51. (1) Lorsque, par erreur, accident ou inadvertance, et
sans intention de frauder ou de tromper le public, un breveté
a) a donné trop d'étendue à son mémoire descriptif, en
revendiquant plus que la chose dont lui-même, ou la personne
par l'entremise de laquelle il revendique, est le premier
inventeur, ou
b) dans le mémoire descriptif, s'est représenté, ou a repré-
senté la personne par l'entremise de laquelle il revendique,
comme étant le premier inventeur d'un élément matériel ou
substantiel de l'invention brevetée, alors qu'il ou qu'elle n'en
était pas le premier inventeur, et qu'il ou qu'elle n'y avait
légalement aucun droit,
il peut, en acquittant la taxe prescrite, renoncer à des éléments
qu'il ne prétend pas retenir en vertu du brevet ou de la cession
du brevet.
(2) L'acte de renonciation doit se faire par écrit, en double
exemplaire, et être attesté par un ou plusieurs témoins. Un
exemplaire doit en être déposé et conservé au bureau du
commissaire, et l'autre exemplaire doit être joint au brevet et y
être incorporé au moyen d'un renvoi. La renonciation est, par la
suite, censée faire partie du mémoire descriptif original.
(3) Dans toute action pendante au moment où elle est faite,
aucune renonciation n'a d'effet, sauf à l'égard de la négligence
ou du retard inexusable à la faire.
(4) Si le breveté original vient à décéder, ou s'il cède son
brevet, la faculté qu'il avait de faire une renonciation passe à
ses représentants légaux, et chacun d'eux peut exercer cette
faculté.
(5) Après la renonciation, ainsi qu'il est prescrit au présent
article, le brevet est considéré comme valide quant à tel élément
matériel et substantiel de l'invention, nettement distinct des
autres éléments de l'invention qui avaient été indûment revendi-
qués, auquel il n'a pas été renoncé et qui constitue véritable-
ment l'invention de l'auteur de la renonciation, et celui-ci est
admis à soutenir en conséquence une action ou poursuite à
l'égard de cet élément.
La demanderesse est titulaire du brevet cana-
dien No 594,237, accordé le 15 mars 1960 pour
une invention intitulée «Herbicides». L'acte de
renonciation a été présenté au Bureau des brevets,
accompagné d'une lettre de la firme d'avocats et
d'agents de brevets de la demanderesse en date du
26 novembre 1973.
Le commissaire a refusé d'enregistrer la renon-
ciation au motif que seulement les renonciations
portant sur une revendication complète sont permi-
ses à l'exclusion de celle portant sur un élément
d'une revendication.
Dans sa déclaration, la demanderesse soutient
que le commissaire a commis une erreur en déci-
dant que seulement les revendications complètes et
non leurs éléments peuvent faire l'objet d'une
renonciation; et en l'espèce la demanderesse
demande la délivrance d'un bref de mandamus, en
vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale,
enjoignant le commissaire d'enregistrer sa
renonciation.
Dans sa défense, le commissaire déclare que le
but visé par la demanderesse peut être obtenu, en
vertu de l'article 50 de la Loi sur les brevets, par
voie de redélivrance mais seulement dans un délai
de 4 ans à compter de la date de délivrance du
brevet, et que la demanderesse cherche à se sous-
traire au délai imposé par l'article 50 en ayant
recours aux dispositions relatives à la renonciation.
Un exposé conjoint des faits, pièce 1, auquel
sont annexés des copies du mémoire descriptif, des
revendications et de la délivrance du brevet et
d'autres documents portant les cotes «A» à «H», a
été reçu en preuve aux fins de l'action.
La lettre, pièce «B», accompagnant l'acte de
renonciation, contenait le paragraphe suivant, qui
indique en termes généraux l'objet de la
renonciation:
[TRADUCTION] Il ressort de l'acte de renonciation que ce
dépôt est motivé par le fait qu'après l'émission du brevet, on a
appris que le composé N-méthyl-a-chloroacétanilide avait été
divulgué dans un brevet allemand délivré en 1940. Donc les
éléments de l'invention brevetée qui font l'objet de la renoncia-
tion sont: l'exemple relatif à la préparation de ce composé, la
référence qui y est faite dans le mémoire descriptif en ce qui
concerne ses pouvoirs herbicides et aussi son inclusion dans la
formule générique définissant les composés d'après l'invention.
Voici un extrait de l'acte de renonciation, pièce
«C»:
[TRADUCTION] ET CONSIDÉRANT qu'on avait donné trop
d'étendue au mémoire descriptif et qu'on y avait fait figurer
comme élément de l'invention le composé N-méthyl-a-chloroa-
cétanilide, composé qui, avant la délivrance du brevet et sans
que le breveté en ait eu connaissance, avait été divulgué dans le
brevet allemand N° 695,907 en date du 5 septembre 1940, dont
copie et traduction sont jointes à la présente; en conséquence, la
définition de R 1 et R2 à la page 4, dixième ligne et dans la
revendication 1, quatrième ligne à partir de la fin, était trop
large en ce que, lorsque l'un ou l'autre de R I et R2 est un
radical phényle, l'autre aurait dû avoir de deux à six atomes de
carbone de manière à exclure le méthyle.
EN CONSÉQUENCE, le soussigné renonce aux éléments suivants
de son invention brevetée:
a) Les radicaux aliphatiques ayant un atome de carbone
mentionnées dans les définitions de R 1 et R2 à la page 4,
dixième ligne du mémoire descriptif et dans la revendication
1, quatrième ligne à partir de la fin'.
b) L'exemple 7 à la page 9, lignes 12 23 du mémoire
descriptif;
c) Le composé N-méthyl-a-chloroacétanilide mentionné à la
page 11, quatorzième ligne, du mémoire descriptif.
