A-263-74
Union Oil Company of Canada Limited
(Appelante)
c.
La Reine du chef du Canada (Intimée) (Première
défenderesse)
et
La Reine du chef de la province de la Colombie-
Britannique, et en qualité de propriétaire des navi-
res de la flotte de traversiers de la Colombie-Bri-
tannique (Intimée) (Deuxième défenderesse)
Cour d'appel, les juges Thurlow et Urie et le juge
suppléant Smith—Vancouver, les 3 et 4 juin 1975.
Compétence—Taxe d'accise sur le carburant—Le vendeur
assigne la Couronne du chef du Canada pour récupérer le
montant de la taxe—Le vendeur assigne la Couronne du chef
de la Colombie-Britannique pour récupérer le montant de la
taxe imposée à l'acheteur—Exemption réclamée par la Cou-
ronne provinciale Défaut de compétence en matière d'action
contre la Couronne provinciale—Loi sur la taxe d'accise,
S.R.C. 1970, c. E-13, art. 70(1)—Loi d'interprétation, S.R.C.
1970, c. I-23, art. 16—Loi sur la Cour fédérale, art. 17, 19 et
22.
La demanderesse a vendu du carburant à la Couronne de la
Colombie-Britannique, conformément à des ordres d'achat
«déclarant» la Couronne provinciale exonérée en vertu de l'arti-
cle 44 de la Loi sur la taxe d'accise. La demanderesse n'avait
pas inclus la taxe dans son prix de vente, mais sur l'insistance
de la Couronne du chef du Canada, a payé la taxe et une
amende. La demanderesse assigna en répétition et la Division
de première instance, sur une requête en radiation de la Cou-
ronne provinciale en tant que défenderesse, décida qu'en vertu
de la Loi sur la Cour fédérale, elle n'avait pas compétence dans
une action contre la Couronne provinciale. La demanderesse
interjeta appel.
Arrêt: l'appel est rejeté; aucune loi n'autorise la Cour
fédérale à connaître d'une procédure contre la Couronne du
chef d'une province. La Loi sur la Cour fédérale n'avait pas
pour but de supprimer l'immunité traditionnelle de la Couronne
du chef d'une province.
Arrêt appliqué: In re Silver Brothers Limited [1932] A.C.
514.
APPEL.
AVOCATS:
R. W. V. Dickerson pour l'appelante.
G. O. Eggertson pour l'intimée, la Reine du
chef du Canada.
H. L. Henderson et N. Prelypchan pour l'inti-
mée, la Reine du chef de la province de la
Colombie-Britannique.
PROCUREURS:
Farris, Vaughan, Wills et Murphy, Vancou-
ver, pour l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimée, la Reine du chef du Canada.
Harman et Cie, Victoria, pour l'intimée, la
Reine du chef de la province de la
Colombie-Britannique.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement de la Cour prononcés oralement par
LE JUGE THURLOW: Nous avons décidé de ne
pas appeler l'avocat des intimées, ce qu'il ne faut
pas interpréter cependant comme un manque
d'égard aux arguments très habiles et très com-
plets que nous a soumis Me Dickerson.
Nous n'adoptons pas nécessairement les motifs
du savant juge de première instance' et en particu-
lier son point de vue selon lequel une réclamation
faite en vertu du paragraphe 70(1) de la Loi sur la
taxe d'accise doit être fondée sur le dol ou la
fraude. Nous ne sommes pas convaincus qu'il se
soit trompé en radiant la réclamation contre la
Couronne du chef de la province de la
Colombie-Britannique.
La compétence de la Cour fédérale découle uni-
quement de la législation et, même si le Parlement
du Canada, légiférant dans un domaine relevant de
sa compétence, a le pouvoir de conférer à la Cour
fédérale la compétence pour connaître des actions
intentées contre la Couronne du chef d'une pro
vince, nous ne pensons pas que les dispositions
législatives citées, ou autres textes législatifs à
notre connaissance, autorisent la Cour à connaître
d'une procédure relevant d'une action d'un sujet
contre la Couronne du chef d'une province.
Les dispositions de la Loi sur la Cour fédérale
qui confèrent à la Cour sa compétence ration
materiae, sont, sans aucun doute, rédigées d'une
manière assez large; mais nous pensons que l'arti-
cle 16 de la Loi d'interprétation, légèrement rema-
nié depuis l'arrêt du Conseil privé In re Silver
Brothers Limited [1932] A.C. 514, et l'interpréta-
tion que cet arrêt a donnée à cette disposition telle
qu'elle était formulée à l'époque, pris en corréla-
' [1974] 2 C.F. 452.
tion avec l'article de définitions et les références
expresses à la Couronne du chef du Canada dans
la Loi sur la Cour fédérale, suffisent à établir que
les dispositions /générales de la Loi sur la Cour
fédérale, visant la compétence ratione materiae,
n'avaient pas pour but de supprimer l'immunité
traditionnelle de la Couronne du chef des provin
ces en matière de procès devant ses cours.
Il ne faut pas s'imaginer que nous n'avons
aucune sympathie pour la situation malheureuse
dans laquelle se trouve l'appelante, mais nous esti-
mons que la Cour n'est pas compétente pour con-
naître d'une réclamation contre la Couronne du
chef de la province de la Colombie-Britannique et
que l'appel n'est donc pas fondé et doit être rejeté.
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