C.A.C. 61/75
In re la Loi sur la citoyenneté canadienne et in re
un appel d'une décision de la Cour de la citoyen-
neté canadienne et in re Abul Fazal Muhammad
Cour d'appel de la citoyenneté, le juge Heald—
Ottawa, le 17 décembre 1975.
Citoyenneté et immigration—Appel—Résidence au Cana-
da—Les absences du Canada portent-elles atteinte à la rési-
dence au Canada?
En concluant que les absences du Canada portaient atteinte
au statut de résident de l'appelant, le juge de la Cour de la
citoyenneté a interprété l'arrêt Blaha comme exigeant la pré-
sence physique réelle au Canada en tout temps, omettant la
réserve importante des termes «d'une façon au moins habi-
tuelle.» On ne peut pas affirmer que l'appelant ait renoncé à sa
résidence canadienne parce qu'à plusieurs reprises il a briève-
ment quitté le Canada. Résider au Canada pendant un certain
nombre d'années ne veut pas dire qu'on doit passer chaque
minute de cette période au Canada.
Arrêts appliqués: Blaha c. Le ministre de la Citoyenneté et
de l'Immigration [1971] C.F. 521; In re la Loi sur la
citoyenneté canadienne et in re Laprade [1974] 1 C.F. 196
et In re Goldston [1972] C.F. 559.
APPEL de la Cour de la citoyenneté canadienne.
AVOCATS:
D. W. Scott pour l'appelant.
P. D. Beseau, amicus curiae.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés oralement par
LE JUGE HEALD: J'ai lu l'arrêt Blaha de même
que les autres arrêts; je suis prêt à rendre juge-
ment. Je vais le prononcer oralement.
Il s'agit d'un appel d'une décision de la Cour de
la citoyenneté canadienne datée du 29 août 1975
par laquelle ce tribunal refusait de recommander
au secrétaire d'État d'accorder un certificat de
citoyenneté canadienne à l'appelant.
Le 26 mai 1972, l'appelant était légalement
admis au Canada pour y résider en permanence.
Avant cela, depuis le 27 septembre 1967, il vivait
au Canada à titre de non-immigrant. L'appelant
est un chercheur biologiste.
Alors qu'il était un non-immigrant, l'appelant
s'est absenté du Canada les jours suivants:
1. Le 13 juillet 1968—une journée; il est revenu
le même jour.
2. Le 31 août 1968—une journée; il est revenu
le même jour.
3. Du 24 août au 6 septembre 1969—treize
jours, toutes dépenses payées par l'A.C.D.I.
pour assister au Congrès international de bota-
nique à Seattle (Washington).
4. Du 27 juin au 30 juin 1971—trois jours
passés à Pittsburgh (Pennsylvanie) pour assister
à un congrès de la Forest Products Research
Society.
5. Du 26 août au ler septembre 1970—sept
jours consacrés à un voyage de camping aux
E.-U.
6. Le 25 août 1971—une journée; il est revenu
le même jour.
L'appelant a participé à deux congrès scientifi-
ques et a présenté un document scientifique à l'un
de ceux-ci.
Le seul point en litige dans cet appel consiste à
déterminer si les absences susmentionnées de l'ap-
pelant du Canada portent atteinte à sa «résidence
au Canada» au cours de cette période.
Le savant juge de la Cour de la citoyenneté a
conclu que ces absences portaient atteinte à son
statut de résident et a rejeté la demande de l'appe-
lant. Le savant juge a fondé sa décision sur une
déclaration du juge Pratte de la présente cour dans
l'arrêt Blaha c. Le ministre de la Citoyenneté et de
l'Immigration [1971] C.F. 521, et il a interprété
cette déclaration comme exigeant la présence phy
sique réelle au Canada en tout temps.
En citant un extrait de la page 524 de la déci-
sion du juge Pratte, le savant juge de la Cour de la
citoyenneté a omis ce que je considére comme une
réserve importante mise entre parenthèses par le
juge Pratte. Voici cette déclaration:
A mon avis, une personne ne réside au Canada, au sens de la
Loi sur la citoyenneté canadienne que si elle se trouve physi-
quement présente (d'une façon au moins habituelle) ...
et je souligne l'expression «d'une façon habituelle»,
... sur le territoire canadien.
Le savant juge de la Cour de la citoyenneté a
omis en citant le juge Pratte les termes: «d'une
façon au moins habituelle».
A mon avis, cette réserve englobe une situation
de fait semblable à celle qui existe en l'espèce. On
ne peut certainement pas affirmer que l'appelant a
renoncé à sa résidence canadienne parce qu'il est
allé dîner, faire des emplettes ou poster une lettre,
comme l'a signalé Me Scott, ou faire un court
voyage de camping ou assister à un congrès aux
États-Unis. Résider au Canada pendant un certain
nombre d'années ne veut pas dire qu'on doit passer
chaque minute de cette période au Canada.
La situation de fait en l'espèce est tout à fait
différente de celle de l'affaire Blaha, susmention-
née, où le demandeur avait passé plus de quatre
ans à étudier aux États-Unis, ne retournant
chaque année au Canada que pendant les mois
d'été.
Les faits en l'espèce sont aussi tout à fait diffé-
rents de ceux qu'on retrouve dans l'affaire
Laprade [1974] 1 C.F. 196; dans cette affaire, le
demandeur était demeuré au Bangladesh pendant
environ sept ans avant de présenter sa demande de
citoyenneté; de même, les faits en l'espèce sont
différents de ceux de l'affaire Goldston [ 1972]
C.F. 559, où le demandeur n'avait été physique-
ment présent au Canada que pendant deux ou trois
des dix-huit derniers mois.
Je fais mienne la définition de la résidence au
Canada qu'a donnée le juge Pratte dans l'arrêt
Blaha; vu les faits en l'espèce, je conclus que
l'appelant a clairement démontré qu'au cours de la
période en cause il se trouvait physiquement pré-
sent d'une façon habituelle sur le territoire
canadien.
Pour les motifs susmentionnés, j'accueille l'appel
et annule la décision du juge de la Cour de la
citoyenneté canadienne.
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