Le commissaire répondit comme suit à la lettre
des avocats:
[TRADUCTION] En raison du fait qu'à maintes reprises des
brevetés voulaient renoncer à une partie seulement de la
matière comprise dans l'une de leurs revendications, je suis
récemment parvenu à la conclusion que seulement les renoncia-
tions portant sur une revendication complète devraient être
autorisées. Un avis en informant les praticiens en matière de
brevets a été publié dans le numéro du 27 janvier 1970 de la
Gazette des brevets.
' Les lignes 7 à 11 de la page 4 du mémoire descriptif, visées
par la renonciation, se lisent comme suit:
[TRADUCTION] ... et en outre pourvu que, quand l'un des
symboles R 1 et R 2 est un radical phényle, l'autre représente
un radical aliphatique ayant jusqu'à six atomes de carbone;
et pourvu que l'un seulement des symboles R I et R2 soit de
l'hydrogène.
Les cinq dernières lignes de la revendication 1 se lisent
comme suit:
[TRADUCTION] ... et en outre pourvu que, quand l'un des
symboles R I et R 2 est un radical phényle, l'autre représente
un radical aliphatique ayant jusqu'à six atomes de carbone;
et pourvu que l'un seulement des symboles R I et R2 soit de
l'hydrogène et contienne en outre un agent de
conditionnement.
En raison des termes clairs du susdit avis et de la pratique de
notre bureau depuis sa publication, nous vous avisons par la
présente que votre requête aux fins d'une telle renonciation est
refusée.
L'avis aux praticiens en matière de brevet, pièce
«F», est le suivant:
Avis aux praticiens en matière de brevets
Pratique en matière de renonciations
tant donné le nombre accru de renonciations déposées dans
lesquelles les brevetés cherchent à renoncer à une partie seule-
ment de la matière comprise dans des revendications particuliè-
res, les praticiens sont informés que seules seront enregistrées
par le Bureau les renonciations qui portent sur des revendica-
tions complètes. Lorsque le paragraphe (1) de l'article 51
mentionne la renonciation à des «éléments» de l'invention, il
sera interprété comme ayant trait uniquement à des revendica-
tions complètes.
Il est à noter que l'article 64 mentionne également les «parties»
d'un brevet. Etant donné que les seules parties d'un brevet
autre que le tout qui peuvent être annulées en vertu de
l'article 64 (lorsque celui-ci est lu de concert avec l'article 62)
sont des revendications, je suis d'avis que la même interpréta-
tion de «parties» de l'invention doit prévaloir à l'égard de
l'interprétation de l'article 51. De plus, la présentation de
revendications nouvelles ou la modification de revendications
déjà faites est contraire à la signification du mot «renonciation»,
et il est inconvenant de renoncer à une revendication à l'égard
d'une chose en essayant de revendiquer quelque chose d'autre.
Il est également apparent, d'après la taxe nominale prescrite
qu'une renonciation est une simple question de formalité n'exi-
geant pas l'évaluation de nouvelles revendications.
Les avocats de la demanderesse ont alors
adressé au commissaire une lettre, pièce «G», pré-
sentant des arguments en faveur de l'enregistre-
ment de la renonciation. J'en parlerai plus tard.
Le commissaire a maintenu sa position et
répondu ce qui suit:
[TRADUCTION] Vous avez, dans votre lettre, cité plusieurs
articles de la Loi sur les brevets, des décisions judiciaires et
l'ouvrage de Walker sur les brevets, à l'appui de vos arguments
visant l'abandon partiel de la revendication 1, par voie de
renonciation. Cependant, après examen attentif de vos argu
ments, je maintiens encore fermement mon opinion, savoir que
seulement les renonciations portant sur une revendication com-
plète devraient être autorisées.
L'article 64 de la Loi sur les brevets permet l'enregistrement
d'un jugement annulant totalement ou partiellement un brevet.
Quand cet article est interprété en corrélation avec l'article 62,
il en ressort que les parties d'un brevet visées à l'article 64 sont
les revendications. Je maintiens donc que les éléments visés à
l'article 51(1) sont les mêmes que ceux dont l'article 64 prévoit
l'annulation par jugement, lesquels ne peuvent être que des
revendications complètes. En conséquence, je soutiens que la
modification d'une revendication déjà faite, pour renoncer à
l'un de ses éléments va à l'encontre du sens du mot
«renonciation».
Je ne peux pas souscrire à votre théorie selon laquelle le
Bureau des brevets n'a pas compétence pour examiner les
renonciations mais doit se borner à les enregistrer. On porterait
préjudice à l'intérêt public si on autorisait des renonciations
partielles aux revendications, qui entraînent l'imprécision et
l'incertitude sur la matière qui est toujours revendiquée. Je suis
donc fermement convaincu qu'il m'appartient de refuser l'enre-
gistrement d'une renonciation qui n'en est pas effectivement
une, et pour prendre une telle décision sans avoir à examiner le
contenu de la renonciation, il faut que cette dernière porte sur
une revendication complète.
Le principal point litigieux porte sur l'interpré-
tation de l'article 51 de la Loi sur les brevets.
A ce sujet, je vais reproduire textuellement les
arguments concis, contenus dans la lettre des pro-
cureurs de la demanderesse, pièce «G», susmen-
tionnée, arguments que l'avocat a, en substance,
repris à l'audience:
[TRADUCTION] Nous soutenons qu'en raison de ce corps de
règles bien établi, il n'y a aucune raison d'interpréter l'article
51 d'une manière qui va à l'encontre de ces décisions et que ne
justifie nullement le libellé de l'article.
Dans l'avis aux praticiens en matière de brevets du 27 janvier
1970, il est dit aussi «de plus, la présentation de revendications
nouvelles ou la modification de revendications déjà faites est
contraire à la signification du mot «renonciation», et il est
inconvenant de renoncer à une revendication à l'égard d'une
chose en essayant de revendiquer quelque chose d'autre». Nous
soutenons qu'en l'espèce on ne tente nullement de présenter de
nouvelles revendications ou de renoncer à un revendication en
essayant de revendiquer autre chose. Nous prétendons que nous
sommes en présence d'un cas classique de véritable renonciation
qui correspond bien au sens et aux définitions du mot renoncia-
tion. L'article 36(2) de la Loi sur les brevets exige que le
demandeur expose dans ses revendications ce qu'il considère
comme nouveau et dont il revendique la propriété ou le privi-
lège exclusif, et c'est ce que la demanderesse a fait d'après les
renseignements qu'elle avait à l'époque. Comme nous l'avons
expliqué dans notre lettre du 26 novembre, on a appris, après la
délivrance du brevet, que le composé N-méthyl-a-chloroacéta-
nilide avait été divulgué dans un brevet allemand délivré en
1940. Le breveté désire donc renoncer à ce composé qui initia-
lement faisait partie de l'invention brevetée. Si un élément
d'une revendication ne peut faire l'objet de renonciation de la
manière proposée, alors l'application de l'article traitant de la
renonciation serait limitée aux cas où il y aurait, par bonheur,
une revendication restreinte sans aucune référence à la techni
que antérieure, inconnue du breveté à la date de délivrance. Il
semble qu'il n'y a aucun principe dans le texte de l'article 51,
fixant une telle limite à la portée des renonciations. En réalité,
les renonciations seraient superflues chaque fois qu'il y aurait
une revendication distincte définissant d'une manière exacte le
reste de l'invention, puisque le breveté pourrait alors s'appuyer
sur l'article 60 de la Loi sur les brevets suivant lequel il faudrait
donner effet au brevet comme s'il ne refermait que la revendi-
cation valide. Il ne serait ni nécessaire ni avantageux de déposer
une revendication.
Nous soutenons donc que la renonciation doit être enregistrée
conformément à l'article 51 de la Loi sur les brevets.
Sur la question d'interprétation, l'avocat du
commissaire, dans ses conclusions 2 , soutenait
principalement:
a) que le membre de phrase de l'article 51
«renoncer à des éléments qu'il ne prétend pas
retenir» vise «une ou plusieurs revendications» et
l'avocat s'est référé à l'article 60 qui prévoit que
lorsqu'un brevet renferme deux revendications
ou plus et qu'une ou plusieurs de ces revendica-
tions sont tenues pour valides mais qu'une autre
ou d'autres sont tenues pour invalides ou nulles,
il doit être donné effet au brevet tout comme s'il
ne renfermait que la revendication ou les reven-
dications valides; et à l'article 64, qui prévoit
qu'un certificat de jugement «annulant totale-
ment ou partiellement un brevet» peut être con
signé en marge de l'inscription du brevet au
Bureau des brevets, après quoi, «le brevet ou
telle partie du brevet qui a été ainsi annulé
devient alors nul et de nul effet»;
b) qu'il résulte clairement des dispositons de la
Loi sur les brevets, notamment des articles 35 et
36, et de la jurisprudence pertinente qu'un
inventeur, dans son mémoire descriptif, doit non
seulement «décrire d'une façon exacte et com-
plète» l'invention, mais encore «particulièrement
indiquer et distinctement revendiquer» les par
ties, perfectionnements ou combinaisons qu'il
réclame comme son invention; que l'inventeur,
en rédigeant ses réclamations, est obligé dans
chaque revendication, de définir et de détermi-
ner clairement et avec précision l'invention, ou
la partie de l'invention, pour laquelle il réclame
le monopole exclusif; qu'une revendication trop
étendue, qui n'est pas justifiée par les divulga-
tions ou qui contient des choses qui ne sont pas
nouvelles, ne donne pas lieu au monopole; ainsi
dans tout brevet, il peut y avoir une série de
revendications, chacune va délimiter avec préci-
sion la partie de l'invention révélée dans la
divulgation, pour laquelle l'inventeur réclame le
monopole et l'ensemble des revendications va
constituer les parties de l'invention, chaque
revendication étant «un élément» qui, en vertu de
l'article 51, peut faire l'objet d'une renonciation;
2 Je me suis servi, pour l'exposé de ses conclusions, d'un
résumé écrit qu'il m'a fourni.
c) que le membre de phrase «des éléments qu'il
ne prétend point retenir» de l'article 51, indique
qu'en faisant sa renonciation, le breveté est
obligé d'abandonner les revendications qui ne
sont pas comprises dans l'invention faite et
divulguée par l'inventeur, et que l'intention évi-
dente du législateur est qu'une renonciation doit
porter sur une ou plusieurs revendications et ne
peut servir de moyen pour reformuler ou redéfi-
nir l'invention divulguée et revendiquée. Le
Shorter Oxford Dictionary définit ainsi le mot
«renonciation», «se désister d'une revendication
juridique»;
d) que la partie de l'article 51(5), qui prévoit
qu'après la renonciation, le brevet est considéré
«comme valide quant à tel élément matériel et
substantiel de l'invention, nettement distinct des
autres éléments de l'invention qui avaient été
indûment revendiqués auquel il n'a pas été
renoncé ...», contient des termes qui cadrent
avec la description d'une revendication propre-
ment dite et qui ne conviennent pas à la descrip
tion d'une partie seulement de la matière d'une
revendication donnée;
e) que l'interprétation donnée par le commis-
saire à l'article 51, c'est-à-dire qu'il ne peut être
utilisé comme moyen pour reformuler des reven-
dications, est conforme à l'économie de la Loi
qui accorde au commissaire un pouvoir discré-
tionnaire pour décider si une revendication en
est véritablement une qui définit clairement et
convenablement une invention brevetable; en
vertu de la Loi, il est obligé d'examiner chaque
demande de lettres patentes pour une invention
en vue de s'assurer qu'elles viseront chacune des
réclamations révélées dans la demande et on ne
peut s'imaginer que le législateur voulait per-
mettre aux titulaires de brevets d'utiliser l'arti-
cle 51 pour échapper au contrôle exercé par le
commissaire, dans l'intérêt public, pour s'assurer
que les revendications pour lesquelles le mono-
pole est accordé par l'État, exposent d'une
manière convenable et claire des inventions
brevetables;
f) que l'interprétation de l'article 51, proposée
par la demanderesse, d'après laquelle on peut
modifier des revendications par voie de renon-
ciations qui auraient pour résultat de changer ou
d'altérer la nature de l'invention revendiquée,
irait à l'encontre de l'esprit de la Loi qui
(i) impose au commissaire l'obligation d'exa-
miner chaque demande pour s'assurer que le
brevet visera les revendications qu'il contient,
et
(ii) lui a conféré le pouvoir de décider s'il y a
lieu de délivrer un nouveau brevet dans les cas
où le brevet est défectueux ou inopérant en
raison du fait que le breveté a notamment
revendiqué plus qu'il n'avait le droit de
revendiquer;
g) que, pour bien interpréter l'article 50 qui
confère au commissaire un pouvoir discrétion-
naire en matière de délivrance d'un nouveau
brevet et saisir sa corrélation avec les disposi
tions de l'article 51 qui prévoit que le commis-
saire doit enregistrer la renonciation, il faut
admettre qu'on doit utiliser l'article 50 quand le
breveté veut modifier, altérer ou changer des
revendications déjà faites, auquel cas le commis-
saire peut examiner le bien-fondé de la
demande, et qu'on doit utiliser l'article 51 lors-
que le breveté veut renoncer à la totalité d'une
revendication, auquel cas le commissaire n'a pas
besoin d'en examiner le bien-fondé.
En réponse, l'avocat de la demanderesse faisait
valoir notamment qu'en l'espèce le commissaire
avait déjà examiné la demande et accordé un
brevet et que le breveté ne fait que renoncer à une
partie précise et ne reformule pas une revendica-
tion; que l'article 50 traite de la redélivrance au
cas où le brevet ne répond pas au projet initial, ce
qui est différent du problème traité à l'article 51,
et qu'on ne doit pas considérer que les modalités de
la loi, relatives à la redélivrance, s'appliquent aux
cas prévus à l'article 51 et aux renonciations; que
l'interprétation avancée par la demanderesse est
conforme à l'esprit de la Loi; et qu'il n'y a pas
d'ambiguïté dans l'article 51 ni dans la significa
tion impérative du mot «doit» qui y est employé.
En ce qui concerne l'interprétation de l'article
51, il y a d'une part la thèse du commissaire qui
soutient qu'une renonciation doit porter sur une
revendication complète et d'autre part la thèse de
la demanderesse qui prétend qu'elle n'a pas néces-
sairement à porter sur une revendication complète
mais peut viser une partie' d'une revendication.
Je pense qu'incontestablement l'article 51 doit
être interprété en le replaçant dans son contexte,
compte tenu de l'économie ou de l'esprit de la Loi.
Dans l'affaire Canadian Celanese Ltd. c. B.V.D.
Company Ltd. 4 , le comité judiciaire du Conseil
privé a décidé qu'une renonciation ne portant pas
sur une revendication complète était valable. Il
avait alors appliqué l'article 50 de la Loi sur les
brevets du Canada de 1935, dont le libellé est
pratiquement le même que celui de l'article 51 de
la Loi actuelle. La Cour suprême du Canada avait
jugé que le brevet n'était pas valable au motif que
les revendications étaient trop étendues et cou-
vraient plus que la prétendue invention ne divul-
guait dans le texte du mémoire descriptif et que les
revendications, ainsi entendues, figuraient déjà
dans plusieurs autres brevets; mais avant le pro-
noncé de l'arrêt, le 19 mars 1937, la Canadian
Celanese avait déposé une renonciation, en vertu
de l'article 50, restreignant formellement la portée
des revendications et en excluant précisément ce
que la Cour suprême avait jugé trop étendu.
Là-dessus, la Canadian Celanese demanda une
nouvelle audition pour que la Cour puisse, dans
son arrêt, tenir compte de la renonciation qui avait
été déposée. La Cour suprême rejeta la demande
et l'affaire fut portée au Conseil privé. A la fin du
mémoire descriptif figuraient des revendications
portant sur des procédés dont celles ci-dessous,
portant les nO3 1 et 4, sont typiques [voir page 127]:
[TRADUCTION] Revendication 1. Un procédé de fabrication
d'un matériau composite comportant l'opération qui consiste à
soumettre divers tissus superposés, dont l'un au moins contient
un dérivé thermoplastique de la cellulose, à la chaleur et à la
pression, pour ramollir lesdits dérivés et coller lesdits tissus.
Revendication 4. Un procédé de fabrication d'un matériau
composite, comportant l'opération qui consiste à traiter avec un
agent de ramollissement un tissus contenant un dérivé thermo-
plastique de la cellulose, à poser dessus un autre tissus, pour
coller les tissus en les soumettant à la chaleur et à la pression.
La renonciation était ainsi libellée [à la page
128]:
[TRADUCTION] Et vu que, par erreur, accident ou inadver-
tance, et sans intention de frauder ou de tromper le public, le
mémoire descriptif a été rédigé en termes trop larges, faisant
Il utilise le mot «partie» comme signifiant, d'après son
dictionnaire, «une partie d'un tout».
4 (1939) 56 R.P.C. 122.
une revendication plus étendue que l'invention de Camille
Dreyfus.
En conséquence, le soussigné renonce, dans les revendications
1 à 6 inclusivement et 25, l'usage d'un tissu ou de plusieurs
tissus contenant un dérivé thermoplastique de la cellulose, sauf
quand ce dérivé thermoplastique de la cellulose se présente sous
forme de fils, filaments ou fibres.
Il renonce en outre, dans les revendications 7 à 12 inclusive-
ment, à l'utilisation d'un tissu ou de plusieurs tissus contenant
un dérivé organique de la cellulose, sauf quand ce dérivé
organique de la cellulose est sous forme de fils, filaments ou
fibres.
Il renonce en outre, dans les revendications 13 18 inclusive-
ment, à l'utilisation d'un tissu ou de plusieurs tissus contenant
un ester de cellulose, sauf quand cet ester de cellulose est sous
forme de fils, filaments ou fibres.
Il renonce en outre, dans les revendications 19 24 inclusive-
ment, à l'usage d'un tissu ou de plusieurs tissus contenant de
l'acétate de cellulose, sauf quand cet acétate de cellulose est
sous forme de fils, filaments ou fibres.
Le Comité judiciaire refusa d'intervenir dans la
décision de la Cour suprême rejetant, dans l'exer-
cice de son pouvoir discrétionnaire, la demande de
nouvelle audition, mais proposa de modifier l'or-
donnance de la Cour suprême et déclara à la page
134:
[TRADUCTION] Cependant il reste à examiner un point
important. L'ordonnance du 19 mars 1937 déclara formelle-
ment que le brevet n° 265,960 était nul. Un certificat de cette
ordonnance peut, en vertu de l'article 62 de la Loi sur les
brevets de 1935, être consigné en marge de l'inscription du
brevet au Bureau des brevets, auquel cas, comme le prévoit
l'article «le brevet ou telle partie du brevet qui a été ainsi
annulé devient alors nul et de nul effet et doit être tenu pour
tel, à moins que le jugement ne soit infirmé en appel». Dans sa
forme actuelle, l'ordonnance déclare que le brevet en entier est
annulé; mais le brevet, tel qu'il existe maintenant, protège
l'invention qui est décrite dans le mémoire descriptif tel que
modifié par la renonciation. Il est évident que le brevet, dans sa
teneur actuelle, ne court aucun risque d'annulation par suite de
la présente action. Pour éviter un tel risque, leurs Seigneuries
ont proposé une solution, à laquelle l'intimée a consenti, savoir,
que l'ordonnance du 19 mars 1937 soit modifiée en y rempla-
çant les mots «le brevet N° 265,960 de l'intimée dont il s'agit
dans cet appel» par les mots «les revendications du brevet N°
265,960 tel que présentées par le breveté dans la teneur origi-
naire du mémoire descriptif».
En ce qui concerne la renonciation et ses effets
sur les droits des parties, le Comité judiciaire
déclarait à la page 133:
[TRADUCTION] En ce qui concerne l'ordonnance du 19 mars
1937, leurs Seigneuries souscrivent à l'interprétation donnée
aux revendications par la Cour suprême et elles s'accordent
aussi avec la Cour suprême pour déclarer que, sur la base de
cette interprétation, le brevet se heurtait à des antériorités, de
sorte que, à défaut de renonciation, le brevet serait nul et non
avenu.
Cependant, il reste à examiner la renonciation et ses effets
sur les droits des parties en cause et sur le présent appel.
La renonciation est inconditionnelle et doit nécessairement
l'être. La Loi n'envisage ni n'autorise une revendication condi-
tionnelle. Dès son dépôt et son enregistrement au bureau du
commissaire, la renonciation était intégrée au brevet; seules
subsistent les revendications telles que modifiées par la renon-
ciation, et la seule invention protégée par les lettres patentes est
celle décrite dans le mémoire descriptif ainsi modifiée.
Par la suite, la Cour suprême du Canada eut à
statuer sur le même brevet et les redevances dues
en vertu d'un contrat de licence, dans l'arrêt
Trubenizing Process Corporation c. John Forsyth
Ltd. 5 La Cour décida que la convention relative au
paiement des redevances était indépendante et sub-
sistait malgré les jugements rendus au sujet du
brevet, et le juge Davis (le juge en chef Duff et les
juges Hudson et Taschereau souscrivant à son
opinion) déclarait à la page 130:
[TRADUCTION] L'intimée, tout en soutenant qu'elle n'a pas
besoin pour sa défense de s'appuyer sur le fait que, par la suite,
l'autre brevet a été déclaré nul par cette Cour, dont l'ordon-
nance a été simplement modifiée par le Comité judiciaire pour
préserver le brevet dans sa teneur actuelle avec les restrictions
apportées par la renonciation enregistrée après la décision de
cette cour, prétend que sa défense se trouve renforcée par la
déclaration de nullité des «revendications du brevet, telles que
présentées par le breveté dans son mémoire descriptif origi-
naire», ce qui traduit l'état du brevet à la date du contrat de
licence; et que l'intimée ne peut, en vertu du contrat de licence,
être lésée par la renonciation subséquente. Mais on écarte ainsi
l'application de la disposition légale de l'article 50(2) de la Loi
sur les brevets susmentionné, qui stipule que «la renonciation
est, par la suite, censée faire partie du mémoire descriptif
original».
Malgré le sort du brevet ayant fait l'objet de la renonciation,
dans le précédent litige, l'intimé a continué non seulement de
payer les redevances dues en vertu du contrat de licence
jusqu'en juillet 1937, mais encore à confectionner et à vendre
des chemises qui correspondaient au mémoire descriptif du
brevet, jusqu'à la date d'audience de cette instance. Elle a
confectionné environ 36,800 douzaines de chemises entre juillet
1937 et septembre 1940 (dossier page 46). Une renonciation
peut bien conserver un brevet assurant au breveté la protection
et la jouissance. La renonciation en l'espèce n'a pas affecté
l'invention divulguée dans le mémoire descriptif; elle a simple-
ment réduit les revendications à la taille de l'invention.
Il ressort de ces deux affaires portant sur des
renonciations faites en vertu de l'article 50, qui
correspond à l'actuel article 51, que les tribunaux
(1943-44) 3 Fox Pat. C. 123.
ont décidé que la renonciation, qui portait sur une
matière moins étendue qu'une revendication
entière, était valable. Je me rends compte que,
dans ces deux affaires, on n'a pas soulevé la ques
tion de savoir si une renonciation, pour être vala-
ble, doit porter sur une revendication complète;
cependant, les tribunaux interprétaient l'article, et
s'ils avaient pensé que la renonciation n'était pas
valable parce qu'elle ne portait pas sur une reven-
dication complète, il me paraît probable qu'ils
n'auraient pas négligé ce point.
Il me paraît aussi à propos de souligner que dans
l'arrêt AMP Incorporated c. Hellerman Ltd. 6 ,
Lord Denning a déclaré à la page 70:
[TRADUCTION] Dans toutes les lois relatives aux brevets, on a
permis au breveté, sous certaines conditions, de faire une
«renonciation» portant sur une partie de ce qu'il revendique; et,
autant que je sache, cela a toujours été interprété de manière à
lui permettre de réduire la portée de son monopole en convertis-
sant une revendication large (susceptible de deux ou plusieurs
modalités d'interprétation) en une revendication précise (sus-
ceptible seulement d'une de ces modalités d'interprétation).
L'avocat de la demanderesse s'est aussi référé au
fait qu'aux États-Unis, avant 1958, une renoncia-
tion pouvait porter sur une matière moins étendue
qu'une revendication complète, mais que mainte-
nant, d'après l'actuelle Loi sur les brevets, les
seules renonciations valables sont celles qui portent
sur des revendications entières ou sur la partie
finale des clauses du brevet, tel que le précise
l'ouvrage de Walker sur les brevets, paragraphe
277. Cependant, je ne citerai pas de décisions
américaines, car la Loi des États-Unis diffère sur
beaucoup de points de notre loi, quoiqu'on ait fait
de larges emprunts au système américain dans les
dispositions légales de la Loi canadienne.
L'avocat a invoqué plusieurs dispositions de la
Loi sur les brevets, mais je ne pense pas qu'il me
soit nécessaire de faire une analyse détaillée de
chacune d'elles à ce moment, quoique maintenant
je tienne à dire que je pense que l'article 50, sous
la rubrique «REDÉLIVRANCE DE BREVETS» et l'ar-
ticle 51, sous la rubrique «RENONCIATIONS» trai-
tent de situations différentes, et que chaque article
apporte un redressement à la situation à laquelle il
s'applique, pour assurer la validité des brevets,
conformément à l'économie de la Loi.
6 [1962] R.P.C. 55.
L'actuelle pratique du Bureau des brevets en
matière de renonciation (telle que portée à la
connaissance des praticiens en matière de brevets
par l'avis, pièce «F», en février. 1970, en vertu
duquel les renonciations ne sont enregistrées que
lorsqu'elles portent sur des revendications complè-
tes) peut avoir le mérite de l'a simplicité et peut
aussi servir à établir une nette distinction entre ce
qui est visé dans la renonciation et ce qui ne l'est
pas. La possibilité que certaines renonciations dont
on demande l'enregistrement négligent de faire
cette distinction fournit un argument en faveur de
l'interprétation du commissaire, savoir que seules
les revendications complètes peuvent faire l'objet
de renonciation. Mais, à mon avis, la pratique qui
limite les renonciations aux revendications complè-
tes est fondée sur une mauvaise interprétation de
l'article 51. A mon avis, une renonciation, faite en
vertu de cet article, doit porter sur quelque chose
qui entre dans le cadre du monopole d'exploitation
et de la portée d'une ou de plusieurs réclamations
du brevet, mais ne doit pas nécessairement, pour
être valable et enregistrable, porter sur une ou
plusieurs revendications complètes. A mon avis, on
ne peut du sens grammatical ordinaire des termes
de l'article 51, placés dans leur contexte dans le
cadre de la Loi et interprétés conformément à
l'esprit et à l'économie de la Loi, conclure à bon
droit que les renonciations se limitent aux revendi-
cations complètes.
En conséquence, je pense qu'en l'espèce, le com-
missaire a commis une erreur en refusant d'enre-
gistrer la renonciation au seul motif qu'elle ne
visait pas une réclamation complète, ce motif étant
le seul invoqué pour justifier ce refus, avant l'intro-
duction de cette instance.
La défense prétend qu'une renonciation portant
sur des éléments d'une revendication, étant suscep
tible d'engendrer des abus, n'est pas conforme à
l'intérêt public. Naturellement, dans l'adoption de
la Loi, l'intérêt public constituait l'un des objectifs
voire l'objectif principal, mais si l'article 51, inter-
prété, convenablement, autorise la renonciation
partielle à des revendications, c'est en modifiant la
disposition qu'on pourra remédier aux abus de son
utilisation et non pas en y lisant ce qui, d'après la
juste interprétation, n'y est pas dit.
La défense allègue que la demanderesse essaye
d'échapper aux délais imposés par l'actuel article
50 de la Loi sur les brevets en ayant recours aux
dispositions de l'article 51 sur la renonciation. Les
pièces du dossier ne justifient pas, à mon avis,
cette allégation.
A l'audience, on a aussi soutenu au nom du
commissaire qu'on ne pouvait considérer, sur la
base des preuves soumises au commissaire et à
cette cour, qu'il y avait une «erreur» au sens de
l'article 51 en ce que le brevet, tel que délivré, ne
représentait pas ce que l'inventeur voulait réelle-
ment revendiquer, et que par conséquent la
demanderesse n'avait pas droit à un bref de man-
damus en l'espèce.
Dans la renonciation, pièce «C», il est précisé
que le mémoire descriptif était trop étendu et
qu'on y mentionnait comme élément de l'invention
un certain composé désigné qui, à l'insu du breveté
et avant la délivrance du brevet, avait été divulgué
dans un brevet allemand en date du 5 septembre
1940; la lettre, pièce «B», qui accompagnait la
renonciation indiquait aussi qu'on avait appris
après la délivrance du brevet que ledit composé
avait été divulgué dans le brevet allemand de 1940;
et l'avocat de la demanderesse a soutenu qu'il y
avait ainsi une «erreur» de la part du breveté,
comme on l'avait expliqué au commissaire lors du
dépôt de la renonciation, et que le commissaire n'a
pas mis en doute la réalité d'une telle erreur mais a
refusé pour d'autres motifs, d'enregistrer la renon-
ciation, et qu'il ne doit pas être autorisé en l'espèce
à mettre en doute l'existence d'une erreur.
Il se peut que le défaut de découvrir une divul-
gation antérieure n'entre pas dans le cadre de
l'article lorsque le brevet qui a été délivré expri-
mait exactement l'intention du breveté en ce qui a
trait à l'étendue des revendications'.
En l'espèce, on n'a aucune raison de penser qu'il
y avait ou qu'il y a mauvaise foi de la part de la
demanderesse et je suis disposé à conclure et je
conclus que c'était par «erreur, accident ou inad-
vertance», au sens de ces mots dans l'article 51,
que le breveté n'a pas découvert que ledit composé,
auquel il essaye maintenant de renoncer, avait été
divulgué dans un brevet allemand et qu'il l'a donc
Voir Farbwerke Hoechst Aktiengesellschaft c. Le commis-
saire des brevets [1966] R.C.S. 604, 615, où il s'agissait d'une
demande de redélivrance de brevet en vertu de l'article 50.
revendiqué dans son mémoire descriptif en vue
d'un brevet canadien.
Le motif invoqué dans la défense, savoir qu'il
n'y a pas eu d'«erreur», n'est pas le motif pour
lequel le commissaire a refusé d'enregistrer la
renonciation. Je ne dis pas que le moyen fondé sur
l'erreur ne peut être invoqué en l'espèce, mais je
pense que la question plus large, qui a une impor
tance beaucoup plus grande pour les parties et
pour les praticiens en matière de brevets, est celle
de l'interprétation de l'article 51, savoir si une
renonciation doit nécessairement viser une revendi-
cation complète.
L'avocat du commissaire a soutenu qu'il n'y
avait pas lieu d'accorder de bref de mandamus,
car on ne peut pas dire que l'article 51 a imposé au
commissaire l'obligation d'enregistrer la renoncia-
tion, obligation dont l'exécution ou la non-exécu-
tion n'est pas laissée à sa discrétion, et qu'en dépit
de l'emploi du mot «doit», le contexte indique
clairement que le législateur n'avait pas l'intention
d'imposer impérativement au commissaire l'obliga-
tion de recevoir et d'enregistrer tous les documents
qui prétendent être des renonciations.
Sur ce point, l'avocat de la demanderesse a
soutenu qu'aucun appel n'est prévu en ce qui con-
cerne le refus du commissaire d'enregistrer une
renonciation et que la demanderesse peut obtenir
de cette cour, en vertu de l'article 18 de la Loi sur
la Cour fédérale, un bref de mandamus, enjoi-
gnant le commissaire de se conformer à l'article 51
de la Loi sur les brevets et d'exécuter son obliga
tion administrative d'enregistrer la renonciation,
car il ne peut s'y soustraire à discrétion, ou même
s'il a cette discrétion, il n'a pas le droit de refuser
d'enregistrer une renonciation par suite d'une
mauvaise interprétation de l'article 51 ou en raison
de considérations non pertinentes ou sans rapport
avec la question.
A ce sujet, je pense que le commissaire a le
devoir d'examiner et de déterminer si un document
qu'on veut faire enregistrer en vertu de l'article 51
constitue effectivement une renonciation au sens
de cet article, mais si ce document constitue réelle-
ment une renonciation et si les conditions de son
enregistrement sont réunies, il y a, à mon avis, un
devoir administratif imposé par la Loi au commis-
saire de l'enregistrer, et il n'a pas le choix de ne
pas le faire, et un bref de mandamus est le recours
approprié quand le commissaire, dans un tel cas, a
refusé d'enregistrer la renonciation parce qu'il s'est
fondé sur une fausse interprétation de l'article 51
et qu'il a ainsi manqué à un devoir que l'article lui
imposait.
En conséquence, si la Division de première ins
tance peut connaître de cette affaire, j'accorderai à
la demanderesse le bref de mandamus qu'elle
réclame. Reste à décider si la Division de première
instance possède une telle compétence.
Jusqu'à maintenant je me suis occupé du fond
de l'affaire et des prétentions des parties, sauf en
ce qui concerne la question de savoir si cette cour,
la Division de première instance, est compétente
pour entendre cette affaire. Les articles pertinents
de la Loi sur la Cour fédérale sont les articles 18
et 28 dont voici des extraits:
18. La Division de première instance a compétence exclusive
en première instance
a) pour émettre une injonction, un bref de certiorari, un bref
de mandamus, un bref de prohibition ou un bref de quo
warranto, ou pour rendre un jugement déclaratoire, contre
tout office, toute commission ou tout autre tribunal fédéral;
et
b) pour entendre et juger toute demande de redressement de
la nature de celui qu'envisage l'alinéa a), et notamment toute
procédure engagée contre le procureur général du Canada
aux fins d'obtenir le redressement contre un office, une
commission ou à un autre tribunal fédéral.
28. (1) Nonobstant l'article 18 ou les dispositions de toute
autre loi, la Cour d'appel a compétence pour entendre et juger
une demande d'examen et d'annulation d'une décision ou
ordonnance, autre qu'une décision ou ordonnance de nature
administrative qui n'est pas légalement soumise à un processus
judiciaire ou quasi judiciaire, rendue par un office, une com
mission ou un autre tribunal fédéral ou à l'occasion de procédu-
res devant un office, une commission ou un autre tribunal
fédéral, au motif que l'office, la commission ou le tribunal
a) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a
autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
b) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une
erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du
dossier; ou
(3) Lorsque, en vertu du présent article, la Cour d'appel a
compétence pour entendre et juger une demande d'examen et
d'annulation d'une décision ou ordonnance, la Division de
première instance est sans compétence pour connaître de toute
procédure relati‘'e à cette décision ou ordonnance.
Il n'est pas contesté que le commissaire des
brevets est un «office, commission ou autre tribu-
nal fédéral», au sens de l'article 28 de la définition
figurant à l'article 2 de la Loi sur la Cour
fédérale.
Dans l'arrêt Howarth c. La Commission natio-
nale des libérations conditionnelles', la Cour
suprême du Canada a décidé récemment qu'alors
que les dispositions générales de l'article 18 de la
Loi confèrent à la Division de première instance un
pouvoir général de contrôle sur les offices fédé-
raux, sans aucune restriction en ce qui concerne la
nature de la décision en question, le nouveau
recours créé par l'article 28 s'applique uniquement
aux décisions judiciaires ou aux décisions ou
ordonnances administratives qui sont légalement
soumises à un processus judiciaire ou quasi judi-
ciaire; et que le nouveau recours prévu à l'article
28 ne s'applique pas aux décisions de nature admi
nistrative qui ne sont pas légalement soumises à un
processus judiciaire ou quasi judiciaire, et que la
Loi sur la Cour fédérale n'a apporté aucun chan-
gement aux autres recours, y compris les recours
de common law, à la seule différence que la com-
pétence n'appartient plus aux cours supérieures
des provinces, mais exclusivement à la Division de
première instance de la Cour fédérale.
On peut raisonnablement soutenir que la déci-
sion d'enregistrer ou de ne pas enregistrer, selon le
cas, une renonciation déposée en vertu de l'article
51 de la Loi sur les brevets, est de nature adminis
trative et n'est pas légalement soumise à un pro-
cessus judiciaire ou quasi judiciaire. Cependant, je
pense que tel n'est pas le cas, mais qu'il s'agit
plutôt d'une décision de nature administrative,
légalement soumise à un processus judiciaire ou
quasi judiciaire, et que la Cour d'appel fédérale est
compétente en vertu de l'article 28 (1) de la Loi sur
la Cour fédérale pour entendre et juger une
demande, fondée sur l'un des motifs énumérés
dans ce paragraphe, d'examen et d'annulation de
la décision du commissaire refusant d'enregistrer
la renonciation en question. Mais je ne suis pas
parvenu à cette conclusion sans quelque peu douter
de sa justesse. Pour aboutir à cette conclusion, j'ai
tenu compte de l'économie de la Loi sur les bre-
vets, des fonctions et devoirs du commissaire et du
fait qu'en vertu de l'article 51 il doit déterminer si
le document présenté est réellement une renoncia-
tion dans le cadre de l'article, si les conditions de
8 (1974) 18 C.C.C. (2' éd.) 385 (Can.).
son enregistrement sont réunies, et, je pense aussi,
s'il distingue nettement l'élément de l'invention
auquel il ne renonce pas et qui constitue véritable-
ment l'invention de l'auteur de la renonciation, des
autres éléments indûment revendiqués, car, me
semble-t-il le paragraphe (5) ne prescrirait pas que
le brevet, après la renonciation est considéré
comme valide quant à l'élément auquel il n'a pas
été renoncé à moins que l'auteur de la renonciation
ne fasse cette distinction. Je pense que la décision
sur de telles questions, décision qui peut affecter
les droits légitimes de l'auteur de la renonciation,
est loin d'être une opération mécanique ou pure-
ment administrative; elle exige l'application à des
faits, de règles de droits et de normes objectives, et
non pas de normes subjectives de politique, d'op-
portunité, ou de discrétion administrative; et à
mon avis, le commissaire est implicitement dans
l'obligation d'agir judiciairement en rendant une
décision au sujet d'une renonciation présentée en
vertu de l'article 51.
En conséquence, il s'ensuit que je dois conclure
que cette Division de première instance n'est pas
compétente pour entendre de la présente affaire, et
que je dois refuser le redressement sollicité par
voie d'un bref de mandamus et que je dois rejeter
l'action.
Il n'y a aura pas de dépens entre parties, puisque
aucune d'elles n'a entièrement eu gain de cause.
Conformément à la Règle 337(2)b) des Règles
de la Cour fédérale, l'avocat pourra préparer un
projet de jugement approprié pour donner effet à
la décision de la Cour et demander que ce juge-
ment soit prononcé.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.